dimanche 18 août 2013

Aimer l’Europe

, par David Soldini

Le livre « Aimer l’Europe » de Robert Toulemon, ancien membre de la Commission européenne et vice président de l’ARRI (Association Réalités et Relations Internationales), est un pamphlet qui dénonce efficacement les principales causes du blocage européen, et qui indique des solutions pragmatiques pour sortir de la crise. L’auteur ne se limite pas à la question du texte constitutionnel et à la crise actuelle. Il présente intelligemment les différents défis auxquels est aujourd’hui confrontée l’Union européenne, et rappelle pourquoi il nous faut continuer d’aimer l’Europe.



Le premier lieu commun combattu par cet ouvrage est lié au parcours de l’auteur. L’Union européenne est souvent présentée comme une construction technocratique, sans âme, apolitique et anti-démocratique. M. Toulemon qui a participé à cette aventure depuis les toutes premières années de la construction européenne montre à quel point cette idée est fausse. Haut fonctionnaire, et donc technocrate, il demeure un homme avec des convictions politiques fortes, une approche cohérente de la réalité. Sa vision de l’Europe n’a rien de technocratique, elle est au contraire vivante, profondément politique et surtout, passionnée.
C’est donc en tant qu’européen engagé qu’il dénonce subtilement le mal français, ou plus précisément ce qu’il appelle le paradoxe français. En effet, la France avec le référendum raté n’en est pas à son premier coup d’essai en matière de blocage institutionnel européen. Pourtant, le discours politique dominant demeure emprunt d’européisme. Nos responsables politiques ont souvent souhaité une Europe forte, mais ils n’ont jamais donné à l’Union les moyens de l’être. Se référant à des exemples historiques souvent méconnus du grand public en France, tel l’aventure du Traité Spinelli, Toulemon dénonce ce décalage entre les actes et les déclarations.
Pourquoi l’Europe a été représentée par des élites politiques qui ont souvent joué un double jeu ?
Mais l’auteur ne se borne pas à dénoncer. Il énonce les motifs qui le font aimer l’Europe. Ainsi se dégage une vision à la fois pragmatique et universelle de ce que devrait être l’Union. Réfutant les solutions simplistes, par exemple lorsqu’il s’agit de la question de l’intégration de la Turquie, combattant une vision fermée de l’Europe, l’ancien haut fonctionnaire montre pourquoi le message européen est un message universel. 
Partant d’une vision renouvelée de l’identité européenne, fondée avant tout sur un projet politique et non sur des facteurs géographiques, ethniques, linguistiques ou religieux, M. Toulemon explique pourquoi la construction européenne est une nécessité pour préserver la qualité de la vie, promouvoir notre bien être, mais également pour révolutionner les relations internationales. L’auteur précise le sens de la formule qui clôt les mémoires de Jean Monnet qui affirmait qu’il fallait construire en Europe « les formes d’organisation qui seront nécessaires au monde de demain ».
M. Toulemon affirme : « Désormais, la construction d’un ordre démocratique universel est une condition de survie pour l’humanité entière. Elle répond donc autant aux exigences du plus froid réalisme qu’aux aspirations idéalistes les plus élevées. Telle pourrait être notre réponse à ceux qui, avec l’Américain Kagan, accusent les Européens de s’être convertis au pacifisme depuis qu’ils ont perdu les moyens de la puissance. Telle pourrait être aussi le moyen de faire comprendre aux générations nouvelles la dimension politique et humaine d’un grand dessein qui mérite mieux que leur soutien, leur enthousiasme ».
Une fois le livre terminé, un regret saisi le lecteur passionné. Pourquoi, durant le référendum européen, ce message n’a-t-il pas été entendu ? Pourquoi l’Europe a été représentée par des élites politiques qui ont souvent joué un double jeu, critiquant l’Europe tous les jours de la semaine pour demander aux citoyens de voter pour elle le dimanche, comme disait le premier ministre Luxembourgeois Junker ?
Pourquoi n’a-t-on pas davantage entendu la voix de ceux qui, comme M. Toulemon, ont œuvré toute leur vie pour le bien des européens et de l’humanité toute entière, avec désintéressement, mais surtout avec passion, et ont participé avec courage à l’aventure européenne ? Sans doute, parce qu’il s’agit de technocrates.

Dans ce cas, nos responsables politiques ont beaucoup à apprendre de ce type de technocrate. Merci d’aimer l’Europe M. Toulemon, et merci de nous enseigner, inlassablement pourquoi nous devons l’aimer aussi.
Voir en ligne : Le blog de Robert Toulemon

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