OSLO (Reuters) - Anders Behring Breivik a refusé de reconnaître l'autorité de la justice norvégienne lundi et plaidé non coupable à l'ouverture de son procès pour le massacre de 77 personnes à Oslo et sur l'île d'Utoya le 22 juillet 2011.
Tuerie en Norvège : Breivik reconnaît les faits... par BFMTV
Il est arrivé sous bonne escorte dans la salle d'audience, affichant à plusieurs reprises un sourire suffisant lorsque les gardes lui ont retiré ses menottes, puis serrant le poing droit sur son coeur avant de tendre son bras en guise de salut.
"Je ne reconnais pas les tribunaux norvégiens. Vous avez reçu votre mandat de partis politiques qui soutiennent le multiculturalisme", a-t-il déclaré. "Je ne reconnais pas l'autorité de cette cour."
"Je reconnais les faits, mais je ne suis pas pénalement coupable parce que je plaide la légitime défense", a-t-il ajouté.
Impassible, baillant de temps en temps, il a écouté durant des heures l'acte d'inculpation, décrivant avec maints détails l'attentat et le massacre. Le récit était si cru que la télévision norvégienne a censuré certains passages décrivant la tuerie.
L'accusé, habillé en costume-cravate et arborant un fin collier de barbe, a brièvement pleuré au moment où la cour a montré un film de propagande fait de photos et de textes affirmant sa haine du multiculturalisme.
Plus de 200 personnes ont pris place dans la salle d'audience spécialement construite pour l'occasion. Sept cents rescapés et proches des victimes se sont réunis dans des salles attenantes ou dans d'autres tribunaux du pays pour suivre les débats retransmis en circuit fermé.
"Aujourd'hui, le procès commence. Ce sera une période difficile pour beaucoup", a déclaré Vegard Groeslie Wennesland, 28 ans, interrogé à l'extérieur de la salle d'audience. "La dernière fois que je l'ai vu en vrai, il tirait sur mes amis."
LA SANTÉ MENTALE EN QUESTION
Les faits seront moins au coeur des débats -Breivik a fièrement admis avoir fait exploser une voiture piégée à Oslo, faisant huit morts, puis abattu méthodiquement 69 jeunes gens réunis pour un camp d'été des jeunes travaillistes sur l'île d'Utoya, au nord de la capitale - que la personnalité et la santé mentale du tueur âgé de 33 ans.
Geir Lippestad, son avocat, a conseillé à ses compatriotes de se préparer au témoignage brutal de son client devant la cour. "Non seulement il s'expliquera, mais il dira aussi qu'il regrette de ne pas être allé plus loin", a-t-il dit la semaine passée, alors qu'une contre-expertise psychiatrique a conclu à la responsabilité pénale de l'auteur du carnage.
Une précédente expertise avait abouti à des conclusions diamétralement opposées. Il appartiendra à un panel de cinq juges de trancher cette question au cours du procès prévu pour durer dix semaines environ.
S'il est jugé coupable, Anders Behring Breivik risque une peine maximale de 21 ans. Le droit norvégien permet en outre de prolonger sans limitations une peine si un risque de récidive est avéré.
Si les juges estiment à l'inverse qu'il est pénalement irresponsable, il sera probablement interné dans un asile psychiatrique fermé pour une période indéterminée.
UN "CIRQUE"?
Certains Norvégiens redoutent que le tueur transforme la salle d'audience en "cirque, une occasion absolument unique pour expliquer mes idées au monde", comme il l'écrivait dans une lettre récente que s'est procuré le quotidien VG.
La défense a convoqué 29 témoins, allant d'un prêcheur islamiste à des blogueurs d'extrême droite, pour éclairer sa vision du monde. Breivik lui-même devrait témoigner pendant une semaine environ, à partir de mardi.
Huit cents journalistes ont demandé à être accrédités et le tribunal est déjà assailli par les camions des télévisions.
Mais la stratégie de Breivik pourrait se retourner contre lui, estime un rescapé d'Utoya, Björn Ihler, 20 ans.
"Plus il parlera, moins il paraîtra dangereux. Les gens se rendront compte que ses idées n'ont pas de place dans ce monde", dit-il, alors que le drame a conduit à une réaffirmation des valeurs de la société scandinave, libérale, tolérante et égalitaire.
Parmi les témoins convoqués par la défense figurent le mollah Krekar, fondateur kurde du groupe islamiste Ansar al Islam, récemment emprisonné en Norvège pour avoir proféré des menaces de mort, et "Fjordman", un blogueur d'extrême droite admiré par Breivik.
Henri-Pierre André, Jean-Stéphane Brosse et Benjamin Massot pour le service français
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