Ils sont venus du Pays basque, du Tarn, de l’Aveyron, de Bretagne ou encore de Basse-Normandie, et pour certains de Martinique et de Guadeloupe. Ils «ont bravé la pluie», souligne un participant, et se sont embarqués dans des cars à 1 heure du matin, pour se retrouver, dès 10h30, au Working Time Festival, l’événement organisé, vendredi, par la CFDT, à Paris, près du bois de Vincennes, pour fêter le travail. Preuve, pour les organisateurs, de la motivation des jeunes autour du syndicalisme. Et ce, même s’ils n’étaient que 2 000 inscrits, là où ils en attendaient 5 000. Au programme : table ronde sur «L’Europe au service des citoyens ?», ateliers et stands sur les revendications, le dialogue social, l’égalité professionnelle ou encore le compte personnel de formation, mais aussi des «spots» sieste, lecture et massage. Sans oublier trois concerts pour clôturer la soirée.
Parmi ces «moins de 36 ans» - âge maximal pour participer au festival -, quelques simples curieux font le tour des stands d’information. Comme Simon, étudiant de 23 ans, venu surtout parce que «ses parents sont à la CFDT depuis des années». Le jeune homme trouve l’ambiance du festival «plus accueillante» que celle du traditionnel défilé du 1er mai, jugé «un peu dépassé». Mais il avoue mieux connaître Ben l’oncle Soul, l’un des trois artistes qui assurent les concerts du soir, que le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, dont le nom lui est inconnu. «Ce qui compte c’est qu’il connaisse la CFDT et les solutions modernes qu’elle propose, réplique Laurent Berger, car c’est avec eux, les jeunes, qu’il faut construire le progrès social». Si l’événement, décidé lors du congrès de Marseille, en juin 2014, a pour but de «montrer que la CFDT assume son syndicalisme ouvert et essaye de changer les choses», selon Berger, il vise aussi à séduire les jeunes. Car, pour l’heure, ils ne sont que 66 000 à adhérer à la CFDT, soit moins de 10% de l’effectif total. «Nous sommes là pour leur dire d’oser, que le syndicalisme c’est aussi leur affaire», affirme le patron de la centrale.
Julie, 25 ans, dont le contrat d’apprentissage vient tout juste de se terminer dans de mauvaises conditions, l’a bien compris. Fatiguée de travailler 60 heures par semaine, 5 jours sur 7, sans congés, elle s’est rapprochée du syndicalisme pour faire respecter ses droits. Mais elle non plus n’a pas choisi la CFDT par hasard, puisque sa mère est secrétaire fédérale de la branche santé du syndicat. «Il faut être capable de faire autre chose que défiler, note la maman. La CFDT est un syndicat qui évolue tout le temps, qui sait s’adapter aux nouvelles situations». Après près de vingt ans de syndicalisme, la CFDT reste «un syndicat qui [lui] ressemble, dans lequel elle [se] reconnaît toujours». Et ce même si, parfois la centrale prend des «décisions pas simples, difficiles à assumer».

Un discours bien rodé

Même discours de Samir, la trentaine, adhérent et militant de la section syndicale de Grenoble, qui veut «sortir de l’image du syndicaliste assez âgé qui brûle des palettes dans la rue». Avec ses collègues, salariés du secteur bancaire, il plaide pour une «CFDT qui se démarque et qui casse les traditions», sans faire table rase du passé. «C’est aussi une question d’échanges et de renouvellement générationnel. Les anciens ont construit la CFDT, il faut partager leurs connaissances et leurs expériences, d’autant plus que beaucoup vont bientôt partir à la retraite», ajoute Maude, sa voisine. «Dialogue», «construction», «solidarité», «partage», «échange», le discours est déjà bien rodé chez ces jeunes syndiqués, tous convertis au réformisme. «Tout ne se passe pas dans la rue, poursuit Maude. La logique du tout ou rien c’est dangereux, et souvent cela ne mène à rien Il y a une autre voie, celle du dialogue», poursuit Maude. «Manifester n’apporte pas forcément grand-chose», abonde Fanny, 23 ans, nouvelle recrue, enseignante de l’Education nationale qui a choisi le Syndicat général de l’Éducation nationale-CFD, «le seul syndicat vraiment capable de réformer le système éducatif, les autres n’étant que dans la critique».
Reste que le message réformiste du siège n’est pas toujours facile à faire passer sur le terrain. «Les salariés sont un peu dépassés par le discours de la confédération générale. Ils écoutent surtout leurs élus dans l’entreprise, car ce qui compte pour eux, c’est d’abord le pouvoir d’achat et les conditions de travail», reconnaît un élu du personnel CFDT. «On est dans notre bulle locale, estime un autre syndiqué. On adhère aux grandes lignes des valeurs de la CFDT, mais cela ne nous empêche pas de prendre du recul». Cette tradition de la «nuance» décontenance parfois sur le terrain, avoue un représentant de la fédération Bretagne et Pays de la Loire, au stand Europe où les participants se promènent entre quiz sur le syndicalisme européen, espace sieste et batailles de coussins orange : «Ce n’est pas toujours simple à expliquer que dans un projet de loi des choses nous plaisent et d’autres non».
Une stratégie de «démarcation» qui prend tout son sens avec ce festival, alors que les autres syndicats - la CGT, la Fédération syndicale unitaire, Solidaires et l’Union nationale des syndicats autonomes (Unsa) - défilent ensemble et appelle à «l’unité syndicale». «L’idée n’est pas de se positionner par rapport aux autres syndicats mais par rapport aux valeurs de la CFDT et aux salariés», nuance Berger, qui n’exclut pas que la CFDT retourne dans la rue lors des prochains défilés du 1er mai. «Je ne suis pas sûr qu’on ait plus de problèmes d’unité syndicale que par le passé. C’est vrai qu’il y a deux fronts qui s’opposent, les contestataires et les réformistes, du coup, c’est compliqué de défiler ensemble, même si cela nous arrive, lorsque c’est nécessaire», tranche pour sa part Guillaume, un cédétiste de 29 ans, venu de Rennes. A la CFDT depuis 2011, il estime que la «crise interne de la CGT et certains positions trop tranchées, n’ont pas arrangé les relations. Même si cela fait un moment déjà que le 1er mai n’attire plus les foules».