dimanche 9 mars 2014

A quoi ressemble la vision du monde de Poutine?


- Attention - 
Vasily Maximov
Le New York Times rapporte que la chancelière allemande Angela Merkel aurait confié lors d’une conversation téléphonique avec Barack Obama, le président américain, qu’après avoir parlé avec le président russe vladimir Poutine, elle jugeait qu’il était « dans un autre monde ». Ce point de vue est conforme à ce que de nombreux experts et gens ordinaires craignent dans le monde: que Poutine est devenu fou.
« Poutine a décidé qu'il est un grand homme qui va changer l'histoire. (…) Dans la littérature psychiatrique, ce phénomène est appelé le Complexe de César. Lorsqu’une personne peut agir sans limites, elle finit par ne plus se sentir responsable de ce qu'elle fait ».
Mais il ne faut pas se méprendre, avertit Leonid Bershidsky de Bloomberg : même si l'idée d'une guerre entre la Russie et l'Ukraine en 2014 semble insensée, cela ne signifie pas que Poutine se comporte comme un dictateur devenu fou. Il n’a pas bombardé Kiev ou envoyé des troupes à Donetsk, au lieu de cela, il négocie pendant des heures avec d'autres dirigeants du monde, et il se montre même prêt à faire des compromis.
Cependant, Bershidsky estime que Merkel a bien raison de dire que Poutine est dans « un autre monde ». Mais ce monde n’a pas grand-chose à voir avec ce qu’insinuait la chancelière, c’est le monde des médias et des philosophes nationalistes à l’œuvre en Russie. En d'autres termes, « Poutine croit apparemment à sa propre propagande », écrit Bershidsky. Ce point de vue est également celui de l'économiste russe Konstantin Sonin, qui affirme que « les graves erreurs de politique deviennent inévitables lorsqu’elles sont basées sur les exagérations et même les informations fausses destinées « à l’usage externe ».
Dimanche dernier, la plus populaire émission d’analyse de l’actualité russe, Vesti Nedeli, a dépeint le gouvernement ukrainien comme illégitime, soutenu par les Etats-Unis et dangereux pour les Russes. Selon l’émission, les populations du sud-est de l’Ukraine s’opposaient à ce régime « cruel, insolent et cynique » et ils souhaitaient l’aide de la Russie. Et bien sûr, elle s’est abstenue de montrer la manifestation de dimanche devant l’ambassade de Russie à Kiev, ni les participants qui scandaient « Je suis Russe, je me sens bien en Ukraine. Poutine, je n’ai pas besoin de ton aide ».
Ce genre de propagande fonctionne bien, comme le montrent les sondages. 29% de la population russe décrit ainsi les évènements en Ukraine comme une « anarchie sans foi ni loi», 27% ​​comme une «guerre civile» et 25% comme un «coup d'Etat ».
Presque tous les médias sont sous l'emprise de Poutine et il semble certain que même le président lui-même prend cette version des faits comme étant la vérité. Ainsi, lorsqu’il est au téléphone avec d’autres chefs d’Etat, il soutient les compte-rendu de la situation donnés par les médias russes, comme si ses interlocuteurs n’avaient eux-mêmes pas d’autres sources d’informations. Il n’est donc pas si surprenant que Merkel ait été abasourdie lors de sa conversation avec lui: elle s'attendait à ce qu’il ait une vision plus nuancée des évènements.
Donc Poutine vit en effet dans un autre monde que les Occidentaux, mais il n'est pas fou. Pour lui, il s'agit d'une lutte existentielle entre la civilisation russe et le monde occidental. Le respect des lois internationales et les sanctions économiques potentielles n’entrent guère en ligne de compte lorsqu’il en va, selon lui, de l'honneur de la Russie.
Ironiquement, ce ne sont pas les convictions bien ancrées de Poutine qui lui assureront la victoire une nouvelle fois, mais plutôt le désengagement de l'Occident plus réaliste, qui n’est sans doute pas prêt à une nouvelle escalade du conflit (si tant est que les ambitions territoriales de la Russie se limitent à la Crimée majoritairement russe).

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