Et
de deux. Après François Hollande et en attendant Nicolas Sarkozy, le
troisième présidentiable de cette campagne, François Bayrou, a présenté,
hier, son projet économique. L'un et l'autre ont le mérite de jouer
cartes sur table et d'alimenter deux mois et demi de débats et de
comparaisons.
Pour
François Bayrou, qui ambitionne de figurer au second tour en lieu et
place de Nicolas Sarkozy, il fallait accélérer le pas pour tenter de
dégeler les sondages. Depuis le discours du Bourget, François Hollande a
élargi son espace, contraignant le candidat centriste à faire entendre
haut et fort sa différence.
Son
projet retient d'abord l'attention par le fait que les masses
budgétaires qu'il mettrait en oeuvre s'il était élu sont à la hauteur
des déficits. À la différence du Parti socialiste, qui ne tarit pas la
dépense publique et qui finance son projet par les seuls prélèvements
nouveaux, François Bayrou propose les deux.
Le
seul gel des engagements de l'État pendant deux ans revient à faire
financer les économies par l'inflation, sans qu'il ne soit plus besoin
d'emprunter pour boucler les fins de mois.
Seconde
remarque qui renforce la crédibilité de son programme : les recettes -
souvent des prélèvements nouveaux - sont fondées sur une croissance
modeste, comprise entre 0,2 et 1,5 %, moitié moins que la prévision de
l'UMP ou du PS. Autrement dit, tout surcroît d'activité dégagerait
autant de marge de manoeuvre supplémentaire pour désendetter le pays et
pour financer les priorités.
Troisième
observation, le dosage retenu par François Bayrou rend difficile la
classification de son programme. La droite lui reprochera d'imposer trop
lourdement les hauts revenus. De revenir sur la défiscalisation des
heures supplémentaires et sur la TVA sociale qu'il juge inefficace. De
donner trop de pouvoir aux salariés dans l'entreprise.
La
gauche, elle, dénoncera un plan d'austérité à cause de la remise en
ordre - assez sévère - des finances publiques et d'une hausse - modeste -
de la TVA.
Se
voulant plus juste et plus cohérent que le bilan de la droite, plus
réaliste et plus ambitieux que la gauche, plutôt flottante sur le retour
à l'équilibre des comptes, François Bayrou reste ferme dans son « ni
droite ni gauche ». Exemple : les effectifs de fonctionnaires
diminueraient, mais plus selon le « un sur deux » jugé trop systématique
de Nicolas Sarkozy. Et pas dans l'Éducation nationale, son autre
investissement d'avenir, avec l'industrie.
Au-delà
du fait qu'il sera jugé trop timoré par les uns, et trop sévère par les
autres, le projet Bayrou, par son ampleur, pose tout de même la
question de son impact sur la croissance. Injecter 50 milliards de moins
dans l'économie et prélever 50 autres milliards de plus ne serait pas
neutre. Mais existe-il d'autres traitements pour tirer le pays de
l'anesthésie de la dette ?
La
seconde et éternelle question est de savoir avec quels moyens
politiques un président Bayrou ferait adopter son projet. Là, on est
dans la politique-fiction. Lui, dirait dans l'espoir raisonnable. Mais
face à une gauche dont la dynamique neutralise les velléités de
dissidence, le candidat béarnais ne peut compter que sur un effondrement
suivi d'un éclatement de la droite. En politique, un bon projet sans
les bonnes alliances n'est que papier.
Michel URVOY (commentaire paru dans Ouest-France du jeudi 2 février 2012).
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