samedi 24 décembre 2011

Cesária Évora

Surnom Cize
A diva dos pés descalços (La diva aux pieds nus)
Naissance 27 août 1941
Drapeau du Portugal Mindelo, Cap-Vert, Empire colonial portugais
Décès 17 décembre 2011 (à 70 ans)
Drapeau : Cap-Vert Mindelo, São Vicente, Cap-Vert
Activité principale Chanteuse
Genre musical Morna, coladeira
Instruments Voix
Années d'activité 1957 - 2011
Labels Lusafrica, Columbia, RCA
Site officiel cesaria-evora.com

Cesária Évora, née le 27 août 1941 à Mindelo sur l'île de São Vicente au Cap-Vert et morte dans cette même ville le 17 décembre 20111, est une chanteuse capverdienne. Elle est surnommée La Diva aux pieds nus, surnom dû à son habitude de se produire pieds nus, en soutien aux sans-abri, femmes et enfants pauvres de son pays.

De sa voix rauque, elle a popularisé la morna, musique du Cap-Vert, auprès du grand public mondial.

Issue d'un milieu très modeste, elle est élevée par une mère cuisinière pour riches blancs, Dona Joana, avant d'être placée en orphelinat au décès de son père, Justino da Cruz Evora, guitariste et violoniste occasionnel, alors qu'elle n'avait que 7 ans. À la mort de B. Leza en 1958, parent de Césaria et compositeur de morna, la musique traditionnelle du Cap-Vert, elle commence véritablement sa carrière de chanteuse. Avec Eduardo, un guitariste portugais père de son deuxième enfant, elle se produit dans les bals populaires. Elle chante souvent tard, dans des bars où sa rémunération se résume souvent à quelques verres.

Après avoir été abandonnée par Eduardo, elle trouve en Ti Boy (Gregorio Gonçalves), compositeur reconnu de vingt ans son aîné, un mentor qui lui permet d'entrevoir un avenir tourné vers la musique. Elle enregistre ses premières chansons au milieu des années 1960, pour la radio Barlavento. Deux 45-tours voient le jour, sa réputation grandit au sein de l'archipel, mais sa vie n’est pas chamboulée pour autant et elle continue de vivre modestement avec sa mère et ses enfants.

L’indépendance de l’île est reconnue en 1975 et le nouveau pouvoir considère la morna comme une musique coloniale et pousse Cesária Évora à arrêter de chanter. Son silence dure dix années, et c’est à l'occasion des célébrations des dix ans de l'indépendance du Cap-Vert que Cesária Évora remonte sur scène, le 8 mars 1985. La gloire n'est toujours pas au rendez-vous, mais les perspectives semblent meilleures. Deux ans après, elle confectionne son premier album solo et donne quelques concerts aux États-Unis. Mais Cesaria Evora monte souvent sur scène en état d'ébriété et l'absence d'entourage professionnel solide limite ses perspectives de véritable carrière internationale.

C’est en 1987 que sa carrière est prise en main par José da Silva, cheminot français dont la famille maternelle est originaire de Mindelo, qui l’a entendu dans une boite cap-verdienne de Lisbonne et en est sorti bouleversé. Parait alors l’album La Diva aux pieds nus qui contient une coladeira aux accents de zouk, Bia Lulucha, qui devient un tube dans la communauté cap-verdienne.

Son deuxième album, Distino di Belita est un échec, Mar Azul, totalement acoustique, sort fin 1991 et sa carrière démarre vraiment d'abord à Angoulême, puis au New Morning de Paris. Mais c’est avec l’album Miss Perfumado sorti en 1992 et la chanson Sôdade, une reprise de Bonga Kuenda qui en est le compositeur (en 1972) et interprète original, qu’elle devient mondialement connue. Cette chanson parle du travail forcé des Cap-Verdiens obligé de travailler dans les plantations de cacao de Sao Tomé-et-Principe par le pouvoir colonial portugais.

De 1992 à 1999, Cesaria Evora mène une carrière internationnale, elle chante avec Caetano Veloso, Marisa Monte, travaille pour Emir Kusturica, ou avec Linda Ronstadt.

En 1999, l’album Café Atlantico est le plus vendu de tous ses disques (770 000 exemplaires).

En 2004 Cesaria Evora reçoit un Grammy Award du meilleur album world music pour l'album Voz d'Amor (400 000 exemplaires vendus) et une Victoire de la musique, la deuxième, après celle de 1999 pour Café Atlantico. Elle participe cette même année à l'album Gaïa pour la préservation de l'environnement, où elle interprète Jangadéro, composée par Alan Simon.

À ce jour, Cesaria Evora a vendu 4,5 millions de disques, dont 2 millions en France.

En septembre 20112, Cesária Évora décide de mettre fin à sa carrière et d'annuler les concerts à venir suite à des problèmes de santé. Elle avait déjà subi plusieurs opérations chirurgicales dont une opération à cœur ouvert en mai 20103. Cesária Évora meurt le 17 décembre 2011 à l'hôpital Baptista de Sousa, à São Vicente, des suites d'une insuffisance respiratoire.

Cesária Évora ne s'est jamais mariée et a toujours vécu chez sa mère. Elle a eu quatre enfants, tous de pères différents.

En 2009, Cesária Évora est faite Chevalier de la Légion d'honneur par Christine Albanel4.

Ecoutez


Le 17 décembre 2011, la chanteuse Cesária Evora, incarnation de la musique capverdienne, nous a quittés. Les hommages et les déclarations de son public, quasiment partout dans le monde, n'ont pas manqué. Depuis sa disparition, la chanteuse et la musique de son pays ont fait l'objet de l'attention de la blogosphère.

Julio de Magalhães, du blog Do Médio-Oriente e afins commente le départ de la chanteuse et met en valeur la musique capverdienne :

« Elle a été une voix du Cap-Vert écoutée et applaudie partout et, d'une certaine façon, un symbole national. Dotée d'un incomparable instrument vocal, comme d'ailleurs une grande partie des Capverdiens, elle s'est produite sur les principales scènes du monde, et toujours avec un extraordinaire succès. »

Pour le journaliste brésilien Mauro Ferreira, du blog Notas Musicais [en portugais], « une voix douce aux sentiments profonds s'est tue ». De sa musique il dit :

« Une voix qui distillait une subtile mélancolie imprégnant les mornas (une sorte de samba, une chanson du pays de l'interprète) qu'elle chantait en créole, une langue qui mélange portugais, français et langues africaines. Evora a aussi prêté sa voix à des coladeiras, autre style musical capverdien, plus dansant et proche des rythmes antillais. »

Le blog Palavras Todas Palavras fait un commentaire rétrospectif du succès de l'album « La diva aux pied nus », enregistré en 1988, qui fait allusion à la façon dont elle se présentait sur scène :

« L'album a été salué par la critique, et en 1992 elle a enregistré “Miss Perfumado”, et elle est partie vivre en France. Elle est devenue une vedette internationale à 47 ans. Elle a reçu en 2004 un Grammy, dans la catégorie meilleur album de musique du monde contemporaine. Elle a été la chanteuse qui a obtenu la plus importante reconnaissance internationale de l'histoire de la musique capverdienne. »

Le blog portugais Repórter a Solta souligne sa grande énergie sur scène à partir du récit d'un de ses spectacles à Londres :

« Cesária n'arrête pas. Depuis que, à 48 ans, elle a commencé en France sa carrière internationale, elle passe la plus grande partie de son temps en tournée à travers le monde. Elle n'est pas fatiguée ? “ Il faut en profiter, maintenant qu'il y a du travail ”, nous dit-elle, comme si elle n'était pas consciente d'être une vedette mondiale, comme si elle vivait à l'époque misérable des bars de Mindelo. “ Tant que je peux, je ne m'arrête pas ”.

Les Capverdiens sont rares dans le public, et même les spectateurs d'origine africaine. Il s'agit en majorité de Britanniques, familles, couples, jeunes, d'âge mûr, de classe moyenne supérieure…

“ Ils ne comprennent rien de ce que je chante ”, nous dit Cesária. “ Personne ne comprend le créole. Mais ça ne fait rien. La musique dit tout. Ils comprennent la musique ”. (…) Comment fait-elle cela ? Il y a un truc ? C'est de la magie ? Personne ne sait l'expliquer, mais c'est là tout le charme du Cap-Vert. »


Affiche en hommage à Cesária Evora rédigée en créole, diffusée à Lisbonne (Via Twitter)

L'anthropologue Miguel Moniz, invité sur le blog Southcoasttoday, retrace dans un style critique la carrière de la chanteuse et évoque la place qu'elle a occupé sur la scène internationale :

« Cesária Evora a quitté Mindelo, dans l'île de São Vicente, pour chanter la morna sur les plus importantes scènes du monde, obtenant en cours de route un Grammy et devenant chevalier de la Légion d'honneur française.

Bien qu'elle se soit produite de-ci de-là depuis les années 1950, ce n'est qu'avec la sortie de deux albums dans les années 1990 que Cesária a obtenu la reconnaissance internationale sur la scène des “ musiques du monde ”, une catégorie attrape-tout omniprésente, bien que ridicule, qui semble signifier “ musique faite par des gens d'un endroit étrange dont je n'ai jamais entendu parler ”. »

À propos maintenant de la probable méconnaissance du Cap-Vert par le public international, le blog Passaport to écrit :

« Il n'y a pas beaucoup de personnes qui connaissent bien (ou ont même entendu parler) le Cap-Vert, ce petit archipel de dix îles au large de l'Afrique de l'Ouest. Mais, bien que relativement peu de gens comprenaient réellement les paroles de ses chansons, beaucoup en Europe, en Afrique et dans le reste du monde connaissaient certainement et aimaient sa fille la plus célèbre. (…)

Mais la dame a laissé derrière elle un magnifique héritage (…) qui a enseigné au monde la musique typique, appelée morna, du Cap-Vert. »

L'avenir de la musique du Cap-Vert

Le débat [en portugais] est ouvert pour savoir qui jouera le rôle de porte-parole de la musique capverdienne.

La situation actuelle se présente de façon assez différente de celle qu'a connue Cesária Evora. Il est souligné que les représentantes les plus importantes de la musique capverdienne de la nouvelle génération sont des « filles de l'émigration » :

« Les candidates à la succession de Cesária Evora en tant que “ voix du Cap-Vert ” sont des Capverdiennes nées à l'étranger, pour la plupart à Lisbonne. Mayra Andrade, la mieux placée, est née à Cuba et vit à Paris.

Si Cesária Evora, décédée samedi dernier, était, est, “ la voix du Cap-Vert ” et l'emblème majeur du pays dans le monde, la disparition physique de la diva aux pieds nus laisse vacante, d'une certaine façon, la place que la fille de Mindelo occupait jusqu'à présent au sein du panorama musical international.

Les candidates à sa succession sont nombreuses et plus ou moins connues, et elles ont en commun le fait que, contrairement à Cesária, elles ne sont pas nées au Cap-Vert et qu'elles sont plutôt des filles de l'émigration créole. »

Parmi les noms cités figurent Mayra Andrade, Lura, Nancy Vieira, Sara Tavares, Carmen Souza, Maria de Barros, Danae et Isa Pereira.


Cesaria Evoria et Maria de Barros (via Facebook)

Quelques unes sont nées au Cap-Vert, les autres non, ayant séjourné ou pas dans le pays, avec les influences musicales les plus variées, comme dans le cas de Carmen Souza, qui mélange les traditions capverdiennes avec le jazz, ou de Maria de Barros, avec l'influence de la musique latine, principalement de la salsa.

Il semble y avoir un effort de rénovation et d'ouverture de la musique du Cap-Vert, tout en conservant des liens forts avec les racines de la tradition musicale du pays.

Ce qui est important, ce sont les portes ouvertes pour la musique capverdienne par Cesária Evora et la force de son travail, qui, d'une façon ou d'une autre, influencent le travail de toutes les chanteuses citées précédemment, soit musicalement, soit par l'inspiration et l'amour du pays et de la langue, et au travers desquelles on attend qu'elles proposent une suite, d'une façon ou d'une autre, à l'héritage qu'elle laisse.

La Sodade

Quels que soient les chemins que suivra la musique capverdienne au niveau international, la présence de Cesária Evora est unique et laissera toujours la Sodade.

Tom Devriendt, du blog Africa is a Country, explique le sens de l'un des plus beaux mots de la langue portugaise : saudade (ou sodade au Cap-Vert), également le titre de la chanson qui l'a rendue célèbre dans le monde, et partage la vidéo de la chanson « Dor di Sodade » extraite de l'album « Radio Mindelo », de 2009, avec des photos anciennes de la chanteuse :

« L'un des nombreux sens de sodade, ce mot créole très difficile à traduire, c'est un sentiment de perte. »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.