lundi 13 mai 2013

Dans le cerveau de Google

Eric Schmidt, le patron de Google, et Jared Cohen, le directeur de Google Ideas, nous promettent dans leur livre commun, The New Digital Age, un meilleur des mondes numérique. Le problème, c'est Google qui parle... avec une grande naïveté, une ambition commerciale insatiable et une tendance à prendre les désirs pour la réalité.

Google Logo in Building43 Robert Scoble via Flickr CC License by - Google Logo in Building43 Robert Scoble via Flickr CC License by -

u cœur de tout projet de livre, il y a un contrat avec le lecteur. Fiction, ou nonfiction, biographie ou autobiographie. Le lecteur est en droit de connaître le statut de l’ouvrage qu’il lit. Il veut savoir si les faits sont réels ou inventés. Si l’auteur est indépendant des pouvoirs politiques ou économiques. S’il est journaliste, chercheur, entrepreneur. Quelle est sa légitimité à écrire, s’il en a une. Il se demande s’il y a un risque de mélange des genres ou de conflit d’intérêts – et il est bon dans ce cas-là d’être transparent et de rendre publics ces liens sous la forme de «disclaimer».
The New Digital Age, que viennent de publier Eric Schmidt et Jared Cohen (Knopf), est un ouvrage hybride qui est à la fois passionnant et problématique. Le statut du livre est singulier, le projet plus encore. Mais sa lecture est presque toujours stimulante et substantielle.

Schmidt est le patron de Google, son «executive chairman». Jared Cohen est son employé, comme directeur de Google Ideas. Moins connu, ce jeune prodige made in USA a été un précurseur de la compréhension des révolutions arabes (on lui doit un intéressant Children of Jihad qui annonçait avant l’heure, à partir d’un long voyage sur le terrain, la naissance d’une société civile au Moyen Orient et, bientôt, la rébellion numérique des jeunes en terre musulmane). Cohen a été recruté ensuite par le Département d’Etat où il a imaginé pour George W. Bush et Condoleezza Rice, puis pour Obama et Hillary Clinton, la diplomatie américaine 2.0: il n’avait pas 25 ans! Tout cela ne peut échapper au lecteur et figure, bien visible, sur la jaquette de l’ouvrage. Mais la transparence s’arrête là.

Le meilleur des mondes, selon Google

En sept chapitres et 262 pages, The New Digital Age dresse un portrait fascinant du monde dans lequel nous entrons. A ceux qui se demandent si nous sommes au début, au milieu ou à la fin de la révolution numérique, Schmidt et Cohen répondent, catégoriques: «Nous venons tout juste de quitter les starting blocks».  Et le voyage, à peine commencé, est déjà époustouflant.
L’idée de progrès – ce grand ressort de l’espérance humaine et de la gauche depuis le XIXème siècle – est de retour. Des plus vastes utopies de la biologie aux rêves les plus fous des urbanistes, de la voiture sans chauffeur imminente») aux taxis et poids-lourds auto-guidés, des logiciels de reconnaissance faciale aux lunettes avec la réalité augmentée (Project Glass), en passant par les montres-ordinateurs, l’intelligence artificielle, les projections holographiques, les imprimantes 3D (celles qui fabriqueront des objets réels) et l’Internet des objets, le nouveau monde que décrivent Schmidt et Cohen est déjà prêt, à l’état de prototype. Il n’attend plus que nous, usagers technophiles, pour se déployer. Les lunettes Google, c’est maintenant.
Pour nourrir leur imaginaire, les auteurs reprennent à leur compte les deux lois qui semblent guider toutes les projections du futur. La loi de Moore selon laquelle la vitesse et la capacité des microprocesseurs double tous les 18 mois (version apocryphe, en fait, de la conjecture de Moore, mais peu importe); et une loi photonique qui veut que la vitesse de circulation de l’information dans les fibres optiques double également tous les 9 mois. A ce rythme là, et même si ces lois rencontrent leur limite physique ou économique, le livre de Schmidt et Cohen est placé sous la promesse d’une croissance exponentielle et sans fin du numérique. «Toutes les 48 heures, nous créons en ligne autant de contenus que ce que nous avons créé de la naissance de l’humanité jusqu’en 2003»! Et en 2025, nos ordinateurs seront 64 fois plus rapides que ceux de 2013 ! Nous ne sommes encore qu’au début de la révolution digitale. 
Au-delà de ces lois économiques, les auteurs de The New Digital Age s’appuient sans nul doute – faisons leur ce crédit – sur toute la recherche, la prospective, les expérimentations de Google. Ils le disent peu, mais il est clair tout au long du livre qu’ils en savent davantage que ce qu’ils écrivent. Car ils n’analysent pas seulement le monde qui vient: ils le font. C’est l’intérêt premier du livre – et sa nature très perverse.
Alors, que voient-ils? Où va-t-on? On rêvait d’une boule de cristal, d’une diseuse de bonne aventure. Nous avons Google. Et le résultat est ici plus spectaculaire et sans doute plus scientifique.
 

«The rise of global connectivity»

D’abord, la connectivité. Pour tous. Nous sommes déjà 2 milliards à avoir accès à Internet. Cinq milliards d’être humains supplémentaires arrivent. Très bientôt. Même dans les favelas, les townships, les ghettos de Nairobi ou les bidonvilles de Mumbai, Internet est annoncé. La baisse des coûts de l’accès digital est telle que même les plus pauvres, vont y avoir accès, notamment à partir de la généralisation des smart-phones (les auteurs parlent de la «smartphone revolution», sous-estimant peut-être, au delà des appareils, le coût persistant de l’accès aux données). Tout le monde ou presque, prédisent en tout cas Schmidt et Cohen, va connaître d’ici dix ans les joies de la connexion illimitée et de l’Internet sans frontières.
Ce sera globalement positif. Nos auteurs ont raison de souligner l’importance des innovations dans la santé, du diagnostic au traitement, en passant par l’information et les statistiques. Ils parlent ici encore d’une véritable «mobile health revolution»: les téléphones portables permettant via Internet de connecter les patients aux médecins. Toutes les dix pages d’ailleurs le mot «révolution» revient comme un leitmotiv sous leur plume.
Lorsqu’ils décrivent les améliorations que les technologies apportent à la vie des hommes, Schmidt et Cohen sont à leur meilleur: les pages sur l’alphabétisation et l’e-education via des ordinateurs bon marché, l’expertise à distance grâce à Internet ou la revitalisation des villes avec des téléphones portables (bancarisation de millions d’Africains par exemple) sont convaincantes. Parfois, ils sont eux-mêmes surpris par ce qu’ils découvrent sur le terrain: lorsque les Américains téléphonent à leurs contacts en Somalie, il n’est pas rare que les Somaliens raccrochent et rappellent leurs interlocuteurs tellement le prix des communications portables est bon marché!
Les individus seraient donc les grands gagnants de la connectivité. Et d’ailleurs la «personnalisation» des appareils et autres devices est une autre tendance lourde de l’évolution technologique. On pourra tout personnaliser, son ordinateur, son accès à Internet, son téléphone. Le numérique va redonner du pouvoir aux citoyens: «empowerment» est un mot qui irrigue tout le livre. Vraiment?

Le désir pour la réalité

Lorsqu’ils croient qu’Internet va permettre un transfert du pouvoir des États et des institutions vers les individus, on est en droit de douter. Quand ils dressent le portrait d’une journée type de l’homme connecté de 2025, on a l’impression de lire un mauvais roman de science-fiction, le Meilleur des mondes selon Google. Et lorsqu’ils affirment que les parents choisiront les prénoms de leurs enfants en fonction des résultats des moteurs de recherche et que les destructions des Talibans seront reconstruites par des imprimantes 3D, on se demande s’ils ne prennent pas leurs désirs pour des réalités.
Le chapitre sur les révolutions arabes est, de ce point de vue, le plus décevant. Les auteurs n’apportent presque rien de neuf. Lorsqu’ils écrivent que «le monde arabe a une identité régionale unique, laquelle n’est pas partagée par d’autres régions [du monde]», on s’étonne de ce raccourci géopolitique. Ils affirment même que les pays arabes «partagent une même langue, une même culture et des systèmes politiques similaires» – en contradiction flagrante avec la réalité arabe depuis plus de trente ans.
On s’en doute, Schmidt et Cohen ne croient plus aux frontières physiques, ni aux barrières linguistiques, mais leurs analyses sont en général bien meilleures que ces pages caricaturales.

The New Code War

Optimistes, sinon naïfs, lorsqu’ils évoquent les individus, Schmidt et Cohen sont beaucoup plus convaincants lorsqu’ils s’intéressent aux États – preuve, s’il en était besoin, que les frontières existent encore.
Plusieurs chapitres du livre sont centrées sur la guerre entre États: les questions d’espionnage, de terrorisme et de sabotage informatiques sont peut-être le vrai sujet du livre. Dans la perspective de cette «New Code War», on n’apprend rien qu’on ne sache déjà sur les virus américano-israéliens Stuxnet et Flame qui visaient les centrifugeuses nucléaires iraniennes. De même, on connaissait déjà le programme officiel du gouvernement américain pour lutter contre les cyberattaques: le ministre de la Défense a déclaré qu’Internet serait le «cinquième terrain» d’opération militaire pour le Pentagone, après la terre, la mer, l’air et l’espace. Les auteurs vont toutefois plus loin en évoquant la mise en place d’un «complexe cyber-industriel» qui devrait coûter entre 80 et 150 milliards de dollars par an (Guess what: Google est probablement déjà candidat à l’appel d’offre!).
Quelles solutions? Ils se montrent optimistes sur les capacités du Bluetooth et les échanges peer-to-peer, qui fonctionnent souvent hors Internet, pour sécuriser les communications. Au passage, ils saluent la relative sécurité des téléphones BlackBerry, mais passent presque entièrement sous silence les iPhone (Apple est aujourd’hui le principal concurrent de Google).
De nouveaux outils d’authentification multiples seront nécessaires: un mot de passe – qu’on est seul à avoir –, doublé d’un envoi de SMS – un appareil qu’on a avec soi –, ainsi que des empreintes digitales – une identité biologique unique –, tout cela à la fois, en trois étapes. Sans parler du «cloud computing» (hébergement en nuage) qui offre aux données un espace plus sécurisé que les ordinateurs individuels, mais une vulnérabilité plus grande face aux cyber-attaques étatiques. Et, une nouvelle fois, comme ailleurs dans ce livre, Google offre ses services pour résoudre les questions qu’il a, en partie, posé. Les auteurs sont jusqu’à la caricature, ce qu’ils critiquent. Ils préconisent des solutions mais oublient qu’ils sont aussi une partie du problème.
Et les choses, si on les suit jusqu’au bout, ne sont pas prêtes de s’arranger. Le nouvel âge digital qu’ils annoncent sera moins dangereux que celui qui précède, mais la cyber-guerre y sera plus fréquente et plus intense. Nos ministères de la Défense, des Affaires étrangères et de l’Intérieur devraient lire ce livre d’urgence pour se faire une idée de l’ampleur des difficultés qui s’annoncent.

Chine vs. Google

Au cœur du problème se trouvent, pensent les deux Googlers, la Chine et l’Iran. Ce qui nous vaut des pages passionnantes sur le filtrage d’Internet et sa surveillance – comment ça marche, comment on peut les contourner. Les auteurs proposent même une typologie des filtrages: le modèle «blatant» («flagrant » comme en Chine où sévissent «300.000» censeurs), le «sheepish» («embarrassé» ou «honteux» comme en Turquie, épinglée durement, peut-être parce que YouTube y a été interdit), enfin le modèle «culturellement et politiquement acceptable» (par exemple en Corée du Sud, en Allemagne ou en Malaisie).
L’ouvrage contient de nombreux détails sur la Chine et quelques révélations. On y apprend que l’adresse mondiale de Google a, à plusieurs reprises, été redirigée «mystérieusement» sur baidu.com – le clone de Google en Chine. Et surtout que le gouvernement chinois travaille main dans la main avec le régime iranien pour mettre en place un Internet «halal» sous contrôle. Les dirigeants de Google démontrent enfin que les attaques qu’ils ont subi de la part de la Chine étaient pilotées par le gouvernement de Pékin (Google a dû se retirer de Chine en 2010 et se replier sur Hong Kong). En fin de compte, la Chine est le vilain de l’ouvrage, ne respectant ni le copyright, ni le droit des marques, et créant un climat d’insécurité grandissant pour les entreprises dans un cadre de «concurrence illicite». Prenant ici aussi leurs désirs pour des réalités, les auteurs ne voient pas trop comment un «régime aussi fermé» pourra survivre sous la pression des internautes et prédisent une «sorte de révolution» en Chine du fait d’Internet «dans les décennies à venir».
A cette lecture Google-compatible des faits s’ajoute un prisme pro-américain, pourtant peu assumé. Ainsi, Singapour apparaît comme un îlot démocratique et Lee Hsien Loong, son premier ministre, comme un visionnaire – il s’agit en fait d’un dirigeant ultra-autoritaire à la tête d’une quasi-dictature. Schmidt et Cohen passent sous silence les dictats singapouriens pour mieux charger le dossier chinois. De même, l’accent mis sur le danger iranien tranche par rapport au silence entretenu sur les censures, les arrestations et les problèmes de l’Internet en Arabie Saoudite. Sans exagérer le «background» diplomatique de Jared Cohen, force est de constater que ce livre épouse à la lettre la ligne du Département d’État.
Le plus inquiétant réside dans le fait que les auteurs ne voient pas trop comment on pourra réellement lutter contre les cyber-attaques. Leur inquiétude se résume d’une phrase: «Un programme pour sécuriser des informations sensibles peut nécessiter [l’écriture] de 10 millions de lignes de code informatique alors qu’on peut mener une cyber-attaque et pénétrer un système avec seulement 125 lignes».

La boule de cristal est en panne

Que faire? L’Amérique n’est pas le problème. Elle est la solution. Voici donc nos états-uniens plaider, après que le numérique a compliqué la tâche des Etats, en faveur du secteur à but non lucratif et des organisations non gouvernementales (ONG). «De manière générale, la connectivité encourage et permet les conduites altruistes», osent même Schmidt et Cohen. Plus loin, ils placent la barre encore plus haut et croient que le numérique peut changer la donne en Irak ou en Afghanistan.
Pour autant, ils savent sortir du politiquement correct, notamment lorsqu’ils critiquent durement les ONGs online, ces sortes de pure players de la philanthropie, qui ont une expertise fragile, peu d’équipes sur le terrain, mais savent très bien trouver de l’argent par des appels de fonds en ligne, via des appels participatifs (en crowdfunding). Ces plateformes transnationales sont baptisées «slacktivistes», parce qu’elles font de l’activisme social « sans gros effort » (ils citent Kiva, Kickstarter, Samasource et on peut penser également à Avaaz, Allout, Purpose, etc.). Traitant ce type d’organisation d’«opportunistes», ils prédisent que la «bulle» qu’elles représentent explosera. Ou pas.
Ce qui frappe dans ce livre riche et vif ce sont les impasses, autant que les sujets traités. Quid de la culture à l’âge numérique? On ne sait pas. L’éducation est peu traitée – sauf sous l’angle idéaliste d’une école pour tous en Afrique. Les Massive Online Open Courses – ces cours de facs sur Internet appelés Moocs – auraient mérité quelques développements. Sur le droit d’auteur, que Google ne respecte pas nécessairement, l’ouvrage reste discret. Sur les bibliothèques et Google Books, quasiment muet. Certes, nos auteurs prédisent la généralisation de la reconnaissance vocale (on écrira emails, notes ou rapports en parlant) et croient à l’avènement proche des traductions des langues instantanées «avec une compréhension presque totale». Comment cela affectera l’écrit? La boule de cristal est en panne. Quant à la nécessaire régulation des industries numériques américaines, leurs atteintes à la vie privée, leur urgente fiscalisation au niveau des nations, les concurrences déloyales et leurs abus de positions dominantes, il n’en est même pas question. Tout juste peut-on lire à propos de ces fameux GAFA (comme on nomme les «Big Four»: Google, Apple, FaceBook et Amazon), que leur pouvoir est «même plus important que ce que la plupart des gens réalisent».
Reste la presse, qui traverse une crise sans précédent dont Google semble, à lire ce livre, entièrement étranger. Schmidt et Cohen enfoncent le clou: de nombreux médias ne vont pas survivre dans leur forme actuelle. Ils pronostiquent un «système média diffus» fait d’innombrables collaborateurs et d’informations que les principaux médias agrègeront. Leur métier évoluera de celui du reportage à la simple «validation». «A mesure que les barrières linguistiques s’atténueront et que les antennes relais de téléphone mobile se multiplieront, il y aura une multiplication infinie de nouvelles voix, de sources potentielles, de journalistes citoyens et de photographes amateurs désireux de contribuer». Encore d’autres bonnes nouvelles? Pour les auteurs, une nouvelle sous-catégorie de journalistes va apparaître: ceux chargés de chiffrer les transmissions entre les informateurs, qu’on imagine bénévoles et non formés, et les rédactions…
Et ainsi se repose le problème initial. Qui parle? Les auteurs, qui restent plutôt discrets sur les intentions de Google, se présentent à nous comme des observateurs objectifs, qui décryptent, non partisans, le nouvel âge digital, interviewent quelques dirigeants et enquêtent (un peu) sur le terrain. Ces entretiens sont il est vrai d’une richesse exceptionnelle, mais malheureusement bien peu exploités ici. Grâce à leur fonction, ils ont rencontré les présidents du Mexique, du Rwanda, de la Tunisie, de Malaisie et de Mongolie, sans oublier Carlos Slim – le magnat des télécoms mexicains et l’homme le plus riche du monde – ou encore le fameux prince des médias saoudiens Al Waleed. Ils ont même «interviewé» le chef des services secrets israéliens; et longuement Henry Kissinger (ses propos font sourires car il est loin d’avoir compris la diplomatie 2.0 dont Jared Cohen a été un précurseur). De ces interviews, traitées dans le livre comme des rencontres un peu mondaines, il n’y a guère de traces. C’est dommage, et cela prouve que ces entretiens n’étaient en aucun cas journalistiques, mais s’inscrivaient plutôt dans le cadre entrepreneurial des relations de Google. Une belle rencontre toutefois: Julien Assange, dont ils font un portrait finalement positif, en expliquant que cet anti-héros aurait été porté aux nues s’il avait, au lieu d’avoir éventé les câbles du Département d’État, divulgué des documents classifiés issus des régimes iranien ou nord-coréen.
S’il y a une morale du livre, c’est qu’on ne devient pas chercheur, ni journaliste, même lorsqu’on prétend quitter sa casquette de chef d’entreprise. A chaque ligne, à chaque page, c’est Google qui parle. Ce n’est déjà pas si mal. Nous voici, nous pauvres lilliputiens, à l’intérieur du cerveau de Google. Gulliver pour la première fois s’exprime. Tour à tour émerveillé et inquiet, on lit la description future d’un monde finalement plus sombre qu’on ne l’imaginait – plus darwinien aussi (la référence de Schmidt et Cohen à la théorie de l’évolution pour évoquer le nouveau monde digital est frappante). Fort heureusement, Leviathan – qu’on l’appelle Google ou Internet, ils sont ici interchangeables –, est du côté du Bien. L’idée de progrès peut poursuivre sa route. Les vilains du livre menaceront, certes. Mais Leviathan saura corriger ses erreurs. Le Nouvel âge numérique sera globalement positif. Jusqu’au bout, le livre a les stigmates et l’optimisme de l’Amérique. Jusqu’à son happy end.
* Eric Schmidt et Jared Cohen, The New Digital Age (Knopf, non encore traduit en français).
Frédéric Martel

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