mercredi 8 août 2012

Le Tatouage, une question d'éthique : pour devenir un sujet ou un objet ?










 






Tatoueurs, Tatoués : le tatouage s'encre au musée par Mediapart


FUZI UV TPK : Dermograff par Mediapart




Le social nous marque dès l’enfance. Le corps est la première forme d’expression physique de nos pensées et de notre personnalité. Nous nous mettons en scène dans l’affichage exacerbé de notre présence ou en nous camouflant.
Selon Didier Anzieu « Il y a dans l’acte de se tatouer la nécessité de venir matérialiser la barrière symbolique que joue la peau. Par cette « prothèse cutanée » le tatoué tente de réparer un « moi-peau » raté ou défaillant. » (Le Moi-peau )  Tout se passe comme si l’individu se sentait à l’étroit dans son image originelle et ressentait le besoin d’élargir cette image.

Le tatouage, une tendance contemporaine

Se faire tatouer n’est pas juste une mode, cette tendance va au-delà. La mode s’alimente de la nouveauté, de l’éphémère et du renouvellement. Dans cette logique, le tatouage, dessin indélébile, s’apparente plus à un mode de communication, une démarche individuelle, une liberté, dictée par différentes motivations. Le marquage corporel peut révéler bien des choses sur celui qui l’a choisi et trouve son essence dans le rapport que l’individu a de lui-même, avec les autres et face à la société.

Une bipolarisation de notre personnalité

Alors que nous passons de plus en plus de temps à nous occuper de notre corps pour répondre à des idéaux, la conformité ne semble plus être au goût de tous. La marque démarque.
« La marque corporelle affiche l’appartenance à soi. Elle traduit la nécessité de compléter personnellement un corps insuffisant à lui-même à incarner l’identité personnelle » selon David Le Breton (Signes d’identité : Tatouages, piercing et autres marques corporelles). Le corps devient alors ce que nous sommes, le reflet de notre identité. Il n’est plus produit de la nature mais de la culture.
Mais notre corps est également l’interface entre nous et les autres. Il nous pose dans la société par rapport au reste des individus. En marquant son corps, le tatoué marque son unicité mais également son appartenance, il appartient alors à une communauté référente ou plus globalement à la communauté des tatoués ; « les marques corporelles sont un mime de dissidence, une manière de jouer à l’écart tout en participant au fonctionnement social » précise David Le Breton.

Un langage du corps semblant donner à voir ce qui ne peut être dit

En psychologie, le tatouage serait « le propre d’une personnalité troublée qui s’exprime peu ou mal verbalement et invente donc un autre mode de communication ».
De manière certaine, le tatouage est un moyen de communication non verbale qui a son langage, ses signes, ses codes… Ceux-ci comportent à la fois du sens mais font également référence a des valeurs.
Plus significatif et impliquant qu’un badge ou un vêtement, le tatouage délivre un message. Plus ou moins direct, c’est un message personnel ou au monde, qu’il soit revendicateur, provocateur, sentimental, érotique ou simplement décoratif.


Tatouage : le storytelling de sa vie
Tatouage, le storytelling de sa vie


Mon corps et sa mise en scène par le tatouage
Mon corps et sa mise en scène par le tatouage

Le storytelling de sa vie

Certains s’offrent un cahier, rédigent des blogs et d’autres se tatouent. Toutes ces personnes sont guidées par les mêmes motivations : s’exprimer avant tout, se démarquer mais surtout avoir prise sur leur histoire, sur ce qu’ils sont, ce qu’ils aiment…
Ainsi, pour les marins, le tatouage représente un carnet de bord dévoilant les moments forts de l’existence. L’individu ressent le besoin de marquer les étapes de sa vie comme si les choses ou évènements lui échappaient, comme si il était difficile de retenir ces moments autrement que par l’illusion. Le tatouage permet d’arrêter le temps, de fixer un affect, il a une fonction de mémoire cutanée. Le marquage ainsi que le corps, a alors un gout d’éternité.

Une image de soi qui montre pour cacher

« L’homme affiche une double tendance, il se constitue en tant qu’image et constitue une image de lui-même » (France Borel, Le vêtement incarné : Les métamorphoses du corps).
Tel un bijou ou du maquillage, le tatouage est un ornement. L’ornementation a pour fonction de cacher mais surtout de magnifier. Le tatouage répond à cet objectif, il attire le regard pour mieux le détourner. Tout d’abord en détournant d’un défaut ressenti (par exemple, en se faisant tatouer la poitrine, le regard extérieur va plus s’attarder sur le tatouage « décoratif » que sur la poitrine en elle-même). Ensuite, mais de manière plus profonde, la marque corporelle va cacher le corps et le fond, permettant d’avoir une sorte d’armure protectrice.
Le tatouage se situe à la frontière de la pudeur et de l’exhibitionnisme, de l’intérieur et de l’extérieur, de l’intime et du public. Il n’est qu’une des diverses modifications corporelles que nous avons à notre disposition.
Le tatouage, tout comme le piercing, se démocratisent. Qu’en sera t-il des scarifications, implants, etc., dans quelques années ? N’oublions pas, la rareté appelle la réaction.
Auteur : Morgane Craye


Cerveau & Psycho N°46 Cerveau & Psycho N°46
juillet - août 2011
 

Le langage des tatouages

Quelles sont les caractéristiques psychologiques de ceux qui livrent leur corps à l'aiguille du tatoueur ? Psychologues et sociologues livrent des clés pour comprendre les tatoués, leurs motivations et l'image qu'ils véhiculent.

En 1991 est découvert, prisonnier d’un glacier, le corps d’un chasseur daté de 5 300 ans avant notre ère. Sur son corps figurent de petits signes stylisés. Ötzi, tel fut le nom donné à cet homme des glaces, est peut-être l’un des premiers tatoués de tous les temps. Cette pratique a été observée ultérieurement dans de nombreuses cultures et civilisations. Plus récemment, les médecins et organismes de veille sanitaire ont décelé de façon générale une augmentation de cette pratique dans le monde, même si une telle progression reste à quantifier.
Étymologiquement, le mot tatouage vient du mot tahitien tatau qui signifie dessiner. Selon un récent sondage ifop effectué pour le compte d’un grand quotidien de la presse, dix pour cent des adultes français auraient au moins un tatouage. Sur les 90 pour cent restants, six pour cent envisagent d’y avoir recours. Toutefois, lorsque l’on s’intéresse à la répartition de ces chiffres par différents groupes d’âge, on constate qu’un quart des 18-24 ans envisage de se faire tatouer alors qu’ils ne sont que deux pour cent chez les plus de 35 ans. Dans tous les pays occidentaux, la pratique du tatouage touche en priorité la jeune génération ; ce qui conduit à penser que dans une ou deux générations, près de 30 pour cent des individus seront tatoués, et que cette proportion, autrefois réservée aux hommes, sera vraisemblablement la même chez les hommes et chez les femmes.

L'auteur

Nicolas Guéguen est enseignant-chercheur en psychologie sociale à l'Université de Bretagne-Sud, et dirige le Groupe de recherche en sciences de l'information et de la cognition, à Vannes.


Un chrétien peut-il se faire tatouer ou percer ? Risques physiologiques, psychologiques et spirituels

Histoire du tatouage

Antiquité du tatouage
Le tatouage remonte à peu près à 2000 ans avant Jésus-Christ. Cette pratique était familière aux musiciennes et aux danseuses du Moyen Empire égyptien, comme le prouvent certaines momies que l’on a retrouvées. Les Mayas, en Amérique du Sud pré-colombienne, les Indiens d’Amérique aussi (certaines tribus) connaissaient le tatouage. Les Grecs et les Romains, pour leur part, en furent de grands utilisateurs : ils se servaient des tatouages pour marquer leurs esclaves, ce qui leur permettait de les identifier en cas de fuite. Les esclavagistes d’Afrique, d’Amérique et de l’Orient y eurent également recours.

Universalité du tatouage
Le tatouage a donc été utilisé pratiquement en tous lieux et à toutes les époques, mais souvent dans des couches sociales bien délimitées : marins, galériens, bagnards, esclaves, prisonniers, pirates, corsaires et bourgeois, et même nobles à certaines époques.
Le tatouage n’est pas toujours volontaire : les esclaves de l’Antiquité ou, beaucoup plus près de nous, les déportés des camps de concentration nazis, étaient tatoués par leurs maîtres ou par leurs geôliers, pour bien signifier le fait que ces personnes ne s’appartenaient plus à elles-mêmes.
On trouve des tatouages ornementaux, magiques ou religieux, au Japon chez les samouraïs et la mafia, en Birmanie, en Afrique du Nord, entre autres chez les tribus berbères. Il en existe aussi qui indiquent une appartenance familiale ou tribale, ou le fait qu’un pacte a été conclu : adhésion à une société secrète, lien avec une puissance spirituelle (démon, divinité païenne); par exemple, l’étoile à cinq pointes sur les pommettes de la figure signifie : « Je suis Dieu et je guéris par la force de Satan ».

Les tatouages faits à la main
Distinguons ceux faits par les amateurs, qui dessinent tant bien que mal. Leurs oeuvres sont souvent caricaturales et grotesques. Les personnes qui les arborent sont des révoltés en proie à des problèmes familiaux. Ils se sentent mal dans leur peau et ont un niveau minimal d’instruction et de culture. Nous voyons de tels tatouages chez de jeunes délinquants qui manifestent qu’ils sont « des durs ». Ils gravent en quelque sorte sur leur peau toutes les révoltes, leur haine, tous les sentiments d’injustice et les désirs de vengeance qu’ils éprouvent. A ces dessins faits, et parfois bien faits, ils ajoutent des devises, des slogans ou des points de reconnaissance que seuls des initiés sont à même de comprendre. Ces tatouages sont réalisés à la main avec du mauvais matériel par des dessinateurs souvent sans talent.
Il existe aussi des tatoueurs professionnels, de véritables artistes qui travaillent eux aussi à la main. Leurs réalisations rivalisent avec celles des tatoueurs qui utilisent une machine. J’en ai personnellement rencontré par le passé, et j’ai vécu à leurs côtés.
Les tatouages faits à la machine
Les tatoueurs professionnels travaillent fréquemment à la machine. Ils font de cet art leur gagne-pain. La palette des couleurs est variée et les sujets nombreux : paysages, tableaux célèbres, dragons, fleurs, femmes, portrait ou buste, effigies démoniaques, têtes du diable, violence, érotisme et pornographie.
Aujourd’hui, vous trouverez des tatouages aussi bien chez des ouvriers, des bourgeois, des nobles, des policiers que chez des membres de la pègre. Pour ces derniers, le tatouage pourra servir de signe de ralliement. II est évident que le tatouage n’est pas une marque de violence.

Les aspects spirituels des tatouages

Approche biblique du tatouage
« Vous ne ferez point d’incision dans votre chair pour un mort, et vous n’imprimerez point de figures sur vous. Je suis l’Eternel. » Lévitique 19, verset 28
Cette interdiction de l’Eternel a pour objectif de garder Israël dans la sainteté. En effet, Dieu ne veut pas que son peuple s’égare comme les autres peuples. DIEU EST SAINT. II veut garder son peuple dans la propreté du corps de l’esprit et de l’âme, afin que celui-ci puisse demeurer en communion avec lui et goûter sans cesse à son amour.
Si Dieu ne veut pas que son peuple se prostitue aux idoles et aux pratiques du paganisme, c’est pour le préserver des malheurs que subissent les autres peuples. Dieu ne veut pas que son peuple tombe sous le pouvoir des puissances gouvernées par le prince des ténèbres : Satan.

Portée spirituelle des tatouages
Sur le plan spirituel, il faut savoir que le tatouage nous lie souvent aux puissances des ténèbres ! On ne grave pas impunément sur le corps des figures de démons, des signes magiques, cabalistiques ou ésotériques, des dragons, des têtes de mort, des serpents, des chaînes, des liens. On ne joue pas impunément avec de tels signes.
Si, parfois, ils ont une apparence chrétienne (croix, calvaire), ils demeurent sous le coup de l’interdit de Lévitique 19:28. Par ces tatouages, nous faisons consciemment ou inconsciemment appel à la manifestation de forces occultes qui nous enchaînent jusque dans notre âme et dans notre esprit.
Soulignons encore un point : on croit parfois qu’après un ou deux petits tatouages, on pourra s’arrêter quand on le voudra, et en rester là. En fait, une voix en nous ne cesse de nous pousser à continuer. On devient totalement dépendants des puissances qui ont pris pouvoir sur nous.

Les risques associés aux tatouages

Les risques physiologiques
Chaque tatouage introduit des substances étrangères dans notre corps: encre de Chine, matières plastiques brûlées mélangées à du savon. Il faut aussi savoir que chaque tatouage tue une partie de la peau. En outre, le tatouage, en endommageant la peau, constitue une porte d’entrée de premier choix pour les agents infectieux. Le risque réside principalement en la contamination par des virus tels que le HIV, et les virus de l’hépatite B et C. Sans avoir été clairement démontré, ce risque existe en théorie. Tout le matériel (aiguilles, buses, etc.) utilisé par des professionnels est susceptible d’être souillé par du sang contaminé; le danger d’infecter non seulement le client suivant, mais aussi le tatoueur est donc bien réel. Ainsi, le manque d’hygiène souvent lié à ces pratiques nous fait courir des risques dont nous sommes inconscients: des infections pouvant entraîner des complications, voire même la gangrène qui peut s’en mêler et tout se termine parfois par une amputation. Cette automutilation et la souffrance qui l’accompagne est acceptée parce qu’on veut prouver sa virilité, son courage. Quand je me tatouais ou que je tatouais d’autres personnes, je répétais: » Il faut souffrir pour être beau »; ou « Sois un homme et tais-toi » ou encore : »Celui qui se dégonfle n’a rien dans le ventre. »
Que ne ferait-on pas pour acquérir la réputation d’un dur à cuire. Mais ne l’oubliez pas: la mort des tissus amène tout autre chose que la vie: à vous de choisir !

Risques psychologiques
Les tatouages évoquant la rébellion ou la révolte renforcent nos tendances dans ce domaine, au point que nous finissons par nous identifier à elles. Cela est également vrai pour ceux qui expriment la haine et la vengeance. Quant à ceux qui touchent à l’occultisme, ils contribuent à nous emprisonner dans un monde spirituel contraire à celui dans lequel Dieu veut nous voir évoluer.
Premier exemple: Je porte sur l’omoplate droite un tatouage qui représente un fer à cheval avec l’inscription « vendredi 13″. Ainsi, je voulais autrefois me protéger de la mauvaise influence que la superstition attribue au chiffre 13 et au vendredi 13. Ce tatouage inscrit, j’ai plongé à fond dans d’autres superstitions. Il ne fallait pas passer sous une échelle, voir un chat noir, etc. Mes pensées étaient bloquées par toutes sortes de superstitions; je n’arrivais pas à penser autrement. En peu de temps, j’étais devenu paranoïaque. J’avais peur de tout et de tous. Je me sentais espionné même par des inconnus; c’était devenu l’enfer sur terre !
Deuxième exemple: J’ai, sur l’avant-bras gauche, une fleur. Je l’ai appelée « pensée à ma mère ». Malheureusement j’ai raté ce tatouage. Sous l’influence de l’alcool, j’ai recouvert cette première fleur par une autre. Dans l’entrelas du dessin, involontairement j’ai dessiné un lion.
Celui-ci me faisait flipper jusqu’à devenir fou. Je le voyais ouvrir et fermer sa gueule comme s’il voulait me croquer; cela m’arrivait à chaque fois que je consommais de la drogue.
Ces exemples vécus m’amènent à dire qu’un tatouage peut conduire à la folie. J’essayais de dissimuler ce qui se passait en moi, mais les mêmes pensées m’envahissaient sans cesse et elles jouaient sur le contour de ces dessins. Je n’avais sur moi aucun tatouage représentant le diable ou un démon. Pourtant, mes amis me voyaient changer au fur et à mesure que j’en ajoutais. Les tatouages relativement innocents, en apparence, que je portais sur moi me liaient déjà à des forces que je ne pouvais pas contrôler.

Une restauration est possible

Affranchissement des liens du passé
« Demandez, et l’on vous donnera; cherchez, et vous trouverez; frappez, et l’on vous ouvrira, car quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve, et I’on ouvre à celui qui frappe.  » Matthieu 7, versets 7 et 8
Si dans nos coeurs nous sommes prêts à changer de vie et d’état d’esprit, Dieu lui-même nous conduira à une vie meilleure. Soulignons-le, il ne suffit pas d’être sincère, il faut chercher Dieu de tout son coeur, lui demander qu’il se révèle. Ensuite il faut le croire et le suivre, dans l’obéissance et la pratique d’une vie saine.
Dieu n’a jamais fermé la porte de la vie à celui qui est droit de coeur. Bien plus, il nous a donné la possibilité changer, au travers de Jésus-Christ. Alors ne perdons pas patience, car Dieu veille sur son peuple. Il mettra tout oeuvre pour nous aider, dès que nous aurons décidé de suivre cette nouvelle voie.
Dieu guérira les conséquences de nos péchés que ce soit la paranoïa, la folie, les cauchemars ou le sentiment d’être mal dans sa peau! Il nous délivrera de la culpabilité et de la honte de porter sur notre corps des choses moches ou ratées.

Une nouvelle façon d’aborder la vie
Si comme moi, tu es tatoué, Dieu guérira ton être intérieur. Parfois même, il ira jusqu’à effacer des dessins son existence ou son autorité.,
J’ai par exemple entendu, en France, un serviteur de Dieu (pasteur) raconter le miracle suivant : un homme violent tatoué sur une grande partie de son corps, demande le baptême d’eau pour confirmer qu’il avait changé de vie. Après son immersion, alors qu’il se changeait, il revint en courant dans l’église torse nu. Toutes les personnes présentes virent de leurs yeux que le grand tatouage représentant une tête de bouc avait disparu.
Peut-être devras-tu aussi, comme moi, consulter un dermatologue pour enlever certains de tes tatouages. Ce sera là une preuve du changement qui s’est opéré en toi.
Mais sache aussi que, même avec les marques que tu continues à porter, Dieu peut se glorifier qui s’est produit dans ta vie, en te faisant porter des fruits pour la vie éternelle.

Une nouvelle création
Par conviction personnelle, j’ai choisi de me faire enlever mes tatouages de repris de justice et ceux qui me rappelaient ma vie passée de voyou. Dieu a guéri mon coeur et il a changé ma façon de penser : cela se voit sur les mains et les poignets.
Si tu le désires, Dieu va ainsi changer et même bouleverser tes idées et ta façon de voir la vie. Il transformera aussi ta manière de réagir face aux représentants de la justice et de l’ordre. Ton entourage familial et professionnel en sera surpris.
Mon ami, Dieu veut le meilleur pour toi. Il veut te faire du bien et prendre plaisir à la vie que tu mènes. Alors choisis de le suivre afin de vivre libre malgré des tatouages qui peuvent te rappeler un passé qui n’est pas à la gloire de Dieu.
Rappelle-toi ceci – notre corps est le temple du Saint-Esprit. Ton esprit, lui aussi, sera renouvelé, car l’amour de Dieu est plus fort que tout. Il guérira les blessures de ton corps, de ton esprit et de ton âme. Marche chaque jour avec lui, et t sera toi-même étonné de ce que Dieu fera de toi.
Toi qui n’es pas encore tatoué, mais qui serais tenté de le faire, cet article veut te mettre en garde. Fais attention, ne te laisse pas influencer par cette mode et par ceux qui veulent t’entraîner à mal faire, Abandonne toute révolte ou rébellion Ne mets pas ta main dans un engrenage qui, très vite, te happera tout entier

Témoignage personnel
Déjà vers l’âge de 10 ans, je m’amusais à dessiner mon amertume. Je le faisais sur mes bras et exprimais ainsi ma révolte face à la vie tout comme ma soif inextinguible de liberté. Peu à peu, l’envie grandit en moi de me tatouer. Pour moi, c’était une manière d’imprimer ma vision de la vie, de façon indélébile, sur ma peau.
J’admirais les hommes tatoués car, à mes yeux, ils étaient pleinement libres – libres de faire ce qu’ils voulaient, où ils voulaient, quand ils voulaient. A l’âge de 17 ans, je suis passé à l’acte. Je désirais faire tatouer tout mon corps et gagner ma vie en tatouant les autres. Pour moi, c’était devenu une idée fixe.
Certains de ces tatouages exprimaient mon rejet du système familial et judiciaire, car toute ma vie ressemblait alors à un véritable enfer; amertume, haine, désirs de vengeance et révolte face à la société et à l’injustice, je me sentais exclu, rejeté par mes proches, même par mes camarades d’école. J’avais des copains… mais peu.
D’une certaine façon, il fallait que je prouve à mon entourage que j’étais quelqu’un; je ne voulais pas passer pour un nul. Un jour, je m’étais tatoué un poignard de la vengeance en jurant de tuer quelqu’un qui m’avait blessé profondément ! Peu de temps après ma rencontre avec Jésus, j’ai prié pour demander pardon à Dieu de m’être réservé le droit de la vengeance.
Grâce à ces marques, je voulais également démontrer que j’appartenais à une certaine couche de la société que j’admirais: les marginaux.
Pourtant, cinq ans plus tard, j’ai dû me rendre à l’évidence: les tatouages ne m’avaient pas donné la liberté; bien contraire, ils n’étaient que les marques de mes mauvais choix (haine, vengeance, crainte, etc.).

Matthieu Nugues



LE TATOUAGE
MARQUAGE SOCIAL DE L'INDIVIDU ?


Dossier de licence de psychologie 1998 de Malvina Hybertie

Fini l'époque où le tatouage était un signe de rébellion, où il était la marque de la marginalité. Votre expert comptable porte peut-être une jeune vierge qui chevauche un dragon orange sous son costume trois pièces. Allez savoir !

A l'origine c'était le signe d'une appartenance tribale, puis c'est devenu un symbole de virilité. Aujourd'hui, les femmes se font tatouer aussi, jusque dans les recoins les plus intimes de leur anatomie. Si le tatouage est un art, c’est aussi un acte quasi-médical qui consiste à injecter de l’encre à 1 millimètre sous la peau. Une machine à tatouer, ça pique jusqu’à 3500 fois par minute. Il paraît que lorsqu’on y a goûté, on a souvent envie de recommencer.

Les tatouages, c’est com me les terrasses, on en voit partout en été. Ce dévoilement saisonnier est d’ailleurs à peu près la seule manière de constater l’ampleur du récent boom du tatouage. On estime grosso modo aujourd’hui qu’un bon 15% des Suisses sont tatoués, mais dans ce domaine, il est presque impossible de trouver des statistiques fiables, car le tatouage reste aussi un jeu très privé entre le visible et le caché.

Davis Le Breton, anthropologue, nous explique : « Le tatouage relève aujourd’hui d’une culture plutôt que d’une mode. Le tatouage, comme le piercing, ce sont des nouveaux bijoux qui ont envahi notre société. Ce sont des manières d’embellir son corps comme il y a des manières d’apprêter ses cheveux ou d’avoir des boucles d’oreilles. Dans certaines écoles, par exemple, on finit par compter les adolescents qui ne portent ni tatouage, ni piercing. La culture du tatouage a envahi le sport. En l’espace de deux ou trois ans, énormément de footballeurs, de tennismen ont marqué leur corps de dessins relativement importants. Les jeunes générations ont fait du piercing un emblème de leur classe d’âge. On peut dire que le tatouage date du début de l’histoire de l’humanité. La parure du corps pour des raisons religieuses, rituelles, esthétiques ou autres a fait son apparition dès l’origine de la condition humaine.»
Le tatouage est donc une vieille connaissance de l’humanité, mais il a eu quelques problèmes avec la civilisation judéo-chrétienne, même si les premiers chrétiens se tatouaient encore de symboles religieux.

Davis Le Breton : « La Bible, par exemple, dit qu’il n’est pas pensable de modifier le corps qui a été un objet de la création de Dieu. Donc, il y a des commandements très précis qui interdisent la parure sous forme d’un tatouage ou autre. La vraie renaissance du tatouage, dans nos sociétés occidentales, date du milieu du 18ème siècle quand les marins de Cool découvrent dans les îles du Pacifique des indigènes pourvus de splendides parures corporelles. Les marins vont s’empresser de les imiter et puis vont diffuser cette culture du tatouage dans tous les ports du monde. De là, la culture du tatouage va passer du côté des truands et des marginaux, plus tard du côté des milieux ouvriers. Donc, pendant un peu plus d’un siècle, le tatouage va jouir d’une réputation un peu sulfureuse.»

Le vrai retour à large échelle du tatouage en Occident s’est fait dans les années 60 et 70. D’abord chez les motards avec les Hell’s Angels, il a été recyclé par le mouvement hippie, les punks l’ont complété avec le piercing et, enfin, presque tout un chacun s’y est mis joyeusement.
Le tatouage, aujourd’hui, est une affirmation d’individualité mêlée à une petite goutte de tribalisme, un petit rêve qui ne nous quitte plus.





Précisions...
Le texte qui suit est issu d'une étude effectuée dans le cadre de ma deuxième année de DEUG de Psychologie. Les données qu'il contient ne sont donc pas, d'un point de vue méthologique et interprétatif, les résultats d'une recherche rigoureusement ethnologique. Cependant, je me suis efforcée de sélectionner et de dégager les éléments de mon travail succeptibles de combler au mieux des attentes tournées vers l'anthropologie.

INTRODUCTION
La pratique du tatouage est véritablement une pratique difficile à cerner dans le sens où ses fonctions et ses significations sont multiples et variables. Le tatouage étant une production de l'Homme interpelle donc toutes les sciences qui s'intéressent à l'être humain, ainsi, il relève aussi bien de l'anthropologie, de la sociologie que de la psychologie... Il peut tout aussi bien ponctuer les rites initiatiques des sociétés traditionnelles ou des bandes d'adolescents et exprimer des revendications sociales, que constituer une pratique tout-à-fait personnelle et égocentrique. Il existe autant de tatouages différents que d'individus tatoués. Au cours du temps, le tatouage a évolué d'une fonction de socialisation et d'intégration sociale vers une fonction plus exclusivement artistique et esthétique. Cette évolution est en partie due à l'évolution même de la société. Cependant, sous l'aspect artistique fascinant du tatouage se cache un véritable mode d'expression pour l'individu. Aujourd'hui encore il peut être un indice du groupe d'appartenance, même s'il ne fait plus partie des pratiques sociales et culturelles courantes.

I - Histoire et évolution du tatouage dans le monde
Le tatouage, ou inscription de dessins indélébiles sous la peau, est une pratique des populations à peau claires ou mates, il est donc moins répandu sur le continent noir africain où il est remplacé par les scarifications. Avec un instrument tranchant à pointes multiples, la peau est perforée et l'on y fait pénétrer une substance tinctoriale qui, absorbée par le derme, laisse une trace indélébile. Les dessins étant souvent très complexes et le procédé n'autorisant pas de "repentir", une ébauche est fréquemment réalisée (chez les populations d'Océanie, par exemple, on effectue cette ébauche avec de la cendre ou du charbon de bois).
Autrefois très largement répandue dans de nombreuses civilisations traditionnelles, la pratique du tatouage tend aujourd'hui à disparaître et à perdre sa fonction sociale et culturelle. Dans les sociétés "primitives", le tatouage avait pour fonction essentielle de marquer les tâches de chacun des individus d'un groupe, accompagnant généralement, chez les hommes, les rites d'initiation et l'accession au statut d'adulte. C'est en Océanie, et plus particulièrement en Polynésie (îles Marquises et Nouvelle-Zélande), que le tatouage atteint ses développements les plus sophistiqués ; il peut en effet recouvrir entièrement corps et visage. Le tatouage fût également une pratique courante en Europe et notamment en Roumanie, en Serbie, en France et au Portugal, ainsi qu'à travers toute la Grèce Antique.
Interdit par diverses religions occidentales, il disparut en Europe, à l'exception de certaines inscriptions propres à quelques coorporations d'artisants du Moyen-Âge. Il ne réapparut alors qu'au XVIIIe siècle par l'intermédiaire des explorateurs des îles du Pacifique.

Le mot même de "tatouage" - très récent en français - vient du tahitien tatau, "dessin". L'expression serait la réduplication de la racine ta, "frapper, faire une incision", dont les étymologistes soulignent le caractère d'onomatopée. Le Capitaine Cook, grand découvreur de la Polynésie, et son chroniqueur Banks, notent le terme en le transcrivant tattow dans les récits de voyage aux îles de la Société en 1772, et tattoo dans le compte rendu de circumnavigation de 1776. De plus, notons qu'en polynésien ta signifie "dessin" et atours, "l'Esprit" ou "les esprits". Ainsi, dans cette région, le tatouage était une pratique magique qui permettait la descente des esprits dans le corps. Les dessins des esprits étaient ensuite déchiffrés par les tahowas ou prêtres-sorciers. Mais au fil du temps, la pratique du tatouage a évoluée et a peu à peu perdu sa fonction magico-spirituelle pour devenir un code descriptif des différentes classes sociales, des lignées et des alliances. Aujourd'hui, le tatouage tribal, bien que conservant quelque peu sa fonction de marquage social, ne constitue plus essentiellement qu'une richesse ornementale et culturelle, une parure de motifs traditionnels dont on a en partie perdu la signification.

Cette évolution, du magico-religieux, au social puis à une simple fonction de parure, se retrouve dans de nombreuses sociétes qui ont utilisé le tatouage. Au Japon , par exemple, il a pu représenter les exploits des dieux, ceux des maîtres de guerres ou de chasse, les systèmes d'armoiries, etc. Mais pendant longtemps, le tatouage eu au Japon un usage à but punitif, usage pénal qui aurait été empreinté à la Chine, qui avait à l'époque une influence déterminante sur le Japon. Au XVIIe siècle, à Toma, les criminels arboraient l'idéogramme du chien sur le front; à Kyoto, deux barres sur le bras ; à Nara, deux lignes encerclant le biceps du bras droit ; à Satsuma, un cercle près de l'épaule gauche... Des auteurs tentent d'expliquer le passage énigmatique du tatouage punitif au tatouage d'embellissement par le fait que les criminels auraient voulu noyer leurs signes caractéristiques dans un foisonnant décor. Cette pratique du tatouage punitif disparut progressivement au XIXe siècle.

C'est donc par les grandes expéditions maritimes que l'Europe redécouvre le tatouage. Capitaines, officiers, explorateurs de tous bords rapportent des souvenirs incarnés de leurs voyages dans les îles du Pacifique et ailleurs. Fascinés par la richesse décorative des têtes maories, les occidentaux en inaugurent le commerce. En 1770, un des savant accompagnant James Cook en acquiert une, lançant sans le savoir une mode prospère. Devant une demande croissante, la valeur marchande de ces têtes funèbres tatouées ne cessera d'augmenter et entraînera évidemment des falcifications.

Au XVIIIe siècle, des Européens à la découverte du Nouveau Monde, séduits par les pratiques amérindiennes, commencèrent à se "piquer" la peau. D'autres voyageurs recoururent au tatouage afin de mieux s'intégrer aux sociétés qu'ils observaient et de mieux s'en imprégner. Ainsi le Comte Tolstoï, pour se concilier l'estime des insulaires en Océanie, se décora à vif comme eux. De retour à Saint-Pettersbourg, sa notoriété fut assurée et on se bouscula dans les salons pour le voir de plus près. Puis de nombreux aristocrates le copièrent tels que Catherine de Russie, Pierre Le Grand ou encore le Tsar Nicolas II.
Le tatouage devint progressivement un phénomène de mode dans toute l'Europe et se propagea surtout dans les milieux aristocratiques et politiques. En France, Marat, le Sans-culotte s'en serait justement fait tatouer une, le Duc de Chartres, plus connu sous le nom de Philippe-Egalité, aurait arboré des inscriptions bien révolutionnaires et bien d'autres figures de la révolution française étaient également tatouées : Robespierre, Danton, Bonaparte, le Maréchal Lefebvre, etc. A Berlin, à la fin du siècle dernier, les femmes élégantes se pressaient pour passer entre les mains des tatoueurs birmans. Mais c'est surtout au Prince de Galles (futur Edouard VII) et à son fils (futur Georges V) que le tatouage doit ses lettres de noblesse. En 1882, alors qu'ils effectuaient un voyage autour du monde, les enfants de la Reine Victoria se firent tatoués lors de leur passage au Japon, chez le Célèbre Hori-Chiyo. Quelques uns des membres de l'aristocratie se précipitèrent ensuite vers l'empire du soleil levant. Ainsi, le Baron de Potsdam, futur Keiser Frederic III, se rendit au Japon en compagnie de Georges Ier de Grèce, et tout deux revinrent avec un dragon sur la poitrine.

Le succès du tatouage continue son ascension en Europe comme en Amérique. Le monde du tatouage a été et continue a être illustré par les hommes politiques. Les présidents américains sont en tête de liste avec Théodore et Franklin Roosevelt, Truman et Kennedy ; en Angleterre, avec Winston Churchill (qui portait les armes de son père, le Duc de Marlborough, et une ancre sur le bras), le Maréchal Montgomery et le Duc D'Edinbourg. L'Est n'échappe pas au phénomène avec Staline (une tête de mort et une étoile rouge) et le Maréchal Tito, ainsi que la France avec ses présidents Thiers, Poincaré, Sadi Carnot, Casimir Périer, Félix Faure..., ou ses généraux et maréchaux Lyautey, Joffre, Galliéni, Foch, Pétain, etc.
Depuis peu, le monde du spectacle s'est approprié le procédé. "Le tatouage voyage d'un milieu à un autre au gré de la mode et de sa popularité" (France Borel, "Le vêtement incarné", 1992, p. 163). Après avoir constitué l'apanage des classes élevées son image de marque s'est peu à peu altérée. Les marins en ont fait une sorte de signe distinctif, leur peau est devenue un véritable journal de bord relatant les escales. Par la suite les militaires s'en sont également emparé pour témoigner dire les combats et l'isolement. Ainsi, le tatouage s'est limité aux membres de certains groupes stigmatisés et marginaux ; et on constate aisément qu'il se propage particulièrement dans les milieux monosexuels (casernes, prisons, bordels, asiles...), comme une sorte de "compensation de l'absence de l'autre, une façon de se le glisser dans la peau en transformant son propre corps en fétiche. L'image incarnée se fait substitut et mémoire" (M.-A. Descamps, "L'invention du corps", 1986, p. 167). Parfois, les tatouages étaient attribués à des associaux, les psychiatres y décelèrent des motifs de paranoïa, de l'exhibitionnisme, un esprit de révolte, une forme marginale d'une tendance primitive : l'auto-plastie ou retournement sur le corps. Mais ces études effectués dans les asiles psychiatriques, les prisons ou les hôpitaux, n'offrent qu'une vision déformée par des personnalités pathologiques et ne permettent nullement de rendre compte de ce que peut être le tatouage.
Actuellement les populations qui se font tatouer ne sont plus les mêmes de par la mode du tatouage et sa grande diffusion dans le monde occidental qui se fait principalement dans trois directions : les "honnêtes gens", les femmes, et les jeunes. Et même si la pratique du tatouage s'est individualisée, on peut dire qu'aujourd'hui encore le tatouage témoigne de l'appartenance à un groupe inscrite dans la peau. Néanmoins, il existent différents types de tatouages dont le contenu renvoie explicitement ou implicitement à un certain groupe d'appartenance ou de référence.

II - Le langage du tatouage et sa pratique
1. Dans les îles du Pacifique
Dans de nombreux archipels océaniens, le tatouage fait partie intégrante de la culture. Il traite à la fois des systèmes d'alliances et d'appartenance à un groupe social, rend compte de l'histoire individuelle et restitue ainsi l'identité propre de l'individu. Les inscriptions tégumentaires facilitent ainsi l'intégration de l'individu à la communauté et constitue un rituel indispensable de l'accession à la dimension sociale. Le tatouage des sociétés traditionnelles, contrairement au tatouage contemporain ne renvoie pas au corps propre mais au corps social.
Afin de mieux comprendre l'art des sociétés océaniennes, il convient de préciser que art, pouvoir, temporel et spirituel, intimement liés, se résument dans le concept de mana, commun à toutes les zones du Pacifique. La mana, est cette force active, associée aux ancêtres et d'essence divine, indispensable à toute activité humaine et qui imprègne êtres et choses. Chaque objet d'art est alors un vecteur de cette force à laquelle participent le choix des matériaux et l'iconographie. Ainsi, qu'il s'agisse d'architecture, de tissage, de tatouage ou de sculpture, toute oeuvre obéit à une fonction sociale et religieuse.
Après avoir effectué cet éclaicissement, je vais tenter d'illustrer la pratique du tatouage océanien en prenant pour exemples trois grandes aires culturelles : la Nouvelle-Guinée, la Micronésie et la Polynésie.

En Nouvelle-Guinée, le tatouage accompagne généralement les rites initiatiques et marque l'accession de l'adolescent au statut d'adulte. Il est également une épreuve et un preuve de résistance et de force.
Dans ces régions - où la pêche est une des activités dominantes - le garçon qui ne passe pas par cette souffrance sera jugé incapable d'attraper des poissons et de trouver une épouse. En revanche, l'homme abondemment tatoué est surnommé avec admiration "celui qui a crié longtemps" et attire les faveurs de la collectivité. Certaines zones, comme les mains et les pieds, sont particulièrement sensibles à la douleur infligée par le tatouage, certains n'y resistent pas et affichent donc publiquement leur manque de courage. Mais la pression sociale est si forte que très peu d'individus se résignent à subir une telle humiliation.

De même, les femmes dont les lèvres ne sont pas tatouées sont frappées par la honte et jugées hideuses et répugnantes. Dans cette région des femmes se sont spécialisées dans la pratique du tatouage : elles exécutent sur les jeunes filles qui accèdent à l'âge adulte des tatouages faciaux composés de lignes et de motifs géométrique. Le tatouage rend ainsi les femmes plus belles et montre également leur force. Il n'existe pas de schéma ornemental préétabli, chaque tatouage est unique et la femme qui l'exécute suit son inspiration du moment (mon). Le seul motif récurrent est une colonne de V sur le front, que l'on retrouve aussi sur les étoffes d'écorce. Si pour aider les hommes à endurer l'épreuve, la collectivité organise des festivités où l'alcool et les chants engendrent une légère transe qui insensibilise, en revanche, le tatouage des femmes s'opère discrètement dans le calme et le retrait, car - comme dans de nombreuses contrées - le sang féminin est jugé impur et menaçant pour les pouvoirs guerriers et cynégétiques des hommes.
Mais aujourd'hui, la signification du tatouage a changé. En raison du multiculturalisme de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les tatouages servent essentiellement de signe d'appartenance à une culture ou à une ethnie.

Dans toute la Micronésie, la fabrication des textiles et l'ornementation des corps sont les deux principales activités artistiques. Les motifs des vêtements et des tatouages, qui sont fort complexes, permettent d'identifier une famille, de distinguer un rang ou un statut social. Tout comme les ceintures tissées et les bandeaux tressés, les tatouages se composent de motifs qui, reservés à tel ou tel lignage, ne pouvaient être utilisés par d'autres. Les tatouages de Pohnpei (îles Carolines) comportaient des motifs à base d'entrelacs rappelant ceux des tissus. Les femmes portaient ces tatouages sur l'abdomen, les fesses et les jambes, compensant ainsi le fait de ne pouvoir porter les ceintures tissées réservées aux hommes.
Dans les îles Marshalls, les tatouages présentaient également des motifs rappelant ceux des ceintures et des nattes tissées. Les hommes et les femmes portaient des tatouages dont les motifs étaient à base de lignes brisées, barbelées ou crénelées. L'habillement et le tatouage aux îles Marshalls permettait cependant de différencier socialement un homme d'une femme, car seuls les hommes d'un statut social élevé avaient le droit de porter des tatouages sur le visage - la tête étant considérée comme la partie la plus sacrée du corps et le siège de la mana de tout individu - et de longs cordons tressés en guise de ceinture.

Les populations polynésiennes montrent également un fort attachement au corps, au statut social et à la mana à travers leurs tatouages, lesquels enveloppent le corps d'images protectrices, tout en révélant le rang social de la personne qui les porte, et tout en renforçant son sentiment d'appartenance à l'un de deux sexes.
Avant le déclin que connu le tatouage à Hawaï au milieu du XIXe siècle, les hommes de haut rang portaient des tatouages sur le visage, la poitrine, les jambes et les mains. Les motifs comprenaient des zigzags, des triangles étagés et des chevrons, faisant tous référence à la colonne vertébrale et donc à la généalogie. Lorsque les hommes de haut rang livraient combat, dos et têtes étaient protégés par leur cape et leur casque de plumes, le visage et la poitrine par leurs tatouages.
En Nouvelle-Zélande, la différence entre hommes et femmes était très marquée, les hommes de haut rang avaient tout le visage couvert de tatouages, tandis que les femmes de rang élevé n'étaient tatouées que sur les lèvres et le menton. Les femmes qui figuraient au rang des membres les plus éminents de leur lignage avaient parfois le droit à des tatouages sur tout le visage pour marquer leur statut inhabituel.
Chez les Areoïs de Polynésie, la société se divise en plusieurs classes signalisées par la disposition des tatouages et chaque classe est baptisée du nom de la partie du corps tatouée. Ainsi, la classe la plus élevée se nomme "jambes tatouées", la deuxième "bras tatoués", la troisième "flans tatoués", la quatrième n'arbore que quelques marques sur l'épaule, la cinqième une simple raie sur le flan gauche, etc.
Chez les Maoris, les hommes et les femmes sont tatoués de motifs assez semblables, cependant les femmes ont une ornementation moins dense que les hommes. Comme dans de nombreuses régions du Pacifique, les femmes présentent des tatouages dans la zone des lèvres et du menton, ces tatouages autour ou sur les lèvres préserveraient d'une vieillesse prématurée et conserveraient la beauté des femmes. Pour les Maoris la tête bénéficie également d'un statut particulier car elle contient la force sacrée, la mana, et doit donc être mise en valeur.

Aux îles Marquises, le tatouage effectué à la puberté est , pour les jeunes gens, la marque de leur admission dans la communauté des célibataires. Cette communauté a principalement pour tâche de protéger le chef de la tribu et d'enlever aux tribus voisines les victimes nécessaires aux sacrifices. Ainsi, la réalisation des tatouages fait l'objet d'une importante cérémonie à laquelle participent exclusivement les membres masculins de la famille. Trois fêtes sont données à l'issue du tatouage d'un adolescent, fêtes au cour desquelles l'intéressé ne danse pas mais expose son nouveau corps, oint d'huile de noix de coco et de jus de fruits afin de faire ressortir les dessins. Les dernières festivités donnent au jeune homme l'occasion de trouver une épouse.

Dans beaucoup de ces archipels pratiquant ce procédé tégumentaire, le tatouage est essentiellement un marqueur social, les motifs réalisés sont des indicateurs du sexe, du statut, des alliances, de l'appartenance d'un individu à un groupe, etc. Ainsi les tatouages constituent de véritables moyens de reconnaissance, une carte d'identité illustrée ; et l'identification entre un individu et ses tatouages est telle qu'ils supplantent parfois réellement ce que nous appelerions la physionomie. Mais aujourd'hui, les tatouages traduisent davantage le sentiment d'appartenance à une culture qu'ils n'indiquent le statut social des individus ou ne permettent de différencier les sexes. De nombreux habitants des îles de la Société, par exemple, ont adopté des tatouages de même style que ceux des Marquises, notamment parce qu'ils trouvent leurs tatouages plus beaux. De plus, les deux archipels faisant à présent partie de la Polynésie française, les populations ont le sentiment d'être unies par un lien culturel et politique. Enfin, les populations des îles de la Société estiment que la tradition des Marquises est plus vivante car le tatouage y a subsisté plus longtemps. Le tatouage est essentiellement répandu chez les jeunes et en particulier les danseurs qui ont sans doute un souci plus grand de la perpétuation des traditions.
Après cette analyse du tatouage dans les sociétés des îles du Pacifique, l'exposé de cette pratique dans nos propres sociétés s'impose d'elle-même.

2. Dans les pays occidentaux
Un tatouage, de par son caractère permanent et indélébile, n'est généralement jamais réfléchit à la légère par celui qui le porte. Le contenu, ainsi que l'emplacement même du tatouage ont une valeur symbolique très forte, qu'elle soit d'ordre idéologique, affective ou autre. Certes, il existe toutes sortes de tatouages différents mais quelle que soit la catégorie à laquelle ils appartiennent ou la raison pour laquelle ils ont vu le jour, tous les tatouages parlent et disent des choses du tatoués, de l'ordre du conscient et de l'inconscient.
Tout d'abord, on distingue deux grandes catégories de tatouages. Premièrement, les tatouages codés, souvent incarnés par des formes géométriques énigmatiques. C'est principalement en milieu carcéral que se développent les codes plus ou moins secrets tels que les trois points à la base du pouce signifiant "mort aux vaches", ou encore les quatres points formant un carré au centre duquel le cinquième point témoigne de l'isolement du prisonnier, de petits traits peuvent également évoquer le nombre d'années d'incarcération, etc. Certains tatouages géométriques et codé (points, lignes, croix...) se retrouvent chez les populations du Maghreb et dans le monde arabe, mais leur signification semblent aujourd'hui avoir plus ou moins été perdue.
La seconde catégorie rassemble les tatouages figuratifs qui constituent la forme la plus répandue des oeuvres tégumentaires réalisées actuellement dans les sociétés contemporaines : "lignes et couleurs ne sont pas utilisées en tant que telles mais pour une représentation plus ou moins lisible, plus ou moins visible" (France Borel, "Le vêtement incarné", 1992, p. 167). De plus, on assiste aujourd'hui à la création de véritables oeuvres d'art vivantes. Les tatouages révèlent la beauté intérieure et joue un rôle de parure séduisante au même titre que les vêtements et les bijoux. Le tatoueur contemporain peut donc se considérer comme un artiste peintre sur le corps. Le tatouage tend à être apprécié comme un réel art graphique. Certains tatoués possèdent des dizaines de tatouages et d'autres en sont entièrement recouverts. On peut notamment trouver des portraits (Mona Lisa, Kennedy...), des textes de loi, des aigles, des motos, des paysages et des couchers de soleil, des scènes épiques, des temples et des estampes japonnaises, on observe même parfois des reproductions incroyables de tableaux, telle qu'un détail de la liberté guidant le peuple de Delacroix ou encore de la création du monde de Michel-Ange, imprimé sur le dos.

Mais si les tatouages se présentent en apparence comme des oeuvres artistiques, ils n'en cachent pas moins d'autres réalités, et les raisons conscientes et inconscientes qui conduisent les individus à arborer tel ou tel tatouage sont des plus diverses (mais je laisserais ici de côté l'étude des raisons inconscientes qui appartient plutôt au registre de la psychologie clinique).

Tout d'abord, il peut être question des superstitions ou des croyances du tatoué. Tout tatouage peut être investi d'un pouvoir magique ou religieux et jouer un rôle prophylactique ou lithurgique, et constituer un appel de protection (croix, sainte-vierges, trèfles à quatre feuilles, fer à cheval, etc.), de plus, les multiples interprétations d'icônes favorisent également l'identification (Christ crucifié sur une ancre de bâteau...).
La séduction apparaît aussi de façon récurrente mais la proportion de tatouages érotiques est relativement peu élevée. On peut néanmoins observer de nombreux dessins à connotation érotique dont les significations sont plus ou moins déchiffrables. Il existe évidemment une foule abondante de représentations de femmes aux jambes et aux seins dénudés, de sirènes indiquant peut-être la rencontre d'une femme trompeuse... Certaines allusions apparaissent, généralement tentées de fantaisie, dans la région fessière, souvent plus intense dans les milieux homosexuels. On peut ici citer l'exemple amusant d'une chasse à courre où le renard traqué se précipite pour se réfugier dans le terrier : ... l'anus! Certaines inscriptions telles que "love me", "make love", "aime-moi", "jouet des dames" ou "robinet d'amour", notés au dessus du pubis, sont également particulièrement élocantes.

Cependant, la violence, la haine, la révolte, les armes et l'armée sont aussi, (malheureusement ?), des thèmes récursifs dans le tatouage. Il continue à se répandre surtout dans les milieux marginaux où il fonctionne comme un moyen d'expression antisocial. De nombreux gangs ont leur emblème tatoué dans la peau, il sert aussi de rite initiatique dans certaines sectes ; dans les bandes il officialise l'agressivité contre le pouvoir et éveil l'admiration, pour les motards Hell's Angels, le tatouage est un uniforme et leur signe de ralliement, etc. Les têtes de mort, les poignards, les svastikas, les révolvers, fusils, etc, sont autant de signes d'agressivité, de morbidité, de désir de vengeance que des emblèmes de puissance et de provocation. Certains animaux comme les dragons, les panthères noires ou les bêtes fantastiques peuvent exprimer la force du refoulement. Le dragon est probablement l'image de pouvoir la plus repandue dans l'univers du tatouage. Cette créature, d'après les mythologies, est liée à des forces supérieures, elle est, pour beaucoup, la personnification des puissances de l'inconscient, celles que combat Saint Georges. Bien souvent, les tatouages sont couverts par les vêtements, ils ne sont visibles que du tatoué ou de ses connaissances intimes montrant bien que le tatouage n'a pas systématiquement un caractère exhibitionniste et concerne la sphère personnelle du tatoué.

Mais les marques tégumentaires officialisent la tendance grégaire, elles soulignent et rendent publics les fanatiques (croix gammées, crucifix, étoile rouge,etc.). Le tatouage soude aussi les relations à l'intérieur d'un groupe, il est un signe de reconnaissance et par là même il instaure une relative solidarité entre les différents membres. Les tatouages nous indiquent les groupes dont ils sont la marque d'appartenance, il sont les empreintes indélébiles d'une identité et d'une affiliation rassurante à un clan. Parce qu'il est souvent présent dans des groupes marginaux, le tatouage serait dès lors le propre d'une personnalité troublée qui s'exprime peu ou mal verbalement et invente un autre mode de communication avec le corps. La psychologie lui reconnaît un double emploi : le premier, interne, assurant la pérennité du moi idéalisé, et le second, externe, captant le regard de l'autre pour tenter de le subjuguer. "L'acte de se tatouer, ou de se faire tatouer, apparaît comme un système de défense contre une situation anxiogène [...]. Le tatouage fixe pour toujours une décision, une partie de l'Idéal du moi et permet d'entrer en relation avec soi, avec un groupe par une identification simple et avec le monde en montrant ce qui ne peut s'exprimer autrement" (M.-A. Descamps, op. cit., p. 175).

Le tatouage vise à combattre l'anonymat, il offre une marque de distinction. Certains voient dans le tatouage les manifestations investies des tendances sadomasochistes ou homosexuelles (pénétration de la peau par une aiguille...). Mais le tatouage fixe aussi un affect et agit comme une mémoire cutanée. Il raconte l'histoire d'une vie : une image, un prénom, une date, etc, et permet de garder avec soi une tranche de vie parfois difficilement sauvegardable autrement. Le tatouage a donc aussi un fort aspect sentimental et affectif. L'emplacement spatial de ces dessins spécifiques ont une grande importance et varie selon l'âge du tatoué. Le "maître tatoueur" français, Bruno, installé au coeur de Pigale, constate que : "de 18 à 22 ans, le tatouage sentimental se porte sur l'avant-bras ; de 23 à 27, on le trouve plus fréquemment sur le biceps, tandis qu'à 30 ans, on arrive au rond de l'épaule pour aboutir ensuite sur le sein gauche" (cité par F. Borel, op. cit., p. 171).

Le tatouage contemporain se réfère à une histoire individuelle ou à celle d'un groupe restreint, il est un désir de communication et une recherche identitaire au travers de soi-même ou d'un groupe. Mais dans nos sociétés occidentales, le tatouage est un pratique individuelle, une complainte narcissique sur son propre chemin de vie et en cela il peut être marginalisant. Au contraire, comme je l'ai montré préalablement, les inscriptions des civilisations dites "primitives" rendent possible l'équilibre entre identité et appartenance à une collectivité.

III - Rencontres avec des tatoueurs (avril 1998)
Cette partie est consacrée à la restitution des éléments recueillis sur le terrain qui viendront compléter et affiner les informations données préalablement par les recherches théoriques.
1. Compte-rendu d'un entretien avec un tatoueur (-tatoué)
Patrice a 24 ans, il est tatoueur depuis un an chez l'un des plus grands tatoueurs du moment, Franck, qui exerce son art sur les pentes de la Croix-Rousse à Lyon. Il m'a reçue, pour notre entretien, dans le petit cabinet de tatouage où il travail et où il se préparait à recevoir un client. Patrice a principalement insisté sur plusieurs points : le rôle et l'influence du tatoueur, la dimension arstistique et esthétique, et quelques aspects de la dimension sociale du tatouage.
Tout d'abord, le tatoueur professionnel a un rôle décisif et une influence très importante sur la mise en oeuvre du tatouage. Avant de réaliser un tatouage, le tatoueur a un entretien plus ou moins long avec son client (précisons que les informations données par le tatoueur ne sont pas forcément généralisables à l'ensemble de la profession et ne consernent que l'activité propre à ce salon de tatouage). Ils discutent du choix du motif et de son emplacement. Le tatoueur conseille la personne, il veille à ce que le tatouage soit en harmonie avec le corps, mais aussi la personnalité et parfois même la culture de l'individu. Il tente de restituer chacun dans sa propre culture ou de conserver, dans la progression du tatouage, la cohérence d'une culture choisie afin de préserver l'harmonie et la valeur esthétique de la pratique (il arrive souvent que certains individus mélangent les genres et se fassent faire des motifs chinois puis indiens...). Bien évidemment, le tatoueur ne peut pas refuser de tatouer ce que le client désire, il cherche simplement à le prévenir et à lui expliquer ce que signifie le motif, d'où il vient, et pourquoi cela serait disgracieux.
Le rôle du tatoueur demande une certaine finesse et de l'intuition car c'est lui qui aiguille parfois la personne pour tenter de trouver ce qui lui correspondrait le mieux. Si le tatouage n'est pas beau ou s'harmonise mal avec le reste, les gens sont déçus et n'en veulent plus au bout de quelques mois. L'instant primordial de la rencontre, de l'entretien, avec le client se situe surtout au moment même de l'esquisse du tatouage ; lorsque le dessin est tracé sur la peau, la personne prend alors conscience de l'allure qu'aura le motif, de l'emplacement qu'il occupera sur le corps, et si finalement cela lui plaira. Parfois certaines raisons font que le tatoueur refuse de tatouer certains clients. Le plus souvent, ce refus est lié à des raisons médicales car la personne présente des problèmes de peau. Mais l'âge précoce de la personne peut aussi être une raison suffisante, certains tatoueurs hésitent souvent à tatouer des adolescents car "ils ne sont pas encore bien responsables", leur décision n'est généralement pas mûrement réfléchie. Le tatoueur joue donc un rôle de guide. Lorsque des individus viennent se faire tatouer pour la première fois, ils leur apprend à ne pas mettre n'importe quoi, n'importe où, à respecter l'harmonisation des formes du corps et des dessins.
La plupart du temps, on démarre les premiers tatouages sur l'épaule ou le haut du bras pour progresser la "fresque", si le tatoué le désire, tout le long du bras ou du dos. Tous les motifs sont parfaitement étudiés pour s'articuler les uns aux autres de façon à obtenir quelque chose de très enveloppant, qui recouvre grâcieusement les différentes parties du corps. Contrairement aux tatouages effectués à l'intérieur d'un groupe par les membres eux-mêmes (marins, bandes d'adolescents...), où les motifs sont disposés de manière éparse sur la peau, les tatouages professionnels sont réalisés comme de véritables oeuvres d'art présentant une cohérence et une régularité.

Vous l'aurez donc compris, le tatouage a évolué vers une pratique artistique. Le tatoueur responsable du salon, Franck, ne travail qu'avec des techniques de peinture. Aujourd'hui, le tatouage ne subit pas une grande révolution, l'évolution se fait à l'échelle du tatoueur qui va continuellement chercher à perfectionner son art. D'après mon interlocuteur, l'évolution doit maintenant s'effectuer dans l'esprit des gens. Le tatouage doit être en accord avec la personnalité du tatoué.
"Les motifs choisis doivent être en communion avec les croyances, la culture, mais aussi la créativité de l'individu".
Ceux qui veulent se faire tatouer des dauphins, des dinosaures, des loups, parce que le cinéma les a influencés, font du tatouage un effet de mode qui ternit le côté artistique et créatif de cette pratique, mais également pour certains cas, sa fonction de marquage social. Le problème en Europe, c'est que la culture est en déperdition et a beaucoup perdu de sa richesse. Alors les gens vont avoir tendance à se référer à la culture des autres sociétés qui ont su préserver leurs traditions et leur spécificité. Cette attitude contribue aussi pour une part à cette perte d'identité du monde occidental. A ce sujet, mon interlocuteur me précise :
"Parfois, on propose à certains individus qui désirent se faire tatouer des signes chinois, de se faire plutôt tatouer des runes qui signifient la même chose, sauf que ce sont des signes européens, mais les gens refusent systématiquement car ils trouvent la calligraphie chinoise plus jolie".

Mais en fait, le véritable problème est que les européens ne s'identifient plus à leur culture, il l'a connaisse mal et ne s'y intéresse plus. Ces temps-ci on observe néanmoins un retour de la culture celte surtout par le biais des jeunes. Bien souvent, les individus qui se font tatouer une fois reviennent par la suite. Cet élan s'expliquerait entre autre par le côté esthétique du tatouage et son rôle de parure et d'embellisseur du corps. Mais le tatouage, par le biais du corps, est aussi un fabuleux moyen d'expression. Il offre la possibilité de revendiquer son identité sociale mais aussi personnelle, d'exprimer certains désirs, fantasmes, idéaux, etc, de façon symbolique ou figurative.
Le "groupe des tatoués" représente déjà un groupe à part entière, différent de ceux qui ne sont pas tatoués. Le tatoueur que j'ai interrogé, Patrice, cite en plaisantant l'incription d'un T-shirt présentant l'inscription suivante :"Que disent les gens qui sont tatoués
à ceux qui ne le sont pas ?
Rien."

Les individus tatoués forment une cohésion, une communauté, il y a une sympathie, une reconnaissance qui s'instaure lorsque deux individus tatoués se rencontent. Mais à l'intérieur de ce groupe on distingue de petits sous-groupes, organisés et regroupés volontairement (motards, skin-head, gangs...) où le tatouage constitue une marque importante, distinctive du groupe ; et des groupes dont les membres ne sont pas forcément regroupés physiquement mais liés et catégoriés par le thème même de leurs tatouages.
Par exemple, une personne qui se fera tatouer des dauphins, de poissons parce qu'elle aime la plongée ou la mer, trouvera des affinités avec des personnes arborant des tatouages de même genre, etc. De plus, il est fréquent que des individus appartenant à la même culture possèdent les mêmes styles de tatouages, bien que les motifs diffèrent cependant entre eux.
Même dans sa pratique contemporaine, le tatouage est encore parfois une marque la culture d'appartenance. Des individus d'origine irlandaise ou bretonne vont arborer des motifs celtes, d'autres venant des Indes arboreront des motifs hindouistes, d'autres encore d'origine asiatique porteront des dragons ou des poissons chinois, etc. Patrice me raconte à ce propos le cas atypique d'un client "à moitié noir et à moitié blanc" qui s'était fait tatouer un dragon japonais!... Le dragon est devenu un motif classique et inévitable qui revêt tout un tas de significations. Le dragon peut être un symbole de protection, il est le gardien des forces supérieures qu'il peut également représenter, il est aussi un formidable symbole de puissance et de pouvoir, il peut évoquer la crainte et représenter le démon...

2. Compte-rendu d'un entretien avec un tatoué
Par la suite, je me suis entretenue avec Bruno, le barman du salon de tatouage. Il a 38 ans et s'occupe aussi d'une association pour la sauvegarde et la découverte de la culture celte. Je lui ai donc proposé de me parler de son expérience personnelle. Bruno est tatoué sur tout le bras droit et arbore également un motif sur le côté droit du crâne juste au dessus de l'oreille.
Bruno avait quatorze ans lorsqu'il a fait son premier tatouage, un scorpion sur l'avant-bras droit, qu'il s'est lui-même tatoué. Il m'a avoué qu'à l'époque il l'avait fait pour faire comme certains copains de sa bande qui s'étaient tatoués à la main, point par point, avec de l'encre de Chine et trois aiguilles à coudres. Il n'a recommencé à pratiquer le tatouage que très récemment, à l'âge de trente ans et s'est exclusivement tourné vers des illustrations celtiques, revandiquant ansi sa culture d'origine. C'est d'ailleurs pour défendre les traditions et la culture celtes qu'il a monté avec d'autres une association, s'intéressant à la musique celtique, à la pratique du tatouage et du piercing, mais aussi au travail du cuir, du métal... Autant de pratiques ancestrales qu'ils désirent faire redécouvrir aux gens.
Pour lui le tatouage est un mode d'expression de la culture, "il permet de montrer qu'il y a des gens qui n'oublient pas les traditions des anciens peuples". Les tatouages de Bruno ont été puisés dans les ouvrages de la mythologie celte, ses illustrations partent du haut de son épaule jusqu'à son poignet en s'articulant parfaitement les uns aux autres. On y distingue donc de nombreux personnages de la mythologie : le dragon, le magicien, des guerriers, des gnomes, des trolls, des fées, la sorcière, Cernunos, le dieu de la forêt et des animaux, le chamane, le serpent et le torque (collier métallique torsadé)... Bruno a également pour projet de se faire tatouer, dans le dos, une représentation du "Domaine des dieux" ou "Dernière bataille des dieux", illustrant le moment où tous les dieux, les guerriers et les géants se sont entretués et ont disparu. Pour lui, fixer cette scène est une façon de pérenniser la tradition et de la faire revivre même si les dieux, eux, ont succombé. Ainsi il apparaît comme un grand conservateur de la culture celtique. Mais, bien que ses tatouages parlent de l'histoire de ce peuple, ils n'en sont pas moins des motifs choisis personnellement et personnalisés qui évoquent donc certainement les affects inconscients et les représentations internes du tatoué.

Et puis il y eut le BILAN...
Lorsque j'ai demandé au tatoueur ce qui poussait les gens à se tatouer, il m'a répondu : c'est l'instinct ! Effectivement, depuis toujours l'homme se peint la peau ou se tatoue et utilise son corps comme support d'expression. Même chez les enfants, on peut observer les prémices de cette pratique ancienne. Combien de fleurs, de coeurs, de messages d'amour, d'amitié inscrits au stylo fleurissent sur les mains et les bras des jeunes écoliers ?

Au départ, le tatouage était une pratique tribale, il permettait à charque individu de marquer sa tribu d'appartenance, son clan, son statut social et de se dé-marquer des autres. Cette pratique était répandue dans le monde entier, aussi bien chez les Celtes, que chez les Romains, les Grecs, mais aussi dans les civilisations plus lointaines comme dans les pays arabes, en Océanie, en Asie ou chez les Indiens d'Amérique. Ensuite le tatouage est devenu un art, grâce au perfectionnement des outils et du tracer, les dessins sont devenus de plus en plus beaux, de plus en plus soignés, et l'intérêt pour les motifs tégumentaires a progressivement glissé vres un intérêt esthétique et artistique. Dans de nombreuses sociétés, le tatouage était un rite de passage permettant d'accéder à un statut particulier. Chez les Maoris, comme l'a expliqué Patrice, le tatouage permettait entre autre l'accession au statut de guerrier, de chef...
A la base le tatouage est un rite, il fait partie intégrante de la culture de nombreuses civilisations. L'accession à un statut doit se mériter, elle implique nécessairement que l'individu donne de lui-même et souffre pour l'obtenir. Bien souvent, le tatouage, parce qu'il est une pratique douloureuse, témoignait du courage et de la force de celui qui l'avait enduré ; c'est pourquoi dans de nombreuses tribus, il était réservé aux chefs, aux guerriers ou marquait de façon plus générale la virilité du jeune garçon qui passait à l'âge adulte.

Aujourd'hui cette pratique a peu à peu perdu son caractère social. Le système tribal n'existant plus depuis longtemps dans nos contrées, son rôle de marquage identitaire du groupe s'est lentement éteint. Cependant, cet usage du tatouage peut encore subsister dans les groupes présentant une organisation primitive comme les bandes, où il sert encore de signe d'appartance et de reconnaissance. De façon plus large, le tatouage reste un mode d'expression permettant de revendiquer ses idées personnelles, ses sentiments, son groupe...
Quoiqu'il en soit, le tatouage reste une pratique individuelle. Le temps où il s'effectuait lors des grands rites de passage et était rythmé par les festivités locales est bien révolu. La décision n'est plus imposée par la société, elle en revient à l'individu lui-même, il est le seul propriétaire de son corps et le seul à en disposer, pour cette pratique là..

De nouveaux rapports entre les tatoués et la société



Le monde d’aujourd’hui a perdu les anciennes valeurs qui encadraient la société (sécularisation, engagement politique….). Dans ce contexte de perte de sens, les individus doivent tracer eux même leurs limites dans le monde qui les entoure. Et ainsi ils doivent se créer un sens à leur existence, une manière de trouver par soi même. Même si les différentes personnalités sont aussi construites par l’influence de la société qui les entoure, les hommes ont de plus en plus l’impression de décider de ce qu’ils peuvent être. Doit-on penser le tatouage comme une façon de s’éloigner des normes ou bien de s’insérer dans la société par la quête de l’identité propre ?



On l’a vu, au cours de l’histoire le tatouage à été stigmatisé à cause de l’origine de ceux qui le portaient, des marginaux, des isolés… Pourtant à partir des années 1960 des groupes sociaux ont inversé le mouvement pour faire du tatouage une façon de se mettre soit même à l’écart. En effet comme on l’a vu précédemment avec les prisonniers et les criminels il arrive que les individus reprennent un élément qui les stigmatise afin de décider eux même de leur mise à l’écart. Dans certains groupes en effet le tatouage et d’autres marques corporelles est utilisé afin de se mettre non seulement à l‘écart mais de provoquer les autres par le visuel qu’ils rendent dans la rue ou les espaces publics. Ce besoin de se faire remarquer ou bien de vouloir montrer son appartenance à un groupe assez fermé est né avec l’arrivée de groupes comme les cultures marginales identifiables à leu apparence. On trouve ainsi les Teddy boys ( blousons noirs)ou les Mods (abréviation de modern people) en Grande Bretagne.

Et les bikers, les Hell’s Angel notamment soulignent leur appartenance au groupe par un assortiment de vêtements en cuir et de bijoux spécifiques ainsi que d’une panoplie de tatouages souvent impressionnante. Les tatouages saturent les bras et la poitrine et sont mis en évidence par le code vestimentaire. Ils ont une valeur ostentatoire qui rend immédiate l’identification d’un individu au groupe revendiqué et affirment une volonté forte de se détacher des autres groupes qui forment la société. C’est l’un des rares exemples ou la notion de « tribu » peut être employée. Pour eux la peau est un symbole de leur marginalité, il n’y a pas de volonté esthétique, seulement l’affichage de la rupture volontaire avec la société. Ici le tatouage est une marque de marginalité volontaire par rapport au déni d’un type de  société.

      Jusque dans les années 1980 ce sont les milieux populaires qui sont le plus attachés au tatouage. Mais dans les années 1970, les groupes punks ou skinhead vont se réapproprier la symbolique du tatouage agressive  fondée sur la mauvaise réputation de cette marque corporelle. Ils vont utiliser ce signe négatif comme une façon de se différencier de la société qu’ils rejettent. Ce sont les premiers à imposer de manière ostensible dans l’espace public des tatouages et piercings provoquant qui visent à montrer au monde leur présence. Les skinheads se caractérisent par les valeurs qu’ils portent, chauvinisme, racisme, agressivité…mais aussi par leur apparence physique, ils font tout pour apparaître comme sales et inquiétants. Leur crâne rasé est volontiers tatoué de dessins agressifs, et tout leur corps démontre une haine et diverses revendications confuses mais très présentes.

Si ce groupe impressionne déjà par l’image qu’il donne grâce aux marques corporelles, les punks vont encore plus loin. Dans le milieu des années 70 les punks afin de se démarquer des conventions sociales d’apparence physique et vestimentaire vont commencer à se transpercer le corps d’objets multiples, se brûler, se tatouer ou encore exhiber des scarifications nombreuses. Encore moins esthétiques que les signes d’affiliation quasi-tribaux des Hell’s Angel, les motivations des punks sont souvent de simples provocations en plus d’un rejet certain de la société dans laquelle ils vivent.

Le corps se transforme alors en un lieu de revendication, une surface de projection d’un refus de plus en plus radical de l’existence. Le corps en tant que lien social symbolique est méprisé, il n’existe plus que dans le déni de la communication et d’une quelconque ressemblance avec les autres. Et lorsque l’individu bloque  volontairement son affiliation à la société par son corps, il interdit à tous de tenter de lui parler car l’image donnée de son propre corps aux autres est devenu impossible à reconnaître pour le reste de la société.

Ainsi les punks avaient trouvé le moyen de se fermer de la société sans pour autant réellement créer un groupe ou une communauté dans laquelle se reconnaître.



            La représentation de soi dans la vie sociale, l’apparence corporelle est totalement dénigrée et dans ce mouvement le tatouage devient un étendard à porter sur soi de la haine de la société et de ceux qui la respectent. Toutes les marques corporelles arborées par les punks portent ce type de connotations antisociales que ce soit les vêtements, l’hygiène peu respectée ou  les paroles des chansons des groupes représentant les jeunes gens de l’époque. No future. Quel que soit le moyen tout peut devenir porteur des valeurs punks, du nihilisme, bijoux coiffures etc.. Alors il est évident que e tatouage est une marque rêvée pour recréer le discours punk. On retrouve sur son propre corps les slogans du mouvement tels que Destroy, Hate, No future… Et les tatouages scripturaux sont couramment placés là où on les voit le mieux, bras, crâne etc. Le tatouage s'inscrit à la fois comme un acte public et privé, provoquant des réactions d'hostilité ou d'engouement. Touchant à l'apparence, il retentit sur le lien social, et peut entraîner des préjugés en provoquant le rejet ou l'admiration... il est donc à double tranchant, et est reconnu comme tel. Il est donc très facile pour qui veut se rendre inaccessible de recourir à des marques corporelles comme le tatouage car il est visible, ne pose pas de limite à l’imagination et aux valeurs que l’on veut porter sur le corps que ce soit symbolique ou scriptural.

            Même si le tatouage est aujourd’hui relativement bien intégré dans la société, nombre de gens aiment entretenir la légende maudite du rejet et du mépris dans un discours qui se retrouve alors en contradiction radicale avec les faits réels. Depuis une dizaine d’années au moins, les studios et les conventions fleurissent, et les jeunes générations se sont appropriées les marques corporelles comme un élément essentiel de leur culture. Mais une sorte de nostalgie inconsciente se fait parfois jour pour cette histoire ancienne qui représentait le tatouage comme une forme de marginalité.



             Les tatoués ont tous en commun une conscience marquée de fragiliser leur position particulièrement s'ils affichent leurs tatouages dans le cadre de leur vie professionnelle. L'appréhension d'un entretien d'embauche ou d'une discrimination éventuelle est vécue par la majorité d'entre eux.

            Le code du travail prévoit les discriminations suivantes :
“Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans le cadre du titre IV du livre II du présent code, en raison de son état de santé » (La notion d'“apparence physique” a été insérée dans le Code du travail par la Loi n°2001-1066 du 16/11/2001 relative à la lutte contre les discriminations.)



            Certains employés des fonctions publiques, impliquant des fonctionnaires comme la police par exemple ne doivent pas posséder de tatouages afin d’accéder à ces métiers. On peut noter pourtant que des avocats ou des hommes politiques font parfois partie des tatoués. Il s’ensuit alors des situations parfois cocasses comme l’exemple que donne Edmond Locart en citant une anecdote qui date de 1932 citée dans son Traité de criminalistique :
“En Guyane une douzaine de personnes, suspectées d'être des forçats évadés du bagne, est présentée au tribunal. Le président penche pour une relaxe des cas douteux. Ce n'est pas l'avis de l'agent français qui souhaite que tous les hommes soient condamnés. “D'ailleurs, dit-il au président, le seul fait que ces hommes soient tatoués prouve leur origine pénale.”.
“Vous y allez un peu fort, monsieur”, réplique outré le président qui relève alors une de ses manches arborant un large dessin. “Moi aussi, je suis tatoué, et pourtant je ne viens pas de Cayenne.” Et il libère les prévenus. Cette histoire ancienne qui montre bien ce qui a été démontré au début de ce travail, la discrimination des tatoués au début du XXème siècle est aussi une preuve que depuis l’arrivée du tatouage en Europe on retrouve toujours une minorité de personnes issues de milieux comme l’aristocratie, les classes moyennes ou la bourgeoisie qui se faisaient marquer la peau pour de multiples raisons. Or ces tatouages étaient déjà sources de marginalisation dans l’esprit des gens et on soupçonnait facilement les individus qui étaient tatoués de pratiques « peu claires » dés lors que l’on apercevait l’une de ces marques, quelle que sot la situation sociale de la personne visée et sa réputation initiale.



            Toute zone publique de la peau est alors amenée à être scruté par tous. De nombreuses personnes préfèrent effectuer leurs tatouages dans des endroits discrets afin qu’ils puissent ne les montrer qu’à ceux à qui ils veulent les montrer. Il devient socialement bien plus difficile d’appréhender les contacts avec autrui ne serait-ce que dans le milieu du travail car ceux qui se font tatouer ont conscience du caractère discriminatoire que peut revêtir leur tatouage.



            De manière presque systématique revient la nécessité de pouvoir cacher ou non son tatouage selon les circonstances. Le tatouage fait « intelligemment » est considéré pour certains comme celui dont on ‘est pas tributaire et qui n’oblige pas à de nombreux sacrifices pour éviter qu’il se voit. Avant un entretien d’embauche, des contacts avec un client ou des démarches administratives, les tatouages sont soigneusement recouverts de vêtements adéquats. Les tatouages sont importants qui peuvent montrer le caractère ambigu des marques corporelles et la conscience de ceux qui les portent de fragiliser leur position s’ils les montrent dans certains lieux. « J’essaie de ne pas trop montrer mon tatouage à mes collègues de travail, car je sais que cela pourrait choquer certaines personnes, j’évite donc de l’exposer, ça évite les commérages, surtout entre femmes. Dans la vente il y a peu de gens tolérants envers ce genre de choses » (Marie, manutentionnaire, 27 ans) (source des témoignages, « Signes d’identité »). « Sur le bras tu peux moins le cacher, pour un boulot par exemple. Le dos c’est un bon compromis. C’est discret, tu peux le cacher ».(Guillaume, étudiant, s’est fait tatouer le logo de Métallica sur le dos).

Blessures de beauté, blessures du temps...
Tatouages définitifs, tatouages éphémères, piercing, branding… Depuis quelques temps, on a vu ressurgir, dans nos sociétés occidentales, ces marquages corporels. Comment expliquer un tel engouement ? Simple effet de mode, expression du désir de ré-ancrer symboliquement son corps dans un groupe, dans une tradition ? Depuis toujours, l’homme a adopté l’art du camouflage, du tatouage, de la scarification, voire de la mutilation, pour signifier, communiquer, inscrire, en le gravant dans sa chair, son appartenance à un groupe, afficher sa bravoure ou sa révolte, se protéger du mal. Cet art du corps a une forte portée symbolique : ce qui est accompli dans la chair - inscription, percement ou trait - a valeur d’éternité. Tant pis s’il fait mal ; la douleur est la valeur ajoutée indispensable !

Tatouages : l’esprit inscrit dans le corps
Sur le dos d’un chasseur du néolithique, on a découvert des tatouages linéaires (qui semblent suivre le trajet de points d’acupuncture). Sur des fragments de peau de la prêtresse égyptienne Amunet (4 000 avant J-C), on voit des lignes et des points tatoués. Dessin magique, talisman ou simple décoration ? Marco Polo s’étonne des "étranges piqûres" sur le visage, le cou, la poitrine, les bras, le ventre des habitants de Birmanie.
Mais c’est au capitaine Cook, de retour d’une expédition à Tahiti en cette fin du XVIII° siècle, qu’on devra le terme de "tatau" (ta, inscrit sur la peau et atoua, esprit) qui deviendra "tattoo". Depuis, les plus beaux tatouages, ceux des visages de chefs maoris ou le corps d’indigènes des îles Marquises n’ont cessé de fasciner les Occidentaux.

Au XIXe siècle, on voit fleurir cette mode exotique dans les foires où indigènes et matelots arborent des tatouages surprenants. Même les têtes couronnées se "piquent" au jeu . Au Danemark et en Suède, conquis par cet art, les familles royales se font inscrire leur blason sur le corps. En Angleterre, le prince Albert se distingue par le port d’un anneau… au pénis, inaugurant le piercing en Occident.
Invoquant la Bible qui dit, dans le Lévitique (ch. XIX, vers. 28), "Vous ne ferez pas d’incision sur votre chair", l’Eglise a longtemps jeté l’anathème sur toute marque corporelle, qui est le signe des peuples dits non-civilisés. Une "condamnation" qui explique le sentiment ambivalent entre attirance et répulsion que connaissent une grande majorité de gens à la vue d’une modification corporelle : dessins ou percements sur la chair, ou cicatrices rituelles.

En dépit de cette antique injonction, on assiste depuis quelques temps à une réappropriation de ces pratiques ancestrales… Empruntant parfois aux graffitis (tags, dégradation volontaire en signe de rébellion ou signe d’appartenance à un objet d’amour), voulus comme une ornementation exhibée pour attirer le regard, ou une version intime et érotique de celui ou celle qui s’offre au tatoueur comme un parchemin ou une toile afin d’abriter idéogrammes ou dessins qui excitent la libido - Ricardo, photographié par Doisneau, vingt ans de bagne à son actif, n’affichait-il pas des tatouages pornos sur les fesses ? - les arts du tatouage semblent se déchaîner.
Les uns portent un tatouage comme un maquillage permanent, d’autres tentent de restaurer une image corporelle abîmée, d’autres encore exposent à fleur de peau leur recherche d’une identité. On touche ici la frontière, très mince, entre chirurgie esthétique et corps peint à vie : les premières tentatives de tatouage médical datent de la fin du XIXe siècle. Remodelage de l’ourlet des lèvres, des cils, des sourcils, dissimulation d’un angiome ou d’une cicatrice.

Le grand tournant de l’art du corps s’opère en 1891 lorsque Samuel O’Reilly invente la première machine électrique à tatouer. Dès lors, ce n’est plus la pointe qui entre dans la chair poussée par un petit marteau, mais des aiguilles reliées à une buse et dont on peut programmer la profondeur (un millimètre environ). Les risques d’infection sont ainsi réduits, pourvu que le tatoueur procèdent à la stérilisation de ses outils… Lorsque les colorants industriels indélébiles apparaissent, remplaçant l’encre de Chine et le noir de fumée d’antan.En 1986, des pigments couleur chair vont renouveler l’art du tatouage. Jouer avec son corps devient très à la mode : Johnny Depp affichent leurs tatouages. Jean-Paul Gaultier emprunte les tatouages de Tin-Tin pour ses défilés. Certes, on est à des milliers de kilomètres des hommes-fleurs de Sumatra, dont la peau décorée comme les ancêtres l’avaient défini permettait d’exister dans un "corps achevé" et d’atteindre ainsi l’harmonie. Aujourd’hui, l’esthétique prime sur la tradition.

Si, d’aventure, le tatoueur du troisième millénaire n’est pas un artiste, le tatouage risque bien de se transformer en châtiment (comme le fut jadis le marquage des esclaves, des voleurs et malfaiteurs et autres galériens qui portaient, tatouée, la lettre d’infamie ou la fleur de lys, signe de flétrissure définitive). Aussi est-il bon de connaître les tatoueurs dignes de ce nom…

Ed Hardy aux Etats-Unis, Hanky Panky en Europe, peuvent être considérés comme les grands précurseurs. Actuellement, Robert Hernandez est une fine aiguille à Madrid. Dans les conventions, s’illustrent Bébert à Annecy, Bruno, Tin-Tin dont la renommée n’est plus à faire, Blaise et Christiane à Paris, Fontinha à Lisbonne, Bugs à Camden Town, Matti à Stockolm, et tant d’autres…
Leur art se reproduit soit à partir de calques, soit, pour les plus habiles et les plus inspirés, à main levée. Leurs styles ? Le tribal (asiatique), le celtique, le new-school (façon graffitis), le réaliste, d’après photo (portraits), le traditionnel américain (pin-up, têtes d’Indiens, à la Sailor Jerry). Le choix du noir et blanc, l’art du dégradé, du mélange d’encres, des dilutions, mais aussi la maîtrise du réglage de la machine à tatouer, autant de techniques artisanales qui varient avec chaque tatoueur et dont la maîtrise fait le talent de certains. L’art oriental peut côtoyer les graphismes arabisant, le trait des cartoons celui du pur symbole… Le corps devient objet d’art et s’expose.

Piercing, métaphore de l’acte sexuel ?
Mais si l’on sait que le tatouage fait mal sans que la douleur soit insupportable, qu’en est-il du piercing ? Bijou à la pointe du sein, au nombril, à l’arcade sourcilière, à la narine, à la lèvre, ou au-dessus du menton, clou dans la langue, ampallang (ou barre) transperçant le gland, bague au pénis, clochettes aux lèvres du sexe féminin… Corps et visage deviennent les écrins d’ornements dont la connotation érotisante est parfois limpide. Délire sado-maso ou hardcore (art-corps ?), depuis les années 1990, tous les fantasmes sont permis.
Le piercing, métaphore de l’acte sexuel, peut aussi se présenter comme un art de vie.
Les bijoux de base sont des anneaux ou des barres (biocompatibles). Certains bois ou os sont également portables, à l’instar de certaines tribus comme les Masaï de l’Est africain. Il faut savoir que tous les piercings sont extensibles. On peut donc remplacer le premier bijou par un plus gros ou plus grand.
Là encore, des mesures de stérilisation et de prévention sanitaires s’imposent : le piercing doit s’effectuer dans une pièce aseptisée, avec des pinces à clamper, des aiguilles intramusculaires et intraveineuses à usage unique. Tout doit impérativement passer dans l’autoclave et être ensuite stérilisé. Attention à l’utilisation des pistolets (comme ceux des bijoutiers) : ces outils ne pouvant supporter l’autoclave, ils ne sont pas stérilisables. De plus, le port de gants est obligatoire. Un perceur professionnel doit respecter certaines règles élémentaires d’asepsie.

Scarification, branding, implants…
Dans les sociétés primitives, en Afrique notamment, on incisait la chair : il s’agit de la scarification, toujours accompli comme un douloureux rite de passage, comme une marque de virilité et au contraire de féminité. Aujourd’hui, on inscrit ces cicatrices au scalpel. Mais la réponse des peaux blanches est différente de celles des peaux noires, qui développent rapidement des cicatrices hypertrophiées.
Le branding est aussi revenu à la mode. Il s’agit de se faire marquer par brûlure, et c’est un marquage bref mais violent. Là encore, la douleur endurée est à jamais inscrite sur le corps. La marque ne pourra pas disparaître.
On parle d’implants, lorsqu’on place un bijou ou autre objet biocompatible sous la peau, par exemple, des billes en Téflon ou des barres. Par exemple sous la membrane du sexe masculin... Mais le risque de migration des implants sous la peau est réel. Il faut pratiquer des sutures pour éviter ce déplacement.
Les implants sont une alternative moderne au piercing traditionnel. Des recherches sont menées pour limiter au maximum les risques.

Toutes ces modifications corporelles traduisent un rapport nouveau au corps. Si le souci esthétique domine, on renoue avec les expressions des sociétés primitives pour lesquelles le triomphe sur la douleur que les pratiques de modifications corporelles imposent témoigne de la force de l’individu. Certaines pratiques religieuses, le tandem mortifications/rédemption par exemple, constituaient un outil de perfectionnement spirituel.
Mais, dans nos sociétés modernes, la portée symbolique du tatouage ou piercing est plus personnelle que collective. L’état altéré de celui qui aborde une modification plus ou moins intense de son enveloppe corporelle passe par la douleur. Et il est nécessaire d’en garder la marque. On peut penser qu’il s’agit ici de magie individuelle latente, une réponse à un besoin originel.

Étymologie
Le mot vient du tahitien tataus, qui signifie « marquer ».Histoire
Tatouer est une pratique attestée en Eurasie depuis le néolithique. « Ötzi », l'homme des glaces découvert gelé dans les Alpes italo-autrichiennes est mort vers -3 500. Il arbore des tatouages thérapeutiques (petits traits parallèles le long des lombaires et sur les jambes). Le bassin du Tarim (Xinjiang en Chine) a révélé plusieurs momies tatouées de type physique européen. Encore mal connues (les seuls travaux accessibles en langue occidentale sont ceux de J. P. Mallory et V. H. Mair, The Tarim Mummies, Londres, 2000), certaines d'entre elles pourraient dater de la fin du 2e millénaire avant notre ère. Trois momies tatouées ont été extraites du permafrost de l'Altaï dans la seconde moitié du XXe siècle (l'Homme de Payzyrk dans les années 40 ; défunts du plateau d'Ukok dans les années 90). Leurs tatouages mettent en œuvre un répertoire animalier exécuté dans un style curviligne virtuose.


Les Européens ont redécouvert le tatouage lors des explorations dans le Pacifique sud avec le capitaine James Cook dans les années 1770 et les marins en particulier étaient particulièrement identifiés avec ces marques dans la culture européenne jusqu'après la Seconde Guerre mondiale.Finalité
Les raisons pour lesquelles les gens choisissent d'être tatoués sont diverses : identification à un groupe, cosmétique, rituel religieux et utilisations magiques sont les plus fréquentes. Aussi, la sociologie du corps les tient pour un objet d'étude important.

À travers l'histoire, les gens ont aussi été tatoués de force pour de nombreuses raisons. La plus connue est l'identification ka-tzetnik dans les camps de concentration pendant l'Holocauste.
Des tatouages sont aussi placés sur des animaux, cependant très rarement pour des raisons décoratives. Ceux de compagnie ont des identifications et certaines parties de leur corps comme les mufles sont traitées pour éviter les coups de soleil.Procédure


Quelques cultures tribales créent des tatouages en coupant la peau et en frottant ensuite la blessure avec de l'encre, des cendres ou d'autres agents. Cela peut être un complément à la scarification. Quelques cultures créent des marques de tatouage en frappant l'encre dans la peau avec des os aiguisés.
De nos jours, la méthode ordinaire est d'introduire l'encre avec des aiguilles attachées à une barre avec un canon électrique. Lorsqu'il est enclenché, les pointes se déplacent rapidement de haut en bas et l'action des aiguilles permet l'insertion de l'encre sous la couche la plus haute de l'épiderme. Les machines agissent suivant un principe électromagnétique - à la manière des anciennes sonnettes de porte - et sont fabriquées par de nombreuses petites et moyennes entreprises dans le monde.Cosmétiques permanents
Les cosmétiques permanents imitent les paupières, les bords des lèvres, les couleurs à lèvre, les ombres des yeux, mascara, et même des grains de beauté.


Les Tatouages temporaires
Les tatouages temporaires peuvent être faits avec du henné noir, fabriqué en ajoutant du PPD (p-phénylènediamine) au henné naturel pour obtenir une couleur noire au lieu de brune. Le PPD est une substance toxique et irritante. Elle est connue comme pouvant provoquer des allergies de la peau. Son incorporation dans les pâtes pour tatouages est interdite dans certains pays.
L'utilisation traditionnelle du henné pratiquée dans les pays du Maghreb, en Inde et au Pakistan est désignée sous le nom de mehndi.
Un autre système de tatouage temporaire utilise des timbres décoratifs et de l'encre de qualité cosmétique. Tout comme le mehndi, tatouage au henné traditionnel il est sans danger et résiste à l'eau si on ne frotte pas le motif.Santé
Lors du tatouage, le tatoué peut ressentir d'une simple gêne à une douleur aiguë. La vue peut aussi se brouiller.

Seuls les tatouages cosmétiques renferment désormais du métal.Réglementation
Les règlements administratifs comprennent habituellement une ou plusieurs des mesures suivantes :
les établissements de tatouage doivent être enregistrés pour des inspections périodiques,
aucun tatouage sur des mineurs,

pas de tatouages sur des gens ivres ou aux facultés réduites.

Quelques types de tatouages :
Traditionnel : contours épais, fortes ombres noires, usage de couleurs primaires vives,
Tribal : graphismes en lignes épaises, le plus souvent en noir, inspirés des tatouages primitifs en général, polynésiens en particulier,
Flash : images couvrant les murs des studios de tatouages,
Custom : tatouage sur-mesure. Il est conçu par le client, en collaboration avec l'artiste pour donner un tatouage unique,

Réaliste : motifs exécutés de la manière la plus réaliste qui soit, les tatouages les plus réussis donnent l'impression de véritables photos,
Old school : motifs d'inspiration rock'n'roll, pin-up, années 50...

LE TATOUAGE

Bien que le tatouage se démocratise un peu plus chaque jour, bien que les rangs de ses adeptes s'enflent un peu plus chaque jour, particulièrement auprès des jeunes, le législateur, lui, ne semble ni vouloir, ni pouvoir fixer des règles aux professionnels. En France les tatoueurs et les perceurs sont considérés comme des artistes et échappent à toute réglementation sur le plan sanitaire.

DEFINITION:
Le mot tatouage tire son origine du tahitien "TA-TU" qui dérive lui-même de l'expression "TA-ATOUAS", composée de "TA" (dessin) et "ATOUAS" (esprit). En effet, les indigènes marquaient ainsi leur corps afin de se concilier les grâces, la protection et les faveurs de leur esprit. La pratique du tatouage, qui remonte aux temps préhistoriques, représente une forme de décoration permanente qui est une façon d’exprimer son individualité et son identité, plus récemment, une forme de maquillage permanent pour les femmes. Pendant le tatouage, le praticien dépose des pigments dans la peau à une profondeur de 1 à 2 millimètres de manière à créer l’empreinte d’un dessin. L’artiste peut faire le dessin à la main ou, le plus souvent, il suit le modèle au pochoir qui a été copié sur la peau avant le tatouage. Le tatouage cosmétique peut être utilisé pour les paupières et les mamelons. L’appareil à tatouer électrique moderne (dermographe) fait vibrer un groupe de fines aiguilles plusieurs centaines de fois par minute, ce qui crée une série de perforations dans la peau. Les aiguilles remplies d’encre font pénétrer le pigment dans la peau. Les aiguilles pénètrent l’épiderme et atteignent le derme.

HISTOIRE:
Difficile de dire avec certitudes où et quand le tatouage est né, en tout cas pas en Chine comme le veut une légende tenace ; la légende hindoue de Cyrrohée et Bantas en fait mention. Il existe une preuve et une attestation beaucoup plus scientifiques et irréfutables par la découverte en Egypte d'une momie d'une prêtresse d'Hator datant de la XIè dynastie (2200 av JC) qui présente des marques de tatouages sur le corps. On peut également voir au musée de Leningrad, le corps d'un guerrier Shiite conservé dans les glaces pendant quelques 2000 ans, découvert en parfait état de conservation en 1947 et dont les bras sont recouverts de tatouages sophistiqués. Les tatouages en couleurs se développèrent fortement chez les Maoris de Nouvelle-Zélande et furent pendant un temps une forme d'ornement prisée en Chine, en Inde et au Japon. On pensait que les tatouages offraient une protection contre la malchance ou la maladie. Ils servaient aussi à identifier le statut ou le rang, ou l'appartenance à un groupe. Leur utilisation la plus courante, était cependant, une forme de décoration Plus prés de nous et en Europe, on en trouve des traces chez les gaulois et les ethnies "britanniques" (César note dans "De bello gallica" que tous les bretons se colorent la peau avec une matière colorante de teinte bleue".). Les romains utilisaient le tatouage pour marquer les mercenaires, les esclaves, les criminels et les hérétiques. Ainsi après la bataille de Hasting, le corps décapité et mutilé du roi Arnold put être identifié par le mot "Edith" qu'il portait tatoué sur sa poitrine. Les premiers chrétiens d'orient, et en particulier les Coptes se faisaient tatouer des symboles de leur religion, cette coutume s'est d'ailleurs perpétué longtemps (jusqu'au XXè siècle) parmi les pèlerins de passage à Jérusalem. Puis les techniques de tatouage évoluèrent et en 1891, Samuel O'RILEY, inventa la machine à tatouer électrique qui permis de gagner en rapidité, en finesse d'exécution, et diminua considérablement la douleur le tout avec une hygiène plus rigoureuse. A partir des années 1970, le tatouage se démocratisa et devint un phénomène de mode touchant toutes les classes de la société, du cadre supérieur aux artistes ; ceci sous l'impulsion d'artistes tels Spyder Webb ou Lyle Turttle. Ce qui était jusqu'à présent l'apanage des marginaux a alors peu à peu séduit artistes, médecins et hommes d'affaires, hommes et femmes confondus.

PREVENTION:
Même si en France aucune législation n’a encore été mise en place, par soucis de professionnalisme de nombreux tatoueurs s’engagent aujourd’hui à respecter un certain nombre de règles d’hygiène. En effet, la technique utilisée pour la réalisation d'un tatouage, de par l'utilisation d'aiguilles, représente une effraction cutanée entraînant certains risques infectieux. Les infections les plus courantes sont dues à des bactéries et parfois à des virus. Pour réduire considérablement ces risques, et afin de pouvoir travailler en toute sérénité, le tatoueur devrait s’engager à :
- Désinfecter la surface de la peau du client en utilisant un produit antiseptique avant la procédure,
- Suivre les règles d'hygiène universelles (lavage des mains avant et après les procédures, après avoir touché des objets contaminés, avant de manipuler et d'ouvrir des pièces stériles et avant et après avoir mis des gants),
- Utiliser des aiguilles stériles à usage unique,
- Utiliser des gants et des consommables à usage unique,
- Traiter l'instrumentation à usage multiple dans une pièce fermée et réservée à cet effet,
- Stériliser par autoclave,
- Avoir un environnement propre et éclairé,
- Eliminer les déchets à caractère infectieux,
- Veiller à l’absence d’animal dans l’enceinte du studio de tatouage (même en laisse).

CONSEILS A L'OFFICINE:
Le tatouage restant un traumatisme pour la peau, il est nécessaire de prendre quelques précautions pendant les deux semaines qui suivent l’opération. Le pharmacien peut donner quelques conseils simples à la personne tatouée :
- Ne pas toucher le tatouage pendant au moins 12 à 24 heures,
- Se laver les mains avant de toucher l’endroit tatoué,
- Protéger le tatouage de la lumière du soleil ( et des UV) pendant les deux premières semaines pour éviter d’attraper un coup de soleil,
- Gardez le tatouage exposé à l’air. Si ce n’est pas possible, conseiller de le couvrir d’un pansement stérile non adhésif,
- Laver le tatouage avec la paume de la main en utilisant un savon doux, ou mieux encore, un savon antiseptique. (évitez les gels douches ; trop difficiles à rincer),
- Rincez et séchez soigneusement,
- Appliquez une pommade cicatrisante assez douce sur le tatouage (exemple :Bépanthène). Opération à renouveler toutes les quatre heures pendant toute la durée de la cicatrisation,
- Conseiller de porter des vêtements en coton, assez amples afin d'éviter tout frottement,
En revanche, il faut conseiller de ne pas :
- Se baigner (bain, piscine, plage, hammam, etc …),
- Gratter le tatouage,
- Le toucher avec des mains sales,
- Laisser un tiers le toucher.

Rejoindre les autres dans une société en pleine mutation

            Certes les modifications corporelles se rattachent parfois à une mise à distance du reste de la société. Pourtant elles entraînent deux mouvements parallèles, le détachement mais aussi l’affiliation à autre chose. Les tatouages s’inscrivent alors comme attributs d’un style plus large marquant l’adhésion à une communauté urbaine particulière. Le corps fonctionne alors comme une bannière affichant ses valeurs, ses préférences sexuelles, culturelles etc. Mais cette revendication se rattache aussi à un cadre flou car il n’y a aucune organisation dont on se réfère à l’aide de tatouages, quelle soit politique ou culturelle, du moins dans les sociétés modernes. On se trouve dans le contraire des tribus mais dans le cas d’une revendication personnelle plus ou moins reconnue par les autres. Même si de petits groupes se font tatouer pour sceller un lien commun comme l’appartenance à un groupe de musique ou une amitié forte : « Avec des copains, on avait décidé de se faire tatouer un petit signe pour le groupe. C’était pour la frime, je dirais. C’était aussi pour se faire une image de, pour qu’on se souvienne de nous. (…) » (Dédé, barman et musicien, 33 ans). Mais ce type d’affiliation est rare. Le tatouage ne marque absolument pas de signe d’appartenance à une tribu, un group fermé mais plutôt à un groupe informel qui se reconnaît quand ses membres se rencontrent et s’aperçoivent qu’ils portent chacun un tatouage. « Personnellement,  je trouve que le tatouage t’ouvre un autre univers, il y a plus de solidarités entre tatoués, plus de relations, c’est un monde à part » (Yann, 20 ans, étudiant), « Entre tatoués il  y a une sorte de complicité que je ne soupçonnais pas. Quand je croise quelqu’un de tatouée on discute de la taille, de la couleur, de la figure, du tatoueur, de la manière dont ça s’est passé. » ( Audrey, 23 ans, étudiante).La notion de tribu n’est pas utilisée. Il s’agit moins d’entrer dans un groupe que d’en sortir, de se sentir transfiguré par la marque. Les bikers, dont les marques corporelles sont nettement plus homogénéisées et construites autour de la même passion pour les Harley Davidson , sont sans doute le seul exemple réel de groupe apparenté à la notion tribale. Une jeune américaine, citée par C.Sanders confirme : « Je me suis fait tatouer parce que j’y avais un intérêt. Mon mari et nos amis sont presque tous des bikers. Cela m’a permis d’être mieux acceptée par la communauté (…) le biker typique vous dirait que vous avez presque tous des tatouages quand vous êtes de la bande.» On voit bien ici le parallèle avec les traditions des sociétés primitives dans lesquelles la place dans le groupe et le respect passait souvent par les marques inscrites dans la chair des individus.  Dans ces circonstances, la marque corporelle est une condition d’appartenance au sein d’une communauté fermée sur elle-même. Mais dans leur immense majorité les tatoués ne se regroupent pas et ne se revendiquent pas comme une communauté. Leur geste, ils le considèrent comme personnelle au même titre que leur mémoire. Ils sont isolés ou à quelques-uns et entendent seulement traduire par la marque sur leur peau le goût pour un style de musique, une référence religieuse ou culturelle etc. Mais ils le font sans se sentir engagés dans une mode ou dans un univers à part entière. Alors on peut se demander si le rôle social du tatouage n’est pas un simple parallèle avec le renversement des valeurs tel que nous le connaissons de nos jours. En effet ce phénomène ne pousse pas les populations vers le communautarisme et il ne s’inscrit pas tout à fait dans la norme de la société moderne dans sa globalité même s’il est relativement bien accepté. Alors permet-il aux personnes concernées de s’insérer plus facilement dans la société ? On peut présumer que oui, si l'on remonte dans les définitions de nos sociétés modernes. En effet la société actuelle a évolué avec la montée des valeurs libérales portées par le capitalisme vers un nouvel élan individuel. Chaque individu de nos sociétés modernes à subitement reçu une grande part d’autonomie. C’est alors à chacun de se prendre en main à l’heure ou les anciennes institutions porteuses de valeurs sont en crises.

            La religion, l’école, l’Etat lui-même perdent de leur influence sur les individus et la marge de liberté dégagée a dégagé une nouvelle problématique de la modernité. Comment les individus se créent-ils leur identité sans l’aide de ces anciens cadres ? Comment se construire dans un cadre social beaucoup plus souples et qui donne énormément de liberté à tous dés leur plus jeune âge ?

La marque corporelle joue ainsi comme d’autres éléments qui paraissent pourtant lointains ; le communautarisme, le bricolage religieux ou encore la conduite à risques pour ne citer qu’un nombre restreint d’exemples, le rôle de limite posée par l’individu à lui-même,

que ce soit à travers sa spiritualité ou son corps, c’est la reconstruction ‘une identité choisie volontairement et qui pose des limites qui attire aujourd’hui les individus. La quête de sens de leur vie est un terrain immense de mélange des cultures et des pratiques afin que chacun se crée et renouvelle sa propre bulle identitaire. Prospérant sur le désarroi et l'individualisme, la soif d'identité annonce des remises en question. On retrouve chez tous cet élément commun d’une volonté d'exposer publiquement sa différence, la quête affolée de soi dans le regard des autres, la fierté d'être à nul autre pareil et  l'espoir insensé d'affirmer qu'on s'est trouvé, le désir éperdu d' «exister jusqu'à l'incandescence», selon la belle expression du sociologue David Le Breton. On est sommé de s'inventer soi-même, comme le raconte le sociologue Jean-Claude Kaufmann dans une imposante somme, chatoyante, publiée ces jours-ci chez Armand Colin: « L'Invention de soi, une théorie de l'identité. ». Jamais, en tout cas dans les démocraties occidentales, les routes de la vie n'ont été si multiples et dégagées, jamais les marges de manœuvre n'ont paru si larges, jamais les libertés individuelles n'ont fait l'objet d'un culte si vif. Dupin et Kaufmann partent du même constat: jamais on n'a autant parlé d'identité. . Pour exister aujourd'hui, explique ce dernier nous disposons du choix des armes. Nous subissons de moins en moins les déterminismes familiaux et sociaux qui, hier, nous entravaient. Pour se «fabriquer» soi-même, il nous faut «fermer» ce champ des possibles: l'identité individuelle qu'on se construit résultera du tri opéré entre des images, des désirs, des projets, des conjoints, des idées. On va choisir qui on veut être. Et ce ne sera pas facile, prévient-il. «Chacun devient officiellement responsable de ses succès et de ses échecs, écrit-il. L'invention de soi, perspective irrépressible et fascinante de responsabilité et de liberté (qui accepterait de revenir à l'ancienne société du destin?), ouvre parallèlement sur un horizon de désarroi, d'implosions individuelles et d'explosions collectives.». Donc, pour découvrir à quoi on ressemble, on va piocher dans le «festival des régionalismes», le menu à la carte des nouvelles religions, le marquage commercial, le corporatisme des métiers ou des élites ou la «fierté ethnique».  Jean-Claude Kaufmann ne croit pas que l'obsession identitaire soit issue d'un effondrement des grandes institutions, croyances et utopies, qui auraient soudain laissé le champ libre à l'incertitude individuelle. Il affirme au contraire que c'est la montée de l'individualisme qui a sapé ces grandes forteresses de l'ordre social et culturel. Plus personne n'accepte de se laisser dicter sa vie, prétend-il. L'identité, désormais, est une création personnelle même si, Kaufmann l'admet volontiers, on obéit toujours à des courants sourds et à des normes obscures. De cette manière le tatouage devient un élément comme un autre, que l’on peut choisir par simple affinité avec le contenu légendaire ou esthétique de revendiquer sa propre personnalité. La société ne demande plus au individus de se conformer à des modèles qu’elles présenteraient, elle offre aujourd’hui le choix absolu de la construction du sens de la vie des habitants des sociétés modernes. Si les normes se modifient c’est pour laisser plus de liberté encore aux individus. Le tatouage n’a plus de sens propre, on lui en donne un, il a perdu tout le sens social global offert par les sociétés primitives et devient, à travers l’axe de la recherche d’identité un symbole personnel qui ne rapproche même plus les tatoués comme les marginaux des années 30 à 70 en groupes de revendications contre la société mais en personnalité distincte revendiquant leurs propres existences dans le monde moderne.



Conclusion :  L’identité à fleur de peau

            Les modifications corporelles ont un avenir certain dans les sociétés modernes. En effet, l’engouement qu’elles suscitent n’est que le début, leur existence est en cour de normalisation et les données sociologiques qui les favorisent comme l’individualisme moderne ne cessent d’élargir le public touché par le phénomène. Le souci de se distinguer toujours d’avantage des autres va amener forcément à des diversifications quelles soient dans les techniques ou dans les motifs choisis. En ce qui concerne les techniques la mode est aux innovations dans le tatouage avec la création on peut noter de nombreuses nouveautés : encore méconnue, l'invention a été brevetée il y a moins d'un an. Il s'agit d'un tatouage programmable. Se lasser du dessin tatoué était le plus gros problème : le voici réglé. Le concept a été mis au point par une équipe de chercheurs californiens. Il consiste à insérer un mince écran à cristaux liquides sous la peau du poignet. Le dessin affiché est visible à travers la peau et on peut le transformer grâce à une puce également implantée sous l'épiderme. On peut recharger la pile simplement en plaçant le poignet devant un chargeur. En plus des images, le tatouage électronique permet d'afficher sa température et sa pression sanguine grâce à des senseurs incorporés. Ce genre de nouveautés techniques et le développement artistiques du tatouage et donc de différents styles va assurer la pérennité de la pratique dans un monde ou chacun a la volonté de se distinguer des autres afin d’affirmer son identité propre. D’autres méthodes plus traditionnelles renvoient par leur utilisation à une définition passéiste de l’identité ; le tatouage au henné qui commence à prendre de l’ampleur en Europe mais aussi au Brésil où depuis peu il est proposé dans les boutiques ou parfois même en kits d’utilisation.  Tous les corps contiennent la possibilité de devenir une innombrable foule d’autres identités par la marque tégumentaire ou d’autres modifications corporelles se développant. Il n’y a qu’à choisir une de ces identités et l’arborer à même la peau afin d’avoir l’impression de posséder son propre corps, de l’avoir créer et de l’avoir rendu unique. Dans cette trame individualiste, l’effacement de l’autre amène à concevoir son propre corps comme un autre soi même au lieu d’une représentation symbolique de soi. Le corps devient un partenaire multiple et malléable, transformable à souhait.

Aujourd’hui l’identité personnelle n’est jamais achevée, elle se remodèle constamment selon les circonstances (même si une base demeure). En cherchant son corps on cherche à changer son existence. La modification corporelle est une limite symbolique dessinée sur la peau, elle fixe aussi une limite dans la construction de soi et la recherche d’identité. Et tout autant que la construction de la personnalité des individus est sans fin, celle des façons d’individualiser et de construire ces mêmes identités l’est aussi. On peut ainsi prédire un avenir long au tatouage porteur de symbole dans nos sociétés modernes. 

Le tatouage en plein essor, quels enjeux ?

Le tatouage, qui est un signe visible inscrit sous la peau grâce à l’injection d’une matière colorée dans le derme, est une pratique ancienne dont la généralisation dans une société moderne comme la France d’aujourd’hui amène à se poser des questions. Car l’évolution moderne de cette pratique étonne par l’engouement quelle provoque de puis peu chez les jeunes générations. En effet de plus en plus d’individus de tous milieux y ont recours et ne s’explique pas toujours eux même la signification de leur geste. Que les motifs d’en arriver au tatouage soient à priori esthétiques ou encore chargés d’un symbolisme personnel fort, ils ne sont que rarement les mêmes entre deux tatoués et ne permettent pas de concentrer une étude de ce phénomène à notre époque comme celui d’un groupe particulier. Un cadre et un charcutier peuvent très bien se faire tatouer le même dessin maori sans pour autant avoir une culture commune d’appartenance. Le tatouage perd alors son âme communautaire que l’on retrouvait au japon ou chez les Maoris comme symbole de courage chez les grands guerriers et les samouraïs. Pour autant est-il seulement un acte personnel ? Le symbole social du tatouage invite à tenter de comprendre les raisons pour lesquelles des hommes très différents mais aussi des femmes se plie à un même exercice d’apposition d’une marque sur leur corps.

Car la particularité du tatouage, ce qui le différencie d’un simple changement esthétique comme une nouvelle couleur de cheveux par exemple, c’est son caractère inaltérable, il est impossible de revenir en arrière ce qui, nous le verrons plus tard est aussi source de déception ou de douleur. Mais le tatouage voulu est donc un acte réfléchi, a fort caractère social, car la première chose que nous donnons à voir au reste du monde, aux gens qui nous entourent et ne nous connaissent pas forcément, c’est bien notre corps. Cette façon de marquer le corps est vu différemment selon les individus qui s’y prêtent et, certains n’y voient que pure valeur esthétique, d’autres un profond symbole de leur personnalité et parfois de leur attachement à un groupe ou à une culture. A la différence d’un vêtement cependant la marque de cette appartenance est indélébile et ne peut que difficilement, car on peut toujours effacer ou recouvrir un tatouage mais ce n’est pas sans risque, être enlevée. Alors qu’est-ce qui pousse autant de personnalités différentes à prendre une même décision, ce passage à l’acte qui se fait par la douleur ? Si l’acte possède des retombées sur le social par le biais de l’objet symbolique qu’est le corps, il se peut qu’il provienne d’un besoin social, qu’il soit de se distinguer ou de se rapprocher des autres. Le groupe des nombreux tatoués est-il homogène ? Ce n’est vraisemblablement pas le cas et pourtant ils sont de plus en plus nombreux depuis prés de 30 ans à se faire tatouer. Le même acte pour des raisons différentes en apparence.

La particularité du tatouage c’est donc d’effectuer un acte personnel qui va prendre tout son sens, dans la confrontation avec autrui, car dans beaucoup de cas le tatouage est exhibé et s’il ne l’est pas il ne peut être caché toujours pas la personne. Le corps est un élément important de la construction des individus, qu’elle soit personnelle ou sociale. Aujourd’hui on assiste de plus en plus à un besoin social de mise en valeur du corps humain qui se reflète dans les médias, la publicité ou encore les nouvelles pratiques sociales qui mettent en jeu une volonté de modifier son apparence ou de «l’améliorer ». Au-delà des marques corporelles, l’essor de la diététique, des gymnastiques de toute sorte, de la chirurgie esthétique, des cosmétiques ou encore le body art, montre bien que le corps dans les sociétés modernes soit devenu presque extérieur à l’individu, représentant de soi même et affirmation personnelle plus marquant que l’affirmation de ses opinions dan notre société. Se contenter simplement de son propre corps ne suffit plu, il faut le « personnaliser » un peu plus, le rendre conforme à ce que l’individu pense être. Le recours de plus en plus fréquent et de moins en moins marginalisé du tatouage montre aussi le changement moderne de la relation au corps, de même que des pratiques telles que le piercing ( percement de la peau pour y mettre une pièce telle qu’un bijou), le stretching ( élargissement du piercing pour y mettre une pièce plus volumineuse), le cutting ou scarifications ou encore le peeling (on enlève des surfaces de peau). Ces usages ne sont plus aujourd’hui aussi associés à des valeurs négatives comme le tatouage l’a été pendant longtemps et on remarque une volonté d’aller toujours plus loin dans des transformations qui dépassent le simple motif tatoué, les implants sous la peau remplissent aujourd’hui l’office ancien du tatouage pour ceux qui veulent innover ou encore choquer leurs semblables. Car le tatouage est aujourd’hui accepté par une large majorité des populations en Europe et dans les pays ou il est apparu pourtant au départ comme un signe distinctif à forte connotation négative.

Le changement de valeur des modifications corporelle est pourtant important dans nos sociétés, car si anciennement elles étaient la volonté d’affirmer une singularité radicale et de choquer, aujourd’hui ce ne sont d’abord pas seulement les milieux populaires ou marginaux qui sont touchés par le phénomène du marquage corporel mais des personnes de tous milieux sociaux et culturels et même de tous les âges. Les hommes et les femmes sont aujourd’hui touchés par le phénomène de la même façon. On remarque alors qu’on ne peut plus vraiment classer ces marques d’appartenance comme provenant d’un effet de mode car elles s’insèrent aujourd’hui véritablement dans la société, ne choquant plu réellement la majorité des individus et s’incarnant même dans de nouveau procédés de séduction. L e phénomène apparaît comme culturel et étendu largement dans la société moderne. On n’est plus étonné de voir apparaître un nouveau studio de tatouage dans un centre ville et de plus en plus un peu partout dans les petites villes et banlieues car cette culture a été acceptée et par presque toutes les générations (les plus anciennes font peut-être figures d’exceptions mais se sont habituées aussi avec la couverture par les médias à ces nouvelles tendances). Ces dix dernières années ont vu les anciens stéréotypes du tatoué quasiment disparaître après s’être estompées pendant l’arrivée de la modernité dans nos sociétés. On assimile plus le tatoué à un criminel, un ancien forçat, un ouvrier, un militaire ou un marin, des couches populaires de la société qui affichaient une virilité agressive. On peut alors se demander pourquoi ce phénomène a-t-il pris une telle ampleur et quelle en est la signification tant sur le plan individuel que social.

Dans la première partie de ce mémoire il est nécessaire de retracer un historique partiel de la culture du tatouage est de son arrivée en Europe afin de comprendre tout d’abord d’où proviennent les anciens stéréotypes que les Européens avaient assimilés sur le tatouage au début du XXème siècle, puis quelle était la signification du tatouage dans les premières sociétés où il fut inventé et pratiqué ce qui nous permettra de comprendre une partie de la signification du tatouage pratiqué par les sociétés modernes. Et nous verrons que l’histoire n’a pas apporté qu’une image positive du tatouage en matière d’identification de l’individu.

Dans cette même partie, on procèdera à une étude des différentes sortes de tatouages pratiqués le plus couramment et de ses significations.

La seconde partie de ce travail sur le tatouage présente en deux axes d’études la problématique du tatouage, nous verrons d’abord le tatouage comme distinction a travers la marque corporelle de la société et des autres individus, et dans ce chapitre nous verrons plus en détail le problème de la douleur et son importance dans le processus du marquage tégumentaire. Enfin une dernière partie abordera les caractéristiques du fait de se faire tatouer comme forme d’un nouveau moyen de communication, de rassemblement et l’utilité sociale en matire de reconnaissance de soi du tatouage, qui permet alors de se permettre d’aller vers les autres lorsque l’on a pris possession de son propre corps et donc d’une partie de son identité. Il est ici important de comprendre que la société actuelle mettant beaucoup plus l’accent sur l’importance du corps dans la reconnaissance de l’autre et de sa personnalité, la ré appropriation de son propre corps afin de lui donner un sens est devenu presque obligatoire dans nos sociétés modernes.

L’arrivée du tatouage en Europe porte la raison de la vision négative de ses débuts.

Un indigène au corps complètement tatoué a été ramené par William Dampier en 1691 et exhibé dans toute la société londonienne. La société européenne, étonnée par ces ornements se passionne pour la vision d’autres indigènes ramenés par les bateaux de commerces et dont on invente l’histoire pour rendre le spectacle plus intéressant. Ainsi Giolo, l’indigène originaire des Philippines  aurait été capturé par le roi de Mindanao et tatoué de force avant d’être vendu comme esclave, une fiction qui pimente le spectacle. C’est de cette façon que suivirent plusieurs autres indigènes mais aussi des marins prétendants avoir été tatoués de force alors que ce n’était pas le cas afin de faire de leur corps un commerce lucratif dans les cirques et les exhibitions. Cook ramena également en 1774 Omai, un insulaire des mers du Sud qui souhaitait connaître l’Angleterre. La fiction de la violence accrédite la valeur des tatouages et justifie les ornements fait sur des européens. Mais le tatouage se retrouve une fois encore doté d’une réputation sulfureuse et il est mis en récit comme la conséquence d’une contrainte physique et d’une action perverse des primitifs, et dans les imaginaires de l’époque la pratique ne peut être volontaire. Ainsi on peut comprendre qu’à l’époque, en plus de la pression religieuse qui le récusait, le tatouage ait pu être perçu comme un signe négatif, de contrainte, de violence et de barbarie. Faire du tatouage un spectacle et cela a été le cas durant de nombreuses années pendant lesquelles on trouvait jusqu’en 1930 des hommes gagnant leur vie dans des cirques et des foires après s’être fait presque entièrement tatoués (le visage était souvent épargné afin de ne pas se couper entièrement de la société occidentale) l’a enfermé dans une image de marginalité et de perversion. Ainsi dans les années 30 de nombreux criminologues assimilent l’existence de tatouages sur un individu avec l’affiliation aux milieux du crime. Certains scientifiques en dénoncent un caractère sadomasochiste et même une preuve de l’homosexualité ! La suspicion du tatoué criminel et dérangé va alors basculer vers une vision négative qui perdure encore dans certains écrits jusqu’en 1960.

Les deux groupes intéressants à étudier du début du XIXème au XXème siècle sont donc les criminels et les marins. La raison de la présence de tatouages sur les marins est relativement évidente, leurs contacts réguliers avec d’autres populations à travers le monde et des cultures différentes font du tatouage un signe de référence. On peut rappeler qu’en                           Angleterre au début du XXème siècle, 90 % des marins de la Royal Navy étaient tatoués et en 1960 on estime qu’environ 65 % des marins américains se faisaient tatouer avant la fin de leur engagement. Le tatouage chez les marins peut-être assimilé à un rituel, l’éloignement crée le besoin de renouer avec un lien de communauté et cette tradition maritime tient aussi du fait que des tatoueurs fameux se sont installés dans les ports conscients de la clientèle potentielle. Les tatouages des marins ou encore des détenus étaient alors effectués sans dermographes et donc se faisaient de manière très douloureuse, mais la résistance à la douleur avait alors une valeur de l’affirmation de la virilité des hommes qui se faisaient tatouer. On retrouve alors chez les marins, mais aussi les soldats, une symbolique du tatouage de la mise en valeur de la communauté de la virilité masculine et aussi souvent dans les motifs choisis, l’image de l’absence de femmes ou des êtres aimés. Des noms et des initiales féminines sont alors représentés sur les corps de ceux qui ne voient pas leur famille ou leur amante la plupart du temps. Une façon de s’approprier sur soi les personnes absentes, l’expression « avoir quelqu’un dans la peau » est prise au sens propre et permet aux hommes de posséder une mémoire visible.

Cette image des femmes se retrouve évidemment beaucoup aussi dans les prisons. Mais dans cette situation le tatouage trouve une autre explication. On a aussi un sentiment de groupe de détenus qui coexistent et partagent la même privation de liberté, mais il s’agit ici par le biais de la marque corporelle, de retrouver quelque chose de personnel, une propriété que les autres n’ont pas à l’identique  et c’est aussi une manière de se réapproprier sa personne à défaut de pouvoir faire ce que l’on veut. Le corps devient mémoire et revendication d’exister malgré l’enfermement. Le tatouage se fait avec des moyens de fortune et doit être caché car sa pratique y est interdite. Elle n’en est que plus importante, comme le dernier morceau de liberté offert avec les moyens les plus rudimentaires aux détenus. La forte dimension symbolique de la marque corporelle attire forcement ceux qui sont privés de liberté et ne peuvent plus que la regretter. Une chance pour la reconquête de soi symbolique est présente dés qu’un détenu est capable de tatouer ses camarades. La dignité est revendiquée contre le règlement et c’est une façon pour ces hommes de conserver une part de libre arbitre, du moins sur eux-mêmes et aussi de prouver aux autres leur courage et donc d’éviter parfois les ennuis.

            Le tatouage se retrouve alors lors de la sortie de prison être un piège, un stigmate, on peut noter « criminel » à la vue d’un homme tatoué et ainsi la liberté acquise dans la prison disparaît à l’extérieur puisqu’on l’a vu précédemment nombre de scientifiques voient le tatouage comme le signe des criminels. La stigmatisation qui se joue rappelle celle des marques d’infamie existantes sous le XIV ème siècle et plus tard avec par exemple la lettre M imprimée sur le front des mendiants professionnels condamnés à la prison, la fleur de lys associé à une ou plusieurs lettres pour marquer les criminels ( GAL pour les anciens galériens, V pour les voleurs) et les femmes ne sont pas épargnées, une fleur de lys étant imprimée sur la peau des prostituées. Enfin le code noir, qui régit les relations avec les esclaves dans les colonies, impose dés 1685 une fleur de lys sur la peau de tous les fugitifs et des mutilations supplémentaires en cas de récidives. La marque au corps nous le verrons encore plus tard peut être aussi le symbole de l’horreur.

Pour en revenir aux criminels et en 1930, ceux-ci étaient souvent marqués de tatouages divers. Le tatouage du milieu diffuse de reprendre à son compte la marginalisation et la mise à l’écart de la société comme si elle était choisie par l’individu. Parfois les tatouages sont un signe d’appartenance à une bande de criminels. L’humour est souvent présent dans les textes et les images des tatouages des criminels ainsi que l’imagerie érotique on retrouve ainsi des textes apposés sur le bas ventre ou encore le sexe de certains individus.

Ainsi comme on parlait de la marque d’infamie sur les prostituées dans les siècles précédents, à cette époque le tatouage  revient sur celles-ci, en plus ou moins volontaire. En effet, les prostituées, stigmatisées, s’approprient aussi le tatouage en signe de dignité et de liberté, de plus la fréquentation des marins, criminels, où soldats influe sur les femmes qui les prennent en exemple. Par contre à la différence es hommes les prostituées ne voient pas toujours le caractère indélébile de lamarque. Et il arrive souvent que ce soit les proxénètes qui les fassent tatouer comme preuve qu’elles leur appartiennent. Un film japonais datant des années 60 met en scène une jeune femme vendue à un souteneur qui décide de la faire tatouer, en premier lieu car son tatoueur le lui demande mais surtout pour transformer la jeune femme en véritable prostituée, en ce qu’il appelle « une mangeuse d’hommes » et lui promet que son tatouage lui offrira la force de soutirer de l’argent à n’importe qui. Le proxénète revendique alors le fait d’avoir crée une part de l’identité de cette femme et qu’elle lui appartienne  (« Tatouage », Yasuzo Masumura, 1966) .

Et ce n’est pas le seul moment ou le tatouage symbolise l’appropriation de l’autre, en effet en plus des souteneurs, certains maris jaloux amènent leurs femmes chez des tatoueurs pour leur inscrire sur la peau « J’appartiens à … » comme le signale un tatoueur américain basé à Chicago. Le tatouage, historiquement à toujours eu valeur d’identité, qu’elle soit revendiquée comme appartenance à une communauté, à un individu ou encore comme l’appartenance de son propre corps pour soi-même. Pourtant on peut se demander si de nos jours l’idée est toujours la même pour les nombreux adeptes du tatouage. Mais tout d’abord il faut prendre en compte les caractéristiques modernes du tatouage.

L’évolution du sens du tatouage et sa diffusion en Europe

De l’arrivée du tatouage en Europe et en France par le biais de marins découle les différentes représentations premières et négatives du tatouage dans les sociétés industrielles, en effet au-delà de l’exotisme passablement effrayant de la marque corporelle, les premiers individus à avoir effectué ces marques en Europe sur eux même ou sur d’autres ont conditionné l’image du tatoué. Pourtant cette pratique qui provient de sociétés primitives telles que les Maoris ou les Inuits était au départ un fort symbole d’intégration sociale.



A . Historique du tatouage et de ses représentations



1) Historique du tatouage  :

Les tatouages ne sont pas une pratique nouvelle. C’est le moins que l’on puisse dire, en effet on peut situer les premiers tatouages au niveau de la préhistoire. En 1991 a été découvert dans les Alpes italiennes le corps momifié d'un chasseur néolithique piégé dans le glacier de SIMILAUN, datant de 5300 av. J.-C. Il a été relevé sur lui la présence de petits signes très stylisés et schématiques. Il s'agit du plus vieil exemple de tatouage. Il a également été établi que ces tatouages avaient été pratiqués dans un but médical et avaient une fonction thérapeutique, car situés au niveau des articulations et pouvant donc avoir un effet sur l'arthrose. An delà de la croyance possible déjà assimilée au tatouage avant même l’apparition des sociétés primitives, cet exemple montre que cela fait bien longtemps que les hommes se décorent le corps. Plus tard, 5000ans avant Jésus Christ c’est au Japon que d’autres signes de tatouages  ont été retrouvés.  Provenant de statuettes funéraires retrouvées dans des tombeaux japonais, ils servaient d’accompagnement aux morts dans leur voyage dans l’au-delà.  Avant cette découverte, le premier tatouage se situait en Egypte avec une momie de 2200 av. J.-C., dont le corps était entièrement tatoué de motifs décoratifs, mais ayant un but plutôt sacré et religieux. Ainsi on remarque que dans les premières utilisations du tatouage ceux ci portaient plutôt une symbolique de protection liée au sacré. Aujourd’hui encore de nombreux tatoués se font faire des signes de protections et des symboles provenant de cultures européennes ou non. Par exemple des signes celtes, des symboles de calligraphie chinoise ou japonaise signifiant force ou encore protection.

C’est un aspect qui n’est pas négligé dans la signification du tatouage. Les tatouages en couleur se développèrent fortement chez les Maoris de Nouvelle Zélande et furent pendant un temps une forme d’ornement prisé en Chine ou en Inde. On leur prêtait aussi des vertus contre la malchance et la maladie. Parfois comme chez les Maoris  ou au Japon ils servaient à identifier le statut ou le rang de la personne qui les portait ou l’appartenance à un groupe d’individus. Les grands guerriers japonais étaient souvent tatoués de grandes fresques colorées. Darwin faisait remarquer dans ses ouvrages qu’il n’existe aucun peuple qui ne connaisse pas cette pratique sur cette planète. Même en Europe on retrouvait des tatouages chez les Gaulois, les Germains ou les Pictes de Grande Bretagne qui étonnaient les Romains en arborant de nombreuses marques corporelles. Mais dans les pays d’Europe, l’ère chrétienne met un frein à cette pratique qu’elle considère païenne. Pourtant les Bosniaques Chrétiens se font tatouer des croix pour se distinguer des musulmans, et les pèlerins qui vont jusqu'à Notre Dame de Lorette, en Italie ou encore à Jérusalem se font graver sur le corps une image indélébile, sorte d’attestation de pèlerinage.

Cette religiosité populaire perdure à travers les croix et les phrases religieuses ou encore l’image de la  Sainte vierge tatouée sur de nombreux marginaux croyants.

Une superstition rapportée par l’écrivain Herman Melville raconte que les marins tatoués d’une croix ne peuvent être dévorés par les requins. Pourtant dans les religions du livre les marques corporelles sont proscrites, cet interdit alimenta en profondeur le statut longtemps négatif du tatouage et bien sur, la prédilection de son recours pour des individus en porte-à-faux et qui souhaitent pour des raisons diverses, affirmer leur marginalité et leur indifférence au jugement des autres. Si on l’a vu de nombreux chrétiens se faisaient marquer la peau pour revendiquer leur religion ou pour des raisons pratiques (se revendiquer Chrétien pouvait permettre d’obtenir une sépulture Chrétienne) c’est surtout parce que de nombreux peuples touchés par cette religion  possédaient déjà une culture du tatouage comme les Bretons dont l’étymologie serait « les peints » ou les Scots (dont le nom signifie qu’ils ont le corps peint).

En ce qui concerne les signes qui distinguaient les classes sociales on remarque un fort attachement social des marques corporelles dans les communautés primitives. Par exemple, chez les Marquisiens qui portaient des tatouages sur différentes parties du corps. La différenciation dans le groupe était marquée par des signes correspondants à chaque classe sociale, sous le contrôle vigilant des chefs : lorsqu’un initié se voyait attribué de nouveaux mérites,,, il pouvait ajouter de nouveaux tatouages aux précédents. Les femmes étaient moins ornées mais leurs tatouages étaient plus fins et mieux exécutés car ils correspondaient à une parure esthétique. Les chefs pouvaient porter une multitude de tatouages, ceux-ci représentaient par exemple des scènes guerrières ou un évènement important. Dans les îles marquises les tatouages qui sont effectués sont aussi fait par esthétisme. Toutes les parties du corps sont tatouées, à l'exception de la paume des mains et de la plante des pieds.Plus les dessins sont nombreux, riches et variés, plus la personne est âgée et élevée dans le milieu social.

A la fin du XIXème siècle, en Polynésie, une personne n'ayant pas le dessus de la main tatouée ne pouvait pas se servir dans la marmite commune. De même, qu'un homme ne pouvait demander la main d'une jeune fille s'il n'avait été préalablement tatoué. C'est donc pour cette raison que le tatouage était effectué dès la puberté. On remarque ici que les tatouages portent de forts symboles d’appartenance et d’identité mais cette identité est insérée dans le groupe tout entier. Si le tatouage est une revendication de la réussite des guerriers il permet aussi à celui ci de rester avec des individus de son rang et donc on voit bien qu’en dehors de l’ornement, le tatouage permet une identification directe de l’individu pour n’importe qui appartient à cette société, c’est un signe de reconnaissance important. Le fait qu’on ne puisse se marier si l’on n’est pas tatoué montre l’importance sociale et en matière de normes, de l’acte. Le tatouage est un élément culturel comme un autre dans ce type de société. Un autre exemple, en Polynésie toujours, chez les Areoïs, la société se divise en classe que la disposition des tatouages sur le corps met en avant. Chaque classe prenant le nom de parties tatouées.

             Ainsi, la première classe, la plus élevée, est nommée “jambes tatouées”, la deuxième “bras tatoués”, la troisième “flancs tatoués”…La pratique du tatouage dans ces cultures avait pour but de renforcer la fécondité et les liens avec le surnaturel et le sacré. En Polynésie, le baptême de l'enfant, c'est le tatouage. Pour être inscrit dans la communauté, le Polynésien doit passer par des rites imposés par la tribu. C'est alors une cérémonie familiale et religieuse.

On signale des tatouages sur des figures historiques comme Hérodote, Marco Polo et bien sûr James Cook.

Et c’est de grands voyageurs comme Cook que découle la découverte du tatouage par les occidentaux, car le tatouage pratiqué comme norme dans les sociétés primitives n’existe pas en Europe en grande partie parce que l’Europe, touchée par le christianisme s’est elle-même interdit ce genre de pratique qui existaient pourtant auparavant.

Nous allons voir par la suite que c’est de l’arrivée du tatouage par les marins que va se populariser une vision populaire et négative du tatouage.

Différentes caractéristiques du tatouage : le choix du dessin



S'il ne sera pas possible ici de répertorier tous les éléments qui permettraient de comprendre la signification du tatouage dans les sociétés modernes, les deux exemples choisis montrent deux des points forts du tatouage, l’un que tous les tatoués partagent et le second, le choix subjectif, qui différencie tous les tatoués dans leur expérience de la marque corporelle volontaire.

Tout d’abord il y a l’appréciation esthétique du tatouage, si l’individu qui va se faire tatouer n’est pas convaincu de la beauté portée par le tatouage il lui sera sans doute difficile de sauter le pas. Pur beaucoup le tatouage est un art et le corps est un support qui permet de porter son œuvre sur soi et de la montrer à tous facilement, c’est un art accessible. Certains ont la prétention de faire de leur corps une œuvre d’art ce qui est relativement juste lorsque l’on est persuadé au départ de la beauté de la marque tégumentaire. Quelques individus sont tellement éblouis par une fresque, un symbole ou un dessin ou même par le style d’un tatoueur qu’ils se lanceront facilement dans l’aventure du tatouage. Parfois il est possible d’amener chez son tatoueur un modèle que l’on aura soi-même dessiner. Ensuite, le tatoueur donne des précisions quant à des modifications éventuelles de taille ou d’emplacement et ainsi le client aura un tatouage non seulement unique mais aussi personnel. Les marques corporelles permettent de se distinguer, de devenir une œuvre vivante et donc d’attirer à soi autrui. La fierté de posséder un tatouage d’exception équivaut à celui de posséder une œuvre d’art unique couplé au fait de se rendre unique.

On constate que pour certain, souvent les femmes, le tatouage fait aussi office d’ornement comme un maquillage permanent. Considéré comme plus beau qu’un bijou il ne s’altère que peu et peut être ravivé au bout de quelques années si l’encre perd de son éclat à cause du renouvellement de la peau. Pour les adeptes c’est une mise en valeur durable et un investissement de longue durée. L’engouement actuel pour le tatouage de mise en valeur esthétique du corps a transformé les motifs qui sont le plus pratiqués. Aujourd’hui les tatouages scripturaux tombent dans la « ringardise » (Le Breton ; 2002)et on ne se fait plus tatouer « maman pour toujours » puisque le tatouage marque de plus en plus l’indépendance et l’appartenance de son corps à soi-même. Evidemment tous les styles de tatouages ne font pas l’unanimité chez les jeunes gens qui sont eux même tatoués. On trouve en effet beaucoup de tatoueurs spécialisés dans une série de style comme le biomécanique (pour voir les différents styles et leur description voir annexes), le floral japonais, le réaliste, le Maori…

Evidemment on trouve toujours de l’indéterminé et des demandes spéciales. Le tatouage est un élément  à l’adresse des autres qui pourtant comporte un caractère intime certain ne serait-ce que la raison de se faire tatouer puis ensuite le motif du tatouage et ce qu’il signifie pour celui qui l’arbore. Les tatouages tribaux sont aujourd’hui les plus courants car ils ne sont pas figuratifs et que ceux qui les portent leur inventent facilement une signification personnelle. Le choix du motif répond aussi souvent à un coup de cœur pour un motif donné sans que la signification importe réellement, ce sens l’individu lui donnera plus tard.  On peut y voir une quête spirituelle des jeunes qui voient dans ces motifs primitifs un retour à la nature, à des origines exotiques et les tatoués s’imaginent toute une mythologie autour du motif qu’ils ont choisi. Ainsi le même symbole Maori pourra signifier la force ou la chance selon que celui qui le porte (s’il ne connaît pas la signification réelle) l’imagine ainsi.

            Le tatouage est un élément important de la vie du tatoué dés lors que la marque a été faite. C’est aussi un bon moyen de communiquer sur soi même et sur le choix du tatouage. En racontant le pourquoi de l’acte de se marquer le corps on parle en même temps de soi. Parfois aussi le choix du motiF est déterminé par l‘endroit ou on veut avoir un tatouage, c’est une nouvelle fois l’esthétisme qui prime. Et une autre situation existe, celle du client qui veut un tatouage, il ne sait ni ou ni quoi mais il faut qu’il en ait un. C’est soit un effet de mode soit une volonté de marquer son corps peu importe le sens qui viendra là aussi plus tard.

Parfois le choix est déterminé culturellement par un artiste admiré, un groupe de rock, le style de musique écouté ou encore le fait que telle personnalité possède ce tatouage. Il existe un effet de mode par cycle comme pour les vêtements selon que telle musique, style graphique ou culture est à la mode.

            Lorsque le symbolisme est choisi avant que le tatouage soit effectué il peut toucher la façon dont la personne voit la vie, sa famille, certains se faisant tatouer les initiales ou même les visages de personnes aimées, perdus ou non ou encore ses valeurs. Le Breton (« Signes d’identité (…) 2002) prend le cas d’un étudiant de vingt ans qui revendique ses opinions par ses tatouages « Le groupe sanguin j’avais dit que je le ferais alors je l’ai fait. J’avais lu dans un bouquin que les SS étaient tatoués au bras gauche, enfin,  leur groupe sanguin. Comme j’ai du sang allemand, c’était pour moi, inconsciemment, une manière de rendre hommage aux soldats allemands de la Seconde Guerre mondiale qui sont trop souvent déconsidérés. Je ne sais pas. On les critique, mais on oublie trop souvent que le métier d’un soldat, c’est de tuer des gens. Et le fait d’avoir perdu n’a pas joué en leur faveur. ( Cédric, étudiant, 20 ans) ». Ce type de motivation, rendre ses valeurs visibles est aussi une caractéristique de la ré appropriation  du corps, d’une certaine façon on assisterait à un bricolage identitaire qui se jouerait à même la peau. Les symbolismes du tatouage sont aussi parfois très élémentaires ou naïfs : « Le papillon correspond à mes envies de liberté et à l’image associée au papillon de nuit car j’aime bien sortir la nuit » (23 ans étudiante), « C’est un mantra tibétain, tu le trouves dans les prières et tout ça. C’est ce qui te mène à l’éveil, c’est lié au bouddha. En fait c’est la sagesse. Ca veut dire plein de choses mais tu peux le condenser comme ça. » (Céline, 20 ans étudiante). On voit que les explications sont aussi souvent approximatives car ce n’est pas le vrai sens du symbole qui compte c’est celui que lui donne le propriétaire du tatouage. On entre alors dans une dimension affective de l’inscription corporelle. Si on compare les motifs choisis par les hommes et les femmes, le travail sur les femmes étant plus souvent lié à une érotisation du corps ou du moins à le rendre plus beau, les dessins sont souvent plus fins, discrets ou représentent des fleurs, des papillons ou encore des symboles astrologiques. A l’inverse les hommes optent pour des tatouages plus agressifs, on retrouve tout de même encore le besoin d’affiner sa virilité, et les tracés sont moins fins. Les motifs sont aussi plus exposés que ceux des femmes. Seul le tribal peut rester un motif d’égale utilisation chez hommes et femmes parce que les signes sont non figuratifs et très variés (on peut même en inventer en restant dans le « style » tribal.

Dans le type de tatouages très personnels, il y a ceux qui impliquent une personne de la vie du client. La passion amoureuse est encore marquée par le tatouage de nos jours comme symbole d’union inaltérable. Parfois des visages sont demandés aux tatoueurs dont le style est réaliste et qui sont spécialisés dans les portraits. On appelle ce genre la photo réalisme. On l’a vu les tatouages les plus prisés sont les tribaux qui n’ont pas de signification précise et restent très esthétiques. Autres styles la biomécanique qui « figure une technicisation métaphorique du corps » selon l’expression de Le Breton. Le style serait né de l’influence du créateur d’ « Alien », Giger (cf. annexe). Les origines d’un  tatouage peuvent provenir d’un souvenir d’enfance ou encore de la disparition d’un proche. On remarque aussi nombre de tatouages qui visent à fêter un événement particulier, le baccalauréat, un premier emploi, un concours ou un mariage…Souvent le tatoueur est un élément important du choix du motif par exemple ce jeune tatoueur, Vincent se dit "interlocuteur" plutôt qu’exécutant des désirs de ses clients. Il décourage ceux qui veulent des motifs très banals, dauphin ou autre palmier… Des jeunes, entre 15 et 25 ans subissent l’effet de mode et Vincent les entraîne vers plus d’authenticité, afin de ne pas choisir à la légère. Certains tatouages se font pendant les conventions qui sont des sortes de « salons du tatouage » ou tatoués et tatoueurs du monde entier se mélangent pour parler, échanger des techniques ou exhiber un tatouage. Pendant ces conventions les tatoueurs travaillent sur des stands et il est possible de choisir de laisser le tatoueur faire ce dont il a envie avec la surface de peau donnée. Ainsi parfois c’est du désir de porter le travail d’un tatoueur que peut se concrétiser l’envie d’un nouveau tatouage.

L’histoire des tatouages et de leur arrivée en Europe montre bien qu’il a fallu du temps pour que la société ne marginalise plus les personnes tatouées et que la signification de la marque corporelle a fortement évoluée, on ne se tatoue plus du tout pour les mêmes raisons et cette pratique s’est ouverte à toutes les classes sociales sans distinction d’âge ou de sexe. Le tatouage paraît alors être une nouvelle source de sens, de la construction de l’identité de chacun dans une société qui encadre de moins en moins les individus. Si chaque individu aujourd’hui  doit se construire par lui-même alors le tatouage par son fort potentiel symbolique est un excellent moyen de se forger une personnalité unique. Mais s’il permet l’identité, peut-on dire que l’insertion du tatouage dans notre société rassemble les individus ou au contraire les éloigne les uns des autres ?

Différentes caractéristiques du tatouage :la douleur



Dans cette partie il sera question de rendre compte de l’étude de certaines caractéristiques du tatouage qui peuvent expliquer le rapport des tatoués avec la pratique et le pourquoi de leur volonté de se faire tatouer. Cette étude permettra de voir s’il existe une homogénéité des raisons de se faire tatouer et si les différents types de tatouages traduisent l’identité personnelle de chacun ou une façon de se reconnaître dans un groupe soit les réelles significations du tatouage.

Une première caractéristique du tatouage intéressante en ce qui concerne les implications de l’individu est la douleur. Le tatouage est douloureux puisque la loi interdit aux tatoueurs l’usage d’antalgiques autres que certaines crèmes légères et que le tracé du dessin implique une incision profonde dans le derme. Même effectuée par un très bon tatoueur et à l’aide d’un dermographe moderne, la marque tégumentaire est pénible, surtout si elle dure des heures, ce qui est fréquent. Si le tatouage autrefois était vécu comme une preuve de virilité ce n’est plus aujourd’hui la même signification qui est mise en avant.  En effet la douleur physique si elle est perçue comme individuelle, la douleur du tatouage est un élément que tous les adeptes ont en commun et on peut imaginer une certaine forme de respect entre les personnes tatouées tout d’abord, mais aussi entre les personnes qui le sont et celles qui ne le sont pas. Le tatouage fascine par sa beauté, son caractère infini et la douleur qu’il faut supporter pour l’arborer. Dans quelle mesure la douleur permet-elle de  créer une identité au sujet qui se fait marquer la peau ?  On peut penser aux rites de passage à l’âge adulte dans les communautés primitives qui permettent de donner une valeur identitaire (je deviens un homme) grâce à la réussite dans le passage d’une épreuve. Dans beaucoup de ces rituels primitifs, la douleur qui renvoie au courage fait partie du jeu. Ainsi on pourrait dire que nos sociétés occidentales modernes, de moins en moins encadrées par des symboles collectifs puisque la religion ne joue plus ce rôle par exemple, et parce que l’individualisme croissant pousse chacun à se créer un rituel et une identité propre, ont crées aux individus un besoin de s’approprier la douleur entre autres moyens de devenir adultes. « Chaque acteur ne peut aujourd’hui plus répondre que de façon personnelle à la question de la signification et de la valeur de son existence » (Le Breton, « La sociologie du corps » 1992 PUF), cette affirmation du sociologue du corps Le Breton montre bien que le tatouage peut être devenu aujourd’hui un élément au même sens que le bricolage religieux (« La nébuleuse mystico-ésotérique ») de construction de soi et de sens de la vie de l’individu. La symbolique de la douleur peut permettre une avancée de l’individu dans son cheminement personnel ne serait-ce que comme preuve d’une sortie de l’enfance ou de la puberté. Nombres de tatouages sont faits pour fêter une occasion, souvent le baccalauréat ou les 18 ans, des symboles aussi de la sortie de l’enfance. De même on sait que la douleur du tatouage est une douleur non pas comparable à celle de la  maladie mais une douleur nécessaire pour obtenir un bien désiré qu’est la marque corporelle. On ne souffre pas dans ce cas là et selon les adeptes des modifications corporelles, la douleur peut se gérer puisqu’elle est voulue et volontaire. Ici la douleur est seulement un élément du passage de la personne vers un autre soi-même car le tatouage on l’a vu est une marque de la ré appropriation de son corps. Comme les détenus, les tatoués modernes réinventent une liberté qu’ils ont choisie et donc un cadre, des règles que l’on ne trouve plus vraiment dans les sociétés modernes. Cette analyse se base ici sur les adeptes du tatouage plus que sur ceux qui par esthétique ne passeront qu’une seule fois sous un dermographe.

Mais dans le champ propre  de la douleur, on peut noter que si le tatouage est aujourd’hui un plaisir et un choix il a pourtant été le symbole de la souffrance réelle à une certaine époque. Au-delà de la marque forcée appliquée sur les voleurs il y a quelques siècles, on retrouve la symbolique de la population marquée non seulement chez les esclaves noirs mais pendant les heures les plus dures de la seconde guerre mondiale. Soixante ans après la libération des camps de concentration nazis, la plupart des juifs marqués d’un tatouage d’identification infligé par SS afin de les dénombrer plus facilement ont conservé cette marque. A l’inverse des situations précédentes on se retrouve devant un cas de destruction de l’identité des individus tatoués. Pourtant peu nombreux sont les rescapés d’Auschwitz qui ont souhaité faire effacer par une intervention de chirurgie ce qu’ils considèrent aujourd’hui non sans difficultés comme une part malheureuse de leur vie et de ceux qui n’ont pas survécu. Les tatoués d’Auschwitz se battent ainsi contre l’oubli et le refus de certain de voir l’horreur. Les nazis dans les camps ne voyant plus des êtres humains dans leurs futures victimes  sont arrivés jusqu’à les appeler par des numéros de matricule et ainsi pousser à son paroxysme la déshumanisation. Quoi de pire que d’enlever son identité à un être humain ?

Le tatouage était pratiqué uniquement à Auschwitz, un centre de mise à mort. Ceux qui n’étaient pas tatoués le premier jour étaient sélectionnés pour la chambre à gaz. Paradoxalement dans cette horreur il était bien pire de ne pas être tatoué. Le tatouage a été institué dans ce camp afin d’éviter les erreurs dans la comptabilité des mises à mort, ainsi à partir de la fin 1941 les prisonniers de guerre slaves étaient marqués et dés le printemps 1942, le tatouage devint obligatoire pour tous les hommes, femmes et enfants juifs. Même les bébés étaient marqués, dans la cuisse. Les non juifs aussi étant marqués et possédaient en plus une lettre indiquant leur « statut » ; un Z pour Tziganes (Zigeuner), un A pour aryen…Les numéros constituaient l’ultime carte d’identité de ceux à qui on avait tout enlever. Il fallait pour les déportés pouvoir énoncer son matricule entier en allemand. Les tatouages étaient effectués par ordre alphabétique, on retrouve des familles dont les numéros se suivent.

La technique de tatouage était à l’époque rudimentaire et pourtant beaucoup jugèrent évidemment la douleur morale et l’humiliation bien plus horrible que la douleur physique. On assiste à une forme inédite de la douleur dans le tatouage avec ce cas. Malheureusement les mauvaises conditions de marquage ont tué plusieurs juifs d’infection due au tatouage.

Peu de ces tatoués ont voulu se débarrasser de cette marque. Pour beaucoup ils en sont fiers et ne tiennent pas, en enlevant cette marque, renier leurs origines alors qu’ils ont survécu au pire. Mais non par honte, mais par pudeur la plupart cachent leur matricula sous leurs vêtements, après tout s’il n’ont pas à le cacher, ils peuvent éviter ainsi le regard parfois gênant des quidams. Ce tatouage reste la preuve qu’ils ont survécus. Ceux qui l’on fait brûler ou enlever voulaient tourner la page ou justement éviter de répondre aux questions des gens qui reconnaissaient la marque, le tatouage reste pour certain une souillure du nazisme. Et comme un certain nombre de jeunes ne connaît pas le sens de ce tatouage il est peut-être utile de conserver ces marques du moins en mémoire pour ne pas oublier. C’est le combat de certains qui conservent ce tatouage.

Et puis il y avait à Auschwitz, certaines personnes qui voyaient leur tatouage comme n’importe quel élément d’espoir. En effet certains plus croyants utilisèrent la kabbale pour parvenir à lire un avenir numérologique favorable car c’est de la confiance dans l’avenir que ces rescapés tiraient leur force. On en trouve l’exemple dans la bande dessinée récompensée par le prix Pulitzer « Mauss » d’Art Spielgelman ( 1998 Flammarion) qui raconte de façon autobiographique ses discussions avec son père, un rescapé d’Auschwitz, sur son expérience dans les camps. Un passage de la bande dessinée montre un prêtre français qui réconforte son père en analysant son tatouage par la numérologie et qui lui prédit la survie. Nous avons passé en revue ce que peut signifier la douleur symbolique du tatouage. Une autre caractéristique importante du tatouage est la symbolique du motif.

LE TATOUAGE D’ HIER A AUJOURD’HUI



Passionnée depuis longtemps par le tatouage, j'ai menée quelques recherches à ce sujet et j'aimerais ici vous faire partager le résultat de mes investigations !!!

DEFINITION:

Le mot"tatoo", terme anglais dont le mot tatouage est dérivé, a des racines polynésiennes. Deux expressions sont supposées être à ses origines. La première, "tatou" (prononcé "tatahou") est dérivé de la racine "ta" et signifie approximativement "dessin dans la peau». La seconde "tatau" signifie "frapper".

On lui donne aussi des origines antérieures à l'apparition des tatouages dans le monde occidental. Le mot "tatoo" décrivait n effet le battement d'un tambour militaire. Les deux mots ayant des racines latines communes signifiant frapper ou battre se sont donc confondus en un seul !

Le mot français fait officiellement son apparition dans le dictionnaire de Littré en 1858.



HISTORIQUE DU TATOUAGE:

Au début des années 1990, un home est retrouvé dans un cercueil de glace, en Italie, près de la frontière Autrichienne. Des recherches en particulier la datation au carbone 14, suggèrent qu'il est âgé d'au moins 5300 ans. La preuve du tatouage daterait donc de 4 000 ans AVJC environ.

Surnommé depuis "Ötzi, l'homme de glace", le corps porte une croix derrière un des genoux et une série de ligne au dessus des reins; en tout 57 zones de son corps sont tatouées. Ces marques semblent avoir une fonction médicale plus qu'ornementale! (Trajet de point d'acupuncture, traitement contre l'arthrite)

[Le corps de l'homme de glace, magnifiquement bien conservé est visible au musée Tyrol d'archéologie de Bolzano en Italie]

Après Ötzi, ls plus anciens tatouages sont attribués à la civilisation égyptienne.

Retrouvée à Thèbes, la femme d'Amunet était une prêtresse de Hathor (déesse de l'amour dans la mythologie égyptienne). Les experts estime qu'Amunet vécut entre 2160 et 1994 AVJC. Sur des fragments de peau de cette momie, on peut distinguer des lignes et des points tatoués, localisés au niveau des bras, des jambes et au dessus du nombril. Une seconde momie, identifiée comme une danseuse de la même période, est tatouée de motifs n forme de losanges sur les avant bras et la poitrine. Encore une fois, on peut supposer que les tatouages n'ont pas qu'une fonction esthétique: leur position sur le bas ventre et leur présence uniquement sur le corps des femmes laissent penser à un rapport avec la fertilité.

Lorsque les égyptiens étendent leur empire, la fièvre du tatouage s'empare du reste du monde. Les civilisations grecques, persiennes et arabes sont rapidement conquises par ce nouvel art. Quelques centaines d'années plus tard, vers 2000 AVJC, le tatouage s'est répandu le long de la route de la soie, en partant du sud de la chine.



LE TATOUAGE DANS LE MONDE:

Les grecs utilisent le tatouage pour communiquer entre espions. Les marques identifient les espions et marquent une hiérarchie.

Les romains l'emploient pour marquer les criminels et les esclaves.

Le peuple Aïnu (nomades d'Asie occidentale) s'en serve en indication d'un statu social, avec une connotation religieuse. Une jeune femme en âge de se marier est tatouée, de même qu'une femme mariée. C'est cette peuplade qui introduisit le tatouage au japon au cours de leurs voyages.

Les japonais rejettent toutefois la signification religieuse des tatouages pour n'en garder que le côté graphique et artistique. Le style et la technique japonaise restent encore aujourd'hui une référence dans le monde du tatouage mais aussi dans le domaine du design et de l'art en général.

Du Japon, les tatouages se répandent rapidement aux philippines et aux îles du pacifique. A Bornéo, la tradition veut que se soit les femmes qui tatouent . Les motifs réalisés indiquent le rang social et la tribu d'appartenance. Les femmes Kayan ont de délicats tatouages dessinés sur les avant bras ressemblant à des bijoux tandis que les guerriers Dayak victorieux se font tatouer les mains . Le tatouage constitue alors une marque de respect.

C'est probablement grâce aux polynésiens, qui propagent la culture du tatouage lors de leurs voyages vers les îles du pacifique et la nouvelle Zélande que sa pratique connaît son plus grand essor. Les polynésiens développent le tatouage pour marquer l'appartenance à une communauté tribale, une famille ou un rang social.

En Nouvelle-Zélande, ils créent un nouveau style de tatouage sur le visage appelé "moko" et toujours utilisé de nos jours au sein des peuples Maoris et de certains habitants des îles du pacifique où des règles et des cérémonies strictes accompagnent la procédure. Les polynésiens contribuent grandement à l'expansion géographique du tatouage grâce à leurs voyages.

Le tatouage migre vers l'Amérique suivant l'exode massif des peuples polynésiens, mais aussi celui des tribu de Sibérie, qui ont elles aussi appris le tatouage des Aïnus. On sait aujourd'hui avec certitude que les Mayas, Incas et Aztèques accordaient un rôle important aux tatouages dans leurs rituels religieux.

Dans le monde occidental, les premiers peuples britanniques utilisent le tatouage lors de cérémonies. Les familles royales se font inscrire leur blason sur le corps au Danemark et en Suède, coutume toujours d'actualité.

Au 8ème siècle, invoquant la bible ("vous ne ferez pas d'incision sur votre chair"Lévitique, ch. XIX) le Pape Hadrien bannit le tatouage, ainsi d'ailleurs qu toutes marques corporelles, signe des peuples dits non civilisés. Le tatouage continue toutefois à se développer dans les royaumes britanniques jusqu'à l'invasion des normands en 1066. Ceux ci méprisaient les tatouages et l'on assista à sa disparition de la culture occidentale du 12 au 16ème siècle environ.

Alors qu'il disparaît en occident, il se développe au Japon. Il est au départ utilisé pour marquer les criminels. Les récidivistes sont marqués de l'idéogramme signifiant "chien ou "diable".

Avec le temps, les japonais hissent le tatouage à la hauteur d'une forme d'art.

C'est en fait à partir du 18ème siècle que l'approche japonaise évolue de manière définitive vers l'art traditionnel tel qu'il est toujours pratiqué.

William Dampher, explorateur des mers du sud est celui grâce à qui le tatouage fut réhabilité au sein du monde occidental. Lorsqu’il revint en 1691 à Londres accompagné d’un polynésien très largement tatoué, le prince Giolo, ce dernier fut exhibé dans les foires où il devint vite une attraction lucrative et la nouvelle coqueluche de Londres. L e prince mourut peu après à la suite de la variole, laissant aux anglait un sentiment de peur et de curiosité malsaine.

Quelques années plus tard, le Capitaine Cook les réconciliera avec le tatouage par le biais de légendes et autres œuvres d’art rapportés de ses multiples voyages dans le pacifique sud.

Omai (parfois aussi appelé Omi), le premier tahitien q’il ramène en occident devient rapidement célèbre. Il contribuera rapidement à l’intérêt de l’occident pour cette nouvelle forme d’art en exhibant ses tatouages dans divers salon à la mode.

Le tatouage devient alors n phénomène à la mode et se répand dans la quasi totalité des couches sociales, y compris dans la haute société. Edouard VII et le Tsar Nicolas se firent même tatouer. De plus de nombreux marins qui accompagnèrent dans ses multiples expéditions dans le pacifique se firent également tatouer au fur et à mesure des escales, amorçant en Europe la tradition du marin tatoué.



LES TECHNIQUES DE JADIS ET D’AUJOURD’HUI

Pour introduire les pigments de couleurs sous la peau, à chaque peuple sa technique. Un seul vecteur commun à l’ensemble de ces techniques reste le douleur du tatoué, bien que dans certaines peuplades cela fait parfois partie intégrante du rituel.

Dans le pacifique : Le tatouage s’effectue à l’aide un « râteau »aux dents constituées d’aiguilles ou de pointes d’os. Il est posé sur la peau et frappé avec une sorte de maillet.

Au Japon, c’est une série de baguettes munies d’un faisceau d’aiguille qui est utilisée

Les Inuits utilisaient un fil enduit de noir de fumée et une aiguille pour « coudre » le motif voulu. Les pigments provenaient soit de suie, de charbon de bois réduit en poudre, d’os calcinés, de suc de plantes, du henné, du khôl, de l’indigo, de safran, ou de poudre d’antimoine.

L’invention de la machine à tatouer électrique par l’anglais Samuel O’Reilly en 1891 révolutionne l’art du tatouage. On entre alors dans l’ère du tatouage moderne.

Le principe est simple : des aiguilles reliée à une buse et dont on peut régler la profondeur (environ 1 mm) qui entre dans la peau. Les risques d’infection sont ainsi réduits (à la condition que le tatoueur procède à la stérilisation de ses outils).

Les colorants industriels indélébiles font leurs premières apparitions. La machine de O’Reillly permet encore aujourd’hui à n’importe qui de se faire tatouer à prix raisonnable en subissant une douleur moindre voire très supportable.



L’IMAGE VEHICULEE PAR LE TATOUAGE

Au XXème siècle, le tatouage perd de sa notoriété car les ateliers se situent pour la plus part dans des quartiers malfamés. La pratique est si mal vue qu’elle en devient clandestine, toute fois elle continue à se développer dans certains milieux (militaires, délinquants juvéniles, motards…) Les années 1960 marquent un tournant fatal pour le tatouage aux Etats-Unis car suite à une épidémie d’hépatite, les studios de tatouage sont pointés du doigt et nombreux sont ceux qui fermeront boutique pour manquement aux règles d’hygiène. A New York, il devient même illégal de se faire tatouer et ce pendant plusieurs années. Qu’importe, faute de leur réputation, les tatouages n’attirent guère du monde !!

Paradoxalement c’est à cette même période que le premier studio parisien ouvre ses portes, tenu par le célèbre Bruno à Pigalle. C’est en 1963.

A la fin des années 60, Lyle Tuttle réussit le pari insensé d’effacer la piètre réputation du tatouage en tatouant des vedettes, surtout des femmes, dont Janis Joplin et devient un véritable ambassadeur dans l’art du tatouage.

Aujourd’hui l’engouement du tatouage connaît son apogée .Aussi la société accepte mieux cette forme d’art ! se faire tatouer est devenu presque banal . Les tatoueurs sont de vrais artistes et respectés comme tels. Le tatouage est un mode d’expression personnelle avant tout , une signature ou une marque de reconnaissance ( ex Anastacia –la pochette d’un de ses albums est une photo de son tatouage-) !

Le tatouage a une valeur identitaire intime s’il est discret et incisé en un lieu que masquent habituellement les vêtements (sein, haut des cuisses, hanche, aine, cheville…).Ils sont dissimulés par pudeur et se montrent seulement à des personnes de confiance, à des partenaires de relations sexuelles ou avec des amis avec lesquels on peut franchir les limites de la pudeur. Mais, cependant il peut être exposé dans des lieux de loisirs comme la piscine, lors des activités sportives, sur les plages en été. Il est alors vécu comme un atout de séduction attirant les regards envieux. Les tatoués sont de bons connaisseurs des rites sociaux d’interaction, ils comprennent souvent la nécessiter de ne pas choquer en exhibant leurs marques corporelles. Ils apprennent à s’adapter en permanence aux circonstances, à s’habiller différemment, à dissimuler ou mettre en avant leurs marques selon leurs propres décisions et ce qu’ils souhaitent donner à voir d’eux-mêmes à telle ou telle personne de leur entourage. Parfois le jugement négatif vient des autres tatoués qui pensent que leurs amis vont parfois trop loin dans la provocation. Par exemple ils trouvent normal que leurs amis se couvrent lorsqu'ils sont à la recherche d’un emploi pour dissimuler les tatouages ou autres marques corporelles. On pourrait penser que c’est une manière de ne pas assumer leur choix dans certaines situations, mais en fait ces individus considèrent leurs tatouages comme un élément personnel qu’il ne convient pas d’imposer à tous, et, de plus les tatoués de nos sociétés modernes ont tendance à respecter assez facilement les normes sociales, ainsi ils s’adaptent afin d’y correspondre du moins dans les lieux tel que le cadre professionnel. Après, libre à eux de mettre en avant leurs tatouages lorsqu’ils vont en boite de nuit ou sortent avec des amis.



            D’autres, mais ils sont rares, s’insurgent contre le politiquement correcte de l’apparence et refusent de plier devant les préjugés des autres. I l est possible que cette attitude provoque plus un mouvement de recul de la part de la population qui n’est pas encore habituée à croiser des tatoués dans les administrations et les magasins et les considère encore, pour les moins jeunes, comme des marginaux. Forcer le passage des marques corporelles dans la norme ne sert à rien puisque les nouvelles générations ne le réprouvent plus et possèdent de moins en moins de préjugés à leur encontre.



Les tatouages au visage sont des stigmates volontaires. Dans l’historique du tatouage on remarque facilement que les marins qui se faisaient passer pour des anciens otages tatoués de force par des autochtones évitaient de se faire tatouer le visage pour conserver une vie sociale. En effet même à l’époque, les vêtements permettaient de couvrir les corps presque entièrement tatoués, en revanche le visage restait découvert. Aujourd’hui ce type de tatouages

visible dès le premier regard, est un stigmate et une barrière contre l’interaction avec les autres individus. La personne tatouée s’expose de manière permanente au regard des autres, les regards sont constamment tournés vers la personne.

Le Breton signale le cas d’un homme tatoué au visage : « Tattoo Mike se souvient de la manière dont son existence a basculé après ses tatouages au visage : Cela a tout changé, avec mes mains tatouées, je pouvais encore faire des choses. Avec mon visage tatoué ce n’était plus pareil. J’étais définitivement un homme marqué. J’aimais ça la plupart du temps mais ce n’était pas facile pour trouver du travail. » Ce type d’expérience peut être une façon de tourner le regard vers soi mais enferme forcément l’individu dans le regard superficiel des autres, on va le juger souvent mais les possibilités d’interaction vont être amoindries, sauf peut être dans le milieu des tatoués. En effet la société à du mal à accepter les changements radicaux qui empêchent les individus de se reconnaître dans l’autre et donc de l’accepter.

On remarque donc que si les personnes qui utilisent les tatouages et les marques corporelles afin de prouver leur déni de la société sont devenues très minoritaires aujourd’hui, c’est parfois la société qui est un frein dans ses normes à l’émancipation visible de tous les tatoués. La vision du tatouage fait toujours un peu peur surtout dans les cas les plus extrêmes comme le dernier cité. Pourtant le tatouage est de mieux en mieux accepté et tend à se propager dans tous les milieux et à se normaliser à plus ou moins long terme.



Rejoindre la société, se différencier pour exister

Valeur identitaire : le tatouage comme nouveau rite de passage ?

            Le tatouage rend-il différent seulement du point de vue de l’apparence ? Comme tous les symboles identitaires, se marquer la peau possède probablement une forte connotation de rituel. Dans de nombreuses sociétés humaines, les marques corporelles étaient associées à des rites de passages tribaux à différents moments de l’existence ou bien étaient liées à des significations sociales précises. Le tatouage a une valeur identitaire qui relie  l’homme et sa chair à un système social au monde qui l’entoure. Au sein de certaines sociétés, il précise les statuts religieux ou sociaux. La lecture peut aussi y renseigner sur un clan ou une classe d’âge dans la communauté et la place de l’individu qui les porte. Il indique le statut et on ne peut s’intégrer au groupe sans posséder ces signes gravés dans la chair. Ne pas être marqué c’est ne pas avoir d’identité, ne pas exister au sein du groupe. Dans les études ethnologiques, Neufs fonctions ont pu être dégagées de l'utilisation du tatouage : symbole de la survivance dans l'au-delà, signe d'une origine divine,  référence au totem, symbole lié à une étape majeure (puberté, mariage, fertilité...), appartenance à un clan, une tribu, signe du rang social, nombre d'ennemis tués, deuil, amulette de protection. La plupart du temps ces symboles ont une valeur sociale et d’insertion dans le groupe. Par exemple, à Samoa, un garçon qui n’est pas tatoué était considéré comme mineur et ne pouvait pas se marie ou prendre la parole en société. Lévi-Strauss écrit des Caduevos du Brésil qu’ »il fallait être peint pour être un homme, celui qui restait à l’état de nature ne se distinguait pas de la brute ». Ici l’homme sort de son animalité par une appropriation de son corps par le biais du tatouage, c’est un peu comme si la marque permettait de prendre conscience de soi et de son humanité propre. Dans ces sociétés, la marque fait symboliquement accéder l’homme à la culture. Dans nos sociétés occidentales contemporaines, font du tatouage un recours possible d’entrée et d’affiliation au groupe. Dans les années soixante en Californie, des adolescents d’origine mexicaine, les Pacuchos, usent du tatouage comme d’une modalité de l’appartenance à un groupe. La croix entourée d’étoiles inscrite entre le pouce et l’index n’est acquise qu’au terme d’épreuves personnelles infligées aux nouveaux entrants. Le tatouage est ainsi effectué, signant définitivement l’entrée du candidat dans la bande. Le jeune est alors craint grâce à une alliance avec la bande qui le protège des autres jeunes de la ville. Effet pervers de cette pratique ; lorsque ces jeunes décident de cambrioler un magasin et que l’un d’eux se fait prendre il est alors facile pour la police de remonter jusqu'à la bande.

            C’est aussi pour rejoindre un groupe que Laure se bricolait toute seule des tatouages rudimentaires pendant l’adolescence « J’avais 13 ou 14 ans et je traînais avec une bande d’amis tous plus âgés que moi, ils étaient tous passés chez des tatoueurs ou alors ils se tatouaient eux-mêmes. Je leur ai demandé comment ils avaient fait. Ils m’ont expliqué que ça se faisait avec une aiguille et de l’encre de chine, alors j’ai commencé à m’en faire avec une aiguille à coudre. C’est très long, très douloureux et ça donne un résultat dégueulasse. ( Laure, tatoueuse, 21 ans) (Le Breton 2002). Les tatouages faits par soi-même sont souvent des revendications identitaires provenant de l’entrée dans un groupe ou de la volonté de se prouver quelque chose. L’intention de s’affirmer est souvent doublée par la volonté de montrer son tatouage afin de s’afficher comme un « dur ». Le propos revient souvent même chez les filles, le tatouage semblant porter une aura de danger incitant aussi les autres à se mettre à distance. Ainsi il peut agir comme une protection, une thérapie et un moyen de se reconstruire. Une analogie s’impose entre les rites de passage dans les sociétés traditionnelles et les épreuves que les jeunes s’imposent à travers des jeux symboliques avec le corps. Pourtant on note une différence d’importance, les aînés n’y participent pas et  ils ne sont en rien un moment de transmission de la culture. Les modifications corporelles de nos jours sont individualisantes, elles signent un rejet singulier et se porte comme une affirmation de l’individualité. ( Le Breton 1990). Le corps de la personne n’appartient plus qu’à elle-même.

Dans nos sociétés modernes les marques sont devenues une fin en soi, une décision personnelle qui n’influe en rien sur le statut social de la personne. C’est parce que les sociétés modernes sont individualistes et affirment le corps comme propriété personnelle qu’une telle marge de manœuvre qu’implique la transformation physique est possible. Le corps aujourd’hui est un facteur d’individuation, en le modifiant on le plie à sa propre volonté, au désir de modifier son rapport au monde qui nous entoure. D’où la prolifération d’interventions diverses sur le corps telles que le tatouage ou la chirurgie esthétique qui sont autant de signes de la liberté de chacun. L’intégration à un groupe peut se faire avec la marque corporelle mais on se retrouve plus souvent inséré dans un groupe après avoir effectuer des modifications sur son corps plutôt que les modifications soient un moyen d’obtenir l’interaction. Le recours au tatouage est donc un rite de passage pour qui attache une signification personnelle et essentielle à la marque qu’il possède. Le corps peut devenir l’intermédiaire d’un passage vers un autre monde, un autre cadre social, un autre soi que l’on aurait inventé à travers sa propre construction de sa personnalité. Le tatouage porté modifie en partie le regard des personnes sur elles-mêmes et leur état d’esprit. De nombreux témoignages le confirment : « Je me sens plus sur de moi. J’ai aussi l’impression d’être moins timide. J’ai plus de courage. Je ne sais  pas pourquoi. Peut-être qu’intimement j’accepte l’idée que le tatouage est réservé aux gens forts et résistants. » (Alex, 26 ans, infographiste.) . « Je suis devenue moins timide qu’avant. J’ai l’impression d’être mieux dans ma peau. (…) Je suis devenue quelqu’un d’intéressant. »( 19 ans, étudiante). Les modifications corporelles sont souvent un détour pour une mise au monde, les tatoués prennent de l’assurance. L’épreuve de la marque donne une mémoire concrète à un sentiment, celui d’accéder à une nouvelle version de soi, de s’être auto engendré. Pour nombres d jeunes, le tatouage est une manière de se singulariser, de signer sa présence au monde. Et cette signature est durable puisque la marque ne change pas, elle est toujours avec soi comme un symbole permanent de stabilité. Elle est une volonté de se choisir soi même sans plus rien laisser au hasard. Elle « croise en ce sens la rencontre de l’autobiographie et d’un phénomène social » (Le Breton 2002).

Tatouage : plus qu'hier, moins que demain

Être habillé sans l'être vraiment, vous connaissez ?
Des vêtements permanents, indélébiles. Quelques-uns en sont recouverts, d'autres n'en n'ont que des parcelles et plusieurs n'ont jamais osé. La douleur due à la mise en place de ce tissu permanent en a déjà décourager plusieurs et en découragera sûrement encore beaucoup d'autres. La variété de formes que peut prendre cette chose est infinie, que l'on passe du traditionnel et cliché " I love mom " à la célèbre panthère rose. Les possibilités sont incalculables. Alors, qu'est-ce que c'est? Les tatouages, bien sûr!
Le tatouage a presque toujours existé. Que ce soit pour se distinguer de la masse, afficher sa rébellion ou pour exhiber sa classe sociale, toutes les raisons ont toujours été et seront toujours bonnes pour passer à l'action. Les techniques ont évolué, se sont multipliées, amenant ainsi plusieurs dérivés de l'art corporel comme le body piercing. Quoiqu'on en pense, le courage est un élément important pour sauter le pas et l'expression " il faut souffrir pour être beau " n'y est peut-être pas étrangère.

Les tatouages ne sont pas nés d'hier ! En vérité, les premiers signes remontent à 5 000 ans avant Jésus-Christ. Provenant de statuettes funéraires découvertes dans des tombeaux japonais, ils servaient d'accompagnement aux morts dans leur voyage vers l'au-delà. À cette époque, on attribuait aux tatouages des propriétés magiques et religieuses. Simple croyance d'une autre époque ? Peut-être pas. Les superstitions appartiennent à tous les temps et l'elfe, ou le petit lutin si vous préférez, que s'est fait tatouer Nancy Lavoie, étudiante de vingt ans en Éducation spécialisée, n'est pas étranger à cela. " Ben, j'avais entendu dire que c'était pour protéger les humains, ça fait que je me suis dit qu'il fallait bien que je me fasse protéger. "

Le tatouage n'a pas toujours été vu comme étant un art. Pendant longtemps, on a pensé que c'était l'exclusivité des motards, des détenus ou des délinquants. Même autrefois, on lui attribuait une connotation souvent très négative, qui proviendrait de la Chine. En effet, vers la fin du 3e siècle après Jésus-Christ, plusieurs textes parlent déjà de la position des Chinois sur le tatouage en rapport avec la coutume japonaise. Ces derniers prônaient cette forme d'art comme étant une preuve de courage face à la douleur et de loyauté au groupe d'attache en vertu de la permanence du dessin.

De leur côté, les Chinois voyaient en cette technique indélébile un acte de barbarisme. Ils se servirent donc de cette méthode comme punition qu'ils infligeaient aux brigands et aux criminels pour les démarquer du reste de la société. Pour rajouter au supplice de ce marquage à vie, les symboles, qui restaient simples, étaient marqués sur les parties du corps les plus visibles, afin d'être repérés le plus rapidement possible par la communauté.

Malgré le fait que des gens tels que des avocats, des psychologues et même des policiers soient les nouveaux adeptes du tatouage, les préjugés sur ce genre artistique sont encore aujourd'hui bien ancrés dans la société. " Au début, j'avais pensé me faire tatouer sur la cheville, explique Sarah Simard, 19 ans, étudiante en Art et technologie des médias. Mais puisque je vais travailler dans le monde des médias, j'ai finalement décidé de me faire tatouer en haut de la fesse gauche parce que je voulais garder ça pour moi et parce que les gens ont encore beaucoup trop de préjugés par rapport à ça. "



Désir égal danger

La décision de se faire tatouer et surtout le moment de passer à l'acte sont souvent pris sur l'impulsion du moment. Le cas de Sylvain Lacroix, étudiant de vingt ans en technique d'aménagement et urbanisme, est l'exemple par excellence. " J'étais avec une fille et on revenait d'une répétition de notre bal des finissants, parce que c'était nous qui l'animait. On passait par-là juste avant qu'elle aille se faire coiffer et tout d'un coup elle m'a dit : on va se faire tatouer, pis on est allé. C'était pas prévu d'avance, on passait par-là, comme ça. J'y avais jamais pensé. En fait, ça été une surprise autant pour moi que pour les autres. "

De son côté, Nancy, elle, avait envie depuis déjà longtemps de se faire tatouer, mais elle n'avait jamais vraiment pensé qu'elle le ferait vraiment un jour. " C'était un 22 décembre, avant Noël. On avait rien à faire moi et mon amie, on se promenait, on trippait, pis là on a décidé comme ça d'y aller. On regardait les dessins, on était stressée, on savait pas encore qu'on allait le faire. À un moment donné, on s'est regardée pis on s'est dit : O.K. go! "

Malheureusement, beaucoup de gens ont ce genre d'élan dans un moment où leurs facultés sont plutôt affaiblies. Claude Bouchard, un tatoueur de Saint-Nazaire pratiquant à son domicile, en sait quelque chose." Il m'arrive souvent de devoir faire du tatouage de recouvrement. C'est quelqu'un qui en a déjà un, qu'il a fait faire quand il était sur la brosse, pis qui s'est réveillé avec ça. Ça, c'est le mot juste, parce que souvent, quand tu le regardes, ça ressemble à rien, tu sais même pas c'est quoi. Ce qu'on fait dans ces cas-là, ce sont des choses par-dessus pour faire disparaître celui qui est raté. "

Un autre aspect auquel il faut faire très attention :
l'hygiène. Un manque à ce niveau est souvent une des plus grandes phobies des futurs tatoués, en plus des risques de contracter des maladies comme le sida ou l'hépatite B ou C, qui sont transmissibles par le sang. Indépendamment de l'endroit où l'on se fait tatouer, que ce soit dans une boutique spécialisée, dans une maison ou dans un taudis quelconque, il faut toujours prendre garde au matériel utilisé par le tatoueur. Sylvain, qui est allé dans une boutique de Shawinigan, n'a eu aucun problème. " Le tatoueur a débouché toutes les affaires devant nous et tout ce qu'il avait à stériliser, il l'a stérilisé devant nos yeux. "

Sarah, elle, est allée chez un tatoueur que quelqu'un lui avait recommandé. " C'était dans sa maison, dans sa chambre. Sa femme était là, c'était intime, cool. Le gars était super safe. À la place de s'acheter de nouvelles aiguilles tout le temps, il s'était acheté une machine à stériliser. Il stérilise toutes les aiguilles devant toi. C'est long, mais c'est rassurant. " Malheureusement, tous n'ont pas eu la chance de s'en tirer à si bon compte. " Je l'ai pas vu stériliser l'aiguille, dit Nancy, et s'il l'a fait, ça pas été assez évident pour que je le vois. À cause de cela, je suis allée passer des tests de dépistage pour le sida. L'infirmière m'a dit que ça prend une grosse goutte de sang pour le contracter et que la quantité de sang qui est dans l'aiguille est tellement toute petite que c'est quasiment impossible d'attraper le sida comme cela. "

Jusqu'à ce que la mort nous sépare… ou jusqu'au divorce

Le choix du dessin à tatouer est fondamental. On doit consulter des magazines et des catalogues pour déterminer quelle sera l'image qui conviendra le mieux, car il faut toujours garder à l'esprit le caractère permanent d'une telle entreprise. Selon ce qu'a affirmé le tatoueur David Coulson, dans une entrevue accordée au journal Le Droit, un tatouage peut facilement se comparer à une carte d'identité. " En fait, malgré qu'on puisse retrouver quantités de reproductions identiques sur les murs des différents studios de tatouage, le résultat final de l'image choisie variera d'une personne à l'autre. La qualité de la peau, l'endroit choisi comme support, l'âge et le sexe du client ainsi que le propre style du tatoueur fera de l'illustration finale une signature corporelle intemporelle. "

En dépit de tous les avertissements et les " réfléchis donc avant d'y aller ", encore beaucoup de gens passent outre, ne regardent pas plus loin que le bout de leur nez, et font une gaffe qu'ils regretteront peu de temps après. Que l'erreur se situe dans le choix de l'image ou la partie du corps qu'ils ont fait tatouer, ils sont quand même " pogné " avec un dessin indélébile. Comme disait l'écrivain Michel Tournier : " Un tatouage est une amulette permanente, un bijou vivant qu'on ne peut enlever. "

Et bien, plus maintenant! C'est dans ces cas-là qu'on aurait le goût d'applaudir l'évolution technologique qui fait rage dans les sociétés modernes. Il est désormais possible de faire disparaître un tatouage à l'aide d'une opération au laser à condition d'y mettre le prix, qui variera selon la grandeur et la densité de l'indésirable. Il faut également prendre en considération le fait que l'opération n'est évidemment pas couverte par l'assurance-maladie et qu'il est très rare qu'un tatouage disparaisse complètement. Il reste une cicatrice la plupart du temps. Ce sont les risques du tatoué !

Des goûts et des couleurs…et la douleur

Après le classique tatouage, le piercing plus récent, la technique du marquage personnel s'est installée depuis quelques années aux États-Unis. Le marquage personnel serait né dans les années 1930 et 1940, parmi des groupes de jeunes noirs. La méthode est extrêmement simple : on utilise un chalumeau pour chauffer une pièce de tôle galvanisée. Chauffé à blanc, le métal est ensuite appliqué sur la peau à l'aide d'un pochoir. " Avec le tatouage, on vous grave quelque chose sur la peau. Mais la technique du marquage permet de faire ressortir ce qui est déjà là. C'est plus naturel. " C'est ce qu'a affirmé Adam Huffman, 22 ans, perceur dans une boutique de New York, au journal La Presse. M.Huffman reçoit la visite de seulement un adepte du marquage tous les un ou deux mois. C'est plus sur la côte Ouest que ça se passe.

À San Francisco, les deux boutiques les plus professionnelles en matière de marquage reçoivent à chaque semaine environ de trois à six clients. La majorité des amateurs sont blancs et âgés entre vingt et quarante ans. Les dessins demandés doivent être simples en raison du processus même du marquage. Les marques ont tendances à s'étendre ce qui rend impossible la réalisation de formes compliquées. Avis aux intéressés : cette technique n'est pas encore arrivée au Québec, mais elle fera sûrement son apparition d'ici quelque temps.

Il reste maintenant à savoir si cette technique pourrait prendre le dessus sur le tatouage. " Les autres techniques ,body piercing, marquage, elles " pognent " pendant un temps, c'est une vague, c'est une mode, mais après que le trip soit passé, ça marche plus, dit Claude Bouchard. Le tatouage, ça fait des années et des années que ça existe, les Indiens s'en faisaient. Aujourd'hui, c'est plus moderne, mais il s'en fait encore pis je pense qu'il va toujours s'en faire. Je pense pas qu'il va y avoir quelque chose à un moment donné qui va remplacer ça. " A-t-il raison? Seul l'avenir le dira.

En fait, peut-être que le tatouage traditionnel ne sera pas remplacé par quelque technique mystérieuse et encore ignorée (même de celui qui va l'inventer), mais plutôt par une méthode beaucoup plus moderne. Encore méconnue, l'invention a été brevetée il y a moins d'un an. Il s'agit d'un tatouage programmable. Se lasser du dessin tatoué était le plus gros problème : le voici réglé. Le concept a été mis au point par une équipe de chercheurs californiens. Il consiste à insérer un mince écran à cristaux liquides sous la peau du poignet. Le dessin affiché est visible à travers la peau et on peut le transformer grâce à une puce également implantée sous l'épiderme. On peut recharger la pile simplement en plaçant le poignet devant un chargeur. En plus des images, le tatouage électronique permet d'afficher sa température et sa pression sanguine grâce à des senseurs incorporés. On n'arrêtera jamais la technologie !





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