dimanche 26 juillet 2015

La chance

La chance : une Compétence qui se travaille et s entretient ?


Je ne sais pas vous mais pour moi la chance était un concept étrange et mal défini
Beaucoup de réussites ou d échecs étaient portés au débit ou au crédit de la chance .
Facilement je pensais que la chance était juste liée à la quantité de travail
Et puis il y a quelques temps j ai découvert une vidéo postée il y a 5 ans par philippe Gabilliet , professeur de psychologie à l Escp Europe.
Et sa thèse ou conviction développée pour ses étudiants de MBA est que la chance est une Compétence qui se travaille et se développe .
Et j adore sa formule coluchienne  » la chance c est la capacité de gagner des concours de circonstance  »
Une vidéo de 9 minutes absolument passionnante et rafraîchissante ( j envie les élèves de M. Gabilliet )



La chance existe-t-elle ?

Quand bien même elle ne serait qu'une manière d'interpréter le hasard ou de poser un regard optimiste sur le monde, croire en elle nous est nécessaire. Pour avoir foi en l'existence d'abord. Mais aussi pour œuvrer à notre bonne fortune.
Laurence Lemoine

« Il existe partout et toujours, de façon inconsciente, une disposition à vivre un miracle », écrivait Carl Gustav Jung. Et, de fait, les belles histoires existent, tellement inattendues, improbables, extraordinaires qu’elles semblent avoir été ourdies par le destin. « Mon grand-père attendait devant le cinéma une jeune femme qui n’est jamais apparue, raconte Marie- France. De son côté, ma grand-mère attendait un homme qui ne venait pas non plus. Ils se sont vus. Ça a été le coup de foudre. » « J’ai quitté un compagnon à l’étranger en prétendant que telle entreprise, en France, voulait me recruter, confie Carole. Je ne sais pas ce qui m’a pris, c’était pur mensonge, je n’y avais jamais pensé. Le lendemain, une amie m’appelle de Paris pour me dire qu’elle avait transmis mon CV à une amie à elle, DRH dans cette même entreprise. J’y travaille maintenant depuis dix ans. » Claude Jaffiol, professeur de médecine, aurait dû, avec son épouse, être à bord du vol Rio-Paris qui s’est abîmé en mer en juin 2009. Malgré son insistance et les efforts de l’hôtesse, il n’a pas pu trouver de places. « La providence nous a protégés », a-t-il déclaré à la presse.
La chance existe-t-elle ou n’est-elle qu’une interprétation de la réalité, lorsque celle-ci dépasse l’entendement, déborde l’émotion ? Car, après tout, Claude Jaffiol n’a jamais été inscrit sur ce vol. En a-t-il donc vraiment réchappé ? La chance (du latin cadere, « choir, tomber ») relève-t- elle du hasard (az-zahr, « jeu de dés » en arabe) ou de la fatalité ( fatum, le « destin » latin) ? Est-elle une expérience purement aléatoire – un heureux accident –, ou la manifestation d’un dessein surnaturel, celui de la déesse Fortuna, ou encore l’unus mundus jungien (Unus mundusou « monde un », où s’unifient l’esprit et la matière) ? Et surtout : pourquoi avons-nous besoin d’y croire ?

Expliquer l'inexplicable

Pour aller plus loin
Comment provoquer sa chance ? Arnaud de Saint-Simon, directeur de Psychologies, et Elsa Godart, psychanalyste et philosophe, étaient les invités d'Helena Morna dans Les Experts Europe 1 pour en débattre. Ecoutez ou réécoutez l'émission sur ce sujet sur le site d'Europe 1.
« Nous avons du mal à accepter les coïncidences, reconnaît Dominique Desjeux, professeur d’anthropologie sociale et culturelle à l’université Paris-Descartes. Nous supportons mal une explication par le hasard. Nous préférons la nécessité : chercher le destin, la conspiration, le complot, l’intention, bonne ou mauvaise. » Pourquoi le hasard est-il si difficile à admettre ? Car ce serait « accepter que tout ne soit pas explicable, accepter une certaine dose d’incertitude, de non-maîtrise, donc d’angoisse », répond-il. Pour limiter celle-ci, il nous faut par conséquent transformer le hasard en destin, donner un sens à l’inexpliqué. Croire en sa bonne étoile est nettement plus rassurant que de vivre dans un monde où tout – le meilleur et, surtout, le pire – peut survenir sans raison. « Les croyances ne nous sont pas seulement nécessaires pour survivre, mais tout simplement pour commencer à vivre », écrit Marie- Laure Grivet, psychanalyste. Lorsque le bébé est affamé et que sa mère arrive pour le nourrir, observe- t-elle, il croit avoir créé cette mère nourricière : « Il le croit, et il doit le croire pour sentir non seulement qu’il est puissant, mais que sa puissance est bonne puisqu’elle est récompensée. » Cette illusion joue un rôle dans sa construction psychique : elle lui permet d’acquérir le sens de son unité, de sa permanence, de se sentir vivant. Bon nombre de nos convictions ont cette même fonction : soutenir notre confiance en nous et en la vie. Arrive un moment où il faut abandonner certaines croyances pour s’inscrire dans une appréciation lucide de la réalité, poursuit, en substance, Marie-Laure Grivet. Et cependant, devant l’insondable mystère de notre condition humaine, nous ne cessons d’avoir besoin de croire au miracle, comme le disait Jung, pour nourrir notre désir de vivre.

Mais pourquoi certains s’estiment-ils plus chanceux que d’autres ? La psychanalyse nous apprend l’influence de notre histoire personnelle dans les représentations que nous avons de nous-mêmes et de notre existence. Celles-ci ont peu à voir avec la réalité des faits, et davantage avec le socle d’estime de soi et l’optimisme de chacun. On peut ainsi n’avoir pas été épargné par le sort mais s’estimer chanceux. La psychologie cognitive explique ces différences subjectives au moyen de la « théorie de l’attribution » développée par Bernard Weiner, psychologue américain spécialiste de la motivation. Selon que nous attribuons nos réussites à des causes internes (j’ai beaucoup travaillé) ou à des causes externes (on m’a beaucoup aidé), nous sommes plus ou moins portés à la responsabilisation et à la toute-puissance (surestimer sa propre responsabilité), ou à la passivité et à la superstition (surestimer le hasard, jusqu’à lui prêter des intentions). Chacun de nous recourt, pour justifier ce qui se produit, à des causalités multiples qui rendent les événements plus ou moins maîtrisables.
Ce que Jung nommait la « synchronicité » nous aiderait également à trouver notre voie. Le philosophe Michel Cazenave la définit comme « deux événements que rien ne relie selon la causalité classique et qui, pourtant, en survenant simultanément, créent du sens pour la personne qui en est le sujet ». Une anecdote bien connue raconte que, au moment précis où une patiente de Jung, particulièrement résistante au travail de l’analyse, rapportait un rêve dans lequel on lui avait fait cadeau d’un scarabée doré, un insecte se cogna, dans la réalité, à la fenêtre du cabinet. C’était un scarabée. Sans prétendre à un message envoyé par l’univers, Jung souligna la puissance symbolique de cette coïncidence, qui provoqua une forte émotion chez sa patiente et permit en elle des transformations profondes. « Il est fascinant d’observer comment les gens franchissent les portes de notre existence, comment les livres trouvent leur chemin jusqu’à nous à des moments déterminants », note le psychologue québécois Jean- François Vézina dans Les Hasards nécessaires. Certaines coïncidences viennent ainsi faire sens pour la psyché, dans la double acception de « signification » et d’« orientation ». « Elles semblent répondre à un but de l’inconscient sans que celui-ci ait pu le provoquer », ajoute Michel Cazenave. Et poussent le sujet à reconsidérer ses choix. La chance n’est donc pas seulement le fruit du hasard. Elle résulte surtout de la manière dont nous transformons le fortuit en opportunité.

Distinguer ce qui dépend de nous

En consultation, Elsa Godart aime s’appuyer sur l’apport des philosophes stoïciens et de ce qu’ils appelaient la « thérapie du jugement ». « Nous devons apprendre à distinguer ce qui dépend de nous et sur quoi nous avons l’obligation d’agir, et ce qui n’est pas de notre ressort, que nous devons accepter comme tel, expose-t-elle. Qu’un malheur survienne, nous ne pouvons l’empêcher. Mais il nous appartient de décider si notre existence s’arrête là ou si nous pouvons en faire une expérience constructive. » La chance, dit l’adage, sourit aux audacieux. Les Grecs nommaient kairos le « temps de l’occasion opportune », ce point d’inflexion qui, selon notre réaction, peut donner lieu à une bascule décisive. Cette notion articule ainsi la dimension du temps et celle de l’action : soit nous saisissons l’opportunité et oeuvrons à notre bonne fortune, soit nous ne la voyons pas et il ne se passe rien.
Dans le même esprit, la notion de « sérendipité », conçue par le romancier britannique Horace Walpole au XVIIIe siècle, qualifie ces erreurs susceptibles d’engendrer de grandes trouvailles, selon la sagacité du chercheur. Ainsi, c’est parce qu’il s’égare de plusieurs milliers de kilomètres que Christophe Colomb trouve l’Amérique, parce qu’elle met sa tarte à l’envers dans le four qu’une des soeurs Tatin invente une succulente pâtisserie, parce qu’un échantillon oublié dans son laboratoire s’est couvert de moisissures que Fleming découvre la pénicilline. Tout cela serait-il arrivé si chacun d’eux avait voulu corriger son erreur plutôt que d’essayer de voir le positif dans le négatif ? « La chance, c’est aussi un regard sur le monde, affirme la philosophe Elsa Godart. Nous contribuons à la faire advenir en cultivant notre capacité d’émerveillement.

3 questions à Elsa Godart

Si toucher du bois rassure, où est le mal ?
Elsa Godart est psychanalyste et philosphe 
Quelle est la fonction des superstitions ? 
C'est un mécanisme de défense devant l'incertitude. Lorsque Mathilde, l'héroïne d'Un long dimanche de fiançailles, répète ses incantations «  Si j'arrive au virage avant la voiture, Manech reviendra vivant », elle espère en une possibilité de maîtriser le hasard, d'empêcher le pire d'arriver. Et pourquoi pas ? Si toucher du bois rassure, où est le mal ? Ce qui est plus ennuyeux, c'est lorsque les rituels conjuratoires deviennent contraignants, confinant à la névrose obsessionnelle.
Certaines superstitions ne sont pas complètement absurdes...
 Beaucoup d'entre elles reposent même sur un fond de vérité : passer sous une échelle peut en effet être dangereux. Elles ont donc une réelle fonction protectrice. Mais surtout, il y a des croyances qui nous tiennent, qui fondent notre identité. S'attacher à certaines superstitions peut être une manière de rendre hommage à sa culture.
Mais pourquoi se complaire dans l'irrationnel ? 
Je me méfie bien davantage de la rationalité à tout prix. Croire que l'on peut tout expliquer, tout maîtriser par la technique et la science est une illusion qui rend plus malheureux encore. Laisser sa place à l'imprévu, à l'improbable, à la chance est bien plus enchanteur.

Décryptage : La malchance, un symptôme ?

Signe que notre vie ne va pas dans la bonne direction ou prophétie autoréalisatrice, la déveine se combat.
« Je n'ai pas de bol », « Je n'ai jamais de chance... » Les psys décèlent, dans les propos de nombreux patients, cette conviction d'être maudits, voués au malheur et à la déveine. Certains d'entre eux, en effet, enchaînent les coups du sort dans une série invraisemblable : maltraitance, trahison, panne électrique, catastrophe naturelle, maladie grave, cambriolage... «  Or, rien n'est plus auto-prédictif que de croire à notre malchance, analyse Elsa Godart, psychanalyste et philosophe. Car, alors, nous nous entourons des mauvaises personnes, nous prenons les mauvaises décisions, nous nous exposons à des risques inutiles, nous ne prenons pas assez soin de nous, comme si nous avions admis, une fois pour toutes, ne pas mériter mieux. »
Cette relation pathologique à la chance, fondée sur une mauvaise image de soi, fait le lit de la superstition - on croit au mauvais œil, on s'en remet à des grigris ou à des nombres fétiches, on consulte les augures (voyance, numérologie...). Et des conduites ordaliques : convaincu d'être réprouvé, on tente de valider son existence par des comportements à risques (jeu excessif, saut de la mort, roulette russe, rapports non protégés...) dans l'espoir de gagner, enfin, les faveurs divines. La thérapie permet alors, sans magie aucune, de conjurer la malchance « en réparant l'estime de soi, en prenant la mesure de l'importance des croyances qui nous gouvernent, en restaurant la volonté d'agir de manière constructive plutôt qu'en suivant ses pentes habituelles... » décrit Elsa Godart. Qui ajoute croire beaucoup aux signes. « Se heurter à autant de murs doit nous signaler que nous ne sommes pas sur le bon chemin », suggère-t-elle.
« En grec ancien, le terme sumptôma désigne la coïncidence, ce qui arrive avec, commente Michel Cazenave, philosophe et poète. La malchance répétitive, en tant que symptôme, n'est-elle pas une occasion qui nous est offerte de travailler quelque chose de notre problématique pour avancer sur notre chemin ? » Pour lui, elle est une manifestation de ce que Carl Gustav Jung appelait l'ombre, c'est-à-dire à la fois le refoulé freudien et ce à quoi nous étions appelés dans la vie, et que nous n'avons pas assumé. En d'autres termes, la malchance nous signale que notre existence n'est pas en conformité avec les desseins de l'univers. La pensée jungienne postule en effet un continuum entre l'inconscient individuel et l'inconscient collectif. « Nous échouons lorsque notre ego poursuit des buts qui ne correspondent pas aux besoins de la société », estime Michel Cazenave.
Comment se remettre sur une voie chanceuse ? Sa réponse : « Il n'y a pas de solution, pas de volontarisme possible. Il y a simplement à traverser cet état de malaise qui, si nous ne fuyons pas, si nous acceptons de nous confronter à l'inconscient, nous permet d'accéder à notre nature profonde. C'est ce que Jung appelait le processus d'individuation. «  Rien à faire, donc, si ce n'est accepter la dimension initiatique de l'adversité. » La chance, prédit-il, viendra de surcroît. 




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