dimanche 9 mars 2014

Martin Bouygues : « Nous sommes prêts à des contreparties »

Martin Bouygues revient dans une interview pour « Les Echos » sur les raisons de l’offre déposée pour le rachat de SFR. Pour le patron du groupe, ses engagements sont « clairs » : « Nous ne ferons pas de plan de licenciement ; nous ne ferons pas de plan de départs volontaires. »

Martin Bouygues - ROMUALD MEIGNEUX/SIPA
Martin Bouygues - ROMUALD MEIGNEUX/SIPA
Pourquoi réaliser une telle opération ?
Je suis un industriel, un bâtisseur. Ce qui m’a toujours animé, mon moteur, c’est de bâtir des choses concrètes avec mes collaborateurs. C’est évidemment le cas dans le BTP. Cela vaut aussi dans les médias avec TF1, dont nous avons fait une chaîne privée qui fait figure d’exemple en Europe. Cela vaut encore dans les télécoms, un secteur dans lequel nous sommes présents depuis vingt-cinq ans. L’arrivée de Free a profondément déstabilisé le secteur. Je suis favorable à la concurrence. Elle est bénéfique sauf quand elle est faussée et qu’elle détruit un marché, des emplois. Et nous n’en sommes plus très loin.
En quoi une opération qui aurait été impossible il y a un an vous paraît-elle aujourd’hui envisageable ?
En un an, le marché a continué à se dégrader profondément, l’emploi a été touché et les esprits ont évolué en France comme dans toute l’Europe.
Avez-vous pensé un temps sortir de cette activité ?
Non, car, encore une fois, je suis un industriel. Il y a 9.000 personnes qui travaillent pour Bouygues Telecom. J’ai un devoir de loyauté à leur égard. Je ne suis pas là pour tirer les marrons du feu, je suis là pour partager la peine et les douleurs de mes salariés quand ça va mal. Et quand une situation devient difficile, c’est mon devoir de trouver des solutions… et j’y crois.
Quand avez-vous pris la décision de déposer une offre ?
Il y a trois à quatre semaines, lorsque la volonté de Vivendi de se séparer de cette activité a été confirmée. Et parce que nous sommes aujourd’hui convaincus que l’autorité de la Concurrence, qui aura à se prononcer, peut à la fois autoriser cette opération et grâce à elle recréer une concurrence par les infrastructures normales sur le marché français. Evidemment en imposant des contreparties. Nous le comprenons.
Une fusion avec Free-Iliad était aussi théoriquement possible. L’avez-vous envisagée ?
Oui, elle l’était, mais, non, nous ne l’avons pas envisagée. Nous avons déjà un partenariat avec les équipes de SFR. Nous avons appris à nous connaître et nous partageons une vision commune sur la manière de faire notre métier. Je veux d’ailleurs faire des salariés de SFR des actionnaires du groupe Bouygues, s’ils le souhaitent. Un quart de notre capital est détenu par nos salariés. C’est un cas unique dans le CAC 40.
La marque Bouygues Telecom perdurera-t-elle ?
Ce n’est pas le plus important à mes yeux. Nous choisirons parmi les marques celles qui seront évaluées comme les plus fortes. L’important, c’est l’efficacité et la performance auprès des clients.
N’y a-t-il pas un paradoxe à annoncer beaucoup de synergies de coûts tout en promettant zéro départ contraint ?
Non. Avec les investissements que nous souhaitons réaliser, nous avons l’opportunité de redynamiser l’emploi et de réinternaliser tout ou partie de certaines activités, comme les centres d’appels. Quant aux boutiques, nous aurons un volume de clientèle plus important à gérer. Nous aurons besoin de plus de commerciaux pour suivre tous nos clients actuels et futurs. Les coûts de personnel ne sont pas tels qu’ils soient discriminants. Nous souhaitons réorganiser l’entreprise sans départs contraints, ainsi que je l’ai déjà indiqué. Je prends des engagements clairs : nous ne ferons pas de plan de licenciement ; nous ne ferons pas de plan de départs volontaires. Si nécessaire, nous redéploierons certains collaborateurs dans les autres activités du groupe, particulièrement dans les fonctions support. Je n’ai qu’une parole.
La fusion ne risque-t-elle pas de conduire à une hausse des prix ?
Non. Le marché français est l’un des plus concurrentiels d’Europe. L’Autorité de la concurrence veillera à ce qu’il le reste. On peut imaginer qu’elle demandera des contreparties permettant à Free ainsi qu’aux MVNO de continuer à animer la concurrence sur le marché. Ce que nous ferons aussi.
L’opération vous permettra-t-elle d’investir moins qu’aujourd’hui ?
Au contraire : la logique est de dégager des synergies fortes pour pouvoir investir dans la 4G et dans la fibre optique. Nous pensons, comme d’ailleurs le gouvernement, que la technologie très haut débit fixe qui doit être encouragée est celle de la « fibre jusqu’à l’abonné » (FTTH), bien plus performante que le câble. Nous prenons l’engagement d’investir 400 millions d’euros par an dans cette technologie, soit deux fois plus qu’avant. Cet effort sans précédent, ajouté à celui d’ores et déjà consenti par Orange, permettra à la France d’atteindre les objectifs ambitieux assignés par le président de la République au plan France très haut débit.
La prochaine décision de la Commission européenne sur un passage de l’Allemagne de quatre à trois opérateurs pourrait-elle remettre en question le projet ?
Non, notre opération est de la compétence de l’Autorité française de la concurrence. Ses caractéristiques sont différentes de cette opération allemande, laquelle n’est d’ailleurs pas terminée. Mais, ce qui est clair, c’est que de l’Autriche à l’Irlande, plusieurs pays ont fait le choix de repasser de quatre à trois opérateurs mobiles ou ils envisagent de le faire. Le mouvement de consolidation concerne tous les pays européens.
Vos relations houleuses dans le passé avec Vincent Bolloré, actionnaire de Vivendi, peuvent-elles avoir une incidence sur l’issue de l’opération ?
Nos différends avec Vincent Bolloré sont levés depuis longtemps. Notre projet a un intérêt industriel et capitalistique. La logique de ce projet veut que nous travaillions main dans la main avec Vivendi.

Lire aussi :
Pourquoi Bouygues veut s’offrir SFR , l’analyse de David Barroux
Free pourrait tirer parti d’un mariage entre SFR et Bouygues
Télécoms : n’oubliez pas les clients, SVP ! , le billet de Dominique Seux
et Le gouvernement s’implique dans le dossier SFR

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.