mercredi 30 novembre 2011

Notre classe dirigeante n'est pas au niveau

Le démographe revient sur les manifestations de l'automne et décrit une gauche trop « molle » pour contrer une droite qui se radicalise.


Emmanuel Todd dans l'ascenseur de Rue89 (Audrey Cerdan/Rue89)

Le mouvement contre les retraites a réjoui l'historien Emmanuel Todd : selon lui, c'est le signe que « la France est toujours là » , un peuple capable de dire à sa classe dirigeante qu'elle se trompe en entretenant une machine à broyer les couches populaires, mais aussi, désormais, les classes moyennes. Le pays a besoin d'une gauche plus dure, estime ce « modéré qui parle brutalement ».

Emmanuel Todd est un historien qui étudie l'avenir : il a écrit sur la décomposition de l'Union soviétique (« La Chute finale », 1976), sur le déclin des Etats-Unis (« Après l'empire », 2002).

A 59 ans, il se projette dans les trente prochaines années en démographe déprimé par une société vieillissante, cédant aux sirènes du sarkozysme (« Après la démocratie », 2008).

Au terme de cet octobre fiévreux, il dénonce l'« oppression économique » des jeunes générations et fustige la « gauche molle », incapable de s'opposer à la « droite dure » au pouvoir.

A-t-on vécu en octobre une « jacquerie », comme l'a titré Le Point, avec ce mouvement social ?

Ce titre, c'est l'habillage classique plaqué par la « presse d'en haut » sur ce qu'on ne peut même plus appeler la « France d'en bas ». Chaque fois qu'il y a quelque chose qui ne va pas dans le pays, la presse abreuve d'insultes le peuple de France, qui ne se comporte pas comme il faut, qui n'accepte pas la réforme, etc.

Le truc le plus extraordinaire dans le genre, c'est quand Jean Michel Apathie affirme sur Canal + que les Français sont insupportables, qu'ils n'ont pas la discipline des Anglais pour accepter une réduction du niveau de vie, des compressions de personnel, etc. Le tout assis sur une ignorance crasse de la société anglaise.

Non, ce n'est pas une jacquerie. Le mot est totalement déplacé.

C'est une image révolutionnaire...

Non, « jacquerie », ce n'est pas une image révolutionnaire, ça évoque le soulèvement de paysans ignares. La jacquerie, c'est le XIVe siècle, une phase d'immaturité populaire, longtemps avant la Révolution, qui, elle, avait un programme. Le mot véhicule l'idée d'un peuple pas au niveau.

Peut-on dire qu'avec ce conflit social la France est de retour ?

C'est mon sentiment. En fait, la question que l'on se pose avec Sarkozy est : la France existe t-elle toujours ? Parce que Sarkozy a un comportement non-français, un rapport aux riches qui est non-français, une façon d'être non-française...

Or, malgré des indices de popularité épouvantables, malgré le résultat des élections intermédiaires, on pouvait se demander si la France existait toujours. Ce mouvement, je l'ai donc pris comme un message d'espoir : le sarkozysme n'a pas tout détruit.

Cela tient au côté râleur des Français ?

Non. Pourquoi le côté râleur ? Moi, j'appelle cela le tempérament égalitaire et la capacité à dire que les classes dirigeantes ne se comportent pas bien, ne font pas ce qu'il faut.

En France, comme ailleurs dans le monde occidental, la classe dirigeante s'abandonne à des concepts économiques complétement archaïques, comme le libre-échange. Elle est incapable de mettre en place un dispositif européen de protection économique qui permettrait la relance et la fin du processus de régression sociale.

On a une classe dirigeante qui n'est pas au niveau, qui est en faillite. La spécificité de la France, c'est que la population est capable de le voir. On entend que les Français sont râleurs, qu'ils refusent l'inéluctable mondialisation.

Si vous recodez, cela donne : « Oui, les Français ne sont pas contents d'envisager pour les trente ans à venir une baisse régulière de leur ni veau de vie alors qu'on pourrait faire autrement. »

Mais la classe dirigeante française n'est pas très différente de celle des autres pays ?

Oui, elle est alignée. Mais les Français ne sont pas un peuple facile à gouverner. C'est mal heureux d'avoir à rappeler que ce sont les Français qui ont fait la Révolution française. Les Anglais ont fait une révolution, mais sans participation populaire : c'était un règlement de comptes entre des classes supérieures.

Dans les pays anglo-saxons, quand on constate une montée des inégalités et une baisse du niveau de vie pour les jeunes, c'est accepté beaucoup plus paisiblement et ça ne pose pas de problème de stabilité au système politique.

Les élites politiques françaises ont aussi été choisies par le suffrage universel...

Le mot « élite » m'arrache la gueule. Je suis le contraire d'un populiste. Le peuple français a une capacité à voir quand les dirigeants ne sont pas au niveau. A aucun moment je n'ai dit que le peuple vaut mieux que ses dirigeants ou qu'il peut se passer d'eux.

Ce populisme n'a aucun sens... mais on entend Jean-Luc Mélenchon dire : « Qu'ils s'en aillent tous »...

Une démocratie qui fonctionne bien a un peuple conscient, actif et qui comprend. Mais c'est aussi un système où il y a des élites actives et conscientes. Quand ce n'est pas le cas, comme aujourd'hui, il y a une situation de divorce.

Dans mon esprit, il n'a jamais été question de dire « Tous dehors ! », comme Mélenchon. Je suggère que le protectionnisme européen est une voie pour s'en sortir, pas que c'est la population défilant dans les rues qui va le mettre en place. Le problème de la France, c'est la conversion des élites à des stratégies économiques et sociales raisonnables.


Emmanuel Todd sur la terrasse de Rue89 (Audrey Cerdan/Rue89)

N'y a-t-il pas un problème d'institutions derrière ce « divorce » ?

Non. Les systèmes institutionnels sont très différents dans tous les pays occidentaux, mais on constate le même écrasement des salariés, du monde ouvrier, des revenus des classes moyennes. L'un des indicateurs de l'inaction, c'est quand la classe politique justement s'intéresse aux institutions. Le débat sur les institutions, c'est une façon de ne pas parler des sujets économiques.

La gauche est-elle mieux placée que le gouvernement pour renouveler le rôle des classes dirigeantes ?

Sur la question fondamentale, c'est-à-dire l'organisation économique des sociétés, la gauche et la droite sont totalement alignées. Elles se distinguent sur la gestion des conséquences. Or, on atteint aujourd'hui le point d'inflexion où le niveau de vie va commencer à baisser. C'est le contexte du sarkozysme.

Au-delà de ce que le personnage de Sarkozy peut avoir de cafouilleux, d'erratique, d'imprévisible, la droite a une ligne cohérente pour affronter cette perspective, dans un pays où la population est rebelle et a un tempérament égalitaire.

Cette ligne, c'est l'autoritarisme. Ce n'est pas le coup d'Etat à la Napoléon III. C'est plus subtil : un mélange de provocations, d'agitation, d'activation de peurs, de discours sécuritaire, de thématiques ethniques. A travers tout ce que fait la droite, il y a une ligne, un projet.

La vraie force de Sarkozy, à sa manière brouillonne, c'est qu'il incarne cela : le passage d'une droite « propre » à une droite beaucoup plus autoritaire. Les socialistes sont très gentils : propres sur eux. Et je vais voter pour eux sans états d'âme. Le problème est qu'ils n'ont pas d'alternative économique. La seule attitude possible, ce serait d'incarner la mutation des concepts économiques -ce qu'ils commencent à faire avec la notion de « juste échange ».

En tant que démographe, voyez-vous cette situation comme le symptôme d'un pays vieillissant ?

Cela devient l'axe majeur. J'en parle dans « Après la démocratie » (éd. Gallimard). Deux phénomènes se combinent :

  • l'émergence d'une structure oligarchique concentrant la richesse et le pouvoir -1 % de la population, en haut, s'empiffre d'une manière qui n'a plus de sens.
  • le vieillissement, qui est lié car le capital appartient plutôt aux vieux.

Bien sûr, la plupart des vieux ne sont pas de grands capitalistes. Il suffit de se promener dans la rue... Le vieillissement est au cœur du processus démocratique car les plus de 65 ans représentent plus de 20 % du corps électoral.

Le discours du sarkozysme est celui de la réforme, du changement, le « Ça va bouger ! ». Et, effectivement, Sarkozy bouge, il s'agite. Son élection a été habillée ainsi.

Mais l'analyse démographique du vote de 2007 montre autre chose : Sarkozy a eu 44 % des votes des plus de 65 ans au premier tour. Plus qu'aucun président de droite, Sarkozy a été l'élu des vieux.

Pourquoi ? Parce que la France a été terrorisée par les émeutes de 2005, qui étaient un soulèvement de la jeunesse. Cette peur a été réactivée par les incidents de la gare du Nord, en mars 2007, juste avant l'élection présidentielle. La question des retraites, c'est l'émergence de la démographie au cœur du problème politique français.

L'idée d'ajuster le temps de travail sur la durée de vie n'est pas scandaleuse. Ce qui a été étrange dans cette réforme, c'est l'annonce, dès le départ, que les retraités (l'électorat sarkozyste) ne seraient pas touchés, et donc que le coût de l'ajustement serait supporté par les jeunes. Cette réforme censée dynamiser le pays reflète, en vérité, le fait que le pouvoir sarkozyste est un pouvoir des vieux. Tous les arbitrages se font contre les jeunes.

Les partisans de la réforme disent qu'elle va sauver le système pour les jeunes, confrontés à la dette des soixante-huitards.

La réalité, c'est que le gouvernement n'affronte pas la réalité économique. Cela n'a aucun sens de mettre en place des plans dans un futur indéfini, dans un contexte d'inaction et de laisser faire, alors que le système économique français se désintègre. La priorité, c'est de le remettre sur des bons rails, et les retraites suivront.

Vous êtes favorable au retour de l'Etat dans la sphère économique ?

Pas du tout. Les protectionnistes sont des libéraux, qui croient au marché, à la libre activité de l'entreprise. Il faut juste fixer la taille du terrain de jeux. C'est le contraire de l'Etat bureaucratique. C'est l'Etat libéral qui organise l'existence d'un marché. Moi, je crois au marché.

Que pensez-vous de la motivation des jeunes qui sont descendus dans la rue ?

Je n'aime pas faire parler des catégories sociales. Mais j'ai un peu de mal à imaginer que des jeunes de 15 ans puissent se soucier vraiment de leur retraite. Par contre, l'oppression économique des jeunes est réelle...

La proportion des jeunes qui font des études supérieures est à peu près égale depuis 1995, jamais les jeunes générations n'ont été aussi bien formées. Les générations d'analphabètes sont à la retraite.

On est dans une société loufoque, qui dépense pas mal d'énergie pour l'éducation de sa jeunesse et qui, ensuite, adhère à un système économique qui assure l'écrasement de la jeunesse et de la baisse de son niveau de vie.

C'est un gaspillage d'énergie énorme. Les jeunes sont assez conscients de ce qui les attend sur le marché du travail. Et donc j'imagine qu'ils ne sont pas très contents. La nouveauté de la période, c'est qu'à part les 1 % d'en haut de la structure sociale plus personne ne profite du système.

En 1995, dans les standards occidentaux, on estimait que les 20 % des classes moyennes supé rieures ayant fait des études ramassaient 50 % de la richesse.

Aujourd'hui, ces mêmes 20 % stagnent ou ont des revenus en baisse. On est dans un processus de réunification de la société par le bas : une mécanique inexorable qui écrase les différentes catégories, en commençant par les plus faibles : jeunes issus de l'immigration, monde populaire, classes moyennes... Il y avait aussi des voitures qui flambaient à Saint-Brieuc !

La démographie nous condamne à des gouvernements de droite pour vingt ans ?

Il y a une forte probabilité. En Europe, le virage à droite a été massif. Mais on n'est pas dans la pire situation : l'âge médian des Français est d'un peu moins de 40 ans ; en Allemagne, c'est 44 ans. La démocratie sénile la plus avancée, c'est l'Allemagne. Les choses sont plus compliquées.

Il faut penser, comme le fait Louis Chauvel, en termes de générations. Les plus de 70 ans ont une histoire très favorisée en termes économiques. Mais nous allons voir arriver de « nouveaux vieux », ayant eu des existences très dures comme actifs, et dont les revenus vont baisser une fois à la retraite.

L'âge d'or des Trente Glorieuses n'était qu'une parenthèse. Comment vont tourner les « nouveaux vieux », comme moi ? On ne sait pas. Je ne suis pas très optimiste.

Vous avez dénoncé la montée de la violence dans le discours politique...

Une des vérités du sarkozysme, c'est l'irruption de la violence. Dès l'origine, la montée en puissance du personnage est associée à ce processus. Il est l'homme politique qui, par ses provocations verbales, a réussi à foutre le feu à une partie des banlieues françaises et qui, ensuite, a été élu sur un discours d'ordre -un jeu extraordinaire de pompier pyromane. Il a fait entrer dans le discours politique une brutalité et une vulgarité sans pareilles.

Sarkozy est violent. Est-ce simplement verbal ? Je ne sais pas. Cela pourrait préfigurer pire. Il y a une asymétrie dangereuse dans le système.

Les socialistes ne sont pas violents. Ils restent porteurs de la bonne éducation de la période précédente. Ils sont dans une posture de communiant. Sans doute n'ont-ils pas bien compris à quoi et à qui ils avaient affaire. Le langage de droite de Sarkozy est dans son époque, les socialistes n'y sont pas.

Mélenchon, avec tout son côté brouillon, est dans son époque. Pour la première fois, on voit des gens de gauche se mettre au niveau de violence, réel ou virtuel, de la société. C'est pour cela que moi, consciemment, je m'astreins à parler brutalement, pour être en phase avec l'époque et l'adversaire.

La gauche n'est pas assez dure ?

Elle n'est pas assez dure sur le plan économique. Et puis il y a un phénomène historique quand on regarde la façon dont la gauche et la droite se sont réunifiées. Il y avait une droite dure (les gaullistes) et une droite molle (les centristes-républicains indépendants). De l'autre côté, il y avait la gauche molle (les socialistes) et la gauche dure (le Parti communiste).

En 1968, entre cocos et gaullistes, on s'estimait parce qu'on était des durs. La droite a été réunifiée autour de la droite dure -dont le cœur est le RPR des Hauts-de-Seine, héritier de la tradition barbouzarde du gaullisme- et la gauche a été réunifiée autour de la gauche molle, avec le déclin du PCF.

D'un point de vue sociologique, les socialistes entretiennent un rapport fort à l'éducation, à la culture : ce sont des premiers de la classe, des bons élèves. La gauche était autrefois le reflet du monde enseignant et du monde ouvrier, mais, en ne prenant pas la mesure de la mutation économique, elle a perdu le second.

Pascal Riché et David Servenay

mardi 29 novembre 2011

Les Journalistes ... Les agences de notation !



"Mais on s'autorise a penser dans les milieux autorisés..." Alors ça ! Le milieu autorisé c'est un truc, vous y êtes pas vous hein !
Vous êtes même pas au bord. Vous y êtes pas du tout.
Bon, le milieu autorisé c'est un truc. c'est un endroit autorisé où il y a plein de mecs qui viennent pour s'autoriser des trucs mais y a que le milieu qui compte.
Et là-dedans y a une poignée de connards qui tournent en rond en s'autorisant des trucs :
- "Euh... Qu'est-ce que tu fais là ?"
- "Ben j'sais pas, j'vais peut-être m'autoriser un truc, mais c'est vach'ment gonflé. J'hésite ! Euh...".

"S'autorise à penser dans les milieux autorisés qu'un accord secret..."
Alors, vous avez ce que c'est qu'un accord secret ?
C'est un accord dont... euh... qu'on n'a pas le droit d'en parler, c'est interdit donc, pas dans l'information non plus !

"...Qu'un accord secret pourrait être signé."
C'est même pas sûr !!! Et moi je dis alors que quand un mec sur une information il en connaît pas plus que ça, il n'a qu'à fermer sa gueule ! Et même, à la rigueur, il serait pas venu, on s'rait pas fâchés !

TV Droit Management des Affaires

TV DMA, la 1ère WebTV du Droit & Management des Affaires et des Entreprises, est un service public académique fondé le 30 novembre 2010 par des Universitaires et des Professionnels. Il a pour vocation principale de développer la diffusion du Droit et de la Gestion des entreprises.

Les initiateurs de ce projet ? Des Institutions publiques, un Collège d’ Universitaires en Droit et Management (étudiants et enseignants-chercheurs), l’Association Française des Juristes d’Entreprises-AFJE, et un Groupe de dirigeants de grandes entreprises et cabinets.

SA PARTICULARITÉ ?

TV DMA vous propose des analyses de grands experts croisant Droit et Gestion des entreprises.

TV DMA est accessible en permanence et gratuitement.

Ses informations sont organisées (index, moteur de recherche), certifiées (Conseil scientifique), accompagnées d’un support de recherche et d’approfondissement (synthèse bilingue et bibliographie) et régulièrement actualisées.

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* Des vidéos sur des sujets d’actualité (Retrouvez les dernières publications dans la rubrique A la Une),

* Des vidéos sur des thématiques de fond (rubrique Thématiques),

* Le Sujet du moment (en page d’ Accueil),

* La Sélection de TVDMA avec chaque mois un dossier spécial (en page d’Accueil),

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QUI DIRIGE TV DMA ?

Co-Présidents : Pr Jérôme Duval Hamel et Pdt Daniel Tricot.
Co-Administrateurs: Pr Jérôme Duval Hamel et Pr Michel Germain.
Co-Présidents du Conseil scientifique et Direction de la Rédaction:
Pr Isabelle Huault / Paris Dauphine, Pr Dorothée Gallois-Cochet / Poitiers;
Sylvie Roussilllon / EM Lyon, Pr Nicolas Binctin / Poitiers , Pr Sebastien Liarte, vice présidents.

Co-Présidents du Comité de prospective : Muriel Pénicaud, Guy Maugis, Pr Lourdes Arizpe.

Les CV des dirigeants de TVDMA sont consultables sous la rubrique Nos interviewés.

Le Conseil scientifique est composé d’Universitaires de divers établissements académiques français et internationaux et de Professionnels du Droit & de la Gestion. Ils ont été nommés par une commission indépendante présidée par Pr Lourdes Arizpe, présidente du Conseil mondial des sciences sociales. Rédacteurs en chef, ils assurent veille et coordination des thématiques et ils proposent au Conseil scientifique statuant à la majorité des membres, intervenants et thèmes.


Actionnariat/Gouvernance/Administrateurs : Pr Sophie Schiller

Concurrence : Me Michel Debroux

Contentieux/ Arbitrage/ Médiation : Me Sylvie Ledamany

Croissance d’entreprises/ Fusac/Stratégie : Pr Olivier Babeau

Développement durable

Dirigeance/ Direction Générale de l’entreprise : Pr Sylvie Roussillon

Droit pénal des affaires : Pr David Dechenaud

Economie du droit et des affaires : Pr Bruno Deffains

Entreprises en difficulté : Pr Philippe Roussel Galle

Entreprises/Sociétés/Entrepreneuriat : Pr Dorothée Gallois-Cochet

Finances/Comptabilité/Contrôle de gestion/Commissariat aux comptes/Expertise Comptable : Pr Franck Bancel

Management des hommes et des organisations : Mme Michèle Millot

Marketing/Distribution/Ventes/Consommation : Pr Pierre-Louis Dubois et Pr Muriel Chagny

Parties prenantes des entreprises-stakeholders : Mme Anne-Laure Paulet

Production industrielle/Supply chain/Environnement/Qualité : M. Pierre Lucas

Propriété intellectuelle et industrielle/R& D/Innovation : Pr Nicolas Binctin

Globalization/ International : M. Renaud Redien-Collot, PhD


Directeur de la publication: Pr Louis Vogel

Le Conseil scientifique est garant de la liberté de parole, conformément à la Tradition universitaire.

TVDMA, à l’instar des revues scientifiques est autonome, avec sa propre ligne éditoriale et est portée administrativement par un établissement académique, en l’espèce l’Ecole de Droit et Management des Affaires de Paris II Panthéon Assas.

Le Département “Opérations” est géré avec une Junior Entreprise, sous la direction de Julia Michalon (2010), Fabien Gagnerot (2011).

Les Podcasts sont réalisés sous la direction de Gérémie Blanc (2010), Sophie de Carné-Carnavalet (2011).

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lundi 28 novembre 2011

Comment vous parler du son ?

Le son a tellement de facettes que je lui consacre plusieurs articles. Et vous, si je vous dis "son", qu'est-ce que cela vous évoque?

Quelles images, quelles sensations, quels sentiments?
La musique, les CD, les bruits de la nature, les bruits de la vie quotidienne?
Votre voix?

L'article en trois parties qui suit est une invitation à une écoute affinée afin d'apprendre à connaître les qualités du son par l'expérience sensorielle. Nous allons décrire successivement les 3 qualités physiques principales du son, à savoir la hauteur, l'intensité et le timbre, avec l'approche de l'être sensible que nous sommes tous, complétée par celles du physicien, de l'acousticien et du musicien.

Les sons font tellement partie de notre univers qu'ils nous imprègnent de façon consciente et inconsciente dans les domaines les plus variés de notre vie. Notre oreille est stimulée par les sons de façon quasi-permanente. Pour le meilleur et pour le pire.

Le son ne touche pas seulement l'oreille, mais le corps entier et à travers lui, atteint divers niveaux de notre être, physique, émotionnel, mental, spirituel. Selon les personnes ou les circonstances, c'est un aspect ou un autre qui est mis en jeu. Par exemple, s'il survient un fort coup de tonnerre, une personne éprouvera de la peur, et éventuellement la manifestera. Quelqu'un d'autre va rester paisible, comptant le nombre de secondes entre l'éclair et le tonnerre, intéressé par cet aspect informationnel. Le niveau le plus immédiat est peut-être l'émotion que le son ou la musique nous procurent, de plaisir ou de déplaisir, quelquefois d'extase. Un autre phénomène extraordinaire lié au son est la résonance physique qui se produit dans notre corps et comment cette interaction peut harmoniser ou déséquilibrer les circuits énergétiques de notre corps. J'aborderai ces aspects dans d'autres pages (voir Résonances sonores corporelles).

Il y a aussi les sons qu'on émet soi-même. Comment dire l'importance de notre propre voix? A la fois comme instrument de communication, reflet de notre personnalité et de notre richesse, et comme expression de notre désir de chanter. Envie tout à fait naturelle et vivante, présente chez l'enfant dès le plus jeune âge, émergeant de nos élans intimes, à moins que nous ne soyons entravés par des jugements et que nous ayons honte de notre voix.

Le physicien est bien placé pour décrire les caractéristiques du son. Mais détient-il la vérité? L'acousticien a un autre point de vue, qui tient compte de la physiologie et de la psychologie de l'auditeur. Je décrirai également l'approche du musicien, basée sur sa sensibilité et sur un système de notation de la musique occidentale. Mentionnons celle du musicothérapeute, qui s'intéresse à l'aspect équilibrant, nourrissant et guérisseur du son, que j'aborderai dans un autre article. Ce sont toutes des vérités, qui répondent à des interrogations différentes, s'adressent à des plans différents de la personne humaine. Nous nous aiderons de certains appareillages et logiciels du physicien et de l'acousticien destinés à préciser et illustrer certaines notions. Toutefois, nous laisserons de côté les explications scientifiques théoriques. Bien qu'elles soient utiles et passionnantes, elles ne prennent sens que si elles reposent sur du vécu et perçu.

C'est la recherche de ce ressenti sensoriel qui va nous guider dans notre découverte de la hauteur, de l'intensité et du timbre des sons.

Écoutons les voix humaines

Commençons notre exploration du monde sonore en écoutant les voix humaines, sans jugement, juste pour leurs sonorités multiples. Remarquons la différence entre les voix de femmes et les voix d'hommes par exemple. Pour la plupart d'entre nous, c'est notre expérience première, puisque nous avons écouté la voix de notre mère et celle de notre père, même à l'intérieur de l'utérus maternel. Les femmes ont des voix plus aiguës, et les hommes des voix plus graves. La qualité sonore qui nous permet de faire la distinction entre les sons graves et les sons aigus est leur hauteur.

Les hauteurs de sons sont également très perceptibles lorsque nous les prononçons ou les chantons nous-mêmes. Nous pouvons généralement identifier si nous chantons dans le bas de notre voix ou dans le haut. Toutefois, ce n'est pas toujours le cas car il existe des défauts de perception liés à des causes le plus souvent psychologiques, rarement physiques. Une éducation permet de retrouver une perception juste (voir mon article sur l'éducation musicale Willems).

Ondulations

Alors chantons des sons au hasard. Peut-être entonnerez-vous une mélodie. Les mélodies sont composées de notes successives qui sont comme des paliers de sons à différentes hauteurs.

Et si je vous propose de chanter des sons qui montent et descendent de façon continue?

Cela ne vous semble pas naturel? Pourtant dans la nature, le vent nous fournit des mouvements continus du son en hauteur, surtout par jour de tempête, des montées et descentes du son. Nous pouvons l'imiter par la voix (écoutez l'illustration sonore jointe, fig.1).

variations du son en hauteur

Figure 1. Vagues montantes et descendantes


Pour écouter l'extrait sonore - Mode d'emploi
Le mieux est d'utiliser la petite console de contrôle QuickTime qui s'affiche sur la droite de la touche. Elle permet d'écouter le son sans quitter cet article.
Si elle n'apparaît pas, vous pouvez
  • installer le module Quick Time. Cela vous servira non seulement pour cet article, mais pour les autres de cette série. Télécharger le module gratuit à:
    http://www.apple.com/fr/quicktime/download/win.html
  • ou ouvrir une nouvelle page web en cliquant sur le titre de la touche (ici "Illustration sonore")

Peut-être préférez-vous des sons plus mécaniques produits par les machines. Une sirène, une moto qui démarre avec une forte accélération, une débroussailleuse à fil, produisent des sons qui montent et descendent de façon continue.

Avec cette idée des vagues de sons, revenons à la voix humaine. Ne produisons-nous pas habituellement et naturellement des sons montant et descendant? Et oui, et très souvent, mais nous n'y prêtons pas attention. Il s'agit des intonations de nos phrases dans le langage, celles qui différent d'un accent régional à un autre par exemple. Encore plus typiques sont les intonations accompagnant l'expression de nos émotions: "oh", "ah", "ah bon!", "ouah!", ou encore des gémissements, cris, etc.

Les instruments de musiques occidentaux sont conçus plutôt pour produire les notes par palier, autrement dit des notes fixes, cependant nombreux sont ceux qui sont capables d'émettre des sons montant et descendant, comme la famille des violons. Le violoncelle sait très bien imiter la voix humaine.

On peut donner une représentation imagée de ces montées et descentes par des graphiques (fig.1). Les sons hauts sont dits aigus et les sons bas sont dits graves (grave comme gravité terrestre).

Dans mes ateliers d'éveil vocal, les participants se familiarisent avec l'écoute des glissades de sons. Ils les chantent, les simulent avec les mains, les dessinent sur une feuille ou un tableau. Ils en inventent, ils improvisent librement.

Fréquence du son

Depuis toujours, on sait que les sons sont produits par des vibrations. Ainsi, un son peut faire vibrer des objets autour de nous, les vitres de la fenêtre par exemple. Le technicien du son peut observer que les membranes de ses haut-parleurs vibrent lorsqu'elles émettent des sons. Ces vibrations sont lentes pour les sons graves au point qu'on voit la membrane se gonfler vers l'avant et revenir vers l'arrière de façon répétitive. Les allers et retours deviennent d'autant plus rapides que le son est élevé.

Grâce à des expériences extrêmement simples, les physiciens ont pu relier la hauteur du son à sa fréquence de vibration. Ils mesurent la vitesse de vibration par le nombre d'allers et retours que fait la membrane par seconde, qu'il nomme la fréquence. Elle est mesurée en un nombre par seconde, encore appelé des "périodes par seconde" (abréviation ps) ou Hertz (abréviation Hz). Un hertz correspond à 1 vibration par seconde. Un kilohertz (kHz) correspond à 1000 vibrations par seconde et un mégahertz (MHz) à 1 million de vibrations par seconde. L'oreille perçoit les sons sur une échelle de fréquences allant à peu près de 16 hertz (son très grave) à 16 000 hertz (son très aigu). Ces limites d'audibilité ne sont pas strictes et varient en fonction des individus.

hauteur

Figure 2. Échelle de fréquence des sons audibles

Pour nous rendre compte des valeurs des fréquences, écoutons deux sons, l'un grave de 110 Hz, suivi d'un autre aigu, de 3520 Hz, dans cette illustration sonore.


Cependant, il faut faire une distinction entre la hauteur absolue, mesurée par la fréquence, et la perception de la hauteur. Comme le dit E. Leipp, "la sensation de hauteur d'un son de fréquence donnée varie avec la hauteur absolue du son, avec son timbre, avec son intensité, avec le contexte musical."

Reproduire un son

Exercice: Je vous fais entendre un son, celui-ci:
Je vous demande de le chanter avec votre voix.


Puis celui-ci:

Vous pouvez faire la même chose en produisant une note avec un clavier, ou tout autre instrument et le chanter. Si vous n'y arrivez pas, ce n'est pas important. Il ne vous manque que l'entraînement à la justesse de voix, qui passe par la sensation corporelle des sons (voir article Résonances des sons dans le corps).

Diapason: le LA 440

Les musiciens accordent leurs instruments avant de commencer à jouer de manière à ce qu'ils aient tous le même LA. Or ils s'alignent sur un LA produit par un petit appareil nommé un diapason. Est-ce à dire que ce LA est fixé? Effectivement. Toutefois, la hauteur du LA et des autres notes a longtemps été assez approximative sans que cela pose de problème. Pour le musicien, les hauteurs sont plus relatives qu'absolues. Ce qui importe est l'écart juste entre les notes. Ceci est lié à la notion de gammes et de modes (voir article Gammes et modes musicaux)

Vous êtes peut-être habitués aux notes données par le piano pour lequel un DO est un DO. Et lorsqu'un musicien rencontre un musicien, qu'est-ce qu'ils se disent? Accordons-nous. C'est-à-dire vérifions que nous avons bien le DO à la même hauteur. Mais la définition de la hauteur d'un DO ou d'un LA est arbitraire. Et oui! La notion de hauteur déterminée n'existait même pas en Occident avant le XVIe siècle. Puis la hauteur du LA (et des autres notes) a varié dans le temps et dans l'espace, selon les régions et les pays, selon les époques et selon les instruments. Plus encore, elle pouvait varier d'un bâtiment à l'autre d'une même ville. En Europe, des mesures sur les instruments d'époque montrent pour le LA un étalement de plus de 2 tons. Cependant, on a peu à peu attribué une fréquence fixe aux notes. C'est ce qu'on appelle le diapason. Fixer un diapason national ou international est une idée moderne plus ou moins respectée. En France le LA3 a été fixé à 435 hertz en 1859, avant d'être détrôné par le LA international. La correspondance a été fixée arbitrairement par un comité en 1939. Le LA3 est défini à 440 hertz.

Sauts de hauteur sonore et intervalles

Dans les chants, la mélodie se promène par sauts de note en note, contrairement aux chants du vent et de la sirène qui glissent de façon continue. C'est comme si la rampe continue qui permet aux vélos et poussettes de monter la pente, a cédé la place à un escalier composé de marches espacées de façon ordonnée mais pas régulière. Les notes sont comme des paliers, des niveaux de hauteur de son. En musique, l'écart de hauteur entre 2 sons s'appelle un intervalle.

Exercice: Écoutez deux notes successives différentes, qui constituent un intervalle, et amusez-vous à reproduire ces deux notes avec votre voix. Essayez avec celui-ci:

Exercez-vous avec des intervalles variés, en jouant deux touches au hasard sur un clavier par exemple, ou avec un autre instrument. Commencez par les plus simples, avec des touches proches l'une de l'autre.

L'intervalle entre deux touches de piano consécutives s'appelle un demi-ton. Intervalle entre un SI et un DO, par exemple, ou entre une touche noire et la blanche adjacente. Bien évidemment, on peut produire des intervalles qui ne sont ni des demi-tons, ni des tons ou leurs multiples: on peut sauter d'un son à un autre sans s'occuper des notes avec notre voix, ou avec des instruments de musique qui ne produisent pas de notes fixes comme le violon ou certaines flûtes rustiques. Il est possible et tout à fait intéressant d'entendre et de reproduire des intervalles beaucoup plus petits qu'un demi-ton (micro-intervalles).

Octaves

La musique est faites d'intervalles variés et innombrables. C'est la présence de certains intervalles plutôt que d'autres qui donne à une musique sa couleur orientale, chinoise, indienne ou occidentale par exemple. Car l'assemblage des intervalles produit les modes et des gammes (voir l'article Gammes et modes musicaux).

Toutefois, il est un intervalle que l'on retrouve dans toutes les gammes et dans toutes les cultures, un intervalle universel, c'est l'octave. Qu'est-ce que l'octave? La meilleure façon de vous la définir n'est-elle pas de vous le présenter, de vous le faire écouter?

octave

Figure 3. Deux sauts d'octaves successifs

Exercice: chantez le premier intervalle d'octave entendu ci-dessus. Vous pouvez vous aider en imaginant que vous chantez (si vous la connaissez) la chanson suisse "Là-haut sur la montagne". Ce sont les deux premières notes, l'intervalle entre "là" et "haut".

Cet intervalle est universel parce qu'il est naturel, constitutionnel de notre nature. Il est facile de s'en rendre compte en comparant la voix féminine à la voix masculine. Demandons à un homme de chanter une petite mélodie et à sa compagne de chanter la même chose avec lui. Avec sa voix de femme, elle chantera naturellement plus haut que l'homme: exactement une octave plus haut. Et pourtant, tout en sachant que leurs voix sont différentes, ils auront la sensation de chanter la même chose, d'être ensemble, à l'unisson. Deux sons distants d'une octave, c'est le même son à deux niveaux différents.

Numérotation des octaves: LA3 = A4

D'ailleurs, en musique, deux sons distants d'une octave portent le même nom. Si le son grave est un DO, le son à l'octave au-dessus sera aussi un DO. Pour les distinguer, on leur attribue un numéro d'ordre qui augmente de 1 en montant: DO1, DO2, DO3, etc.... De même pour toutes les notes: LA3, LA4... Dans les octaves graves en-dessous du DO1, on trouve DO-1 et DO-2. Traditionnellement, on n'utilise pas le zéro en France, mais les frontières sont perméables et on trouve parfois la notation DO0 et DO-1.

Remarque: Dans les logiciels de production sonore tels que ceux présentés dans la dernière section, le LA informatique, produit avec les formats MIDI, est défini par les standards américains. Il est donc nommé selon la notation anglo-saxonne, et sonne une octave en dessous du LA français (Le LA3 français est équivalent au LA4 MIDI). Cela évite d'avoir des LA-1 et permet d'avoir un langage cohérent avec des musiciens étrangers. Et comme on ne dit pas LA, SI, DO, RÉ, MI, en anglais, mais A, B, C, D, E, le LA3 devient le A4 en anglais!

Dans cet article, je conserve la notation française habituelle.

Fréquences des octaves

Le technicien qui mesure les fréquences de 2 sons distants d'une octave constate que leurs fréquences sont dans un rapport 2. Par exemple, le son grave a une fréquence de 30 hertz et le son aigu de 60 hertz; ou encore 2000 et 4000 hertz. La connaissance de la fréquence des sons fait donc apparaître des chiffres caractéristiques: à l'octave est associé le chiffre 2. L'article Ton et intonation juste rapporte les nombres associés aux autres intervalles dans trois types de gammes majeures. Ainsi pour les LA, on a les mesures suivantes:

Note LA-1 LA1 LA2 LA3 LA4 LA5 LA6
Fréquence en hertz 55 110 220 440 880 1760 3520

On sait donc maintenant que l'exemple sonore de la figure 2 est un LA1 suivi d'un LA6, à 5 octaves d'intervalle.

7 petites notes de musiques

Les musiciens repèrent la hauteur du son par les notes de la gamme. En occident, les gammes de la musique classique et populaire reposent sur 7 notes de base s'inscrivant à l'intérieur d'une octave et répétées aux autres octaves. En français, ce sont les notes:

DO - RÉ - MI - FA - SOL - LA - SI

Tandis que la hauteur des LA est déterminée en fréquence par la convention internationale, les fréquences des autres notes ne peuvent pas être fixées de façon absolue, car elles dépendent de la gamme dans laquelle elles sont employées, et donc de la culture, de la conception que l'on a de la définition des intervalles, de notre jugement sur la justesse de la voix et en définitive de l'interprétation. Des détails sur les intervalles des gammes sont données dans l'article Ton et intonation juste.

En anglais, on désigne ces notes par A (La) - B (Si) - C (Do, etc.) - D - E - F - G. En allemand, le B désigne un Si bémol, tandis que le Si est désigné par la lettre H.

Dans la gamme chromatique tempérée en usage actuellement, l'octave est partagé en 12 demi-tons équidistants:

DO - DO# ou RÉb - - RÉ# ou MIb - MI - FA - FA# ou SOLb - SOL - SOL# ou LAb - LA - LA# ou SIb - SI - DO

Pour indiquer les hauteurs sur une partition, le musicien représente les notes sur une portée générale à 11 lignes, divisée en deux portées à 5 lignes, une en clé de Sol et une en clé de FA (figure 4).

portée de 11 lignes

Figure 4. La portée de 11 lignes, avec le DO au milieu, représente l'échelle des hauteurs de notes par degrés

On peut imaginer cette portée comme une projection graphique de l'échelle sonore: les sons graves sont inscrits dans le bas et les sons aigus dans le haut sur une étendue d'environ 3 octaves, sans parler de ceux qu'on peut ajouter en bas et en haut. Le temps se déroule de gauche à droite.

Enfin, je signale qu'il existe une correspondance entre l'échelle verticale des sons et le corps. Les sons résonnent dans le corps et ces résonances s'étagent des plus graves en bas du corps aux plus aigus dans le haut du corps. Je développe ce sujet dans un autre article (Résonances sonores corporelles).

Mesure des intervalles, cents et savarts

L'oreille est un organe surprenant. Lorsqu'on monte de LA en LA, on a l'impression qu'on ajoute à chaque fois le même intervalle d'une octave. Pour un musicien, l'intervalle d'une octave est égal à 12 demi-tons, soit 6 tons, quelle que soit la hauteur où se situe cette octave. 2 octaves font 12 tons, etc. Or de son côté, le physicien constate la multiplication de la fréquence par 2. En somme l'oreille a la propriété de transformer des multiplications en additions! En mathématique, la fonction qui réalise la même chose s'appelle un logarithme. Cela vous évoque-t-il quelque chose? C'est pourquoi on dit parfois que l'oreille est logarithmique.

Cents

Aussi on a inventé une façon de mesurer un intervalle avec une unité qui s'additionne. L'unité la plus simple est l'octave. Un sous-multiple est le demi-ton tempéré défini comme la douzième partie de l'octave. L'unité utilisée par les acousticiens est le centième de demi-ton appelé cent. Il s'ensuit qu'une octave vaut 1200 cents.

Un intervalle entre 2 sons de fréquences f1 et f2 s'exprime par le rapport f1/f2. Le même intervalle exprimé en cents se calcule en passant en logarithmes par la formule: equation du cent. Les termes 1200 et log2 sont simplement des coefficients d'échelle qui permettent de s'assurer que l'intervalle d'octave, de rapport f1/f2=2, fait bien 1200 cents.

Le savart

Il existe également une unité plus ancienne basée sur les logarithmes. Le physicien Savart a simplement transformé les multiplications de fréquences en additions en appliquant la fonction de logarithme à base 10. Puisque l'octave vaut 2 en rapport de fréquences, la nouvelle mesure d'une octave vaut alors log2 = 0,30103.

Le savart est défini comme le 1/1000 de l'octave, ce qui fait qu'une octave vaut 301 savarts. Tout intervalle entre deux notes de fréquence f1 et f2 vaut 1000 log(f1/f2) savarts.

Le facteur d'échelle (1000) n'est pas tout à fait le même que celui des cents (1200/log2 = 3986), de sorte que 1 savart vaut approximativement 4 centièmes.

Un comma vaut environ 5 savarts.

Perception de l'oreille

Quel est le plus petit saut de hauteur que l'oreille peut apprécier?

Écoutez. Entendez-vous le saut de hauteur entre le LA et la fréquence supérieure?

  • Un demi-ton tempéré
    ou 100 cents
    soit 301/12=25,08 savarts
    En fréquences 21/12=1,0595 (voir article Ton et intonation juste)
    Exemple: le saut entre LA de 440 Hz et LA#: 440x1,0595=466,16.
  • Un quart de ton
    50 cents
    ou 21/24=1,0293
    Exemple: du LA 440 à à la note de fréquence 440x1,0293=452,89
  • Un dixième de ton
    soit 20 cents
    ou 21/60
    Exemple: saut de fréquence de 440 à 440x1,0116=445,11
  • Un vingtième de ton
    10 cents
    ou 21/120
    Exemple: saut de fréquence de 440 à 440x1,00579=442,55

L'oreille perçoit très facilement le demi-ton, mais elle est beaucoup plus performante que ça, bien plus qu'on imagine: il lui est facile de distinguer le 1/10e de ton et même le 1/20e de ton. Une oreille entraînée est capable de discerner le 1/200e de ton dans les fréquences moyennes de sa plage d'audition, soit 1 centième ou une variation de fréquence de 0,05%. Le cent (centième de demi-ton) apparaît comme la plus petite hauteur perceptible.

Amplitudes vocales et instrumentales

Sur la figure 5, j'ai reporté les tessitures des voix humaines, des flûtes à bec (flûtes douces), de la guitare et du piano. On remarque que la voix s'étale sur 2 à 3 octaves, tandis que le piano atteint 7 octaves.

Quant à l'oreille, elle peut percevoir environ de 16 à 16 000 Hz soit jusqu'à 10 octaves. En effet, si l'on double la fréquence 10 fois, cela revient à multiplier par 210=1024, très proche de 1000.

Figure 5. Étendues (tessitures) des voix humaines, des flûtes à bec, de la guitare classique et du piano

Tessitures

En savoir plus

Échanges complémentaires

Si vous avez apprécié cet article, s'il vous a été utile, si vous voulez apportez une précision, un complément, si vous avez détecté une erreur, si vous souhaitez avoir des informations sur ma pratique dans mes ateliers d'éveil vocal et rythmique, je vous invite à m'écrire pour partager votre expérience et votre ressenti. Je serai heureux de recevoir votre courriel.

Mes articles sur le son dans ce site

Si cet article a éveillé votre curiosité et que vous voulez en savoir encore plus, vous pouvez (ou pourrez bientôt) consulter les documents en ligne suivants:

L'encyclopédie Wikipedia, en français

Wikipédia est un projet d'encyclopédie sur Internet, écrit coopérativement par ses lecteurs. Ceux-ci sont invités à participer à l'écriture d'un article ou à en créer un nouveau. Les articles sur la musique sont nombreux et leur qualité est inégale. Certains auteurs se contentent de retransmettre les théories qu'on peut lire dans tous les solfèges. D'autres rapportent des informations beaucoup plus techniques et précises. Ma préférence va à ceux qui témoignent de l'expérience de l'auteur, comme j'ai tenté moi-même de le faire dans l'article présent. Voici des articles intéressants:

Et encore sur Internet

A propos des gammes, D. Beaufils et M. Grente, Sur le site de l'INRP, Institut National de Recherche Pédagogique, Lyon, France.

Le blog de la liberté scolaire

Coaching through the Ages











Etymology of the word "Coach"

The term Anglo-Saxon "coach" , derived from the French word "cocher", the latter itself from the word "Kocsi" meaning diligence.

The "cocher" led travelers to their destination. Coaching responds to a need for support and self-learning. Today's coaches conduct individuals being coached to the concrete realization of their projects, this achievement being identified as a destination to be reached.

Coaching practices, imported from the United States, appeared in France in the 80s and 90s, drawn on the major concepts of Social Sciences.

Social context of the emergence of Coaching

The term "coach" is initially used in the last century in the theater, opera and film businesses. It defines the notion of accompanying artists. It was then used in the field of sports training, aiming to prepare and motivate athletes or teams to improve their performance. Later on, it was adapted to the business world (individuals or teams coaching) and to individuals from any professional context (Life-Coaching).

In the context of the business world, theories of organizations defined by Henri Fayol (1916) and Frederick Taylor (1911) – respectively hierarchical and functional approaches – were later disputed by the experiments of Elton Mayo (1930 ). The latter favored the psychological climate as a trigger for workers' performance. We can cite Hawthorne sociological experience, demonstrating that increased productivity of workers wasn't dependent on working conditions but on interest put on their work, regardless of any improvement in the comfort of work, extensions or reductions in working hours. Therefore, Elton Mayo marked the first break with the Taylorist model and approach to individual interest, promoting teamwork, communication and listening from hierarchy.

Mintzberg (1973) highlighted the power and change management's phenomena in opposition to Fayol demonstrating that the manager must use interpersonal relationships to learn and to act having in mind the fact that within any structure power and politics are in constant evolution.

Coaching, from birth to present day

"Coaching" comes from maieutics defined by Socrates in the fifth-century BC. Socrates said that "the soul of each person is pregnant and wishes to give birth". The term "coaching" can be outlined by the processes of communication and listening that reveal individuals to themselves.

Mentor in Greek mythology educating the son of Ulysses, Aristotle in 322 BC tutor of Alexander the Great, the mad lords and scribes in the Middle Ages, all these people approached the role of "coach" to empower others.

In the years 1950 to 1960, the "counselors and mentors" of American stars are the pioneer coaches like sport coaches who focused on improving the performance of their players or teams, realizing the impact of this work on minds. Timothy Gallwey asserted that the main opponent was none other than the athlete himself.

Since 1980, coaches moved into the business world, addressing the issues faced by senior managers and executives. In the late 80s, Vincent Lenhardt imported the concepts of team building and executive coaching in France. Since 1990, the coaching extended and opened to individuals outside the context of companies (Life-Coaching).

Extract from "Apports de l’intelligence émotionnelle sur la motivation d'équipe", Laubie, R. (2008). Mémoire de DESU Pratiques du Coaching, Paris VIII, supervised by Michel Moral.

Intrapreneur

En 1985, Gifford Pinchot a introduit le concept d'intraprenariat dans son livre best-seller, l'intraprenariat : Pourquoi vous n'avez pas besoin de quitter votre entreprise pour devenir entrepreneur [Intrapreneuring: Why You Don't Have to Leave the Corporation to Become an Entrepreneur]. Il a montré comment les entreprises peuvent rester à la pointe du progrès en promouvant l'intrapreneuriat, et en favorisant ainsi l'innovation auprès de leurs employés. Dans la littérature économique, l'intrapreneur est également dénommé quasi-entrepreneur, proxy-entrepreneur (Peter Klein et Nicolai J. Foss), entrepreneur salarié, salariat dynamique (Beaucourt et Louart, 2000), champion de projet (Robinson, 2001) avec une variante de signification notable, l'organisation entrepreneuriale [Corporate entrepreneurship].

L'espace de l'intrapreneur est un no man's land juridique et économique
L'intrapreneur se situe à la frontière entre l'entrepreneur (le chef d'entreprise) et le manager. Puisque cette limite n'est pas tracée distinctement, l'intrapreneur trouve sa légitimité et sa cohérence de son action à l'intérieur de ce no man's land. Dans les grandes entreprises, l'intrapreneur se trouve quelquefois à l'étroit, notamment dans les compagnies qui n'ont pas une grande culture du risque. Ce comportement de l'employé aux comportements entrepreneuriaux prend naissance dans les environnements bureaucratiques empesés par la complexification des structures et les pratiques procédurières.

A l'intérieur de l'entreprise, l'intrapreneur recherche de nouvelles opportunités d'affaires, créant ou saisissant l'occasion de modifications significatives dans la stratégie de la direction de l'entreprise. L'intrapreneur peut choisir de rester discret et anonyme au sein de l'organisation avant que son projet intrapreneurial ne se développe. Tout dépend du succès de son action et de la reconnaissance positive de sa hiérarchie. Une fois sa légitimité acquise, il peut plus facilement se confronter aux regards de ses pairs, qui sont également une menace (jalousies, envies, critiques, jugements, pressions sociales de normes syndicales, transferts de ressources jugés illégal). Au risque d'être pénalisé et sanctionné, l'intrapreneur choisit la voie de la liberté pour recueillir les fruits de ses ressources en cas de succès.

L'intrapreneur n'est pas économiquement ou juridiquement l'entrepreneur, c'est à dire qu'il n'est pas le créateur de l'entreprise dans lequel il travaille. Il opère dans un cadre organisationnel déjà façonné par d'autres. Mais son action peut modifier les règles internes de fonctionnement. Sa plus grande chance de succès consiste à maîtriser les routines internes afin de mieux leur donner une inflexion ou une extension. Mais, l'intrepreneur est prudent de ne pas casser les règles en vigueur au risque de se faire renvoyer. Sa part de succès dépend également des complicités tacites ou explicites de collaborateurs à l'intérieur de l'entreprise comme à l'extérieur (clients, fournisseurs, concurrents).

La gestion des ressources de l'intrapreneur
L'intrapreneur est un employé qui a une idée entrepreneuriale, quelquefois incompatible avec la stratégie en cours de la compagnie. Lorsque le succès de cette idée émerge, l'entreprise peut alors lui fournir les moyens de mettre en place et d'améliorer son idée en lui laissant du temps de travailler et de progresser par essais et erreur. Elle peut lui fournir une équipe à sa disposition pour son projet qui se trouve ainsi légitimé. L'objectif de l'intrapreneur est de faire aboutir son projet. La motivation du manager est de transférer cette idée en opportunité d'affaires.

Les managers qui désirent faire progresser ce type de comportement à l'intérieur de la société peuvent récompenser les intrapreneurs "opportunistes" en leur octroyant une promotion, une récompense financière, une bourse ou une liberté d'action supplémentaire. Moins tangibles, les récompenses non financières sont les plus probantes comme la reconnaissance, l'estime et l'autonomie.

Dans les économies occidentales soumises à l'hypercompetition, les entreprises encouragent l'intrapreunariat afin de développer l'innovation à l'intérieur de l'entreprise de façon plus économique et en contrôlant les ressources internes et externes.

Selon, le journaliste et économiste américain, T.D Schellhardt, il existe un risque pour le manager de ne pas prendre en compte l'existence de la motivation de l'intrapreneur, celui de le voir partir. D'un autre côté, l'intrapreneur doit puiser au fonds de ses ressources internes afin de réussir. T.D Schellhardt, propose les 10 commandements suivants :

1.Fais tout le travail nécessaire pour réaliser ton projet, peu importe ta description de tâches
2.Partage le crédit des réalisations intelligemment
3.Souviens-toi qu’il est plus facile de demander pardon que de demander la permission
4.Arrive au travail chaque jour en souhaitant être congédié
5.Demande conseil avant de demander des ressources
6.Suis ton intuition au sujet des gens; construis la meilleure équipe
7.Bâtis une coalition tranquille pour ton idée; la publicité hâtive déclenche le système immunitaire de l’entreprise
8.Ne parie jamais sur une course avant de courir
9.Sois vrai pour tes objectifs, mais réaliste pour les manières de les réaliser
10.Honore tes commanditaires
Quelquefois, les projets réussis de l'intrapreneur ont un impact sur la mobilisation du personnel. Les employés peuvent s'unir autour d'un projet et renforcer le lien d'adversité au risque entrepreneurial. Les relations de "bonne intelligence" entretenues dans ces initiatives atténuent l'aspect hiérarchique rigide de certaines entreprises au travers des politiques de management dans des délégations communiquantes, ce qui favorise la confiance au sein de la structure interne.

Une gestion des compétences intraprenariales
Qu'un chef d'entreprise désire développer l'intraprenariat à l'intérieur de son établissement est une chose. En faire une réussite en est une autre. Hors, pour stimuler l'intraprenariat, il faut savoir identifier les hommes et les femmes, les ressources matérielles et financières et les stratégies qui sont nécessaires pour créer une nouvelle affaire. Par conséquent, les entreprises ont plutôt intérêt de se doter d'une gestion des ressources humaines qui prenne en compte la gestion des compétences intraprenariales. Ceci revient à indiquer qu'il ne s'agit pas de recruter sur le marché du travail ceux qui disposent de cette qualité à un moment T, mais de comprendre les inter-relations entre les compétences internes intrapreneriales et celles qui vont émerger dans le futur grâce à l'intégration de nouvelles ressources intrapreneuriales externes et complémentaires. Comme il est impossible de prévoir à l'avance quand les manifestations intrapreneuriales vont émerger dans l'entreprise, les découvertes d'opportunités ne peuvent pas être planifiées. Par contre, l'organisation doit être conçue pour faciliter cette émergence soudaine et inattendue.

Reconnaître les compétences intrapreneuriales chez un individu qui n'a pas encore manifesté cette expérience est très difficile pour un directeur des ressources humaines. Cela exige également de sa part des talents d'intrapreneur. Certes, le directeur des ressources humaaines peut s'appuyer sur des "marqueurs" comme des profils (ideal-type) d'intrapreneur, des signaux de motivation de la part d'un salarié ou d'un nouvel entrant, des talents exprimés et requis pour s'embarquer un jour dans cette forme d'aventure intrapreneuriale. La direction des ressources humaines dispose d'une autre compétence qui est celle de la formation de ses salariés. Dans un contexte intraprenarial, la formation doit donc encourager l'apprenti intrapreneur à prendre des initiatives, d'analyser les risques encourus, d'être en alerte sur des opportunités financières, de développer et de diriger sa créativité et de forger assidument son implication. Sachant que l'intrapreneur ne prend pas l'ascendeur pour demander la permission au siège du corporate du dernier étage, il est important de veiller à ce que l'intrapreneur ne se fourvoie pas dans l'isolement de l'indépendantisme au détriment de sa recherche d'autonomie. Presque impatient, l'intrapreneur est tenté par des prises de décision trop réactives puisque toutes les lourdeurs administratives l'ulcèrent profondément. C'est pourquoi l'intrapreneur s'épanouit dans un contexte de décentralisation de l'information et non dans un centralisme hiérarchique trop prononcé.


Toutefois, il ne faudrait pas faire de l'intrapreneur un nouvel héros de nos entreprises au détriment de l'entrepreneur. Car ce dernier, il faut le reconnaître, doit quotidiennement s'évertuer à accéder à des ressources onéreuses qu'il met à la disposition de l'intrapreneur. De la même façon, l'entrepreneur est confronté à la pression externe du marché alors que l'intrapreneur peut agir à l'abri concurrentiel de l'organisation. Mais il se peut que l'apprentissage intrapreneuriale soit un bon processus pour devenir entrepreneur et réciproquement.


Bibliographie
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Traduit en français en 1986, Intraprendre, Éditions d’Organisation
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1987,
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dimanche 27 novembre 2011

Evolution de l’intelligence collective et de la spirale de la conscience

Présentation

WIE : Don Beck, pouvez-vous commencer par expliquer le concept de base de la dynamique en spirale ?

Don Beck : Le concept de la dynamique en spirale est que la nature humaine n’est pas figée ; tout n’est pas joué à la naissance. Au contraire, nous avons les capacités, par la nature même de notre esprit/cerveau, de construire de nouveaux mondes conceptuels. Aussi, ce que nous essayons de décrire est simplement comment les humains sont capables, lorsque les conditions deviennent suffisamment mauvaises, de s’adapter à leur situation en créant de plus grandes complexités de pensée pour gérer de nouveaux problèmes.

WIE : Pouvez-vous en dire davantage sur cette capacité, qui semble propre à l’homme, de développer des niveaux plus élevés de pensée et de connaissance ?

DB : La Dynamique en Spirale a pour postulat que nous possédons une intelligence adaptative, » intelligence complexe, adaptative et contextuelle « , qui se développe en réponse aux circonstances et défis de la vie auxquels nous sommes confrontés, ce que dans ce modèle de dynamique en spirale nous appelons les Conditions de Vie. Ce sur quoi nous portons systématiquement notre attention est la dynamique d’ordre causal créée par les Conditions de Vie, puis sur les types de mécanisme d’adaptation et d’intelligence collective qui sont fabriqués en réponse à ces conditions. Ces intelligences collectives sont ce que nous appelons les mêmes *.

WIE : Vous semblez insister sur la nature évolutive de l’intelligence humaine, qui nous permet de nous adapter et de survivre à nos défis existentiels, ou » Conditions de Vie « . Pouvez-vous en dire plus sur l’importance évolutive des » mêmes » ?

DB : Comme les gènes, les virus et les bactéries, les mêmes répondent au même principe de base que l’on trouve dans l’univers, à savoir le renouvellement, la capacité de régénération. Chaque même successif implique un horizon plus vaste, un principe d’organisation plus complexe, avec un nouveau calibrage des priorités et des structures mentales, ainsi que des lignes de fond spécifiques. C’est un moyen résoudre les problèmes. C’est un moyen d’assigner un ordre de priorité, de mettre en avant ce qui est plus important et pourquoi, en réponse aux Conditions de Vie. Et tout comme un code biologique ADN, code qui se reproduit lui-même en se disséminant dans tout le corps, le code d’un même est un schéma bio-psycho-socio-spirituel de type ADN, une empreinte qui se répand à travers une culture, et joue son rôle dans tous les domaines d’expression de cette culture, modelant les codes de survie, la mythologie des origines, les formes artistiques, les styles de vie, les appartenances communautaires.

WIE : Donc, selon vous, à mesure que les humains s’adaptent à leurs Conditions de Vie, cela éveille de nouvelles sortes d’intelligence, ou des codes, les » mêmes « , qui à leur tour façonnent l’évolution de la culture.

DB : Oui. Et les cultures, comme les pays, sont formées par l’émergence de ces mêmes, ou systèmes de valeurs, qui constituent le ciment qui relie un groupe, le définissant comme type de population et réfléchissant la place qu’il occupe sur la planète.

Mon vieil ami et collègue, feu le professeur Clare Graves, avait l’intuition qu’il existait des modèles sous-jacents dans l’évolution de la conscience humaine. Il a identifié huit niveaux d’existence psychologique et culturelle, ou systèmes de valeurs, qui sont devenus la base de notre modèle en spirale. Les mêmes principes ou niveaux d’existence s’appliquent aussi bien à une personne individuelle qu’à l’ensemble d’une société. Graves a impliqué des milliers de personnes dans son étude, cherchant constamment à déceler ces modèles sous-jacents qui, estimait-il, reflètent différents niveaux d’activation de notre système nerveux moteur.

WIE : Pourriez-vous esquisser le modèle en spirale avec sa hiérarchie de huit mêmes, ou niveaux d’existence ?

DB : Dans le langage de Graves, le » Premier Etage » de la spirale est un ensemble de six mêmes caractérisés par les notions d’existence ou de subsistance. Cela veut dire que nous ressemblons davantage à des animaux qu’à des dieux et que nous avons à faire face à des problèmes d’existence d’ordre essentiellement terrestre.
Donc, le Premier Etage (BEIGE, VIOLET, ROUGE, BLEU, ORANGE, VERT) rassemble nos problèmes de » subsistance » ou de survie, tandis que le Second Etage (JAUNE, TURQUOISE) œuvre à l’élaboration de formes saines de tous les systèmes du Premier Etage, dans le contexte d’une communauté globale, riche en informations et hautement mobile. Bien que Graves ait identifié huit niveaux d’existence, avec un neuvième à l’horizon, la Spirale est en expansion, ouverte sans fin, continue et dynamique. Il n’y a pas d’état final, pas de destination ultime, pas de paradis utopique. C’est une quête sans fin vers le haut, dont chaque phase n’est qu’un prélude à la suivante, puis la suivante, et la suivante.

WIE : Et qu’est-ce qui provoque l’émergence évolutive de ces stades, ou mêmes, le long de cette spirale ascendante ?

DB : Nos crises, parce qu’elles offrent les points d’inflexion et les bornes repères qui déclenchent le mouvement vers le prochain niveau de développement humain. Et chaque niveau d’existence, ou même, ressemble plus à une vague montante, un système vivant et fluide, qu’à une étape hiérarchique rigide comme une marche d’escalier. Une fois qu’un nouveau niveau apparaît dans une culture, tous les stades précédents de développement restent acquis dans le système de valeurs résultant. Dans le langage de Ken Wilber, tout nouveau stade social » transcende et inclut » chacun de ceux qui ont précédé. Pour cette raison, les systèmes de pensée plus complexes comportent de plus grand degrés de liberté.

WIE : Pourquoi utilisez-vous un modèle en spirale pour représenter l’émergence de ces stades évolutifs de développement psychologique et culturel ?

DB : La forme spiralée du tourbillon est ce qui représente le mieux la façon dont émergent les systèmes humains, ou mêmes, car ils évoluent par niveaux de complexité croissante. Chaque spire montante indique la survenue d’une version plus élaborée de ce qui existe déjà, chaque même étant un produit de son temps et de ses conditions. Et ces mêmes forment des spires correspondant à une complexité croissante chez une personne, dans une famille, une organisation, une culture ou une société. Nous vivons tous dans des états en mouvement ; il y a toujours de nouveaux vins, toujours de vieilles lies. Et l’on peut constater que tout ce processus évolutif fonctionne, du fait même que nous sommes toujours ici, que nous avons été capables de survivre des milliers et des milliers d’années sous la menace d’un environnement très hostile. Ainsi, nous sommes en présence d’une espèce merveilleuse qui a la capacité innée de se renouveler elle-même. C’est ce qui fait de nous des humains.

•Le concept de » même » fut proposé dans les années 70 par le biologiste évolutionniste Richard Dawkins. Selon lui, il fallait considérer l’évolution de la culture indépendamment de l’évolution génétique et biologique. Les » mêmes » de Dawkins désignent des » unités de transmission culturelle » spécifiques, telles que les chansons, les idées, les modes vestimentaires, parmi d’autres exemples. Toutefois, dans la Dynamique en Spirale, elles sont appelées » petits mêmes « .

Lorsque Beck utilise le mot » même « , il fait référence à un » système central de valeurs » ou » même de valeurs « . Ces systèmes agissent comme » principes organisateurs » s’exprimant à travers les petits mêmes, et ils sont si essentiels à nos façons de penser qu’ils peuvent » se répandre à travers tout un groupe ou une culture entière, et structurer par eux-mêmes les états d’esprit « .

BEIGE

WIE : Votre modèle de dynamique en spirale figure notre mouvement évolutif en commençant il y a 100 000 ans avec l’apparition du premier » niveau d’existence « , le mème BEIGE. A quoi correspond ce premier stade du développement humain ?

DB : Le BEIGE, dans notre modèle, est un état d’existence pour ainsi dire automatique, induit par les besoins physiologiques impérieux qui actionnent le dispositif primaire de survie avec lequel nous sommes nés. Dans sa forme originelle, si on remonte à 100 000 ans, le niveau d’existence BEIGE a été la première étape qui a fait de nous des humains. Il s’agit d’humains luttant simplement pour leur survie dans des environnements où se trouvent d’autres animaux. Néanmoins, nous sommes plus sophistiqués et semblons avoir plus de talents conceptuels pour nous réunir en clans protecteurs afin de préserver ce que nous avons et nous protéger des prédateurs. Le père, dans le clan de survie, mange en premier, parce que si le plus fort meurt, la famille n’a plus d’espoir. Ainsi, la clé du BEIGE est la survie par l’utilisation d’une intelligence instinctive, avec un système sensoriel plus affûté qui nous permet de mieux voir et de mieux entendrenous pouvons ressentir des choses avec la racine nos cheveux dans la nuque. Le simple fait de rester en vie est ce qui compte le plus.

WIE : Reste t-il des exemples de BEIGE de nos jours ?

DB : Le seul vrai BEIGE qui existe encore aujourd’hui dans sa condition primitive est caché en Indonésie et dans certaines parties d’Afrique. Nous avons étudié les aborigènes pendant quelque temps : il est tout à fait clair qu’ils ont la troublante capacité de retrouver de l’eau enfouie, ou des œufs d’autruche. Ils peuvent aussi sentir les changements de temps. Donc, » primitif » ne veut pas dire pour nous » primitif-et-imbécile « , parce qu’il pourrait bien y avoir jusqu’à seize sortes de sens, y compris la capacité de voir à grande distance, une multiplicité de sens activés à ce niveau d’existence. Mais aujourd’hui, la plupart de ces sens sont atrophiés, submergés par nos systèmes conceptuels plus complexes.

WIE : Est-ce que les conditions de vie forcent parfois les gens à exister au niveau BEIGE, même s’ils ne sont pas réellement primitifs ni ne sont représentatifs de la forme » primaire » de ce mème ?

DB : Oh, on peut trouver des traces de BEIGE chez les gens qui vivent dans la rue et sont avant tout des chasseurs-cueilleurs, qui mangent ce qu’ils dégotent sur leur chemin. On peut certainement en voir l’exemple dans les horribles conditions d’extrême pauvreté de Somalie ou d’Ethiopie, où l’existence se réduit au geste de la main à la bouche. C’est aussi évident chez les nouveaux-nés, qui mangent quand ils ont faim. Et puis un certain nombre de gens, quand ils sont exposés à une catastrophe, peuvent régresser jusqu’au BEIGE. Le sens de priorités plus hautes disparaît brusquement quand on se trouve pris dans une tragédie personnelle, dans des situations de souffrance ou de privation extrême. Il se crée une sorte de vide, certainement induit par la peur, parce que les limites et les attentes se dissolvent soudain et que l’on se retrouve seul sur ses pas, livré à ses propres moyens.

C’est ce sentiment que nous avons quand nous avons à faire quelque chose d’entièrem
ent différent, quelque chose que nous n’avons jamais fait auparavant et que nous ne sommes même pas sûrs de pouvoir faire. Je pense qu’après le 11 septembre nous avons vu des gens rentrer temporairement dans le BEIGE parce que la crise les a mis dans une condition psychologique différente.

VIOLET

WIE : Le second niveau ascendant de la spirale est le VIOLET. Quels développements évolutifs caractérisent le passage de l’existence primitive du BEIGE au niveau d’existence suivant, le mème VIOLET ?

DB : Le VIOLET est animiste, tribal et mystique. Dans le monde du VIOLET, nous trouvons les premiers signes de communauté humaine, le sentiment d’une parenté d’esprit » je suis quelqu’un parce que j’appartiens à un certain clan ou à une certaine tribu. » Durant la période glacière, le monde est devenu surpeuplé.

Il y avait plus d’humains par kilomètre carré que jamais auparavant. Dans le système BEIGE, des clans ont commencé à se heurter à d’autres clans, avec un début de compétition pour investir les niches écologiques. Soudain, un clan approximativement structuré se consolide en une tribu,mettons, quatre à cinq cents individus de sorte qu’il peut désormais survivre dans une situation de compétition avec d’autres clans. Donc, l’un des changements de Conditions de Vie menant au passage du BEIGE au VIOLET concernait la territorialité et l’accès aux ressources.

Au même moment, une mutation est intervenue pour éveiller dans le cerveau la première véritable capacité d’associer la cause et l’effet. Ce furent les premières notions de métaphysique. Dans l’esprit BEIGE, les événements semblent être dispersés, chacun isolé, sans grand caractère prévisible. Mais, par exemple en Afrique, si la lune est pleine et qu’une vache meurt, l’esprit VIOLET fait la corrélation entre les deux événements, l’un devenant la cause de l’autre.

Ainsi, l’émergence du système métaphysique, en même temps que la capacité de travailler plus solidement en équipe, s’est produite lors de la transition de l’Individu des premiers âges (BEIGE) vers l’Individu Mystique (VIOLET), émergence précipitée par les changements de Conditions de Vie intervenus lors de l’ère glacière, il y a environ cinquante mille ans.

WIE : Il semble que l’émergence de la capacité de s’unir et travailler ensemble augmente littéralement nos chances de survie.

DB : Vous avez parfaitement raison. Littéralement. Et dans la mesure où ces étapes d’existence, ou niveaux de mème, représentent des systèmes bio-psycho-sociaux, ils indiquent l’émergence évolutive de capacités et d’aptitudes biologiques et physiques.

Par exemple, nous savons que le niveau d’ocytocine, hormone biochimique du cerveau
dont les bienfaits pour la santé sont divers, est plus élevé quand les humains mangent en groupe. Ainsi, manger ensemble, rompre le pain ensemble, les fêtes de toutes sortes, tout cela élève le niveau d’ocytocine dans le cerveau et améliore la survie.

Autre chose s’est développé à cette époque, c’est le processus chimique interne au cerveau, quel que soit ce mécanisme, qui permet à une personne d’entendre intérieurement des voix, les voix des esprits. Le mème VIOLET est fortement corrélé aux tendances dites de cerveau droit telles que l’intuition aiguë, l’attachement émotif aux lieux et aux choses, et un sens mystique des rapports de cause à effet. J’ai moi-même un sens VIOLET bien développé, ayant passé tellement de temps avec les Zoulous dans des lieux sacrés.

ROUGE

WIE : Avec ses tribus et ses rituels, le même VIOLET semble avoir constitué un saut significatif par rapport à l’existence primitive du BEIGE.. Comment le prochain niveau de mème de la spirale le ROUGE émerge-t-il du VIOLET, et quelles sont les caractéristiques qui le définissent ?

DB : Dans la zone ROUGE, nous avons les débuts du moi brut, égocentrique. Je suis quelqu’un. Ce qui a commencé à causer, il y a environ dix mille ans, les changements de Conditions de Vie conduisant au ROUGE ne furent pas des échecs, mais plutôt des succès.

Dans le VIOLET, nous avons fort bien réussi. Nous avons trouvé de la nourriture, nous avons stabilisé notre mode de vie, nous avons conquis ce que nous pensions être les dragons de notre vie.

Tout était lisse, ennuyeux. Beaucoup de jeunes sont devenus mécontents. Ils ont vu que quelque chose de leur essence, plutôt que d’être protégé, était en train d’être contenu, limité. C’est alors que le ROUGE progresse à grands pas. Maintenant nous avons des individus élitaires qui commencent à s’extraire de l’élément unifiant du VIOLET, devenu dépassé.

Ainsi, ce que le VIOLET a produit, par ses succès, était le besoin d’individus forts accédant au pouvoir, qui dominent, par exemple dans un environnement militaire où l’on a pas le temps de voter s’il faut ou non » prendre la colline « . Ce qui commence à se libérer est l’affirmation du moi brutle renégat, l’hérétique, le barbare, le vas-y-seul, le moi puissant, l’hédoniste.

WIE : Il est plus difficile de voir les attributs positifs du même ROUGE . Le VIOLET m’attire franchement plus, avec cette mise en avant de l’union humaine et du sens de la métaphysique.

DB : Il y a à la fois des expressions positives et négatives dans tous les mêmes, y compris le ROUGE. Dans le ROUGE, nous voyons des taux de crimes élevés, nous voyons toutes sortes de rage et de rébellion, mais nous pouvons aussi voir de merveilleux élans de créativité, des actes héroïques, la capacité de briser la tradition et de frayer de nouveaux chemins. Et la rébellion, l’impulsivité de mode ROUGE ne pouvaient se manifester que parce que le VIOLET, à travers l’union, avait stabilisé les choses.

Et puis le ROUGE était en rébellion contre les rituels et les sacrifices imposés à la jeunesse par le système VIOLET les rites douloureux de passage, par exemple. C’est pourquoi le ROUGE succède au VIOLET, et pourquoi le VIOLET dispose la scène du ROUGE.
C’est très important je veux que vous voyiez les interconnections. Les mêmes ne sont pas des entités qui flottent dans le vide. Le ROUGE n’est pas meilleur que le VIOLET.

C’est différent. Donc vous devez vous demander, avant tout : quelles sont les Conditions de Vie ? Si les Conditions de Vie vous demandent d’être fort et de vous affirmer, ou de combattre pour sortir d’une horrible situation, alors le même ROUGE est la voie à suivre. Le ROUGE n’est pas une aberration, mais une partie normale du répertoire des mêmes humains. Cette perspective est fondamentale dans la dynamique en spirale : vous acceptez que les mêmes ne représentent pas une hiérarchie de » mieux « , mais plutôt que chacun peut s’exprimer de manière positive ou négative, et que toute la spirale, avec son assortiment de codes de type même, existe à l’intérieur d’une seule personne, prête à être invoquée en réponse aux sollicitations de ses fluctuantes Conditions de Vie.

BLEU

WIE : Et maintenant, le quatrième niveau de même de la spirale. Pourriez-vous commencer par parler des problèmes de Conditions de Vie produites par l’individualisme et l’égocentrisme du ROUGE, qui finalement ont nécessité une transition vers le niveau suivant, le BLEU ?

DB : Dans le BLEU, il y a la recherche d’un but transcendant, une reconnaissance de l’importance de l’ordre et du sens, d’un univers contrôlé par un pouvoir unique et supérieur. La société ne peut plus fonctionner avec la présence constante du ROUGE, avec ses entités de type guerrier, gangs ou seigneurs de guerre ; ainsi nous devons grandir pour résoudre les problèmes créés par le succès du ROUGE. Ici, pour la première fois, naît la capacité de ressentir la culpabilité (le ROUGE se sent honteux mais pas coupable). Dans le système BLEU, les individus acceptent avec joie l’autoritarisme et le sacrifice de soi pour le bien commun.

Quand le BLEU commence à se développer, il doit prendre en main le ROUGE. C’est pourquoi dans l’Ancien Testament on trouve des mesures punitives telles que » œil pour œil et dent pour dent « .

S’il existe un composant ROUGE fort, alors on a, dans les systèmes religieux et légaux, une forme punitive très accentuée de BLEU. Ceci est conçu pour traiter la menace du ROUGE, et aussi longtemps que la menace ROUGE est présente, l’expression punitive du BLEU continuera d’exister. Mais dès que le BLEU a moins à contenir la violence du ROUGE, il continue son cycle de vie en s’orientant vers une version plus saine de lui-même, prenant la forme de systèmes plus institutionnalisés, dans lesquels prévalent rigueur, discipline, responsabilité, stabilité, persévérance et ordre.

Ce qui semble également se produire dans le cerveau est une meilleure capacité d’abstraction, et cette faculté d’abstraction est associée à une cause, une » cause célèbre « , un » isme « par exemple le Chemin Octuple du bouddhisme, ou l’idée de l’islam, qui sont tous les deux des abstractions. Donc encore une fois, nous sommes dans une zone métaphysique, mais cette fois les esprits VIOLET sont organisés en » notre Dieu est une forteresse puissante… « . Et donc nous avons la naissance du monothéisme, du Zoroastrisme et de tous les » ismes « , qui ont commencé soudain à émerger il y a environ cinq mille ans. Et bien qu’ils aient eu des contenus différents, leurs modes de pensée étaient tous identiques.

WIE : Je n’avais jamais envisagé les religions du monde sous cet angle, à savoir qu’en dépit de leurs différences de » contenu « , elles sont l’expression du même stade évolutif de développement.

DB : Oui, parce que ces codes de même sont comme des empreintes, ou comme des aimants. Le code de mème que nous désignons par BLEU rencontre un but transcendant. Quel est ce but transcendant ? Cela peut être le bouddhisme, le judaïsme ou l’islam. Le code de ce mème s’est attaché à de telles expressions religieuses car elles lui fournissent un moyen de s’exprimer. Par conséquent nous pouvons avoir des guerres sacrées entre deux » ismes » qui, tous deux, relèvent du code BLEU. Car il y a une différence entre les manifestations superficielles d’un système de valeurs de basele mème régi par un codeet ce système de base lui-même.

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ORANGE

WIE : Comment le BLEu absolutiste, discipliné et institutionnel, a-t-il engendré le mème ORANGE, le cinquième niveau du modèle en spirale ?

DB : L’ORANGE, dans notre modèle, est associé à l’avancement, à l’amélioration et au progrès. Là encore, le thème précédent, ici le BLEU, a été poussé jusqu’à ses limites. On en tire le maximum de réussite ; et ensuite, qu’arrive t-il ?

L’individu en nous s’agite. » Mais je suis un individu. Je veux affirmer mon autonomie personnelle « . Le BLEU dit » Non, tu dois rester dans le rang et te conformer aux ordres du système. Ne veux-tu pas aller au paradis ? Ne veux-tu pas avoir une bonne retraite ? » Et l’ORANGE répond, » Oui, mais je pense que je peux produire le paradis sur terre. Je pense que je peux augmenter la part du gâteau. «
C’est ainsi que nous avons eu le Siècle des Lumières, qui était essentiellement l’émancipation de l’esprit individuel par rapport à des forces devenues très restrictives.

Quand le système BLEU est apparu, il était pertinent et nécessaire. Mais l’individualisation ORANGE a commencé à se manifester il y a environ trois cents ans, lorsque les chefs consacrés sont devenus trop punitifs, et aussi discrédités parce qu’ils ne réussissaient pas à protéger les gens des épidémies.

C’est ainsi qu’est née, Dieu merci, la méthode scientifique. On a vu également grandir la foi dans l’optimisme, la mobilité la croyance que nous sommes de fait capables de façonner notre avenir, que nous sommes les administrateurs de l’univers et pouvons par conséquent le dominer. Nous pouvons nous tailler une bonne vie à notre profit.

Et à nouveau, certaines choses fascinantes se sont produites pour la première fois, semble-t-il, et ceci dans les cerveaux européens des années 1700le sens mathématique, le sens du rythme, le sens linéaire qui ont rendu possible l’écriture de la musique, la quantification et la mesure. Ces capacités classiques du cerveau gauche se sont développées magistralement dans les cerveaux occidentaux à partir du système ORANGE. Ce grand mouvement merveilleux est qualifié à l’envie d’ » occidental « , mais c’est réellement ce que c’est.

WIE : Il est rafraîchissant de vous entendre parler de l’orange en ces termes, parce que j’étais en train de penser aux nombreux effets négatifs de ce mème particulier, notamment les ravages écologique auxquels l’industrialisation ORANGE a conduit.

DB : C’est pourquoi nous devons regarder trois choses : les Conditions de Vie, le code/mème lui-même, et la façon dont ce code s’exprime dans un certain contexte. Si nous n’aimons pas le capitalisme ou le consumérisme, qui sont des expressions du code/mème ORANGE, il faut voir que ces expressions ne sont pas le code » orange » en lui-même, qui est la capacité de fabriquer les choses, d’améliorer les choses.

La créativité et la capacité technique inhérentes à ce même code ORANGE peuvent à présent servir à nettoyer l’environnement. C’est pourquoi nous ne pouvons nous permettre de minimiser aucun de ces systèmes mimétiques. Nous pouvons remettre en question l’une de ses manifestations, mais sans le système de pensée ORANGE, nous ne pourrions pas résoudre les problèmes médicaux, nous ne pourrions pas imaginer comment purifier l’eau ou l’air, et nous régresserions dans les mythes et le mysticisme du BLEU. Je pense que personne ne souhaite que cela arrive.


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VERT

WIE : Le mème VERT est le niveau final du premier étage de la spirale. Pouvez-vous parler du mème VERT, comment il a émergé de l’ORANGE, et indiquer le rôle qu’il joue dans l’émergence humaine vers le haut de la spirale ?

DB : A son mieux, le VERT est communautaire, égalitaire et consensuel. Sans l’ORANGE nous n’aurions pas eu le VERT, parce que dans l’ORANGE l’être intérieur était court-circuité et ignoré. Notre science nous a engourdis, laissés sans cœur ni âme, nantis des seules manifestations extérieures de la réussite. La » bonne vie » était mesurée seulement en termes matériels.

Nous découvrons que nous sommes devenus séparés de nous-mêmes, aussi bien que des autres. Donc le VERT, ce code mimétique assez récent, a commencé à émerger il y a environ cent cinquante ans, des âges de l’Industrie, de la Technologie, de l’Abondance et des Lumières, pour déclarer que dans chacune de ces entreprises, l’être humain de base a été négligé. Le point focal se déplace de l’accomplissement personnel vers des buts et des objectifs communautaires et de groupe pour le VERT, nous sommes tous une seule famille humaine.

Le VERT commence par faire la paix en nous-mêmes, puis prend de l’ampleur en portant l’attention sur les dissonances et les conflits de notre société. Il veut instaurer la paix là aussi, en prenant en considération les fossés économiques et les injustices créés par l’ORANGE, mais également par le BLEU et le ROUGE, pour apporter la paix et la fraternité permettant le partage égalitaire. On s’attaque à la rigidité des rôles masculin/féminin, on ouvre les plafonds en posant des verrières, on met en œuvre des programmes de soutien, on tend à effacer les distinctions de classe sociale. La spiritualité est de retour grâce à une approche unitaire dépassant les confessions particulières et le sectarisme.

WIE : Et puisque le même VERT est le dernier niveau du » premier étage « , il doit nous préparer à faire la transition vers les niveaux » Etre » du second étage de la spirale.

DB : Oui, car ce que le VERT a accompli, dans un sens très positif, est l’épuration de la spirale, en proclamant l’égalité de toutes les différentes expériences de vie.

Il affaiblit le contrôle du BLEU et de l’ORANGE, permettant aux populations indigènes du VIOLET ou du ROUGE d’avoir leur place au soleil et leur temps d’antenne sur CNN. Il œuvre, vous voyez, à la découverte de l’égalité, la ressemblance et la sensibilité. Et il agit ainsi pour une très bonne raison : car sans le VERT, nous ne pourrions pas atteindre le JAUNE ni le Second Etage.
Le » Mauvais Même Vert «

WIE : Docteur Beck, mon » centre de gravité » mimétique est certainement dans le VERT. Et je ne suis pas la seule : le mème VERT est une grande tendance de la culture occidentale d’aujourd’hui, et il est pour beaucoup, comme pour moi-même, le paradigme conceptuel et psychologique dominant.

DB : Comme je l’ai dit, le VERT est une étape essentielle vers le JAUNE et le Second Etage, mais son coût est élevéil absorbe plutôt qu’il ne contribue.

WIE : Pourquoi dites-vous que le VERT est coûteux ?

DB : Parce qu’il en coûte de donner à tous sans demander d’autre contribution que de tendre la main. La plupart des nobles programmes de » Grande Société » n’ont pas fonctionné, et ceux qui ont essayé le socialisme dans leur version du code » vert » se sont aperçus que ce n’est pas la réponse non plus.

WIE : Et que voulez-vous dire quand vous dites que le VERT » absorbe plutôt qu’il ne contribue » ?

DB : Il utilise les ressources que l’ORANGE a construites, mais comme il méprise l’ORANGE, il tourne le dos à la croissance. De son point de vue, la croissance et la consommation sont mauvaises. Il veut utiliser les ressources déjà disponibles et les redistribuer de telle sorte que tout le monde puisse en profiter. Le VERT est un système merveilleux, mais, ironie de l’histoire, il suppose que tout le monde possède le même niveau d’opulence que lui.

WIE : Je reconnais certainement cela dans ma propre expérience : mon bon niveau de vie me permet d’être très satisfaite de moi et très égalitaire en même temps !

DB : Exact. Seules ces personnes qui ont réussi dans l’ORANGE qui ont un confortable compte en banque, qui ont quelque garantie de survie, qui n’ont pas le loup à la porte vont se mettre à penser VERT. Malheureusement, quand le VERT se met à lancer ces attaques contre les niveaux mémétiques BLEU et ORANGE les bonnes sœurs qui vous tapent sur les doigts et les gros chats dans leurs suites présidentielles c’est comme quelqu’un qui grimpe sur le toit de la maison puis jette l’échelle qui l’y avait mené.

WIE : Quels sont les effets visibles de l’expression négative du mème VERT ?

DB : Malheureusement, ce que fait cette version négative du VERT est de détruire la capacité des systèmes économiques et sociaux de l’ORANGE et du BLEU a réellement traiter les lacunes que le VERT a lui-même identifiées.

Il détruit les structures économiques de l’ORANGE. Et il détruit aussi les systèmes autoritaires du BLEU, qui sont nécessaires pour contrôler le ROUGE, comme nous pouvons le voir trop clairement aujourd’hui dans l’exemple du Zimbabwe. Par conséquent, il devient contre-productif. Il fait empirer les choses.

Il soulage le ROUGE de la responsabilité d’apprendre la discipline et de se donner un but dans le BLEU-ORANGE, car il aime les peuples indigènes, mais a tendance à leur attribuer une plus grande complexité en les voyant comme » nobles sauvages « . Avec la destruction des systèmes autoritaires et purificateurs du BLEU et de l’ORANGE, il y a déferlement du comportement ROUGE indiscipliné, égocentrique et impulsif dans la zone VERT, aussi bien en nous-même que dans nos sociétés. Et c’est ce mélange malsain de ROUGE et de VERT, dans lequel un narcissisme égocentrique fort se combine avec des discours pontifiants sur l’humanité et l’égalité, qui devient le terreau de ce que Ken Wilber et moi-même appelons le » Mauvais Mème Vert » ou » boomeritis « , ainsi appelé parce que la génération d’après-guerre (la génération du baby boom) a été la première à entrer dans le mème VERT en masse.

WIE : Le livre de Ken Wilber, Boomeritis, m’a certainement aidée à réaliser que j’étais, en effet, infectée par ce » virus » post-moderne !

DB : Vous voyez, toute l’idée du » Mauvais Mème Vert » repose sur une stratégie rhétorique. Ken et moi nous sommes demandé : comment décoiffer le VERT ? Comment le faire bouger ? Parce qu’une grande partie de ce mouvement n’est plus qu’un marais stagnant, à notre avis. Donc, nous nous sommes dit : inventons le Mauvais Mème Vert.

Faisons-lui un peu honte. Tendons-lui un miroir et montrons-lui ce qu’il fait, avec l’espoir qu’il séparera le Mauvais Mème Vert du VERT légitime et sain. Bas les masques, donnons à voir à suffisamment de gens leur duplicité, leur superficialité, le côté complaisant et auto-satisfait de leurs propres systèmes de croyances sous leurs atours politiquement corrects, pour finalement faire passer la nouvelle qu’il existe quelque chose qui va plus loin. C’est une mesure drastique, une stratégie rhétorique pour afficher un symbole qui, nous l’espérons, aidera un certain nombre de gens à comprendre que ce qu’ils font revient en réalité à détruire cela même qu’ils désirent accomplir.

WIE : Quelles sont les implications spirituelles et psychologiques du Mauvais Mème Vert ?

DB : Le VERT démarre par la quête de soi. » Je veux arriver à me connaître. Je veux me confronter à l’enfant caché en moi. Je veux faire la paix, je veux trouver la tranquillité. » Donc je vais à une séance d’entraînement à la sensibilité pour avoir un feed-back ; j’entre en moi-même, je vais au fond, pour examiner tout mon vécu et essayer de me débarrasser de la culpabilité. Le VERT déteste la culpabilité. Et il veut se confronter à la rage du point de vue de la victime, comme quelque chose qui lui est tombé dessus. Mais le VERT est un système relativiste. Et ce système de pensée comporte beaucoup de naïveté. » Tout le monde est bon ! C’est la société qui rend les gens mauvais. Il n’y a pas d’individu mauvais. Le mal n’existe pas. Tout cela est un mythe. Tout le monde va nous aimer. » Et bien, le 11 septembre a sonné les trompettes du réveil. Pour la première fois le VERT a commencé à voir le vilain visage du BLEU/ROUGE. Depuis ce jour-là, beaucoup plus de gens s’intéressent au travail que nous faisons.
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Les Conditions de Vie

WIE : Vous avez dit précédemment que de nouvelles intelligences de nouveaux niveaux de même se forment en réponse à nos Conditions de Vie. Personne ne peut nier que les Conditions de Vie auxquelles nous sommes actuellement confrontés en tant que communauté humaine globale sont plus dangereuses qu’elles ne l’ont jamais été dans l’histoire, et constituent de graves défis. Pourriez-vous parler de ces Conditions de Vie et indiquer le rôle qu’elles jouent dans notre prochaine transition évolutive ?

DB : Ce qui est survenu à notre époque, pour le meilleur ou pour le pire, c’est que nous avons appris les codes de base et les principes de la vie elle-même. Nous sommes confrontés à des choix d’immense portée transformer nos habitats naturels, croiser des gènes, utiliser la science de diverses façons pour modifier l’expérience humaine. Aucun de nous, je pense, n’a idée de ce que cela va engendrer. Nous sommes donc arrivés maintenant à cette position : nous agissons comme des dieux.

Nous pouvons changer l’avenir, et nous n’avions jamais eu cette capacité auparavant en tant qu’espèce. Donc encore une fois, nous découvrons que, non par nos échecs mais par nos succès mêmes, nous sommes confrontés à des conditions extrêmement dangereuses.
En outre, le pouvoir, sous la forme de l’armement nucléaire développé dans le système ORANGE, plus complexe que le code BLEU précédent et comportant donc l’influence stabilisatrice de ce dernier, est à présent sous le contrôle du mème ROUGE. Or celui-ci, dépourvu de l’influence du BLEU, dépourvu de discipline, du sens des responsabilités, n’a pas conscience du potentiel de destruction mutuelle qui a émergé au stade ORANGE en même temps que cette avancée technologique particulière.

Le ROUGE a une vision à court terme du pouvoir, et ça, c’est un sacré problème. C’est bien cela, n’est-ce pas, qui constitue l’un des risques majeurs auxquels nous sommes confrontés en tant qu’espèce.

WIE : Ajoutons à cette pression le fait que la vie change à une vitesse accélérée. La citation que je vais vous lire, de l’inventeur et futuriste Ray Kurzweil, exprime le changement énorme que nous précipitons, nous en tant qu’humains, dans le même temps que nous essayons de nous y adapter : Il y a des siècles, les gens ne pensaient pas du tout que le monde était en train de changer. Leurs grands-parents avaient eu les mêmes vies qu’eux, et ils s’attendaient à ce que leurs petits-enfants aient la même, et cette attente était largement confirmée…

Ce qui n’était pas pleinement compris, c’est que la vitesse de changement va elle-même en s’accélérant, et que les vingt dernières années ne sont pas un bon guide pour les vingt prochaines années. Nous doublons la vitesse de changement de paradigme, le taux de progrès, chaque décennie. Nous verrons dans les deux prochaines décennies autant de progrès que ce que nous avons accompli pendant tout le 20e siècle, car nous avons accéléré à ce point-là. Le 20e siècle a représenté l’équivalent de vingt-cinq années de changement à sa vitesse actuelle ; et dans les prochaines vingt-cinq années nous accomplirons quatre fois les progrès constatés au 20e siècle. Et nous accomplirons 20 000 années de progrès au cours du 21e siècle, ce qui est presque mille fois plus en termes de changement technique que ce que nous avons connu au 20e siècle.

DB : Oh, voilà une citation redoutable. Mais cela suppose que nos systèmes génétiques biologiques contiennent la complexité de codes nécessaire pour soutenir cette quantité de changement aussi rapidement. Il se présente déjà quelques doutes dans l’esprit de ceux qui étudient notre système immunitaire quant à savoir si oui ou non nous avons la capacité de gérer la complexité qui nous est demandée, même physiquement. Donc cette citation suppose un organisme qui est capable d’assimiler cette quantité de changement. Je ne sais pas si c’est le cas. Je sais qu’aujourd’hui nous sommes sujets à des changements incroyables parce qu’il y a des milliards de gens qui, de mon point de vue, traversent différentes couches et niveaux de la spirale simultanément. Donc, plutôt que notre espèce ne progresse uniquement le long d’une ligne horizontale, il apparaît que de multiples changements se produisent de haut en bas de la spirale. Beaucoup progressent maintenant dans des zones que nous avons quittées il y a trois cent ans.

On peut aussi ajouter d’autres choses, comme l’impact du microprocesseur. En outre, à mesure que nous en apprenons davantage sur nous-mêmes avec les études de biologie moléculaire, nous dévoilons ledit mystère de notre génétique. Nous pouvons faire du clonage ; nous pouvons croiser des gènes mais qu’arrivera-t-il si nous faisons du gâchis ? Si nous relâchons des agents biogènes, ou des virus, qui attaqueraient toute vie à base de carbone ? Quand nous nous mettons à jouer avec les codes les plus profonds de notre biologie, personne ne peut prévoir ce que les battements d’ailes d’un petit papillon dans la Théorie du Chaos* produira au bout du compte. C’est pour cette raison que nous sommes soumis à un tel stress, ce qui veut dire aussi que nous devrions rechercher de nouvelles formes d’organisation davantage d’ensembles de gens car aucun individu ne sera capable de garder seul toutes ces choses à l’esprit.

WIE : La biologiste évolutionniste Elisabet Sahtouris a dit que » le stress est la seule chose qui cause l’évolution. » Y a t-il une relation entre les niveaux toujours croissants de stress que nous éprouvons dans nos Conditions de Vie actuelle et la capacité, pour un pourcentage significatif d’entre nous, d’évoluer plus haut dans la spirale ?

DB : Et bien, l’évolution profite des crises. Elle profite des appels à l’éveil. Mais cela ne garantit pas pour autant qu’il y aura un mouvement vers le haut. Si, pour les gens, les Huns sont à la porte, littéralement, ou s’ils sont soudain menacés de perdre leur travail pour cause de ralentissement ou d’effondrement économique, l’énergie et la capacité de penser de façon plus complexe s’affaiblissent, de fait, pour laisser place à un ordre de priorité inférieur ou remontant à un stade antérieur.

Donc, en plus d’une crise, il doit y avoir une certaine stabilité dans le système mimétique de base. Et il doit y avoir la capacité de créer de nouveaux systèmes conceptuels, parce que le seul fait d’être exposée à des problèmes peut faire régresser la société tout entière. C’est exactement ce qui s’est produit au Zimbabwe, qui était un lieu très richement doté. A présent c’est quasiment la famine pour des millions de gens là-bas. C’est pourquoi le stress en lui-même n’est pas la clé. Comme dirait le prix Nobel Ilya Prigogine, quand un système commence à se désagréger, on atteint une phase où se produit soit une poussée vers un système plus complexe soit un recul vers un système moins complexe.

Ce changement prend place lors de cette phase critique, ce point de rupture. Si les crises de stress sont certainement nécessaires pour sortir d’un paradigme mimétique, cela ne garantit pas pour autant que nous produirons l’émergence qui est nécessaire. Jusqu’à présent, ce fut le cas.

• » L’effet papillon » illustre l’essence de la Théorie du Chaos. C’est la notion selon laquelle le battement d’ailes d’un papillon crée une perturbation qui, amplifiée par le mouvement chaotique de l’atmosphère, peut modifier les structures climatiques à grande échelle, de telle sorte que le comportement à long terme devient impossible à prévoir.

Le saut vers le Second Etage

WIE : Votre collègue, feu Clare Graves, a eu l’intuition prophétique d’une transition évolutive que nous serions appelés à faire. Il y a trente ans, il a dit : » Les humains doivent se préparer à un saut important… Ce n’est pas simplement une transition vers un nouveau niveau d’existence mais le début d’une nouveau « mouvement » dans la symphonie de l’histoire humaine. » Pouvez-vous parler de la transformation qui nous est demandée pour survivre à nos Conditions de Vie actuelles, et évoluer vers le Second Etage ?

DB : A la fin des années 70, Graves a commencé à découvrir, dans ses recherches et par l’observation, des schémas de pensée qu’il ne pouvait pas expliquer. Il a observé chez certains sujets soumis à des tests une qualité et une complexité extraordinaires dans la prise de décision et dans d’autres aspects des facultés cognitives. Ces individus semblaient avoir un type d’esprit différent. Ils pouvaient trouver davantage de solutions plus rapidement. Ils ne semblaient pas motivés par le statut.

Il y avait un abandon de la peur, ce qui est peut être le point le plus significatif. La peur semblait s’être évanouie. La prudence n’avait pas disparu, mais la peur oui. La sécurité tribale (VIOLET), le pouvoir brut (ROUGE), le salut pour l’éternité (BLEU), la réussite individuelle (ORANGE), et le besoin d’être accepté (VERT), ces aspects avaient tous perdu de l’importance. A la place, on notait une curiosité accrue quant au fait d’être simplement en vie dans un univers en expansion.
WIE : L’abandon de la peur signifierait certainement un changement énorme dans la conscience humaine et dans les motivations qui modèlent notre existence humaine. Clare Graves a-t-il trouvé d’autres indices de l’imminence de cette transition évolutive ?

DB : Je crois qu’il a eu rapidement la preuve que certains esprits devenaient conscients des problèmes auxquels nous faisons face aujourd’hui, bien avant que ces problèmes ne deviennent visibles au reste d’entre nous. Il me disait qu’à son sens un cerveau sur dix mille naissait avec des traits biologiques et des fréquences différentes.

Et que ces individus ne se conforment pas aux normes de la société parce que leur esprit est déjà organisé pour un paradigme différent. Il est finalement arrivé à la conclusion que dans ce domaine quelque chose d’unique était en train de se produire, qui ne semblait pas être seulement une nouvelle étape faisant suite au niveau VERT. Cela semblait être une nouvelle catégorie. Les Conditions de Vie qui demanderaient cette nouvelle complexité de pensée, celle qu’il a observée il y a une trentaine d’années, sont finalement apparues sur le devant de la scène. Mais il a fait ces constats bien avant le microprocesseur, avant la fin de la guerre froide, et avant la découverte de l’ADN et de la biologie moléculaire.

Ainsi Graves a senti qu’un changement de nature profonde était en train d’avoir lieu, un changement qui se situait au-delà de la somme combinée des six premiers codes mimétiques. Bien sûr, tout cela était une théorie. Mais quand on regarde la complexité extraordinaire à laquelle nous faisons face, cette théorie semble gagner de plus en plus en crédibilité.

Car maintenant nous pouvons voir la planète depuis la lune, nous avons ces merveilleux instruments d’analyse et ces satellites qui peuvent même sonder sous les surfaces, et, pour la première fois, nous pouvons commencer à comprendre la planète elle-même comme un écosystème global, d’une façon qui n’était pas possible auparavant.

En outre, le monde actuel se trouve agité en tous sens par l’apparition en même temps d’expressions culturelles de tous les mèmes tribus ethniques, seigneurs de guerre égocentriques, les » ismes » à la fois dangereux et rédempteurs, toute une palette d’opportunistes et de matérialistes en essor, et une multitude de structures postmodernes égalitaires politiques, religieuses ou professionnelles.

On ne sait plus où donner de la tête. Et que faisons-nous ?

WIE : Exact c’est la grande question. Comment le saut vers le second étage va-t-il répondre à cette question ?

DB : A ce stade, on a jaugé tous les vieux systèmes mimétiques et on les a tous trouvés défaillants. Alors que la pleine manifestation du même JAUNE, le premier niveau du Second Etage, se trouve des années dans le futur, gardez à l’esprit que la texture et la capacité finale de ce niveau mimétique suivant doit s’ajuster à, et/ou dépasser, la complexité des Conditions de Vie à laquelle il est confronté. Il doit percevoir le tableau général et l’interconnexion de tout. Ainsi le JAUNE aura une perspective verticale rehaussée, avec la capacité de transcender et d’inclure, tout en les valorisant, les niveaux d’existence qui l’ont précédé, mais aussi d’anticiper ce qui va suivre.

Je crois que le huitième code de même le TURQUOISE émergera en conjonction avec le septième, le JAUNE. On pourrait voir le JAUNE comme » un cerveau gauche avec des sentiments » et le TURQUOISE comme » un cerveau droit avec des données.

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Le Turquoise

» Le TURQUOISE se focalisera sur les vagues les plus amples, sur les grands courants d’énergie, et agira au nom de la Force de Vie elle-même, dans ses nombreuses manifestations en diverses formes de vie sur la planète. Le second étage, à travers des structures, combinera les éléments du JAUNE et du TURQUOISE pour rechercher la qualité et la profondeur de pensée aptes à régler des problèmes complexes.

Et avec tout ça, il y a la reconnaissance que la spirale entière elle-même est spirituelle, et que nous nous trouvons sur cette échelle montante de l’émergence humaine.

C’est cela, la spiritualité.

Mais puisque les mêmes ne sont pas des types d’individu, mais des formes d’intelligence adaptative chez les individus, le JAUNE et le TURQUOISE existent rarement pleinement chez nos contemporains. Différentes personnes en possèdent différents fragments, ou composants, ou mêmes versions, et cela rend encore plus nécessaire la formation de ce que j’appellerais des » syndicats de cerveau créatif « , produisant par interactions et dialogues des plongées plus profondes dans la connaissance.

Donc cela doit donner lieu, pour la première fois, à des discussions vraiment sérieuses, au lieu de ces conférences isolées où chacun fait son propre truc. Cela va appeler des échanges de vues en profondeur. Et savoir si, encore une fois dans leur histoire, les humains seront capables de s’élever à la hauteur de l’occasion est la question existentielle du moment.

source : le magazine : »what is Enlightenmen