mardi 13 novembre 2012

70% des salariés se disent épuisés nerveusement par leur travail

Ils sont désormais plus d'un tiers à avoir vécu une réorganisation de leur entreprise en 2012. Si l'enquête du groupe Malakoff Médéric témoigne de la capacité d'adaptation des salariés, elle indique aussi que plus de la moitié d'entre eux ont désormais du mal à avoir confiance en leur avenir au sein de leur entreprise. Et disent avoir perdu en autonomie et se sentir fatigués psychiquement.

Les réorganisations en entreprise se suivent et vont se ressembler...Chercher à améliorer le fonctionnement interne, gagner en productivité, réorganiser les fonctions supports, réduire les coûts, bref « serrer les boulons » est la priorité court terme imposée par le faible niveau d'activité, l'étroitesse des marges, la pression concurrentielle... en un mot la crise. La rigueur budgétaire des Etats fait écho à celle des entreprises. Dans ce maelström, les salariés se sentent ballottés et anxieux.
L'enquête Malakoff Médéric menée depuis 2009 avec la société d'étude Sociovision sur la qualité de vie et la santé des salariés Français témoigne d'une augmentation de ces restructurations : 31% des salariés ont vécu une réorganisation dans leur entreprise en 2012. C'est 11 points de plus qu'en 2009. 16 % ont dû changer de poste ou de métier (soit 4 points de plus qu'en 2009). "Les salariés ont fait preuve de capacités d'adaptation, en particulier ceux qui travaillent dans les grandes entreprises où ces changements sont beaucoup plus fréquents. Ainsi, 40 % des salariés des entreprises de plus de 500 personnes ont connu une restructuration ou une réorganisation (pour 25 % des salariés des entreprises de 20 à 49 personnes)", note Anne-Sophie Godon, directrice de la prévention et des nouveaux services chez Malakoff Médéric.
Quand les réorganisations tuent la confiance
Mais plus le nombre de restructurations est élevé, plus les salariés ont du mal à se projeter dans l'avenir. Ainsi, les personnes ayant connu au moins deux réorganisations en 2012 ne sont que 45 % à être confiantes en leur avenir au sein de leur entreprise (contre 71 % pour les personnes qui n'en ont connu aucune). Ce contexte de mutation se traduit par une crainte croissante d'être "dépassé" et crée un besoin d'accompagnement. Ainsi, 28 % des salariés pensent qu'avoir plus de 45 ans dans leur entreprise est un handicap (soit 7 points de plus par rapport à 2010). Et près d'un quart d'entre eux a peur d'être dépassé par les nouveaux outils et les changements technologiques, 44% s'avouant incapables de travailler au même rythme dans dix ans. Des évolutions qui pourraient devenir à court et moyen terme de nouveaux éléments de déstabilisation.
"Ce n'est pas tant les restructurations ou les réorganisations qu'ils contestent mais c'est la manière dont elles sont menées. Près de deux tiers des salariés ont l'impression que leur travail est de plus en plus haché (64% contre 58% en 2010). Ils ont par ailleurs de plus en plus de difficultés à gérer leurs priorités (35% contre 30% en 2010), et ont le sentiment de perdre en autonomie et en pouvoir de décision", relève Anne-Sophie Godon. Les petites structures tirent mieux leur épingle du jeu. Les salariés y ont le sentiment de mieux savoir ce que l'on attend d'eux et d'avoir davantage le temps de faire un travail de qualité.
Une conciliation vie privée/vie pro de plus en plus difficile
Un salarié sur trois (32%) a du mal à concilier sa vie professionnelle avec sa vie personnelle. C'est 5 points de plus qu'en 2009. Ces difficultés touchent plus particulièrement les cadres (37%) et les trentenaires (36%). En cause : des horaires de travail peu compatibles avec une vie familiale, la charge de travail, une distance importante entre travail et domicile... Un salarié sur trois passe ainsi une heure ou plus dans les transports pour faire l'aller-retour domicile/travail. A noter aussi : ils sont toujours plus nombreux à rapporter du travail à la maison.
L'enquête Malakoff Médéric souligne par ailleurs que de plus en plus d'hommes et de femmes doivent désormais s'occuper d'un proche dépendant. En l'espace de deux ans, leur
part est passée de 9 à 14 % des salariés. Ils représentent même 18 % des salariés chez les quadras et les quinquagénaires. Sans compter la part croissante de familles monoparentales (25% en 2012 contre 17% en 2010). Autant d'éléments qui dressent un tableau dans lequel l'entreprise est confrontée à des mutations sociétales sensibles, quand les salariés vivent une tension croissante entre les enjeux liés à leur vie privée et ceux de leur vie professionnelle. Ces derniers se retrouvent donc écartelés entre des situations complexes aussi bien au travail que dans leur famille. Ceci expliquant en partie que le sommeil soit durement touché.
Un travail nerveusement fatigant
Conséquence : 48 % des salariés disent ressentir une fatigue physique au travail, surtout les femmes, où la pénibilité perçue a fortement augmenté en 2012 (44 %, soit cinq points de plus qu'en 2011). La nature de certains emplois occupés par les femmes (horaires décalés plus fréquents, travail répétitif avec des postures contraignantes...) peut expliquer cette dégradation.
Côté pénibilité psychologique, les chiffres évoluent peu et restent à un niveau élevé : 69 % des salariés estiment que leur travail est nerveusement fatigant. Cette fatigue touche
particulièrement les cadres (74 %, soit 5 points de plus que la moyenne des salariés). Autre cause de fatigue : le manque de sommeil. Seule la moitié des salariés pense dormir suffisamment. Près d'un salarié sur trois (28 %) dit souffrir de troubles du sommeil. Ces troubles touchent plus particulièrement les femmes (34 %) et les quinquagénaires (32 %). Et parmi ceux dont les nuits sont en partie blanches, 81% jugent que ce manque de sommeil a des répercussions dans leur travail (vigilance, concentration, irritablitié...)
L'engagement vis-à-vis de l'entreprise fléchit malgré une ambiance de travail appréciée
Signe d'un désengagement préoccupant, les salariés sont plus nombreux à déclarer vouloir prendre un arrêt maladie même s'ils ne sont pas malades (21 %, soit 4 points de plus qu'en 2010) et à confier faire de la présence pour la présence au travail (13 %, soit 5 points de plus qu'en 2010). "Cette année encore le travail apparaît comme le premier facteur de risque pour la santé", souligne Anne-Sophie Godon.
Malgré ces tensions, les salariés français s'estiment satisfaits de leur travail où il règne, pour 79 % d'entre eux, une bonne entente. 71% d'entre eux se disent ainsi contents de venir travailler le matin. Si ce sentiment est massivement celui des cadres (80 %), il est moins partagé par les ouvriers (63 %). Et alors que beaucoup de psychologues du travail s'attachent à souligner que le travail de qualité fait défaut aux salariés, l'enquête Malakoff Médéric vient semer le doute : deux tiers disent avoir encore le sentiment de pouvoir effectuer un travail de qualité. Que faut-il en déduire ? "Sans doute le fait que les salariés ont le sentiment de devoir dépenser plus d'énergie pour effectuer un travail de qualité, qu'il faut lutter plus fortement et qu'on leur demande plus sans leur témoigner plus de reconnaissance", analyse Anne-Sophie Godon.
Des salariés en attente de reconnaisance et ...d'informations
De fait, parmi les éléments à améliorer en priorité d'après les salariés, la reconnaissance au travail arrive en première position, devant les perspectives d'évolution professionnelle, et les
services apportés par l'entreprise (crèche, conciergerie, salle de sport...). "Faute de pouvoir désormais s'appuyer sur les rémunérations, il faut inventer de nouvelles formes de reconnaissances. Des occasions se perdent comme par exemple celle de l'entretien d'évaluation", poursuit la directrice de la prévention et des nouveaux services chez Malakoff Médéric. Parmi les services attendus, les salariés seraient preneurs si l'entreprise les accompagnait en cas d'arrêt maladie pour faciliter leur retour au travail, leur proposait de faire davantage d'exercice, leur donnait des conseils pour mieux dormir ou maîtriser leur alimentation, et leur permettait d'être mieux dépistés sur les maladies graves. Mais surtout ils souhaitent y voir plus clair sur la stratégie de leur entreprise. Car dans les sources d'insatisfactions, après le manque de reconnaissance et la pauvreté des perspectives d'évolutions, apparaît en troisième position l'organisation du travail et la communication sur la stratégie de l'entreprise. "Cela montre que les salariés seraient prêts à se battre sous réserve de comprendre la marche de leur entreprise et de se sentir mieux considérés, en conclut Anne-Sophie Godon. Marquée encore par la crise et son lot de restructurations et réorganisations, l'année 2012 a été, pour beaucoup de salariés, difficile. Le niveau de leur fatigue nerveuse en témoigne. C'est autant un choc de compétitivité qu'il nous faut qu'un choc culturel. Les politiques de santé et de bien être au travail vont devoir être liées aux politiques de l'emploi et à la performance des entreprises".L'autonomie des salariés et toutes les questions liées à l'organisation seront à n'en pas douter le grand chantier de 2013 dans les entreprises.

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