mardi 5 juillet 2011

De 2007 à 2011, l’évolution de la blogosphère politique

Par Guilhem Fouetillou, DG et cofondateur de linkfluence

Et si on vous permettait de voir le web ? Cela peut paraître bizarre mais ce territoire sur lequel nous passons tous de plus en plus de temps en naviguant de page en page, ne propose pas de carte qui nous permette de nous y repérer. A la place, nous l'arpentons laborieusement avec nos moteurs de recherche et nos listes d'adresses que nous gardons bien rangées dans nos signets.

Pourtant ce territoire, comme tout territoire, peut être cartographié. Imaginons une carte des liens et des contenus, d'un web "vu du dessus" qui laisserait apparaître les chemins d'une page à l'autre, d'un site à l'autre, qui nous permettrait de comprendre comment les acteurs par leurs publications se lient les uns les autres...

Cette carte du web, nous la construisons par morceaux depuis des années chez Linkfluence. Et nous nous sommes particulièrement intéressés à une région particulière : celle de l'arène politique militante qui se compose de centaines de sites d'hommes politiques, de partis, de militants, de sympathisants, d'observateurs engagés jouant le jeu médiatique de la notoriété, gloires locales, durables ou éphémères, tous participant de cet écosystème mouvant …

Pour inaugurer le projet "Politicosphere" avec Le Monde - qui nous permettra d'observer la présidentielle sur et vue du web d'ici à mai 2012 - nous avons décidé de commencer par publier trois cartes de Blogosphère politique, en remontant dans le temps jusqu'en 2007 au moment de la précédente présidentielle. Prendre ce recul historique, c’est montrer que si le web est l'espace de l'instantanéité, de l'immédiateté, il est aussi un lieu d'histoire qui garde trace de son passé.

NB : Ces cartes ne se lisent pas exactement comme des cartes traditionnelles, en cliquant sur l'icône "?" sur chacune vous avez accès à une explication détaillée de leur mode de construction.
4 éléments à retenir en résumé : les points sont des sites plus ou moins influents selon leur taille ; les arcs représentent des liens hypertextes reliant les sites entre eux ; les couleurs marquent l'appartenance politique et les sites ayant beaucoup de liens en commun sont proches, ceux qui en ont peu sont éloignés

En regardant ces cartes, on constate qu'après l'effervescence de la campagne de 2007 le web politique s'est contracté. Aujourd'hui, à l'approche de 2012, une nouvelle mobilisation se prépare déjà très visible du côté de l'extrême droite.

2007 : tous en ordre de bataille


Pour accéder à une version manipulable de la carte, il vous suffit de cliquer sur l'image.

2004 avait été aux Etats-Unis la première présidentielle du web. De véritables "phalanges" démocrates et républicaines s'étaient rencontrées sur le champ de bataille de la blogosphère pour livrer bataille et la domination en nombre des républicains fut, sur le web, aussi infime que celle qui permit à Georges W Bush de prendre la maison blanche ! 3 ans plus tard, on se préparait en France à se rendre aux urnes et ceci dans un pays où le taux de connexion à internet et d'accès au haut débit était un des plus importants d'Europe et du monde.

La carte de 2007 montre à quel point la présence sur le web fut un enjeu stratégique pour les partis politiques. En premier lieu pour le parti socialiste qui a vu sa présence exploser au moment de la course à l'investiture avec les multiples antennes locales de Désirs d'Avenir. Celles-ci sont venues dédoubler le maillage socialiste déjà existant assurant ainsi au parti une franche domination. On remarquera au nord ouest de la carte la communauté disjointe présentant les sites du parti radical.

Côté droite, deux blocs bien distincts, d'abord les libéraux autour du site alternative-liberale.fr, qui, à l'opposé de leur poids marginal dans le jeu politique, pesaient fortement sur la blogosphère politique en en faisant ainsi une rampe de lancement de leur stratégie de gain de visibilité. Puis l'UMP, jouant le jeu de l'unité pour 2007 bien que la carte montre clairement la séparation entre Sarkozystes et Villepinistes (situés dans le groupe d'une vingtaine de sites et blogs les plus au sud de la carte). Troisième force en présence, l'UDF avec 17,7% des sites, tous bien rassemblés autour du site udf.org mais lançant aussi d'importantes passerelles vers les sites de droite. Le restant de la carte se distribue entre les écologistes divisés et dispersés (verts, cap21 et génération écologie formant alors chacun une communauté), l'extrême gauche montrant une faible présence et enfin l'extrême droite plus petite force politique sur la carte.

Le web politique de 2007 se caractérise par son organisation compétitive et sa très forte polarisation. Chaque parti tente d'occuper le terrain et les stratégies de citation, de référencement mutuel, de réplication font flores au sein de chaque famille mais peu entre les familles ne facilitant ainsi pas la circulation et le débat. Celui-ci fut d'ailleurs orchestré par une multitude de sites d'analystes, de commentateurs, d'éditorialistes non militants qui ne sont pas présentés sur cette carte (on comptait parmi les plus centraux en 2007, le site netpolitique, le blog de Versac-Nicolas Vanbremeersch , ceux de Guy Birenbaum et Daniel Schneidermann ou encore le site de critique des médias Acrimed).

2009 : hors saison...

Deux ans plus tard, le web continue à croître et ceci à tous les niveaux, taux de pénétration, qualité des connexions, temps moyen passé, diversité des usages... Et pourtant la carte de la Blogosphère de 2009 propose 40 % de sites de moins passant de 1755 à 1059 ! Ceci est peut être contre-intuitif mais c'est une réalité, deux ans après l'élection de Nicolas Sarkozy, le web politique est retourné à un rythme en apparence plus routinier, les militants engagés uniquement autour de l'échéance présidentielle ayant disparu.

Seuls restent les plus investis, ceux privilégiant le débat politique, l'échange, la contradiction et à ce jeu même si c'est toujours le parti socialiste qui renforce sa domination sur cette carte, c'est l'arrivée du Modem qui est à retenir dans la carte de 2009. Le mouvement démocrate présente une intensité d'interactions, d'échanges importante au regard de sa taille, il réalise ensuite un mouvement de décalage se démarquant clairement de l'UMP et augmentant l'intensité de ses échanges avec les sites de gauche ; enfin il écrase en présence, visibilité et activité les quelques sites rescapés du nouveau centre difficilement situés entre l'imposante UMP et le critique Modem.

La droite présente toujours une triple partition libéraux, sarkozystes, villepinistes, l'écologie reste dispersée. L'extrême droite croît sensiblement : mais on y remarque surtout le site Fdsouche, au sommet de cette communauté, devenu premier site d'extrême droite de la carte.

2011 : un nouveau front

2 ans plus tard encore, la blogosphère politique fait toujours à peu près la même taille. Il faut dire que le blog n'est plus le seul moyen d'expression des militants politiques. Facebook depuis la campagne de Obama en 2008 est devenu le lieu de mobilisation des foules, l'endroit où l'on invite chacun à "liker" ou marquer son soutien d'un commentaire expéditif. Twitter permet aux veilleurs attentifs de partager le fruit de leurs trouvailles sans avoir à maintenir un blog.

Les blogs eux se spécialisent comme un lieu d'expertise pour influenceurs produisant du contenu avec attention et régularité. Ils en deviennent d'ailleurs d'autant plus intéressants à observer comme lieu de fabrique de l'opinion prolongeant l'espace médiatique traditionnel.

En 2011 donc, la blogosphère politique présente les mêmes caractéristiques qu'en 2009 à une exception près : la croissance de l'extrême droite. En deux ans, elle a quasiment doublé son espace d'influence faisant reculer la totalité des autres couleurs politiques (à l'exception de l'écologie en légère progression !). Elle se présente aujourd'hui comme une zone incontournable du web politique en France proposant sa propre (re)lecture de l'actualité avec ses sites stars (fdsouche, le salon beige...) , ses propres "agences de presse" (novopress) et évidemment ses sites de partis (front national et front national jeune). C'est d'ailleurs à cette galaxie que Le Monde et Le Monde.fr consacrent ce lundi 4 juillet un dossier s'appuyant sur la carte que nous commentons ici et annonçant le partenariat Politicosphere entre Linkfluence et le journal.

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