Quand
je porte sur l'autre un regard amoureux, je lui révèle sa nature
profonde, je le rappelle à son identité véritable. Comme il est dit dans
le chant d'Hakuin : " Tu erres parmi les mendiants sans te souvenir de
qui tu es. " Le regard de celui qui m'aime, ce regard qui voit en moi ce
que je suis dans ma profondeur me place dans ma royauté, me remet dans
la lumière originelle.
On dit souvent de
l'amour qu'il est aveugle, il est visionnaire. Il voit ce que les
autres ne voient pas. Il voit derrière les apparences, derrière toutes
ces protections que je me suis constituées pour protéger mon cœur.
Pendant toute la vie, je suis menacée de toutes parts, par mes
éducateurs, et tous ceux qui veulent m'imposer leurs vues. Je me protège
toute une vie durant. Mais le regard qui m'aime fait fondre toutes les
carapaces dans lesquelles je me suis cachée autrefois pour survivre.
Et pour finir, l'amour est là, bien sûr, pour nous révéler que " Dieu
n'est nulle part ailleurs que partout ", que dans chaque être qui me
rencontre sur cette terre, dans chaque regard qui me croise. L'amour est
là pour nous dire : dans chacun des êtres que je rencontre, je Te
rencontre. Cette expérience de l'amour et de la passion dans nos
existences, Maître Eckhart la décrit quand il fait dire à Dieu : " Il
n'y a pas de place pour deux en toi, je ne peux entrer que si tu sors.
". C'est ce que nous ressentons dans une passion quand nous sommes
évidés comme un tronc d'arbre par la foudre, quand il ne reste plus rien
en nous que ce vide béant et vibrant. La présence de l'autre. Cette
expérience absolue du sacré. Cette expérience mystique - puisque la
rencontre de l'homme et de la femme est de la même nature que la
rencontre de l'âme et de Dieu.
Christiane Singer, Du bon usage des crises
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