mercredi 3 avril 2013

Le Mensonge

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Du mensonge, nous verrons d'abord l'origine, la nature, les formes, les espèces, l'évolution, les lieux ou domaines où il s'exprime. Puis nous réfléchirons sur ses dimensions, ses conséquences, ses causes et ses remèdes.

Et nous conclurons par la certitude absolue de la victoire finale de la vérité par Celui qui est venu pour en témoigner dans le monde, Jésus-Christ.

1. Origine du mensonge
Le mensonge a Satan pour père. C'est Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même qui l'affirme. On ne doit jamais oublier, pour en comprendre la moralité, la paternité satanique du mensonge, où qu'il se trouve et de quelque façon qu'il s'exprime. En tout mensonge formel joue une influence, souvent inconsciente, de l'esprit malin. Le mensonge est donc toujours inspiré, directement ou indirectement, par le démon, ennemi de la vérité, parce qu'il est devenu par sa rébellion orgueilleuse ennemi irréconciliable de Dieu. Ennemi de Dieu, vérité absolue et source de toute vérité, Satan est l'adversaire acharné du Christ-Jésus, qui est le seul homme pouvant dire, en raison de sa personnalité divine : "Je suis la Vérité". (Jean 14, 6)
Dès l'origine, sur tous les fronts Satan lutte contre la vérité; aussi lutte-t-il constamment contre Jésus-Christ et son Église "colonne et fondement de la vérité" (I Tim. 3,5). Il s'efforce, avec l'armée de ses suppôts, d'entraîner toute la race humaine dans l'effroyable prison de ses mensonges. Car dans la mesure où l'homme obéit à la voix trompeuse de Satan et entre ainsi dans ses mensonges, il perd sa liberté spirituelle d'enfant de Dieu et il devient fils spirituel du diable C'est pourquoi Jésus-Christ dit aux pharisiens : "Vous autres, vous avez le diable pour père, et ce sont les désirs de votre père que vous voulez accomplir. Il était homicide dès le commencement, et il ne s'est pas maintenu dans la vérité, parce qu'il n'y a pas de vérité chez lui. Quand il profère le mensonge, il parle de son propre fonds, parce qu'il est menteur et père du mensonge" (Jean 8, 44-47).
Les menteurs sont enfants du diable, commente saint Ambroise, non par la succession de la chair, mais par la succession du crime. En mentant, le diable parle de son propre fonds, en ce sens qu'aucun mensonge ne peut venir de Dieu. Ce n'est pas Dieu qui a appris le mensonge au démon, mais ce mauvais esprit l'a pensé et proféré de lui-même, dit Origène. Qu'en mentant, on se mette sous le pouvoir du démon, saint Césaire l'affirme expressément, lorsqu'il écrit : "Que tout menteur ne puisse être que sous l'influence de l'esprit malin, la sainte Écriture en témoigne par ces sentences : "Tu perdras tous ceux qui disent le mensonge", (Ps 5, 7) et encore: "la bouche qui ment tue son âme" (Sap 1, 11). Saint Jean affirme qu'au ciel "ne pénétrera rien d'impur, ni personne qui pratique l'abomination et le mensonge" (Apoc. 21, 27).

2. Sa nature
En quoi consiste le mensonge? Qu'est-ce que mentir? C'est une question qui devrait nous préoccuper, car la parole de Dieu affirme que "tout homme est menteur" (Ps 116, 11). Tout homme, non encore transformé par la grâce de Jésus-Christ, est imprégné par l'esprit du mensonge; il est sous l'influence du menteur et il a besoin d'en être libéré. Seule la Vierge Marie, par son immaculée conception, en a été totalement préservée.
Libéré de l'esprit du mensonge, lors de son baptême, l'homme nouveau qui en sort devra tout au cours de sa vie lutter pour servir la vérité, pour la défendre et la répandre dans le monde. Il pourra, à certains moments, être circonvenu par l'antique serpent et être victime de ses tromperies secrètes, mais ce ne sera jamais sans une certaine complicité.
Certes, il faut bien distinguer entre l'erreur et le mensonge. Je puis être induit en erreur sans qu'il y ait faute de ma part. Je puis me tromper sur l'appréciation de ce qui est réel, sans aucune mauvaise volonté; ce que j'affirmerai alors sera faux et pourra paraître un mensonge, sans l'être formellement. Le mensonge consiste à affirmer comme vrai ce qu'on sait ou pense être faux. Dans le mensonge, il y a toujours une volonté de nier la vérité connue ou de nier ce qu'on croit être la vérité. Induire les autres en erreur fait partie du mensonge comme conséquence immédiate mais non comme étant son élément essentiel, qui est proprement la volonté de nier la vérité. Mentir, c'est donc parler contre sa pensée, avec l'intention de tromper. Ne pas dire tout ce qu'on pense n'est toutefois pas un mensonge. Car autre chose est de parler contre sa pensée, de manière à induire en erreur, autre chose de ne pas livrer toute sa pensée. Chaque personne a ses secrets intimes qu'il lui appartient de préserver d'inquisitions indiscrètes. Confier à tous sans discernement ses secrets, plutôt que de la franchise, serait de la pure naïveté, sinon de la bêtise.
Le mensonge est toujours synonyme de duplicité, comme l'explique saint Augustin : "Ment celui qui énonce par ses paroles ou toute autre manière de signifier sa pensée autre chose que ce qu'il a dans l'esprit. De là, on dit du menteur qu'il a un coeur double, c'est-à-dire une double pensée : une pensée de la chose qu'il sait ou pense être vraie et ne dit pas; une autre pensée de la chose qu'il exprime en sachant ou pensant qu'elle est fausse. Il s'ensuit qu'on puisse dire une chose fausse sans mentir, si on pense qu'il en est comme on le dit; et de même qu'on puisse dire vrai en mentant, si on pense que ce qu'on énonce comme vrai est faux, bien qu'il en soit dans la réalité comme on l'énonce" (De mendacio). Ce qui signifie que le mensonge réside formellement dans le coeur de l'homme, c'est-à-dire dans la volonté qu'il a de parler contre sa pensée. Certaines paroles fausses en elles-mêmes, dites sans aucune intention de parler contre sa pensée, ne constituent donc pas des mensonges.

3. Les formes de mensonges
Le mensonge peut revêtir bien des formes. Ainsi, on peut mentir en voulant nier absolument la vérité par de fausses allégations ou déclarations, de faux témoignages, de faux serments, de fausses promesses, de fausses accusations ou calomnies. On peut mentir encore en déformant la vérité par mode d'exagération ou de réduction des faits; en falsifiant ou en interprétant d'une façon contraire à la vérité des documents, des analyses, des résultats d'enquête ou encore en les soustrayant à l'examen. On peut mentir aussi en simulant la vérité, c'est-à-dire en faisant paraître comme réelle une chose qui ne l'est pas. L'hypocrisie, qui consiste à affecter une vertu ou un sentiment qu'on n'a pas, a été la forme de mensonge la plus fortement réprouvée par le divin Maître. On peut enfin mentir en voilant, en cachant volontairement une vérité connue, qu'on aurait le devoir grave de manifester. Si ce devoir n'existait pas, il n'y aurait pas mensonge à taire certaines vérités, comme le Christ-Jésus nous en donne lui-même l'exemple, lorsqu'il dit à ses apôtres: "J'aurais encore bien des choses à vous dire, mais vous ne pourriez pas les porter maintenant" (Jean 16, 12).

4. Les espèces de mensonges
D'après leur gravité morale, on reconnaît trois espèces de mensonges: le mensonge pernicieux, le mensonge joyeux et le mensonge officieux. Le mensonge pernicieux est fait dans le but de nuire; il est inspiré par la méchanceté. Le mensonge joyeux est proféré par manière de récréation; il ne poursuit d'autre intention que le plaisir. Le mensonge officieux se propose d'être utile au prochain soit dans ses biens, pour lui éviter un dommage matériel, soit dans son corps pour lui sauver la vie, soit dans sa vertu, pour le préserver d'une faute qui souille et le corps et l'âme.
Saint Basile, saint Ambroise, saint Augustin et plusieurs autres Pères, dont saint Thomas d'Aquin résume la doctrine, enseignent, à la suite d'Aristote, que tout mensonge est un désordre qui fait plus ou moins de mal à l'âme. Le mensonge pernicieux, comportant toujours une intention de nuire, et par suite de la haine envers Dieu et le prochain, est un venin mortel, qui tue la vie de l'âme. Et plus la vérité à laquelle cette espèce de mensonge s'oppose est élevée et universelle, plus grave est la faute de celui qui ment. C'est ainsi que le plus grave de tous les mensonges est celui qui nie ou altère les vérités divines. Dans la mesure où le mensonge blesse la charité envers le prochain, qu'il induit en erreur au plan des vérités humaines, scientifiques ou morales, il est aussi gravement coupable.
Les mensonges joyeux et officieux, où il n'y a aucune intention de nuire au prochain, mais au contraire l'intention de le distraire ou de l'aider, bien qu'ils ne peuvent comporter de faute grave, si ce n'est qu'en raison d'un scandale sérieux qui en naîtrait, ne sont toutefois pas exempts de désordre moral; ils sont donc à éviter. Ils s'opposent en effet à l'ordre naturel qui veut que les mots soient les signes des pensées, de sorte que parler contre sa pensée est toujours un mal. On doit donc se garder de toute espèce de mensonges pour respecter la finalité du language et se trouver en harmonie avec la Parole de Dieu incarnée, qui nous recommande une parfaite simplicité de coeur et une transparence sans faille dans toutes nos paroles, lorsqu'il ordonne: "que votre discours soit oui, oui; non, non. Ce qui est en plus vient du malin" (Matt. 5, 37).
On ne doit donc jamais dire de mensonge, même pour rendre service au prochain ou pour s'amuser, une bonne fin ne pouvant justifier l'usage d'un mauvais moyen. Mais si on ne doit pas dire de mensonge, même avec une intention bienveillante, on peut cependant, par charité, cacher prudemment la vérité. Ce qui signifie nullement la trahir ou la falsifier en affirmant le contraire de ce qu'on pense. Par ailleurs, on ne regarde pas comme des mensonges, affirme saint Augustin, certaines plaisanteries où l'on fait assez connaître, par la manière dont on les exprime, que les choses qu'on énonce extérieurement sont fausses, de sorte que personne, à moins d'être stupide, ne puisse s'y méprendre. Le même principe s'applique aux fictions hyperboliques et aux fables.
Certes, il est des cas tout à fait exceptionnels, où de très graves devoirs de justice et de charité, qui seraient autrement compromis, ont la priorité sur le devoir de dire strictement la vérité. Par exemple : en temps de guerre, s'il s'agit de sauver d'une mort certaine des personnes innocentes, se trouvant condamnées à mort d'une façon absolument injustifiée, ou encore de protéger quelqu'un de la rage d'un fou. Dans ces cas exceptionnels, où seul le bien est voulu et recherché de tous côtés, il ne faudrait plus parler de mensonge, mais selon l'expression du Père Sertilanges, de "vérité de convenance" (in La Philosophie morale de saint Thomas d'Aquin, p. 308).

5. L'évolution du mensonge
S'il s'agit de répondre à la question comment naît le mensonge et en arrive à dominer entièrement la vie d'une personne, un célèbre Père du désert, saint Dorothée, distingue trois étapes dans l'évolution du mensonge : le mensonge dans la pensée, le mensonge dans les paroles, le mensonge envahissant la conduite de la vie. Son approche du mensonge manifeste une fine analyse psychologique et spirituelle, entièrement basée sur l'observation et l'expérience. Bien qu'il s'adresse à des moines en formation, son enseignement vaut pour toutes les catégories de personnes. Voici ce qu'il dit de l'évolution du mensonge :
1) Le mensonge de pensée
"On tombe dans le mensonge par la pensée en formant des soupçons contre son frère. Par exemple, voyant deux frères qui parlent ensemble, je soupçonne qu'ils parlent de moi. Et s'ils s'arrêtent de parler, je soupçonne que ce soit à cause de moi. Et si quelqu'un dit en toute simplicité telle ou telle parole, je soupçonne tout de suite qu'elle est dite contre moi et je m'en attriste. En un mot, dans tout ce que je vois faire ou dire à mes frères, je me mets dans l'esprit que c'est par rapport à moi, et je prétends pénétrer les motifs de leurs paroles et de leurs actions.
"Voilà comment on commet le mensonge par pensée, où rien de véritable n'est dit, car tout ce qu'on dit n'est fondé que sur des soupçons, qui produisent ces vues curieuses que nous avons sur les actions des autres, ces médisances, ces murmures, ces contestations, cette liberté que nous prenons de juger et de condamner les autres.
"Certes, il peut arriver quelquefois que nos soupçons se trouvent véritables. Mais il est si pernicieux de s'y laisser aller que, pour peu qu'on s'y arrête, ces soupçons nous persuadent que nous voyons avec évidence des choses qui ne sont point et qui n'ont jamais été".
Ce passage de saint Dorothée concernant le mensonge de pensée est du plus haut intérêt. Le mensonge apparaît comme une mauvaise graine, semée par le malin dans la pensée, et qui y produit de fausses certitudes avant d'éclater à l'extérieur en faux jugements, en fausses accusations et en condamnations injustes. On pourrait objecter que les soupçons, terrain intérieur propice au mensonge, se rattachent plutôt à des erreurs de perception. Mais si l'on fait bien attention que tout soupçon est une sorte de doute, le mensonge intérieur réside dans le fait que la pensée passe, sans justification, du doute à une certitude intérieure. Elle se ment en tenant comme certain ce qu'elle sait être douteux. La parole intérieure est mensongère lorsqu'elle affirme comme étant une réalité le message douteux d'un pur soupçon. De combien de mensonges extérieurs, pouvant déterminer la décision impitoyable d'une guerre désastreuse, sont responsables de purs soupçons !
2) Le mensonge de parole
"Quant au mensonge que l'on commet par la parole, continue saint Dorothée, en voici un exemple. Un frère est paresseux ou ne veut point se lever pour aller à l'office de la nuit, et au lieu d'avouer qu'il a manqué et de dire : Pardonnez-moi, Père, la paresse m'a empêché de me lever, il dit : J'ai eu de la fièvre. J'ai eu le vertige, je n'ai pu en aucune façon me lever; j'étais faible, j'étais malade. Il dit dix mensonges pour s'excuser, au lieu de dire une seule parole vraie pour confesser humblement sa faute. Que si on le reprend, il s'entortille dans ses expressions, pour éviter le reproche qu'on veut lui faire. S'il a eu quelque question à démêler avec un autre frère, il ne se lasse point de se justifier. C'est vous, dit-il, qui avez fait ceci ; c'est vous qui avez dit cela. Pour moi, je ne l'ai point dit, c'est un autre ; ce n'est pas cela qu'on a dit, c'est une autre chose, etc. Il ne parle ainsi que pour éviter d'être humilié. De même s'il désire quelque chose, il use de détours pour l'obtenir. Il feint des besoins et ne cesse de faire des mensonges jusqu'à ce qu'il ait obtenu ce qu'il souhaite.
"Un homme qui en use ainsi n'est digne d'aucune créance. S'il lui arrive par hasard qu'il dise vrai, on ne peut pas s'y arrêter, parce que la vérité ne sort jamais de sa bouche qu'elle ne soit accompagnée d'obscurités et d'équivoques".
Ce que saint Dorothée dit du mensonge de parole montre qu'un simple mensonge, n'ayant pas de fondement dans la réalité, a besoin de se justifier par d'autres mensonges, de sorte que la parole extérieure mensongère n'est jamais l'enfant unique d'une pensée mensongère. La pensée mensongère donne habituellement naissance à plusieurs mensonges, qui finissent par jeter l'âme dans un fouillis inextricable. Quel malheur pour la pauvre âme prise au piège de ses mensonges et qui en devient emmurée. Elle ne peut que s'enfoncer dans cette obscure prison tant qu'elle s'ingéniera à nier la vérité.
3) Le mensonge dans la conduite de sa vie
"Enfin, on ment par la conduite de sa vie, lorsqu'on feint d'aimer une vertu qu'on n'a point, et qu'on a plutôt l'habitude du vice contraire. Par exemple, lorsqu'étant avare, on loue la compassion et la vertu de l'aumône ; ou lorsqu'étant superbe, on admire l'humilité ; ou quand on témoigne de l'admiration pour quelque vertu, sans l'estimer par le sentiment de son coeur. Car on agit ainsi, non pas pour éviter le scandale que l'on causerait en parlant autrement, mais afin de paraître n'avoir pas un vice qu'on a, et avoir une vertu qu'on n'a pas. Car si en louant une vertu dont on est dépourvu, on voulait parler sincèrement, on commencerait par s'humilier en avouant qu'on est privé de cette vertu, en confessant qu'on a le malheur d'être infecté du vice qui lui est opposé, mais on ne parle de la vertu, on ne la loue, on n'en emprunte le nom que pour couvrir mieux son défaut et sa honte, et souvent aussi pour tromper les autres.
"Voilà celui qui ment par toute la conduite de sa vie. C'est un homme qui n'a point de simplicité, qui est double, qui est opposé à lui-même dans ses actions et dans le sentiment de son coeur. Sa vie n'est qu'une comédie digne de honte et de mépris", affirme saint Dorothée.
Le mensonge dans la pensée, se développant en mensonge dans les paroles, envahit finalement tout le comportement qui devient comme un grand mensonge. On se montre alors autre qu'on est vraiment, parce qu'on ne s'aime pas et qu'on désire être aimé. On projette alors une image de soi toute différente de ce qu'on est en réalité. On vit dans le mensonge, c'est-à-dire dans la belle image qu'on s'est fabriquée pour couvrir la difformité de son âme. Cette image sans consistance est extrêmement fragile et facilement ternie. Aussi longtemps qu'on s'emploie à la refaire, on s'enfonce dans le mensonge jusqu'au moment où il n'est plus possible de la refaire. Car vient un temps où l'orgeuilleuse proclamation de sa propre innocence est honteusement démentie par les faits. C'est alors l'heure de la grâce où l'âme est fortement invitée à sortir de son mensonge et à rencontrer la Vérité, c'est-à-dire à s'y soumettre pleinement pour goûter la joie de la liberté.

6. Les lieux du mensonge
Le mensonge a libre cours dans tous les domaines, du plus profane au plus sacré. On peut mentir au nom de la religion, au nom de la philosophie, au nom de la science, au nom du droit, au nom de la politique, au nom de l'économie, au nom de quelque compétence professionnelle, et dans le cadre de quelque activité que ce soit. Il y a donc des mensonges, religieux, des mensonges philosophiques, des mensonges scientifiques, des mensonges juridiques, des mensonges politiques, des mensonges socio-économiques et des mensonges qui entachent les plus simples relations inter-personnelles.
Les mensonges dans le domaine religieux, comme nous l'avons déjà dit, sont les plus graves, parce qu'ils s'opposent à la vérité divine. On blasphème alors contre Dieu, ou bien on falsifie sa Parole en la soumettant à des vues et à des ambitions humaines. Le mensonge est l'outil indispensable des détracteurs de la religion, des ennemis ou assassins de la foi. En philosophie et dans les sciences, il est possible de mentir en enseignant des principes qu'on sait être faux et de fausses théories, comme celle, tout à fait ridicule, qui veut que l'homme descende du singe. Origine ténébreuse qu'on reporte à une période préhistorique, spécifiée par l'impossibilité absolue d'établir quelque preuve scientifique que ce soit. Le mensonge consiste alors à poser en thèse scientifique ce qui n'est que pure hypothèse fondée dans l'imagination
Lorsque la science du droit refuse de se baser sur la loi naturelle et ne veut s'appuyer que sur les faits actuels de la société, elle ne peut être que source de mensonges et donner naissance à de faux droits, comme le droit présumé à l'avortement, le droit présumé au mariage homosexuel, le droit présumé de contrôler les naissances par n'importe quel moyen, etc. La politique, telle qu'elle s'exerce depuis Machiavel, semble être un lieu privilégié de mensonges ; quels mensonges n'est-on pas prêt à commettre pour prendre le pouvoir, le conserver et l'étendre! Il est également bien tentant, lorsqu'on poursuit des avantages personnels, de se servir de ses connaissances et habiletés professionnelles pour mentir.
Le domaine le plus exposé au mensonge semble être le domaine de la gestion des biens économiques et toutes les transactions d'affaires, en raison de la cupidité qui soumet beaucoup de personnes et de compagnies au pouvoir séducteur de l'argent. Enfin, dans tous les domaines de l'activité humaine se rencontrent, en plus de ceux qui mentent occasionnellement, des spécialistes dans "l'art" de mentir, de manipuler, de frauder.

7. Les dimensions du mensonge
À qui peut-on mentir? On ment habituellement d'abord à autrui; on ment ensuite à Dieu; puis on se ment à soi-même. Le mensonge a donc une dimension sociale, une dimension divine, et une dimension intérieure.
A) Sa dimension sociale
La vérité ou véracité est essentiellement une vertu sociale, à laquelle s'oppose le mensonge. Par le mensonge, le prochain est offensé dans ses droits à la vérité, à la justice et à la charité. Par le mensonge se trouvent ébranlés les fondements moraux de toute vie sociale. À partir du mensonge, comment peut-on construire une société dans la justice, l'amour et la paix? La vérité demeurera toujours le premier fondement sur lequel doit se construire la paix. Tandis que le mensonge qui protège et nourrit l'injustice ne peut qu'engendrer et perpétuer la guerre.
B) Sa dimension divine
Par le mensonge, Dieu est offensé dans l'amour et la fidélité qu'on lui doit. Les mensonges faits au prochain offensent en même temps Dieu, dont nous sommes les enfants; ils offensent particulièrement le Christ-Jésus, dont nous sommes ou devons être les membres vivants. Un menteur ne peut avoir qu'une religion hypocrite, une vie religieuse qui est en fait une comédie. Les coeurs doubles, même s'ils en donnent l'impression, ne peuvent être réellement amis de Dieu, car il est écrit: "Dieu déteste les coeurs doubles" (Prov. VIII, 13)
Si l'honnêteté, la rectitude morale, la simplicité dans les paroles sont exigées dans les relations humaines, à plus forte raison dans nos relations avec Dieu. Le commandement de Dieu: "Tu ne mentiras pas" n'a pas seulement pour but d'établir la vie sociale sur ces bases de la paix que sont la vérité, la justice, la confiance mutuelle et la charité, mais aussi d'assurer les conditions de relations avec Dieu qui soient sincères, foncièrement droites et par suite qui lui soient agréables. Dans cette perspective, mentir aux chefs de l'Église, c'est mentir à Dieu. Aussi saint Pierre reproche-t-il à Ananie : "Ce n'est pas aux hommes que tu as menti, c'est à Dieu" (Act. 5,5)
C) Sa dimension intérieure
Le mensonge extérieur suppose toujours un mensonge intérieur que l'esprit se dit à lui-même. Le mensonge intérieur est favorisé par tous les sentiments négatifs qui mettent l'esprit dans une disposition contraire à la vérité. La méfiance vis-à-vis des personnes, le soupçon, le doute systématique, les préjugés, les pressions de toutes sortes portent l'esprit à se mentir à lui-même. Mais, par-dessus tout les attachements désordonnés de la volonté, comme les intérêts égoïstes et les désirs de puissance.
L'esprit qui a des dispositions négatives concernant tel ou tel objet, telle ou telle personne, se convainct facilement qu'il en est dans la réalité selon ses dispositions. Chacun voit avec son propre regard. Si le regard n'est pas lumineux, s'il n'est pas simple, s'il est double, s'il est opaque, c'est-à-dire embarrassé par des images intérieures négatives, il sera impossible de voir les choses ou les personnes telles qu'elles sont. Les images intérieures négatives cherchent constamment à se justifier, et ce besoin de justification de ses mauvaises dispositions intérieures peut aller jusqu'à altérer la perception de la réalité, et à imaginer des choses, des actions ou des situations qui ne sont pas. Par exemple, parce que j'ai de très forts doutes vis-à-vis de telle personne, il me semble que je l'ai vue faire telle action. Mon esprit, dans sa dispositions négative, se mentant à lui-même peut passer insensiblement de "il me semble" à "j'en ai la certitude".
Le mensonge intérieur qui naît d'attachements désordonnés, comme dans les dépendances affectives ou les dépendances à des substances nocives, est une conséquence d'un refus de la volonté d'agir selon les exigences de la raison, plus ou moins clairement perçues. Si j'admets avoir cette dépendance, source de désordres déplorables, la raison ne peut me faire aussitôt que l'obligation de m'en libérer. Comme je veux, en fait, conserver cette dépendance, je me dis intérieurement que je ne l'ai pas, que ma façon d'agir répond à un besoin naturel et je trouve mille raisons pour justifier mon comportement. Je nie ce qu'il en est réellement et cette négation de la vérité par mode de déni, c'est-à-dire de refus de la reconnaître est proprement un mensonge, qui fausse la conscience.
Aucun vice ne pourrait se développer en nous, s'il n'était ainsi nourri par le mensonge qu'on se dit intérieurement. On ne veut pas reconnaître le vice qu'on a, parce qu'on ne veut pas changer, parce qu'on ne veut pas s'en défaire. Par le mensonge du déni, qui nourrit le vice en nous, on fait beaucoup de mal à son âme; on blesse son âme plus que par le vice lui-même. Reconnaissons humblement notre mal et il est déjà à moitié guéri parce que la conscience faussée par le mensonge reçoit alors la lumière de la vérité, qui l'engage à prendre le chemin de la liberté.

8. Les conséquences du mensonge
De l'origine du mensonge, de sa nature, de ses formes et de ses dimensions, on en voit aisément les conséquences néfastes. Le mensonge fausse d'abord notre relation avec Dieu, le seul être qu'on ne pourra jamais tromper. Le mensonge porte en lui-même la conséquence immédiate de tromper les autres. Induire les autres en erreur par le mensonge ne peut être que source d'injustices, de trouble, de défiance, d'insécurité, de conflits.
Le mensonge est une espèce de vol: le vol de la confiance d'autrui. Or, ce vol de la confiance d'autrui ouvre la porte à toutes les autres sortes de vols. C'est pourquoi les termes "menteur" et "voleur" ont toujours été intimement associés. Tout abus de confiance rend son auteur détestable et justiciable; ce dernier échappe-t-il à la justice des tribunaux, il n'échappe jamais à la justice naturelle de l'infamie, qui le prive non seulement de l'honneur d'une bonne réputation, mais aussi du droit à la confiance qui lui est attaché.
Le mensonge habituel est une maladie de l'intelligence, qui en pervertit l'activité. La maladie du mensonge a pour effet de fausser totalement la conscience. Pensant à cela, Bourdaloue, un des plus grands prédicateurs du 17è siècle, fait cette réflexion: "Comme toute conscience n'est pas droite, tout ce qui est selon la conscience n'est pas toujours droit". (Sermon pour le 3o dimanche de l'Avent sur la fausse conscience). C'est-à-dire qu'en raison du mensonge, qui en fausse souvent le jugement, on ne peut faire appel à la conscience comme à la règle première de la moralité : cette règle première et universelle ne se trouve qu'en Dieu, source unique de tout ce qui est parfaitement vrai et droit.
La maladie du mensonge empêche l'homme d'accomplir sa vocation divine d'être un témoin de la vérité; par le mensonge auquel il obéit habituellement, il devient plutôt ennemi de la vérité, un instrument docile entre les mains du père du mensonge qui s'en sert à son gré pour étendre sur la terre son royaume de ténèbres. Comme la vérité divine est le seul fondement réel de la liberté humaine, il est certain qu'il n'y a rien de moins libre que la volonté d'un homme, soumis dans son intelligence au père du mensonge.
Finalement, tout ce qui est construit sur le mensonge s'écroulera parce que le mensonge n'a pas de consistance. Voilà pourquoi, fondé sur le mensonge, l'empire de Satan, malgré sa gloire apparente, est déjà vaincu.

9. Les causes du mensonge
A) Causes d'ordre moral
Les mensonges dits pour nuire au prochain - et qu'on appelle pour cette raison pernicieux - s'appuient sur l'un ou l'autre des motifs qui conduisent une personne ou un groupe de personnes à manquer de justice et de charité. Ces motifs sont le plus souvent l'orgueil, l'ambition, la cupidité ou l'avarice, l'envie ou la jalousie. Le mensonge s'attaque alors directement aux personnes qu'il abuse en voilant tout ce qui est fait pour porter atteinte soit à leur vie, soit à leur réputation, soit à leurs biens. L'orgueilleux et l'ambitieux qui veulent dominer sur les autres et étendre de plus en plus leur pouvoir sur eux, sont inévitablement amenés à prendre des moyens déshonnêtes pour obtenir ce qu'ils désirent et à cacher leurs crimes par le mensonge. De même, l'avare, dans la soif de l'argent qui le dévore et qui motive tout son agir, ne fait aucune attention aux exigences de la justice; le seul souci qu'il conserve est celui de projeter une belle image de lui-même qui lui permetra de continuer longtemps et impunément ses escroqueries. L'envieux et le jaloux, ne pouvant tolérer que son prochain réussisse mieux que lui ou lui soit préféré, sera tenté de l'écarter ou de l'éliminer comme un obstacle à sa réussite, en faisant porter sur d'autres la responsabilité de leurs propres machinations.
B) Causes d'ordre affectif
Beaucoup de mensonges proviennent de toutes sortes de peurs: la peur d'être rejeté, la peur d'être méprisé, d'être ridiculisé, la peur d'être blâmé, condamné et puni, la peur de perdre sa réputation, la peur de perdre de l'argent ou quelque avantage temporel, la peur de mourir, etc. On recourt alors au mensonge comme à un mécanisme de défense pour se protéger de ce qu'on perçoit être un danger ou une menace. Cette menace fût-elle réelle, elle ne justifie pas de recourir au mensonge pour sortir d'embarras. Car le mensonge inflige une blessure mortelle à l'âme. Le mensonge, même s'il n'est pas pernicieux, fait toujours du tort à celui qui le profère, et peut aussi faire du tort au prochain; par exemple, lorsqu'un époux, qui a perdu beaucoup d'argent au jeu, affirme à son épouse qu'il ne peut payer les dépenses habituelles parce qu'il a été victime d'un voleur.
Notre pauve nature, blessée par le péché, tend ainsi à se justifier de fautes commises, jusqu'au jour où elle comprend que la justification mensongère du mal qu'elle porte en elle l'en rend de plus en plus esclave, et que seule la vérité peut l'en libérer.

10. Les remèdes au mensonge
1. Le premier remède au mensonge consiste à avoir le souci constant d'une vie intellectuelle et spirituelle fondée sur la vérité. Par suite se détacher immédiatement de toute opinion qu'on découvre être fausse.
2. Ensuite, prendre conscience des grands maux qui proviennent du mensonge et du mal qu'on se fait à soi-même en mentant. Le mensonge enténèbre l'âme, lui enlève sa liberté et ruine toute vie spirituelle. Un agir enraciné dans le mensonge finit par pervertir l'esprit. On agit d'abord contrairement à ce que l'on pense ou sait être vrai et on en arrive à penser comme on agit, c'est-à-dire faussement.
3. Dès qu'on a pris conscience qu'on est enfermé dans la prison de quelque mensonge, vouloir résolument en sortir. Pour cela, crier au secours vers Dieu. Se tourner vers Jésus-Christ, la vérité incarnée, et implorer sa miséricorde. C'est Lui seul qui peut libérer de l'emprise du mensonge l'humanité et chaque âme en particulier.
4. L'humilité étant la vertu qui établit l'âme dans la vérité, demander beaucoup cette vertu et s'efforcer de demeurer dans une disposition spirituelle d'humilité. À cette fin, méditer la Passion de Jésus et les exemples des saints; recourir aussi souvent que possible, au sacrement de pénitence qui apporte toujours à l'âme bien disposée une grâce d'humilité.
5. Au plan de la pensée et du raisonnement, chercher à être toujours objectif. Il est important de respecter les règles universelles de la logique. Il faut surtout faire attention à ne pas juger selon les apparences ou nos impressions ou nos sentiments. Refuser toute conclusion qui ne repose pas sur un fondement certain. S'abstenir de faire quelque affirmation que ce soit qui mette en cause le prochain, sans une preuve irréfutable.
6. Pour dire toujours la vérité et agir selon la vérité, veiller sur les émotions et pensées négatives qui disposent au mensonge. Tuer ainsi le mensonge dans l'oeuf avant qu'il n'éclose. Cela suppose une grande vigilance sur le déroulement de nos pensées et désirs, d'où naissent nos paroles et actions. Apprendre aussi à contrôler l'activité de notre imagination qui, influencée par nos émotions, est très prompte à transformer les faits et à leur donner de toutes autres proportions qu'ils n'ont en réalité.
7. Sachant que tous nos vices, pour ne pas être découverts et dénoncés, tendent à s'envelopper dans de "beaux mensonges", il faut avoir le courage de les attaquer dans leur retranchement et de les faire sortir de leur cachette. C'est la condition première pour en guérir. Ce principe est à appliquer particulièrement dans le cas des dépendances qui n'ont d'autre milieu de croissance que le mensonge.
8. On sort de la vérité soit en réduisant la réalité, soit en l'exagérant. Par conséquent, pour demeurer dans la vérité, éviter d'exagérer comme aussi de diminuer les faits. En ce qui nous concerne personnellement, poser un regard honnête sur nous-mêmes, sans jamais nous mettre au-dessus des autres ni nous déprécier.
9. Ne pas nous laisser envahir par les soupçons, et mieux encore ne pas en tenir compte, car ils sont très souvent une source subtile de jugements téméraires et mensongers.
10. Nous vivons dans un monde de mensonges; notre esprit en est assailli de tous côtés. Ces mensonges, répandus par les techniques modernes de diffusion de l'image et de la pensée, font violence à notre dignité personnelle et à notre droit fondamental à la vérité, qui conditionne notre liberté. Il faut donc être averti autant des mensonges publicitaires que de tous les autres moyens de pression utilisés par des organisations influentes pour imposer à la société une pensée unique. Ne pas craindre de réclamer le respect de notre droit naturel à la vérité et surtout le respect de notre droit à croire et vivre l'Évangile de Jésus-Christ.
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En guise de conclusion, et en relation avec ce que nous avons affirmé de la nature diabolique du mensonge, nous pouvons dire que toute l'histoire de l'humanité, depuis ses origines, c'est-à-dire depuis le péché originel - lequel s'enracine dans le mensonge de Satan - est en fait travaillée par le mensonge, constamment combattu par l'Esprit-Saint, qui est l'Esprit de vérité.
Pour employer le langage des Pères, deux races d'hommes sont nés de nos premiers parents : la race d'Abel et la race de Caïn : la race des amis de Dieu, des hommes justes ou justifiés, et la race des fils du diable, des enfants de ténèbres, eux-mêmes appelés à devenir des enfants de lumière. C'est Jésus-Christ le Verbe incarné de Dieu, sa Parole de vérité, qui est venu libérer l'humanité de l'empire du mensonge. Tous ceux qui auront refusé l'Évangile de Jésus-Christ, qui leur aura été annoncé, tous ceux qui n'auront pas voulu croire en la vérité proclamée par Jésus-Christ, se retrouveront à la fin du monde, lors du dernier jugement, regroupés autour de Satan, le père du mensonge.
Durant les siècles qui ont précédé la venue du Christ, les patriarches, les prophètes, les saints rois et les saints prêtres du peuple de Dieu ont été les témoins de la vérité contre le pouvoir du mensonge et sa force de séduction. Tous les livres de l'Ancien Testament, mais surtout les livres prophétiques, les livres sapientiaux et les psaumes sont remplis d'un immense désir de la vérité et d'une ardente imploration au Seigneur pour être délivrés des agissements pervers des artisans de mensonge. Le Psaume 12 en est un exemple. On retrouve dans beaucoup d'autres psaumes le même accent d'appel lancé vers Dieu au secours des pauvres opprimés par le pouvoir apparemment triomphant des méchants. Soumis au pouvoir du mensonge, l'homme gémit et soupire après un Libérateur. Ce Libérateur, c'est le le Christ-Roi, le Roi-Messie, c'est le Fils de Dieu venant pour rendre un témoignage absolu à la vérité et renverser l'empire de Satan. L'Apocalypse, qui est le dernier livre de la sainte Écriture, témoigne de la victoire finale de Jésus-Christ, scellée dans son sang et remportée sur tous les puissants de la terre et sur leur empire auquel ils auront voulu soumettre les nations. Dans l'Apocalyse Jésus-Christ est présenté comme l'Agneau de Dieu, sans tache, immolé, triomphateur de tout mal, vainqueur de Satan, comme le Prince de la paix, de la paix de Dieu qu'il apporte au monde, et qui est fondée sur la miséricorde, la vérité et la justice.
Au chapitre 19, v. 11, l'apôtre S. Jean décrit sa vision de ce qui arrivera à la fin: la victoire définitive du témoin fidèle de Dieu, le Christ-Roi, le Seigneur des Seigneurs.
Être avec Jésus-Christ, suivre Jésus-Christ, tenir les yeux fixés sur Lui et écouter sans cesse sa voix, s'attacher à Lui par une foi de plus en plus profonde est la garantie la plus sûre que nous puissions avoir de remporter avec Lui la victoire sur toutes les erreurs et tous les mensonges, d'être libérés du pouvoir de Satan et d'être admis dans son royaume de lumière, de vérité et d'amour.
J.R.B.
* * *
Le texte cité de Saint Dorothée est tiré de sa 9o Instruction: Du mensonge, cf. Vies des Pères des déserts d'Orient, par le Père Michel-Ange Marin, tome 6o éd. Périsse frères, Paris 1856, p.277-281.

Appendice I 
Le Mensonge en politique internationale
Il n'y a pas de doute que, sous le couvert de la diplomatie, le mensonge a souvent joué un rôle considérable dans la politique internationale. Cela ne signifie pas que la diplomatie soit, en elle-même, l'art de mentir dans les relations entre pays. La diplomatie, selon le but de paix qu'elle poursuit, est au contraire indispensable pour maintenir l'ordre international ou le restaurer, et effectivement elle a rendu, au cours des siècles, d'immenses services à cette fin. Mais aussi, que de mensonges n'a-t-elle pas autorisés ?
Les historiens de demain, lorsqu'ils écriront l'histoire de la guerre des États-Unis contre l'Irak, seront appelés à décoder un certain nombre de messages mensongers, martelés avec force pour justifier cette agression illégale et immorale, présentée comme une guerre préventive. Ainsi, par exemple, l'affirmation absolue que l'Irak possédait des armes de destruction massive et constituait une menace imminente à la sécurité des Étas-Unis et à la paix mondiale. Soupçonner l'Irak de posséder des armes de destruction massive n'est pas du tout la même chose que de l'affirmer d'une façon absolue. Le doute et le soupçon étaient permis, mais à moins de preuves irréfutables, on ne pouvait pas passer du doute et du soupçon à une certitude absolue sans mentir. Quant aux preuves soit-disant irréfutables fournies par des photos prises il y a des décennies présentées comme si elles étaient récentes, cela constituait une circonstance enlèvant aux preuves apportées tout fondement sérieux; en d'autres termes, c'était une façon de mentir. Et encore, en affirmant que le processus pacifique de désarmement de l'Irak ne fonctionnait pas, alors que le chef des inspecteurs de l'ONU disait avoir constaté sur place une bonne collaboration de l'Irak et des progrès encourageants accomplis dans la mission confiée aux inspecteurs, cela était aussi une façon audacieuse de mentir.
Par-dessus tout, était-il bien vrai que le but premier visé dans cette guerre était totalement désintéressé, à savoir la liberté du peuple irakien? Si, par hasard, il y avait eu d'autres intentions commandant cette guerre, n'aurait-on pas menti? Qu'il y ait eu des intentions inavouées d'intérêts financiers, il le semble bien en raison d'un certain chantage au pétrole fait par les dirigeants américains aux nations n'étant pas prêtes à collaborer avec eux. De plus, dire : "nous voulons la paix, nous sommes pacifiques" alors qu'aucune raison inspirée par les exigences du droit international ne pouvait ébranler la décision prise d'avance et bien arrêtée de faire la guerre, cela n'était-il pas un mensonge? Pour finir, s'imposer en libérateur de la communauté internationale, par une action unilatérale, n'était-ce pas une prétention arrogante et mensongère?
Dans un tel contexte de mensonges, toute violation de la vérité et de la justice étaient et demeurent encore possibles en Irak, avec comme résultat prévisible la sécurité et la paix du monde plus que jamais compromises, car sur le mensonge la paix ne pourra jamais se construire.
J.R.B.

Appendice II
Le mensonge dans l'art
Les arts, comme la musique, l'architecture, la peinture, sont les modes d'expression de la beauté. Leur valeur tient à la beauté qu'ils expriment. Exprimer la beauté devrait être le but que se propose un artiste. L'art devient un mensonge lorsque, poursuivant une fin intéressée, il présente comme beau ce qui est laid. Nous avons l'exemple d'un art mensonger chez Picasso, qui confessait lui-même, en 1952, à l'écrivain Giovanni Papini : " J'exploite l'imbécillité et la cupidité des gens ".
" Dans l'art, le peuple ne cherche plus consolation et exaltation; mais les raffinés, les riches, les oisifs, les distillateurs de quintessence cherchent le nouveau, l'extravagant, le scandaleux.
Et moi-même, depuis le cubisme et au-delà, j'ai contenté ces maîtres et ces critiques avec toutes les bizarreries changeantes qui me sont passées par la tête, et moins ils comprenaient et plus ils m'admiraient. À force de m'amuser à tous ces jeux, à toutes ces fariboles, à tous ces casse-tête, rebus et arabesques, je suis devenu célèbre, et très rapidement.
Et la célébrité signifie pour un peintre ventes, gains, fortune, richesse. Et aujourd'hui je suis célèbre, je suis riche. Mais quand je suis seul avec moi-même, je n'ai pas le courage de me considérer comme un artiste dans le sens grand et antique du mot.
Ce furent de grands peintres que Giotto, le Titien, Rembrandt et Goya: je suis seulement un amuseur public, qui a compris son temps et a épuisé le mieux qu'il a pu l'imbécillité, la vanité, la cupidité de ses contemporains.
C'est une amère confession que la mienne, plus douloureuse qu'elle ne peut sembler, mais elle a le mérite d'être sincère. "
*
Si son art était mensonger, Picasso s'est libéré en quelque sorte du mensonge artistique qui pesait sur sa conscience en reconnaissant avoir abusé de l'imbécillité et de la cupidité des gens.

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