Reuters 14:23 - 11 février 2011
Al Arabia rapporte ce vendredi que le président Hosni Moubarak et sa famille ont quitté Le Caire pour une destination inconnue. La chaîne d’information à capitaux saoudiens ne cite pas ses sources. Elle ajoute que le raïs et ses proches sont partis d’une base aérienne militaire située en périphérie de la capitale.
Selon des sources de la sécurité, Moubarak a quitté le palais présidentiel en hélicoptère. Il est possible qu’il se rende au Red Sea resort à Charm el-Sheikh, toujours selon ces sources.
Interrogé à ce sujet, un haut responsable militaire contacté par Reuters n’a pas souhaité faire de commentaire.
Dans un premier temps, Al Arabia avait annoncé que Moubarak avait quitté l’Egypte. Les manifestants réunis par centaines de milliers au Caire ont promis de marcher sur le palais présidentiel. Quelque 2000 personnes étaient rassemblées devant le bâtiment en début d’après-midi.
L’armée appuie les réformes
La toute puissante armée en Egypte a apporté vendredi son appui aux réformes promises par Hosni Moubarak et appelé à la fin de la contestation, au moment où des dizaines de milliers de personnes criaient leur colère contre le chef de l’Etat qui s’accroche au pouvoir. Sur la place Tahrir, symbole de la contestation au Caire, les manifestants affluaient pour une journée de mobilisation massive contre M. Moubarak, après avoir appelé l’armée à prendre position : « Armée il faut faire un choix, le régime ou le peuple ! »
L’armée, colonne vertébrale du régime, a semble-t-il choisi de respecter les choix de M. Moubarak, qui a gouverné sans partage depuis 30 ans l’Egypte, le pays le plus peuplé du monde arabe (80 millions d’habitants) et poids lourd de la région.
Dans "le communiqué numéro 2" lu à la télévision par un présentateur, le conseil suprême des forces armées a dit se porter "garant" des réformes promises par M. Moubarak, en soulignant "la nécessité d’un retour à la vie normale" dans le pays secoué depuis le 25 janvier par les protestations.
Le conseil, présidé par le ministre de la Défense Mohamed Hussein Tantaoui, a annoncé des mesures "sur la base des derniers développements qui déterminent le destin du pays (…) et la décision de déléguer les prérogatives au vice-président" Omar Souleimane par le président. Il assure qu’il garantira "une élection présidentielle libre et transparente à la lumière des amendements constitutionnels décidés" et "met en garde contre toute atteinte à la sécurité de la nation et des citoyens". Il promet de mettre fin à l’état d’urgence, en vigueur depuis 1981, "dès la fin des conditions actuelles".
L’armée, qui n’est pas intervenue contre les manifestants, est déployée aux entrées de la place Tahrir où des dizaines de milliers de personnes manifestaient ainsi que dans les rues et devant le Parlement voisin, au 18e jour de la révolte.
La foule a commencé de réagir avec dépit aux annonces de l’armée. "Vous nous avez déçus, on avait mis tous nos espoirs en vous", a lancé un manifestant à l’égard des militaires. Les protestataires, qui réclament également le départ de M. Souleimane, espèrent une mobilisation d’une ampleur sans précédent depuis le début de leur mouvement.
"Trente ans après, on est fatigué de l’écouter, tout ce qu’on veut entendre c’est qu’il va partir", dit Mohammad Ibrahim, un instituteur de 42 ans sur la place Tahrir. Au moment où la foule criait "l’armée et le peuple main dans la main", l’un des organisateurs a lancé : "nous n’avons pas pris d’assaut le bâtiment de la télévision ou le Parlement car ils sont sous la protection de l’armée. Tout ce que l’armée protège, nous le protégeons". Des rassemblements avaient aussi lieu devant le palais présidentiel et le siège de la radio-télévision, protégés par l’armée.
Trois soldats ont abandonné armes et uniformes pour se joindre aux manifestants au Caire, selon des témoins.
À Alexandrie (nord), quelque 100 000 personnes étaient rassemblées devant et autour de la mosquée Qaëd Ibrahim dans le centre-ville, avec des drapeaux égyptiens et des pancartes aux slogans hostiles à M. Moubarak.
Alors que jeudi soir un départ imminent du président avait fait l’objet d’intenses spéculations, M. Moubarak a annoncé qu’il déléguait ses prérogatives au vice-président mais qu’il restait de droit président jusqu’à la fin de son mandat en septembre.
Le président américain Barack Obama, dont le pays accorde à l’armée égyptienne une aide annuelle de 1,3 milliard de dollars depuis 30 ans, a jugé insuffisant ce transfert de prérogatives, alors que d’autres capitales appelaient à une transition immédiate du pouvoir. "J’ai décidé de déléguer au vice-président les prérogatives du président de la République conformément à ce que prévoit la Constitution (…) La transition du pouvoir va d’aujourd’hui à septembre", date de la présidentielle à laquelle il ne compte pas se présenter, a dit le président, ajoutant qu’il ne se plierait "pas aux diktats étrangers".
M. Moubarak conserve ainsi de larges pouvoirs constitutionnels et reste le seul à pouvoir dissoudre le Parlement et limoger le gouvernement, en vertu de l’article 82. Il a aussi annoncé l’amendement de cinq articles controversés de la Constitution liés à la présidentielle.
Le refus de M. Moubarak de démissionner a provoqué la fureur des quelque 200 000 manifestants rassemblés place Tahrir, dont certains ont brandi leurs chaussures en direction de l’écran où était retransmis son discours, geste insultant dans le monde arabe, en chantant "A bas Moubarak ! Dégage !"
Ils ont également appelé au départ de M. Souleimane qui avait appelé les manifestants à rentrer chez eux.
L’opposant égyptien le plus en vue Mohammed ElBaradei, s’est alarmé en avertissant que l’Egypte allait "exploser".
Depuis le 3 février, les manifestations se déroulent le plus souvent dans le calme. Des heurts se sont produits entre policiers et manifestants les premiers jours puis entre pro et anti Moubarak le 2 février. Les violences ont fait environ 300 morts selon un bilan de l’ONU et Human Rights Watch.
Reuters
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