L’agence web Acti vient de publier une infographie assez complète sur la blogosphère. Relation avec les marques, influence, relations blogueurs : tout y est passé au crible.
Basée à Lyon, cette entreprise spécialisée en conseil et stratégie digitale
a concocté cette mine d’informations en préambule de l’atelier
performance sur le même sujet qu’elle proposera le 4 avril prochain à
Paris (inscription gratuite).
Quelques informations clés issues de cette infographie : environ 45 % des internautes fréquentent des blogs de manière régulière, les blogueurs sont approchés par les marques quatre fois par semaine et un internaute sur trois achète un produit suite à un conseil lu sur un blog. A découvrir ci-dessous :
dimanche 30 juin 2013
Chimane, le peuple de l'arbre
Les Chimane de Bolivie, «peuple racine» lié à la terre, vivent reclus au coeur de la forêt, entre l'altiplano et la savane, vêtus de tuniques en écorce d'arbres.
© Moana productions 2005
Réalisateurs : : François-Xavier Pelletier,
Catégories : Sciences sociales, Flore,
Événement : Frontières du court 2011
NOTE DE RÉFLEXION N°14 SYRIE/FRANCE : SOYONS UN PEU RAISONNABLES
16-08-2012
Alain Rodier
Ancien officier supérieur des services de renseignement français.
Directeur de recherche au Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R), en charge du terrorisme et de la criminalité organisée.
Ancien officier supérieur des services de renseignement français.
Directeur de recherche au Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R), en charge du terrorisme et de la criminalité organisée.
Je ne connais pas les conseillers des hommes politiques[1], qu'ils soient de droite ou de gauche, qui inspirent l'action de ces derniers vis-à-vis de la Syrie. Il est possible -et même probable - qu'ils détiennent des informations recoupées qui ne sont pas accessibles aux citoyens moyens que nous sommes. Peut-être sont-ce ces renseignements qui provoquent les réactions de notre élite politique vis-à-vis de la crise syrienne. Mais alors, qu'ils en fassent état de manière à mieux faire comprendre leur attitude. Car en effet, pour le moment, les seules raisons avancées sont la « protection des populations » contre le pouvoir de Damas.
Une première question se pose : quelles populations ? Les sunnites, les Alaouites, les chrétiens, les Kurdes ? Nous avons aujourd'hui affaire à une guerre civile et tout le monde sait que ce type de conflit a toujours été à l'origine d'atrocités commises par les deux camps. L'ONU vient de reconnaître que les forces étatiques étaient responsables de crimes contre l'humanité ET que l'opposition armée l'était de crimes de guerre. Cette disproportion tient vraisemblablement au fait que les forces gouvernementales, en particulier les sinistres milices shabiha, sont détentrices des moyens de la violence d'Etat, lesquels sont actuellement supérieurs à ceux des insurgés. Par contre, une fois que ces derniers seront parvenus au pouvoir, il est probable que nous assisterons « stupéfaits » à de véritables massacres de membres de minorités ethniques ou religieuses. C'est d'ailleurs cette perspective qui pousse les Alaouites à se battre férocement car ils ont le dos au mur, sachant que pour eux, ce sera la valise ou le cercueil.
Si c'est toujours le principe humanitaire qui guide nos politiques, il est légitime de se poser une seconde question: pourquoi se limiter à la Syrie ? Il existe malheureusement de par le monde une multitude d'Etats où les populations civiles sont opprimées et menacées : les chrétiens au Nigeria, les hindouistes au Pakistan, les personnes réduites à une situation qui peut s'apparenter à de l'esclavage dans de nombreux pays moyen-orientaux, les civils pris entre les forces de sécurité et les narcotrafiquants au Mexique, etc.
Si l'on rêve d'établir par la force des démocraties à l'occidentale à l'étranger, la majeure partie des Etats (et pas des moindres) pourrait être visée.
Si enfin il s'agit d'une guerre par procuration - comme l'a affirmé le secrétaire général de l'ONU - destinée à affaiblir le grand allié de la Syrie, l'Iran, afin que cet Etat renonce à ses ambitions militaires dans le domaine nucléaire, l'auteur peut comprendre que cela ne soit pas étalé sur la place publique. Toutefois, ce machiavélisme n'est théoriquement pas une méthode employée par les « gentils » Européens.
Quant à faire plier la Russie et la Chine, est-ce que le fait de les avoir ridiculisé en Libye n'a pas servi de leçon ? Ce sont deux grandes puissances à l'ego très susceptible qui peuvent rivaliser avec les Etats-Unis sur beaucoup de plans et qui laissent loin derrière la « vieille Europe » acariâtre et donneuse de leçons. Les deux capitales, Moscou et Pékin, se sentent humiliées et ne sont pas prêtes à oublier le camouflet qu'elles ont subi. Il est fort probable qu'elles vont nous le faire payer et leur soutien au régime de Damas n'est qu'un début.
En ce qui concerne la France, l'attitude actuelle de l'opposition serait risible si elle n'était pas tragique. Jouer avec la vie des gens pour tenter de retrouver un semblant d'existence sur la scène politique nationale est tout simplement impardonnable. D'autant que l'ancien président a conduit en Libye, en 2011, une politique étrangère pour le moins contestable. En effet, ce beau succès que fut l'opération militaire de l'OTAN, pilotée depuis Paris et Londres avec le soutien indispensable de Washington - sans qui, rien ne pouvait se faire car les moyens miliaires européens sont plus qu'insuffisants -, a amené la déstabilisation durable de la Libye et du Sahel. C'est à se demander si l'attitude de notre ex-président n'est pas liée à la perte de face que lui ont fait subir Kadhafi puis Bachar el-Assad. Il les a traité avec tous les honneurs à Paris, espérant une ouverture démocratique de leur part, avant de déchanter rapidement.
La politique étrangère mérite de la mesure, de la réflexion et une certaine cohésion nationale. Les dernières déclarations de l'ex-président de la République et de celui qui fut son Premier ministre[2] ne répondent en rien à ces règles. Que leur ont soufflé leurs conseillers ?
Quant à la presse, elle ne fait guère mieux, en ne vérifiant pas ses sources ou en envoyant des reporters de guerre dont le but n'est pas d'informer mais de faire leur autopromotion sur des fonds de scènes de guerre. Le prix Albert Londres est au bout du chemin...
Je n'ai pas de conseil à donner au nouveau gouvernement en dehors de celui de la prudence. Il conviendrait qu'il définisse exactement où se trouve l'intérêt de la France et des Français. En effet, l'auteur s'est souvent demandé si l'intérêt hexagonal était vraiment le moteur de l'action de ceux qui ont l'honneur de gouverner le pays. Le fait d'adopter une posture humanitaire vis-à-vis des réfugiés est une bonne chose, encore que, les moyens déployés - certes modestes - auraient pu être consacrés à d'autres causes tout aussi légitimes : les réfugiés maliens fuyant la sauvagerie islamique qui s'étend dans le nord du pays, les malheureux chrétiens du Nigeria, les réfugiés somaliens présents au Kenya, etc.
Les intérêts de la France, dont les caisses sont plus que vides, passent-ils par une prise de position « tartarinesque » sur la Syrie ? Le Sahel semble être beaucoup plus crucial pour le futur approvisionnement en uranium des centrales de nouvelle génération qu'Areva devrait construire pour le bien de l'économie française, afin que nos citoyens puissent encore se chauffer à l'électricité ou faire rouler les voitures propres que l'on nous promet[3] Mais, le nucléaire est aussi un sujet tabou à ne pas aborder car les écologistes veillent[4]...
- [1] En dehors de l'inénarrable Bernard Henry Levy qui se rêve en Malraux pendant la guerre d'Espagne.
- [2] Et pourtant, cet homme présentait toutes les caractéristiques de pondération dont la France a cruellement besoin. Cela semble prouver que la lutte pour le pouvoir passe par des méandres contre-nature que la morale et l'intérêt national ne justifient pas.
- [3] Il faut bien les recharger, ces jolies petites voitures pleines de batteries si délicates à recycler en fin de vie...
- [4] Traditionnellement pacifistes, ils ne semblent pas avoir beaucoup de choses à dire sur le sujet syrien.
Dettes souveraines : Oui, nous sommes solvables !
Les craintes actuelles liées à
l’endettement des États sont dictées par une idéologie libérale
anglo-saxonne omniprésente. Il faut s’en affranchir et revenir aux
fondements de l’économie : l’existence de la dette est consubstantielle à
cette dernière ; non seulement elle n’est pas dangereuse, mais elle est
indispensable pour construire l’avenir. Et hormis le cas très
spécifique de la Grèce, les dettes publiques des pays sont loin d’être
insoutenables... Michel Henochsberg va à l’encontre de la pensée
dominante et présente une analyse roborative de la situation européenne.
L'auteur
Pour en savoir plus
Cet article est extrait de
Revue Banque n°749bis
Face aux marchés, les États sont-ils encore souverains ?
Nous étions en 2011 dans un
« sauve-qui-peut » généralisé. La planète économicofinancière cheminait
au bord du précipice, elle le disait… et continue de le penser. Le pire
est-il encore d'actualité ? Finira-t-on par enrayer la menace d'un
effondrement européen du système bancaire et monétaire ? La réponse est
évidemment politique, mais les gouvernements, à l'image de l'Allemagne,
se complaisent encore dans des atermoiements coupables. Face à ces
hésitations, les opérateurs mondiaux de la finance demeurent
eurosceptiques et poursuivent leur imperturbable logique du gain rapide.
Wall Street et la City la traduisent et la nourrissent, les autres places financières entonnent la même mélodie. Le Financial Times, le Wall Street Journal, The Economist exposent son credo et ses analyses, entraînant l'univers médiatique à répéter le dogme. Tout ce monde oubliant aujourd'hui que cette idéologie a failli trépasser à la fin de 2008, sauvé par les banques centrales et les États qui ont dû voler au secours d'une finance mondiale ébranlée par Lehmann Brothers et gangrénée par les subprime toxiques qu'elle a créés et surtout diffusés.
Insensible à ces revers, le dogme prospère à nouveau, identique. Cette idéologie a pénétré profondément les centres d'analyses et de décisions, les gouvernements et leurs administrations. C'est pourquoi le président Obama a vu ses rêves s'écrouler face aux oppositions du monde financier et du Tea Party, pourquoi la Grande-Bretagne est revenue ouvertement à son credo libéral après l'intermède travailliste, et surtout pourquoi Angela Merkel s'est arrimée à l'orthodoxie monétaire et budgétaire propre à la tradition allemande, dont la rigidité avait déjà déclenché le retentissant krach d'octobre 1987. Cette orthodoxie libérale hégémonique continue de déployer une croyance indéfectible aux vertus de l'équilibre et à l'efficience des marchés. Pour l'aréopage des agences de notation, les acteurs économicopolitiques de la planète doivent se conformer ou, faute d'acquiescement, être punis. Cette rengaine, reprise aujourd'hui par tous, y compris par les gauches européennes acculées, est tragique, car elle méconnaît en profondeur l'économie. Et cette ignorance, dans les circonstances actuelles, touche au drame, dans la mesure où il faut recouvrer élan et confiance. Toute relance, vers l'offre ou/et la demande, appelle du crédit, du déficit, de la création monétaire. Sur un plan plus général, n'oublions jamais que le capitalisme est, par définition, une économie d'endettement. L'équilibre est fiction théorique, synonyme d'immobilisme mortifère, alors que la pente de la dette correspond à la dynamique du système de l'économie. Aussi, nous naviguons sur une mer de promesses, à commencer par celle qu'est la monnaie. La promesse étant une avance, toute politique économique consiste à ne pas sortir de la route pentue, figures imposées et délicates du slalom.
C'est d'ailleurs dans les temps prééconomiques du monde primitif que la dette a surgi, elle-même conséquence induite du don qui fait du récipiendaire un obligé, de sorte que ces sociétés des débuts de l'Histoire sont maillées et cimentées par d'innombrables réseaux réversibles de dettes entre chacun : la dette lie. Plus tard, en Occident, dans la foulée de la rupture fondatrice des XIe et XIIe siècles, crédits et prêts se multiplient avec le commerce émergeant, car il s'agit alors de s'émanciper de l'obligation de régler comptant l'achat, faute de ressources et de numéraires suffisants. Aussi, l'homme endetté devient dès cette époque la caractéristique de l'individu gagné à l'économie. Nous ne faisons aujourd'hui que de porter à son paroxysme cette réalité originelle [1].
La multiplication de la dette est donc un trait quasi permanent des sociétés ; au fil du temps, celles-ci passeront d'une dette symbolique réversible à une dette économique remboursable, glissant ainsi d'une marque indélébile à une trace annulable, déliant ainsi la société contemporaine d'obligations interindividuelles trop contraignantes.
La dette n'est donc guère dangereuse en elle-même, au contraire elle est structurante du social, à condition de rester annulable. C'est en ce sens que l'endettement est non seulement banal et répandu, mais nécessaire à bien des égards à notre société, contrainte d’inventer en permanence les pratiques qui soutiendront une consommation en nécessaire croissance. En revanche, en poursuivant cette logique, on déduit que si l'endettement est « fonctionnel », le surendettement fait problème. Autant l'acteur raisonnablement endetté est indispensable, autant le surendetté est une figure menaçante et subversive, symptôme trop visible de la démesure actuelle. Entre ces deux « conditions », la raisonnable et l'excessive, tiennent tous les enjeux contemporains : une affaire de seuil, qui ne relève d'aucune norme objective [2]. C'est pourquoi la dette privée micro et la dette publique macro sont logées à la même enseigne, foncièrement nécessaires à notre économie monétaire, devenant périlleuses dès que la ligne jaune est franchie.
Or, la théorie standard abhorre dettes et déficits, malgré leur impérieuse nécessité fonctionnelle liée au principe de l'avance qui définit et dynamise le capitalisme. Schizophrénie, duplicité ou simple méconnaissance ? Peu importe. Officiellement et discursivement, le dogme est celui de l'équilibre général, et la religion économique est rappelée aux États : on ne dépensera que ce que l'on engrange. Dans la réalité des pratiques gouvernementales qui se contentent intelligemment d'interpréter la doctrine, la question se transforme : à partir de quel déficit public dira-t-on que l'on est sorti de la « zone » d'équilibre, pour glisser vers celle des « défauts » ?
Toutefois, il ne faut pas occulter le côté fragile, pour ne pas dire illusoire, de ces nombreuses tentatives qui se contredisent mutuellement. La démarche économétrique et historique est de peu de secours pour produire une norme qui rendrait compte des différents défauts observés dans le temps. Il apparaît au contraire que la soutenabilité d'une dette souveraine (comme celle du privé) dépend clairement des circonstances spécifiques et environnementales du moment de l'observation. Pour des chiffres équivalents, elle est considérée parfois comme « normale », à d'autres moments comme alarmante.
Hormis des cas flagrants, comme celui de la Grèce aujourd'hui, nous sommes confrontés le plus souvent à des appréciations subjectives, émises en tenant compte du contexte, au sein duquel les politiques économiques proposées comme remède sont déterminantes. Bref, la notion de dette maximale pour caractériser ce que l'on dénomme le « risque-pays » varie suivant les circonstances, laissant libre cours aux évaluations produites par les uns et les autres. En particulier, le prétendu « effet domino », souvent invoqué par les agences de notations pour l'Europe du Sud est une pure élucubration spéculative [4], reposant sur le seul primat du mimétisme dans les processus de marché, ce qui est un argument faible pour rayer l'Italie et l'Espagne de la carte économique…
Même parmi les économistes américains, on trouve des auteurs qui s'insurgent contre la prétendue objectivité du risque-pays envisagée par Reinhart et Rogoff : « Quand le déficit est-il trop grand? Quand il dépasse 3%, ou 7%, ou 10%? Répétons-le, il n'existe pas de chiffre magique, et celui qui persiste en cette direction se tromperait simplement sur ce que sont l'économie monétaire et la macroéconomie [5] ». Ces auteurs rétablissent l'efficacité des politiques économiques stabilisatrices, rappelant que la seule limite objective existante pour rétablir les équilibres est celle de l'inflation.
Donc, si l'État ne fait jamais faillite, il peut cependant connaître des situations « d'incapacité de remboursement », voire de « cessations de paiements ». Dans ces cas, on utilisait jadis l'expression alarmiste de « banqueroute » ; dorénavant, on parle plutôt de « défauts », ce terme induisant l'hypothèse d'un constat conjoncturel, en correspondance avec l'approche contractuelle du problème qui prévaut dorénavant sous les auspices du FMI.
Les défauts matérialisent « officiellement » les « incapacités » de l'État et de son gouvernement à remplir ses obligations. Cela vaut pour faillite, mais sans en être une, et sans en avoir les conséquences. En général, tout cela conduit à la « restructuration » de la dette lors d'un compromis public négocié politiquement avec les créanciers, désormais souvent privés dans le contexte de notre économie où le marché est leader et… financier.
On peut signaler que l'utilisation actuelle du terme inapproprié de faillite de l'État, apparaît comme une conséquence indirecte de la généralisation de la notation par les agences ad hoc, en se rappelant que celles-ci ont toujours eu pour objectif de noter les « entreprises ». En un mot, l'extension discutable du périmètre de ces agences a contribué à celle de la catégorie juridique de faillite. La difficulté éventuelle de paiement, ou de financement, trahit de toute évidence des difficultés réelles et dommageables pour tout pays, mais il faut la distinguer clairement de l'insolvabilité qui figure la menace essentielle. L'insolvabilité d'un pays majeur est une vue de l'esprit [6] : nul pays ne peut faire faillite, surtout dans le contexte actuel du maillage mondial.
Pour ce qui concerne la dette souveraine, le premier aspect relève des comptes de la nation, du budget de l'État, le second de l'évaluation de la richesse nationale publique. C'est ici que surgit la spécificité absolue d'un État par rapport à une entreprise : on connaît le « capital » d'une firme, on sait mesurer ses actifs, évaluer sa valeur, alors que rien de tel est possible pour un État.
La richesse d'un pays est une opinion, elle n'est pas une donnée économique mesurée, car non mesurable. Tout le nœud de notre interrogation est là : que vaut la France, qu'on ne peut réduire à sa structure économique dont le PIB n'est qu'un indice bien imparfait ? Que valent la Tour Eiffel, le Château de Versailles ou le Pont du Gard ? Que valent les Alpes ou la Côte d'Azur ? Et notre système éducatif, notre climat tempéré, etc. ?
Comment questionner un pays sur le critère de ses dettes courantes, alors que l'on se sait incapable d'appréhender sa richesse et surtout sa puissance, ses potentialités ? L'impasse prévisible de la Commission Stiglitz a bien révélé le trou noir de l'évaluation du qualitatif et des immatériels : ces notions échappent à la mesure. C'est pourquoi les marchés scrutent l'externalité négative d'une dette ou d'un déficit, tous deux mesurés, sans jamais évoquer les actifs du pays, sans jamais mentionner ses externalités positives. Les agences font l'inverse de la démarche élémentaire de tout banquier : elles se refusent de rapporter le négatif des dettes au positif du « capital pays ».
Le AAA ne peut être la « note de la France », elle n'est aujourd'hui que l'appréciation par les marchés financiers de la politique économique d'un gouvernement de la France. Les agences notent la copie de l'étudiant et non l'étudiant dans sa globalité, dans sa trajectoire, dans son histoire, dans son contexte. Les agences sont des machines programmées à corriger des copies selon l'unique prisme de la théorie standard néolibérale, celui du sacro-saint équilibre et des grandeurs statufiées de la comptabilité nationale.
De sorte qu'un engrenage idéologique déplorable se confirme dans le monde économique : les écarts au modèle idéal de l'équilibre se multipliant, ils suscitent le constat largement partagé d'une incurie gouvernementale majoritaire, ledit constat débouchant alors sur un désenchantement démocratique. Les « politiques », éloignés du quotidien des gens, sont caricaturés tels des pantins (cupides) et inefficaces, incapables de résoudre les problèmes réels des individus et de la collectivité. Cette incapacité fait le lit de toutes les critiques dont se nourrissent avec profit tous les populismes, de droite ou de gauche, dans les pays les plus divers.
Le cours des choses n'est plus « sous contrôle » des politiques, les dettes s'accumulent, et la fin d'un certain âge d'or se profile, l'usage très abusif du terme de crise ne faisant qu'amplifier l'atmosphère anxiogène. L'Histoire s'écrit automatiquement et elle échappe aux volontés politiques, dévalorisant tout processus démocratique qui tourne à la farce convenue entre les privilégiés de ce système en débandade. C'est pourquoi le traitement de la dette souveraine par les agences entame gravement la crédibilité de la démocratie elle-même.
Depuis toujours, la dette structure la société, s'imposant comme motrice dans la société de l'économie. Jouer la dette, la pratiquer avec discernement, c'est tout simplement construire l'avenir. S'endetter, c'est croire en l'avenir. C’est croire au développement et à la métamorphose dans ce qui ne rapportera que plus tard, l'intelligence, et donc la coopération des cerveaux.
Se polariser aujourd’hui à l'extrême sur le problème de la dette, sur son impérative réduction, est une faute politique découlant d'un point de vue erroné. C’est induire une pause mondiale dans l’investissement le plus urgent qu’ait connu notre planète : celui qui bâtira la modernité cognitive et écologique. Car notre contemporain est celui d’une course contre la montre ou, dit autrement, d’une course entre un système « cognitif-propre-endetté » à créer, et un capitalisme archaïque pollueur et facticement équilibré, alors qu'il engendre la démesure. Pour y parvenir, la dette publique est stratégiquement déterminante, car c'est elle qui finance structures et long terme, directement peu rentables.
Pour gagner ce challenge, cessons de culpabiliser ceux qui dépensent et investissent, fussent-ils d'État. Cessons de stigmatiser ceux qui prêtent, fussent-ils banquiers. Ces creux et ces pleins dessinent la géographie contemporaine, à nous d'en faire des paysages et des chemins en accord avec une respiration plus humaine. Notre richesse la plus grande est celle du futur, elle n’est pas celle que nous aurions perdue, gaspillée ou détruite. C’est cette richesse à venir qui garantit nos dettes créatrices. L'actif de ce monde endetté est incommensurable, il rend risible l’effroi contemporain de nos dettes. Un monde sans dettes est un plat pays, loin de la vie.
Le contexte imposé d'un dogme trompeur
Le
ressaisissement espéré requiert non seulement une conscience européenne
solidaire, mais aussi une remise en cause de l'idéologie économique,
aujourd'hui soumise à la logique libérale anglo-saxonne qui conditionne
et guide les marchés et les agences de notation. Le constat est simple :
l'aréopage de ces deux entités parvient à imposer analyse et
gouvernance économiques au monde entier. Une idéologie règne,
totalitaire : « les marchés pensent que… », « les agences de notation
estiment que… », et leur sentence tombe, radicale. Tel pays est dégradé,
tel secteur condamné, telle banque soupçonnée… Le verdict s'impose à
tous, y compris et surtout aux États, aux banques centrales, au FMI.
L'aréopage s'exprime et règne, il ne s'agit pas d'un groupe d'intérêts,
c'est une « idéologie-qui-parle ».Wall Street et la City la traduisent et la nourrissent, les autres places financières entonnent la même mélodie. Le Financial Times, le Wall Street Journal, The Economist exposent son credo et ses analyses, entraînant l'univers médiatique à répéter le dogme. Tout ce monde oubliant aujourd'hui que cette idéologie a failli trépasser à la fin de 2008, sauvé par les banques centrales et les États qui ont dû voler au secours d'une finance mondiale ébranlée par Lehmann Brothers et gangrénée par les subprime toxiques qu'elle a créés et surtout diffusés.
Insensible à ces revers, le dogme prospère à nouveau, identique. Cette idéologie a pénétré profondément les centres d'analyses et de décisions, les gouvernements et leurs administrations. C'est pourquoi le président Obama a vu ses rêves s'écrouler face aux oppositions du monde financier et du Tea Party, pourquoi la Grande-Bretagne est revenue ouvertement à son credo libéral après l'intermède travailliste, et surtout pourquoi Angela Merkel s'est arrimée à l'orthodoxie monétaire et budgétaire propre à la tradition allemande, dont la rigidité avait déjà déclenché le retentissant krach d'octobre 1987. Cette orthodoxie libérale hégémonique continue de déployer une croyance indéfectible aux vertus de l'équilibre et à l'efficience des marchés. Pour l'aréopage des agences de notation, les acteurs économicopolitiques de la planète doivent se conformer ou, faute d'acquiescement, être punis. Cette rengaine, reprise aujourd'hui par tous, y compris par les gauches européennes acculées, est tragique, car elle méconnaît en profondeur l'économie. Et cette ignorance, dans les circonstances actuelles, touche au drame, dans la mesure où il faut recouvrer élan et confiance. Toute relance, vers l'offre ou/et la demande, appelle du crédit, du déficit, de la création monétaire. Sur un plan plus général, n'oublions jamais que le capitalisme est, par définition, une économie d'endettement. L'équilibre est fiction théorique, synonyme d'immobilisme mortifère, alors que la pente de la dette correspond à la dynamique du système de l'économie. Aussi, nous naviguons sur une mer de promesses, à commencer par celle qu'est la monnaie. La promesse étant une avance, toute politique économique consiste à ne pas sortir de la route pentue, figures imposées et délicates du slalom.
Au début était la dette…
Globalement incomprise, la dette est la catégorie économique la plus maltraitée. Parce qu'elle dit un « écart »,
un manquement au bouclage idéal que chérit la science économique, celui
de la symétrie égalitaire de l'offre et de la demande, de la vente et
de l'achat, des recettes et des dépenses. Cette économie d'Épinal est un
conte pour enfants : elle n'a jamais existé sur le terrain. L'économie
courante est tout sauf un plat pays bien lisse, elle n'est constituée
que des pleins de la richesse et des creux de la dette, agencement de
crédit et de débit, de prêt et de dû.C'est d'ailleurs dans les temps prééconomiques du monde primitif que la dette a surgi, elle-même conséquence induite du don qui fait du récipiendaire un obligé, de sorte que ces sociétés des débuts de l'Histoire sont maillées et cimentées par d'innombrables réseaux réversibles de dettes entre chacun : la dette lie. Plus tard, en Occident, dans la foulée de la rupture fondatrice des XIe et XIIe siècles, crédits et prêts se multiplient avec le commerce émergeant, car il s'agit alors de s'émanciper de l'obligation de régler comptant l'achat, faute de ressources et de numéraires suffisants. Aussi, l'homme endetté devient dès cette époque la caractéristique de l'individu gagné à l'économie. Nous ne faisons aujourd'hui que de porter à son paroxysme cette réalité originelle [1].
La multiplication de la dette est donc un trait quasi permanent des sociétés ; au fil du temps, celles-ci passeront d'une dette symbolique réversible à une dette économique remboursable, glissant ainsi d'une marque indélébile à une trace annulable, déliant ainsi la société contemporaine d'obligations interindividuelles trop contraignantes.
La dette n'est donc guère dangereuse en elle-même, au contraire elle est structurante du social, à condition de rester annulable. C'est en ce sens que l'endettement est non seulement banal et répandu, mais nécessaire à bien des égards à notre société, contrainte d’inventer en permanence les pratiques qui soutiendront une consommation en nécessaire croissance. En revanche, en poursuivant cette logique, on déduit que si l'endettement est « fonctionnel », le surendettement fait problème. Autant l'acteur raisonnablement endetté est indispensable, autant le surendetté est une figure menaçante et subversive, symptôme trop visible de la démesure actuelle. Entre ces deux « conditions », la raisonnable et l'excessive, tiennent tous les enjeux contemporains : une affaire de seuil, qui ne relève d'aucune norme objective [2]. C'est pourquoi la dette privée micro et la dette publique macro sont logées à la même enseigne, foncièrement nécessaires à notre économie monétaire, devenant périlleuses dès que la ligne jaune est franchie.
Or, la théorie standard abhorre dettes et déficits, malgré leur impérieuse nécessité fonctionnelle liée au principe de l'avance qui définit et dynamise le capitalisme. Schizophrénie, duplicité ou simple méconnaissance ? Peu importe. Officiellement et discursivement, le dogme est celui de l'équilibre général, et la religion économique est rappelée aux États : on ne dépensera que ce que l'on engrange. Dans la réalité des pratiques gouvernementales qui se contentent intelligemment d'interpréter la doctrine, la question se transforme : à partir de quel déficit public dira-t-on que l'on est sorti de la « zone » d'équilibre, pour glisser vers celle des « défauts » ?
Une ligne jaune subjective
Reprenons
l'interrogation : existe-t-il un seuil qui décréterait la faillite
théorique d'un État, en liaison avec les défauts qui le menacent ? Seuil
de même nature que celui qui indiquerait une situation pathologique de
surendettement privé… Aujourd'hui, études et modèles se multiplient pour
fixer plus scientifiquement le péril des dettes souveraines. Il en
ressort une sorte de norme qui stipulerait que dès lors qu'une dette
publique dépasse 80-90 % du PIB, la charge de cette dette pèse gravement
sur la croissance d'un pays [3].Toutefois, il ne faut pas occulter le côté fragile, pour ne pas dire illusoire, de ces nombreuses tentatives qui se contredisent mutuellement. La démarche économétrique et historique est de peu de secours pour produire une norme qui rendrait compte des différents défauts observés dans le temps. Il apparaît au contraire que la soutenabilité d'une dette souveraine (comme celle du privé) dépend clairement des circonstances spécifiques et environnementales du moment de l'observation. Pour des chiffres équivalents, elle est considérée parfois comme « normale », à d'autres moments comme alarmante.
Hormis des cas flagrants, comme celui de la Grèce aujourd'hui, nous sommes confrontés le plus souvent à des appréciations subjectives, émises en tenant compte du contexte, au sein duquel les politiques économiques proposées comme remède sont déterminantes. Bref, la notion de dette maximale pour caractériser ce que l'on dénomme le « risque-pays » varie suivant les circonstances, laissant libre cours aux évaluations produites par les uns et les autres. En particulier, le prétendu « effet domino », souvent invoqué par les agences de notations pour l'Europe du Sud est une pure élucubration spéculative [4], reposant sur le seul primat du mimétisme dans les processus de marché, ce qui est un argument faible pour rayer l'Italie et l'Espagne de la carte économique…
Même parmi les économistes américains, on trouve des auteurs qui s'insurgent contre la prétendue objectivité du risque-pays envisagée par Reinhart et Rogoff : « Quand le déficit est-il trop grand? Quand il dépasse 3%, ou 7%, ou 10%? Répétons-le, il n'existe pas de chiffre magique, et celui qui persiste en cette direction se tromperait simplement sur ce que sont l'économie monétaire et la macroéconomie [5] ». Ces auteurs rétablissent l'efficacité des politiques économiques stabilisatrices, rappelant que la seule limite objective existante pour rétablir les équilibres est celle de l'inflation.
Pas de faillite, mais des défauts
Précisons
un point qui relève à la fois de la sémantique et de la théorie : un
État peut-il faire faillite ? La réponse est catégorique : non ! Le
terme-concept de faillite ne vaut que pour les entreprises, cette
situation pouvant conduire à la liquidation et la disparition de
l'entité devenue non-viable économiquement. Les individus privés,
victimes de surendettement, peuvent être déclarés « défaillants », mais
non « en faillite », de nombreux pays offrant désormais des mesures de
protection qui relativisent l'issue du constat.Donc, si l'État ne fait jamais faillite, il peut cependant connaître des situations « d'incapacité de remboursement », voire de « cessations de paiements ». Dans ces cas, on utilisait jadis l'expression alarmiste de « banqueroute » ; dorénavant, on parle plutôt de « défauts », ce terme induisant l'hypothèse d'un constat conjoncturel, en correspondance avec l'approche contractuelle du problème qui prévaut dorénavant sous les auspices du FMI.
Les défauts matérialisent « officiellement » les « incapacités » de l'État et de son gouvernement à remplir ses obligations. Cela vaut pour faillite, mais sans en être une, et sans en avoir les conséquences. En général, tout cela conduit à la « restructuration » de la dette lors d'un compromis public négocié politiquement avec les créanciers, désormais souvent privés dans le contexte de notre économie où le marché est leader et… financier.
On peut signaler que l'utilisation actuelle du terme inapproprié de faillite de l'État, apparaît comme une conséquence indirecte de la généralisation de la notation par les agences ad hoc, en se rappelant que celles-ci ont toujours eu pour objectif de noter les « entreprises ». En un mot, l'extension discutable du périmètre de ces agences a contribué à celle de la catégorie juridique de faillite. La difficulté éventuelle de paiement, ou de financement, trahit de toute évidence des difficultés réelles et dommageables pour tout pays, mais il faut la distinguer clairement de l'insolvabilité qui figure la menace essentielle. L'insolvabilité d'un pays majeur est une vue de l'esprit [6] : nul pays ne peut faire faillite, surtout dans le contexte actuel du maillage mondial.
Solvabilité et actifs des États
L'évidence
médiaticopolitique d'une ligne jaune, aussi évasive soit-elle, nous
renvoie finalement à une seule question centrale, celle de la
solvabilité. En effet, la véritable et seule interrogation sérieuse est
celle-là : sommes-nous solvables ? Et cette solvabilité se décompose
entre disponibilités et garanties, entre liquidités mobilisables et
actifs collatéraux.Pour ce qui concerne la dette souveraine, le premier aspect relève des comptes de la nation, du budget de l'État, le second de l'évaluation de la richesse nationale publique. C'est ici que surgit la spécificité absolue d'un État par rapport à une entreprise : on connaît le « capital » d'une firme, on sait mesurer ses actifs, évaluer sa valeur, alors que rien de tel est possible pour un État.
La richesse d'un pays est une opinion, elle n'est pas une donnée économique mesurée, car non mesurable. Tout le nœud de notre interrogation est là : que vaut la France, qu'on ne peut réduire à sa structure économique dont le PIB n'est qu'un indice bien imparfait ? Que valent la Tour Eiffel, le Château de Versailles ou le Pont du Gard ? Que valent les Alpes ou la Côte d'Azur ? Et notre système éducatif, notre climat tempéré, etc. ?
Comment questionner un pays sur le critère de ses dettes courantes, alors que l'on se sait incapable d'appréhender sa richesse et surtout sa puissance, ses potentialités ? L'impasse prévisible de la Commission Stiglitz a bien révélé le trou noir de l'évaluation du qualitatif et des immatériels : ces notions échappent à la mesure. C'est pourquoi les marchés scrutent l'externalité négative d'une dette ou d'un déficit, tous deux mesurés, sans jamais évoquer les actifs du pays, sans jamais mentionner ses externalités positives. Les agences font l'inverse de la démarche élémentaire de tout banquier : elles se refusent de rapporter le négatif des dettes au positif du « capital pays ».
Le AAA ne peut être la « note de la France », elle n'est aujourd'hui que l'appréciation par les marchés financiers de la politique économique d'un gouvernement de la France. Les agences notent la copie de l'étudiant et non l'étudiant dans sa globalité, dans sa trajectoire, dans son histoire, dans son contexte. Les agences sont des machines programmées à corriger des copies selon l'unique prisme de la théorie standard néolibérale, celui du sacro-saint équilibre et des grandeurs statufiées de la comptabilité nationale.
La dimension anxiogène de la dette souveraine
L'existence
d'un « problème de la dette » se présente comme un mode de
justification idéal pour entériner le triomphe d'une conception
restrictive et orthodoxe (libérale) de l'action publique. « Regardez ces incapables, ils ne savent que creuser le trou de la dette!
» La relative impuissance actuelle des Etats à régler le déséquilibre
coupable de la dette publique renforce la conviction populiste en une
politique économique minimaliste, les critiques ayant beau jeu de
souligner que toute orientation politique s'éloignant de cette
orthodoxie serait épinglée par les agences de notation.De sorte qu'un engrenage idéologique déplorable se confirme dans le monde économique : les écarts au modèle idéal de l'équilibre se multipliant, ils suscitent le constat largement partagé d'une incurie gouvernementale majoritaire, ledit constat débouchant alors sur un désenchantement démocratique. Les « politiques », éloignés du quotidien des gens, sont caricaturés tels des pantins (cupides) et inefficaces, incapables de résoudre les problèmes réels des individus et de la collectivité. Cette incapacité fait le lit de toutes les critiques dont se nourrissent avec profit tous les populismes, de droite ou de gauche, dans les pays les plus divers.
Le cours des choses n'est plus « sous contrôle » des politiques, les dettes s'accumulent, et la fin d'un certain âge d'or se profile, l'usage très abusif du terme de crise ne faisant qu'amplifier l'atmosphère anxiogène. L'Histoire s'écrit automatiquement et elle échappe aux volontés politiques, dévalorisant tout processus démocratique qui tourne à la farce convenue entre les privilégiés de ce système en débandade. C'est pourquoi le traitement de la dette souveraine par les agences entame gravement la crédibilité de la démocratie elle-même.
Rétablir une vue saine de la dette
Nous
sommes bien loin de toute faillite collective. Cessons cette
culpabilisation générationnelle qui plombe la maturité et désespère la
jeunesse : nous sommes globalement solvables, plus riches que ne le
disent les chiffres courants, qui ne traduisent que ce qui est mesuré et
mesurable.Depuis toujours, la dette structure la société, s'imposant comme motrice dans la société de l'économie. Jouer la dette, la pratiquer avec discernement, c'est tout simplement construire l'avenir. S'endetter, c'est croire en l'avenir. C’est croire au développement et à la métamorphose dans ce qui ne rapportera que plus tard, l'intelligence, et donc la coopération des cerveaux.
Se polariser aujourd’hui à l'extrême sur le problème de la dette, sur son impérative réduction, est une faute politique découlant d'un point de vue erroné. C’est induire une pause mondiale dans l’investissement le plus urgent qu’ait connu notre planète : celui qui bâtira la modernité cognitive et écologique. Car notre contemporain est celui d’une course contre la montre ou, dit autrement, d’une course entre un système « cognitif-propre-endetté » à créer, et un capitalisme archaïque pollueur et facticement équilibré, alors qu'il engendre la démesure. Pour y parvenir, la dette publique est stratégiquement déterminante, car c'est elle qui finance structures et long terme, directement peu rentables.
Pour gagner ce challenge, cessons de culpabiliser ceux qui dépensent et investissent, fussent-ils d'État. Cessons de stigmatiser ceux qui prêtent, fussent-ils banquiers. Ces creux et ces pleins dessinent la géographie contemporaine, à nous d'en faire des paysages et des chemins en accord avec une respiration plus humaine. Notre richesse la plus grande est celle du futur, elle n’est pas celle que nous aurions perdue, gaspillée ou détruite. C’est cette richesse à venir qui garantit nos dettes créatrices. L'actif de ce monde endetté est incommensurable, il rend risible l’effroi contemporain de nos dettes. Un monde sans dettes est un plat pays, loin de la vie.
[1] Maurizio Lazzarato, « La Fabrique de l'homme endetté », Ed Amsterdam, 2011.
[2] La
situation de surendettement n'est qualifiable que lorsque l'on sait que
le remboursement ne pourra se faire, la dette devenant insolvable selon
les voies régulières. Or il est clair que ce diagnostic est chaque fois
singulier, en rapport avec un cas chaque fois spécifique.
[3] Sur
ce thème, on pourra se rapporter aux différentes publications de Carmen
M. Reinhart et Kenneth S. Rogoff, dont un livre à succès, « This time
is different : Eight Centuries of Financial Folly », Princeton
University Press, 2011. Mettant en avant un important effort historique
et statistique, ces auteurs révèlent un modèle cyclique de crise
financière, dette privée/dette bancaire/dette publique, au travers des
200 dernières années. Deux « working papers » reprennent ces éléments :
http://www.voxeu.org/index.php?q=node/1067 ; Carmen M. Reinhart et
Kenneth S. Rogoff, « From Financial Crash to Debt Crisis », American
Economic Review, American Economic Association, vol. 101(5), 2011, pp.
1676-1706.
[4] L'engrenage
d'une contamination progressive, de type domino, ne résiste à aucune
analyse sérieuse. En quoi la « résistance » italienne « protègerait » la
France ? En quoi un défaut espagnol transformerait le diagnostic
français ? Tout cela fonctionne comme un jeu de massacre forain où
l'abattage des premières cibles, plus accessibles, questionnerait les
pays « leaders », alors fragilisés.
[5] L.
Randall Wray et Yeva Nersiyan, « Does Excessive Sovereign Debt Really
Hurt Growth? », Working Paper n° 603, Levy Economics Institute of Bard
College, 2010. Dans cet article, les auteurs avouent une dette à l'égard
d'Abba Lerner et de son concept de « finance fonctionnelle ». Ils font
resurgir la figure très Mittel Europa de cet économiste iconoclaste,
contemporain de Keynes, qui enseigna à LSE, puis dans diverses
universités américaines. On le qualifie aux États-Unis de « Milton
Friedman de gauche ».
[6] Qu'il
nous soit permis de rappeler les derniers chiffres concernant les
États-Unis. L'État fédéral américain a accusé un déficit budgétaire
record pour un mois de mars, à 171,2 milliards de dollars. La Maison
Blanche prévoit sur l'ensemble de l'année 2012 un déficit à 1 330
milliards de dollars, soit 8,5 % du PIB. Qui s'en inquiète réellement,
alors que ce déficit, quasi traditionnel, est très supérieur aux 5,2 %
français qui effraient tant les marchés ? Deux poids, deux mesures ? Ou
plus simplement un « autre raisonnement », plus fondé, pour les
États-Unis, qui tient compte de données qualitatives et politiques et
des actifs immatériels…
Claude Revel
Claude Revel est française, ancienne élève de l’École
nationale d’Administration (1980), diplômée de l’Institut d’Études
Politiques de Paris et de Droit des affaires (Paris II), titulaire d’une
première année de licence de russe (Université de Nice). Elle possède
une double expérience publique et privée marquée par l’international.
Haut fonctionnaire française de 1980 à 1988 (ministères de l’Équipement, du Commerce extérieur et des Affaires étrangères), elle est un pionnier de l'Intelligence économique en France, en créant fin 1988 l’OBSIC (Observatoire du marché International de la Construction), organisme mutualisé de veille stratégique internationale pour les majors français de la construction. A partir de 1996, elle est parallèlement Directeur général du SEFI (Syndicat des Entrepreneurs Français Internationaux), puis de 2000 à 2003, de la CICA (Confederation of International Contractors’ Associations), organisation mondiale de la construction, présidée par un Conseil de chefs d’entreprises des cinq continents. Dans ces fonctions, elle mène des relations de travail suivies avec les « parties prenantes » de la mondialisation, organisations européennes et multilatérales, entreprises internationales, associations professionnelles, think tanks, ONG et syndicats internationaux.
Depuis 2004, elle se partageait entre trois activités :
- conseil en relations internationales (analyses internationales complexes, anticipation et influence, advocacy, responsabilité sociale et relations avec les parties prenantes) via son cabinet IrisAction créé fin 2003;
- enseignement dans divers établissements, devenant fin 2008 professeure affiliée au CERAM (devenu par fusion SKEMA Business School) puis en 2011 responsable du Centre Global Intelligence & Influence de cette école;
- écriture et conférences.
Le 7 juin 2012, Claude Revel devenait administratrice indépendante de CLASQUIN, une entreprise de logistique internationale cotée sur Alternext.
Son dernier livre "La France : un pays sous influences?" (Vuibert) date de juin 2012. Elle collabore à des ouvrages collectifs, comme avec le cercle Turgot dans Grandeur et misère de la finance moderne sous la direction de Jean-Louis Chambon et Jean-Jacques Pluchart en janvier 2013 (Eyrolles) ou avec l'Institut Choiseul dans Les diplomates d'entreprise en 2012. Elle a participé en 2010 à l’ouvrage collectif La Chinamérique – Un couple contre-nature ? (Eyrolles). Son avant-dernier essai "Nous et le reste du monde – Les vrais atouts de la France dans la mondialisation" (éditions Saint-Simon, octobre 2007) a obtenu une mention d’honneur du Prix Turgot 2008 d’économie. En 2006 elle a publié "La gouvernance mondiale a commencé, acteurs, enjeux, influences" (Ellipses) et en 2005, comme co-auteur avec Eric Denécé, "L’autre guerre des Etats-Unis" (Robert Laffont). Elle a participé à de nombreux ouvrages collectifs, dont "Quand PDG et ONG osent" (2004, Eyrolles).
Claude Revel est membre de divers cercles et instituts dédiés aux relations internationales et a été nommée et renouvelée depuis 1996 Conseillère du Commerce extérieur de la France (CCE). Elle a siégé de 2001 à 2003 au Haut Conseil pour la Coopération Internationale auprès du Premier ministre français.
Claude Revel est Chevalier dans l’Ordre national du Mérite (1999) et Chevalier de la Légion d’Honneur (2004).
Haut fonctionnaire française de 1980 à 1988 (ministères de l’Équipement, du Commerce extérieur et des Affaires étrangères), elle est un pionnier de l'Intelligence économique en France, en créant fin 1988 l’OBSIC (Observatoire du marché International de la Construction), organisme mutualisé de veille stratégique internationale pour les majors français de la construction. A partir de 1996, elle est parallèlement Directeur général du SEFI (Syndicat des Entrepreneurs Français Internationaux), puis de 2000 à 2003, de la CICA (Confederation of International Contractors’ Associations), organisation mondiale de la construction, présidée par un Conseil de chefs d’entreprises des cinq continents. Dans ces fonctions, elle mène des relations de travail suivies avec les « parties prenantes » de la mondialisation, organisations européennes et multilatérales, entreprises internationales, associations professionnelles, think tanks, ONG et syndicats internationaux.
Depuis 2004, elle se partageait entre trois activités :
- conseil en relations internationales (analyses internationales complexes, anticipation et influence, advocacy, responsabilité sociale et relations avec les parties prenantes) via son cabinet IrisAction créé fin 2003;
- enseignement dans divers établissements, devenant fin 2008 professeure affiliée au CERAM (devenu par fusion SKEMA Business School) puis en 2011 responsable du Centre Global Intelligence & Influence de cette école;
- écriture et conférences.
Le 7 juin 2012, Claude Revel devenait administratrice indépendante de CLASQUIN, une entreprise de logistique internationale cotée sur Alternext.
Son dernier livre "La France : un pays sous influences?" (Vuibert) date de juin 2012. Elle collabore à des ouvrages collectifs, comme avec le cercle Turgot dans Grandeur et misère de la finance moderne sous la direction de Jean-Louis Chambon et Jean-Jacques Pluchart en janvier 2013 (Eyrolles) ou avec l'Institut Choiseul dans Les diplomates d'entreprise en 2012. Elle a participé en 2010 à l’ouvrage collectif La Chinamérique – Un couple contre-nature ? (Eyrolles). Son avant-dernier essai "Nous et le reste du monde – Les vrais atouts de la France dans la mondialisation" (éditions Saint-Simon, octobre 2007) a obtenu une mention d’honneur du Prix Turgot 2008 d’économie. En 2006 elle a publié "La gouvernance mondiale a commencé, acteurs, enjeux, influences" (Ellipses) et en 2005, comme co-auteur avec Eric Denécé, "L’autre guerre des Etats-Unis" (Robert Laffont). Elle a participé à de nombreux ouvrages collectifs, dont "Quand PDG et ONG osent" (2004, Eyrolles).
Claude Revel est membre de divers cercles et instituts dédiés aux relations internationales et a été nommée et renouvelée depuis 1996 Conseillère du Commerce extérieur de la France (CCE). Elle a siégé de 2001 à 2003 au Haut Conseil pour la Coopération Internationale auprès du Premier ministre français.
Claude Revel est Chevalier dans l’Ordre national du Mérite (1999) et Chevalier de la Légion d’Honneur (2004).
Nommée déléguée interministérielle à l’intelligence économique par le Conseil des ministres du 29 mai 2013, Claude Revel a mis fin à ses précédentes fonctions professionnelles et à son mandat d'administrateur.
Franc succès de la Conférence " La France est-elle sous influences ? "
e : 3/06/12 10h35
Mercredi 30 mai soir se tenait à Sciences po Paris la conférence "La France est-elle sous influences?" organisée en partenariat entre la Conférence Olivaint, prestigieuse association d'étudiants dont Sciences po est le berceau, SKEMA Business School (Centre Global Intelligence & Influence, GIISK) et les éditions Vuibert, à l'occasion de la sortie du livre de Claude Revel "La France: un pays sous influences?". VOIR PLUS DE PHOTOS SUR LE BLOG DE CLAUDE REVEL et PAGE FACEBOOK du LIVRE DE CLAUDE REVEL. |
Le Directeur du campus Paris de Sciences po, David Colon, exprima dans son mot de bienvenue son vif intérêt pour ce sujet de l'influence, qui est un des rouages-clés de la mondialisation que nous vivons.
L'objectif de cette conférence était de sensibiliser à la réflexion nécessaire sur ce thème encore peu exploré en tant que tel : dans quelle mesure les influences internationales contribuent-elles à la formation des décisions et des opinions, et cela particulièrement en France et en UE ?
Objectif réussi, si l’on en juge par la nombreuse assistance de professionnels et d’étudiants qui remplissait presque complètement le grand Amphi Chapsal et par les très nombreuses questions qui furent posées aux intervenants, qui avaient auparavant réussi à donner un éclairage rapide et percutant sur quelques aspects de la question : Eric Delbecque, Directeur de la sécurité économique à l’INHESJ, partenaire de SKEMA, sur le traitement du sujet par l’État, Alice Guilhon, Directrice générale de SKEMA, sur les enjeux en matière éducative au plan mondial, Jérôme Brunel, membre du Comité exécutif du Crédit agricole, sur les influences de et sur la finance, Jean-Marie Cambacérès, ancien député et président de France-Asie, sur les influences en politique et la vision chinoise, et enfin Claude Revel, directrice du GIISK, qui s’efforça de montrer la permanence des mécanismes et l’intérêt de savoir déceler les valeurs économiques et politiques transportées par toute influence.
Rappelons que l’influence est un aspect de l’intelligence économique, laquelle ne se comprend que dans une optique internationale. Du reste, l’animation était assurée par un (presque) diplômé SKEMA en intelligence économique, Jérôme Fabiano, membre du Bureau de la Conférence Olivaint et par une autre étudiante Olivaint, Bobelle Kashio-Lukanga. Olivier Pommeret, professeur dans le MS IEMC, était aux manettes de la photo et de la vidéo.
Pour le GIISK, cet évènement était le socle de lancement d’une dynamique, qui devrait permettre d’aborder par la suite des aspects plus pointus du sujet. Sachant que l’influence ne peut se jouer utilement qu’en alliance, le GIISK pourrait devenir ce qu’on appelle aujourd'hui un «Do tank» (qui est un think tank appliqué) et conduire des réflexions opérationnelles avec des entreprises et des pouvoirs publics, et pourquoi pas, avec des partenaires étrangers. Des comptes rendus, d'autres photos et un podcast seront bientôt mis à disposition sur le site.
VOIR PLUS DE PHOTOS SUR LE BLOG DE CLAUDE REVEL
L'objectif de cette conférence était de sensibiliser à la réflexion nécessaire sur ce thème encore peu exploré en tant que tel : dans quelle mesure les influences internationales contribuent-elles à la formation des décisions et des opinions, et cela particulièrement en France et en UE ?
Objectif réussi, si l’on en juge par la nombreuse assistance de professionnels et d’étudiants qui remplissait presque complètement le grand Amphi Chapsal et par les très nombreuses questions qui furent posées aux intervenants, qui avaient auparavant réussi à donner un éclairage rapide et percutant sur quelques aspects de la question : Eric Delbecque, Directeur de la sécurité économique à l’INHESJ, partenaire de SKEMA, sur le traitement du sujet par l’État, Alice Guilhon, Directrice générale de SKEMA, sur les enjeux en matière éducative au plan mondial, Jérôme Brunel, membre du Comité exécutif du Crédit agricole, sur les influences de et sur la finance, Jean-Marie Cambacérès, ancien député et président de France-Asie, sur les influences en politique et la vision chinoise, et enfin Claude Revel, directrice du GIISK, qui s’efforça de montrer la permanence des mécanismes et l’intérêt de savoir déceler les valeurs économiques et politiques transportées par toute influence.
Rappelons que l’influence est un aspect de l’intelligence économique, laquelle ne se comprend que dans une optique internationale. Du reste, l’animation était assurée par un (presque) diplômé SKEMA en intelligence économique, Jérôme Fabiano, membre du Bureau de la Conférence Olivaint et par une autre étudiante Olivaint, Bobelle Kashio-Lukanga. Olivier Pommeret, professeur dans le MS IEMC, était aux manettes de la photo et de la vidéo.
Pour le GIISK, cet évènement était le socle de lancement d’une dynamique, qui devrait permettre d’aborder par la suite des aspects plus pointus du sujet. Sachant que l’influence ne peut se jouer utilement qu’en alliance, le GIISK pourrait devenir ce qu’on appelle aujourd'hui un «Do tank» (qui est un think tank appliqué) et conduire des réflexions opérationnelles avec des entreprises et des pouvoirs publics, et pourquoi pas, avec des partenaires étrangers. Des comptes rendus, d'autres photos et un podcast seront bientôt mis à disposition sur le site.
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A l’ENA, François Hollande avait déjà des idées de changement
Les anciens camarades de promotion de François Hollande à l'ENA se souviennent de celui qui avait déjà une volonté de changement.
François-Xavier Ménage
| Francis Simoes
| Timothée Le Blanc
| Sébastien Savoye
Le 07/05/2012 à 10:06
Mis à jour le 07/05/2012 à 11:38
Le 07/05/2012 à 10:06
Mis à jour le 07/05/2012 à 11:38
Dans la promo Voltaire, aux côtés de François Hollande, les têtes
d’affiche se bousculaient : Ségolène Royal, Dominique de Villepin,
Renaud Donnedieu de Vabres ou encore Michel Sapin. François Hollande,
lui, jouait déjà la carte de la fronde et créait un groupe pour réformer
l’école.
Ses anciens camarades de classe se souviennent d’un homme secret et qui portait déjà l’idée du changement. Jean Luc Silicani, président de l’autorité de régulation des télécoms se souvient: "on voyait bien qu’il était un de ceux qui réussirait dans la politique ".
Claude Revel, Essayiste affirme toutefois : "il n’ a jamais dit qu’il serait un jour président de la République ". Quant à Frédérique Bredin, ancienne ministre, elle raconte : "son idée fixe était de rénover la politique et de faire de la politique autrement ".
A peine sorti de l’ENA, Hollande se bat pour un siège à l’assemblée, 1981, il perd face à un certain Jacques Chirac. 30 ans plus tard, c’est désormais son siège qu’il va occuper à l’Elysée.
Ses anciens camarades de classe se souviennent d’un homme secret et qui portait déjà l’idée du changement. Jean Luc Silicani, président de l’autorité de régulation des télécoms se souvient: "on voyait bien qu’il était un de ceux qui réussirait dans la politique ".
Claude Revel, Essayiste affirme toutefois : "il n’ a jamais dit qu’il serait un jour président de la République ". Quant à Frédérique Bredin, ancienne ministre, elle raconte : "son idée fixe était de rénover la politique et de faire de la politique autrement ".
A peine sorti de l’ENA, Hollande se bat pour un siège à l’assemblée, 1981, il perd face à un certain Jacques Chirac. 30 ans plus tard, c’est désormais son siège qu’il va occuper à l’Elysée.
La France un pays sous influences ?
"La France : un pays sous influences ?"
Editions Vuibert (Essais) - 5 juin 2012
Par Claude Revel
Normes mondiales de la bonne université, du bon pays où investir, États sous contrôle d’agences de notation privées, rôle de Facebook et Twitter dans les révolutions arabes, succès mondial du développement durable… Ces quelques exemples parmi d’autres, illustrent les jeux de ce pouvoir invisible qu’est l’influence. Les technologies de l’information facilitent désormais la manipulation individuelle ou collective. L’’influence a déjà complètement redistribué les cartes de la puissance depuis une trentaine d’années. Certains États, certaines entreprises ont anticipé voire formaté ce nouvel environnement. D’autres non.
Soft power, advocacy, lobbying, think tank, storytelling… Pour exercer l’influence, point n’est besoin d’aller chercher des manœuvres occultes, illégales et dissimulées, les moyens sont nombreux, et la gouvernance qui s’est mise en place au niveau mondial facilite et légitime un nombre incroyablement élevé d’influences de toutes sortes, qui agissent directement sur nos règles de vie et la formation de nos opinions.
Cet ouvrage à la rigueur implacable met au jour, décrit et analyse toutes les influences qui nous façonnent. Au-delà, il plaide pour la recherche d’un monde à la pensée non standardisée et donne des pistes et des instruments pour réagir.
"L’influence est une relation consciente ou inconsciente qui permet de faire agir ou penser autrui selon ce que veut l’émetteur de l’influence. Il est d’usage d’ajouter : "sans exercice de la force ni paiement"."
Global standards of good Universities, best countries for investors, praise and critics of biofuels, countries under control of private rating agencies, the role of Facebook and Twitter in the Arab revolutions, worldwide success of the sustainable development concept, etc.: these are just a few examples in which games of influence are illustrated. This new invisible power has already completely reshuffled the cards between global players for about thirty years. Some States, firms and NGOs’ were able to seize this opportunity, some other were not. What about France?
Soft power, advocacy, lobbying, think tank, storytelling, public and business diplomacy are legal tools. Therefore there is no need to go and look for secret maneuvers to exercise influence. A worldwide global governance was already born. It is based on influence mechanisms, which contribute to establishing rules and to form our opinions.
Based on steel logic, this book decodes and analyses all the influences that are shaping and managing our brains. Beyond that, it advocates for non-standardized ways of thinking and proposes tools to react against one track thinking.
Claude Revel, est la grande spécialiste de l’intelligence économique et stratégique internationales en France. Ancienne élève de l’ENA, elle a été haut fonctionnaire de 1980 à 1988 puis est entrée dans le secteur privé en créant l’une des premières cellules françaises d’intelligence économique pour des entreprises. Elle se partage aujourd’hui entre son cabinet de conseil international, IrisAction, la direction d’enseignements et travaux consacrés à l’influence à SKEMA Business School et des publications et conférences. Son avant-dernier essai "Nous et le reste du monde – Les vrais atouts de la France dans la mondialisation" (éditions Saint-Simon, octobre 2007) a obtenu une mention d’honneur du Prix Turgot 2008 d’économie.
Claude Revel, a former student of the ENA (Ecole Nationale d’Administration, “promotion Voltaire”) is one of the main French experts in influence. A professor at SKEMA business school, an advisor of international firms, she is the author of numerous essays.
"L'intelligence économique est efficace et responsable"
Il faut arrêter d'utiliser le terme "intelligence économique" pour qualifier des dérapages et des manœuvres "tordues" de quelques entreprises et consultants. Evidemment, pour ceux qui y recourent, ce terme passe mieux que de parler d'intrusion, vol d'informations ou trafic d'influence.
Il est dans leur esprit plus facile d'obtenir des informations ou des faveurs de cette manière qu'en travaillant dur pour traiter professionnellement l'information. Avant même la malhonnêteté, c'est la paresse et l'incompétence qui poussent à ces dérives. Mais c'est un faux sens du terme, dur à admettre pour les vrais praticiens, qui doivent le combattre sans répit.L'intelligence économique est une démarche managériale, un mode de gouvernance de l'organisation, consistant à connaître, comprendre et anticiper professionnellement son environnement, pour éclairer les décisions, prévenir les risques notamment immatériels (sur l'image, le savoir-faire, les nouvelles normes, le capital...) et l'influencer au lieu le subir, par le lobbying ou bien mieux, par une diplomatie d'entreprise au long cours.
On aurait pu lui choisir un autre nom mais la question n'est plus là. C'est une démarche qui participe à la création de valeur de l'entreprise, alors que des pratiques non éthiques lui font courir un risque de destruction. Les entreprises importantes comme Renault ou EDF ne risquent "que" la perte d'image, qui cependant peut avoir des conséquences importantes en termes de notations et de marchés futurs, mais de plus petites risquent, outre "la tête" immédiate de leur président, un tarissement de financements et la mise sur black list de la part de clients et prescripteurs.
L'intelligence économique (IE) cherche d'abord à fournir de la connaissance utile pour l'organisation, à partir de la profusion d'informations générée entre autres par les nouvelles technologies. C'est une culture internationale assortie de méthodes et d'outils, que pratiquent désormais tous les agents économiques – y compris beaucoup d'Etats... qui veulent rester compétitifs dans la mondialisation. L'IE a une relation forte avec le management des connaissances, qui a pour but de valoriser tout le potentiel de connaissance existant dans l'organisation mais souvent implicite et non exploité. Elle a aussi un lien évident avec les ressources humaines, tant il est vrai que des personnels non motivés ou simplement non formés n'auront pas le réflexe de partager l'information.
L'IE partage beaucoup de caractéristiques avec le développement durable (DD) : d'abord elle doit être durable précisément, donc responsable, car la technique du "coup" peut fonctionner une fois ou deux, mais sans suivi et sans éthique, la perte de crédibilité est vite là. Nos stratégies sont aujourd'hui observées par de nombreux acteurs : organisations internationales, ONG, syndicats internationaux, think tanks, etc. L'IE reposant aussi sur la gestion des réseaux, il est clair que leur maîtrise inattaquable sera essentielle. Pour être proactif et influencer professionnellement son environnement, par exemple pour participer à l'élaboration des règles, normes, standards...qui nous régissent, il faut être crédible. Egalement, les deux démarches d'IE et de DD sont transversales En interne, elles demandent pour réussir une forte volonté "du chef" en même temps qu'un travail en réseau qui parfois gêne les hiérarchies en place. A l'extérieur, la recherche d'un monde durable implique de fonctionner sur un mélange de coopération et de compétition, le seul prisme de l'affrontement étant inopérant en situation d'interdépendance.
Un terme définit bien cette attitude-clé de toute stratégie gagnante à l'international aujourd'hui : la "coopétition". Déjà pratiquée par les entreprises rompues aux marchés complexes, elle exige un travail professionnel d'analyse et d'anticipation préalables pour choisir et gérer ses partenaires sans naïveté. Elle demande aussi une cohérence entre le message porté à l'extérieur et la réalité de l'entreprise, pour rassurer les partenaires potentiels. C'est ainsi qu'in fine la forme même de la coopétition participe activement à des relations économiques plus éthiques.
Claude Revel, directrice du centre Global Intelligence and Influence de Skema Business School
Colloque « Intelligence collective, condition de l’intelligence stratégique? » organisé par l’association
Le
colloque « Intelligence collective, condition de l’intelligence
stratégique? » vient de se tenir le 7 février dernier dans le lieu
prestigieux de l’OCDE devant un très nombreux auditoire.
Introduit conjointement par le Général Jean-Marc DUQUESNE, nouveau Directeur de l’IHEDN, et
Richard A. BOUCHER, Secrétaire général adjoint de l’OCDE, il a donné lieu à 4 tables rondes très riches, sur les thèmes suivants: nécessité d’une intelligence collective / pragmatisme : des exemples de bonnes pratiques / mobilisation des parties prenantes / synergies.
Il donnera lieu à un compte-rendu qui sera publié dès que possible sur ce site.
(MàJ) La revue « veille magazine » a publié dans son numéro de nov-déc 2012 un petit résumé du colloque. Vous pouvez le télécharger ici: Intelligence Collective – AAIE IHEDN
Introduit conjointement par le Général Jean-Marc DUQUESNE, nouveau Directeur de l’IHEDN, et
Richard A. BOUCHER, Secrétaire général adjoint de l’OCDE, il a donné lieu à 4 tables rondes très riches, sur les thèmes suivants: nécessité d’une intelligence collective / pragmatisme : des exemples de bonnes pratiques / mobilisation des parties prenantes / synergies.
Il donnera lieu à un compte-rendu qui sera publié dès que possible sur ce site.
(MàJ) La revue « veille magazine » a publié dans son numéro de nov-déc 2012 un petit résumé du colloque. Vous pouvez le télécharger ici: Intelligence Collective – AAIE IHEDN
La crise et l'Europe, résumé de l'intervention de Claude Revel le 13 septembre, petit déjeuner débat D12
Des échanges très intéressants et assez consensuels
finalement ont eu lieu 13 septembre à 8h30 au restaurant Chez Françoise,
animés par Jean-Pierre Benoît, ancien député européen,avocat, et Claude Revel dans le cadre de l'Association Démocratie 2012.
Voir résumé de l'intervention sur le site de l'association. Ou le demander à claude@clauderevel.com
Début de l'interventionVoir résumé de l'intervention sur le site de l'association. Ou le demander à claude@clauderevel.com
Pas un jour depuis des mois sans qu’on ne parle de crise financière européenne, crise de l’euro, crise de la dette, crise de la Grèce, que l’on glose sur les relations entre dirigeants français et allemand ou parfois, britannique. Aujourd’hui, on est au bout du feuilleton : la Grèce est en faillite, 3 banques françaises sont très malmenées par les marchés et tous les Etats européens sont priés de montrer aux marchés à la fois qu’ils enrayent les déficits et que l’économie est stimulée et va repartir. Tâche impossible et tout le monde le sait.
On arrive en fait au bout de la logique ultra libérale dans laquelle le monde est entré dans les années 1980.
Il serait trop long de raconter comment l’interdépendance des Etats, le développement durable et la responsabilité des entreprises ont été pensées depuis des think tanks américains et onusiens dans les années 1970 à 80. Leur but était d’anticiper et de favoriser une mondialisation fondée sur le libre-échange, permettant le développement des économies avec le moins possible de règles étatiques possible. A la place, pour éviter tout de même la jungle, des régulations soft (soft law), autorégulations et/ou règles multilatérales « bien » préparées (du type convention OCDE anti-corruption, harmonisation du crédit-export, etc.). Dans ce mouvement, qui est d’abord un mouvement d’idées, l’Europe a été totalement dépassée ou plutôt, noyée et infiltrée.
Quant aux Moody’s et consorts, et aux quelques banques d’affaires, fonds et financiers privés qui font et défont les cours des marchés, ils ont en effet pris une puissance qu’ils ne méritent pas, ils ont en quelque sorte préempté l’intérêt général, mais ils ont été en cela encouragés par des dirigeants non seulement anglo-saxons mais aussi européens continentaux, qui les ont utilisés et n’ont mis aucun contrepouvoir en place pour canaliser ces systèmes et éviter de déstabiliser la culture économique et sociale de l’Europe continentale en vigueur depuis des dizaines d’années. Pire, et cela vaut en particulier pour les dirigeants français, ils ont même laissé notre système à la fois libéral-et social se rouiller de sorte qu’il est apparu comme un repoussoir. Ils n’ont pas su -ou pas voulu- défendre et promouvoir un modèle mixte qui pourtant avait fait ses preuves. Connaître la suite... : indications ci-dessus.
samedi 29 juin 2013
Des ouvriers bretons envoyés à l’abattoir
Reportage Mises KO par le modèle allemand, nombre d’entreprises craignent de fermer.
Par CHRISTIAN LOSSON Envoyé spécial en Bretagne
Le ballet des bétaillères s’est étiolé. Comme
le moral, aussi bas, ce matin-là, qu’un ciel en transhumance. Dans cet
abattoir de porcs du groupe Gad, 4 000 bêtes sont avalées par jour,
alors que 6 000 pourraient l’être. Ici, surtout, 850 hommes et femmes
abattent, découpent, transforment. Tous risquent de passer à la trappe
le 20 août, «pas loin de 3 000 personnes, en comptant les emplois indirects»,
lâche un salarié. Ici, c’est Lampaul-Guimiliau (Finistère), son église,
ses 2 500 habitants d’apparence impassible, et son maire, Jean-Marc
Puchois, qui refuse de céder à l’impuissance : «Le groupe est là
depuis soixante ans, et là, l’actionnaire laisse entendre qu’il va
laisser partir un tel outil ? C’est dramatique, suicidaire…» Propriété du groupe coopératif Cecab (connu pour sa marque D’Aucy), Gad aurait perdu «20 millions d’euros en 2012», confie un actionnaire. Faute de repreneur s’étant présenté devant le tribunal de commerce de Rennes pour «mettre un gros billet, de l’ordre de 40 millions d’euros», comme le dit un proche de la direction, rien ne semble pouvoir empêcher la fermeture annoncée.
Un choc pour la Bretagne, berceau de l’agroalimentaire, qui produit 57% des 24 millions de porcs français par an. Un trauma qui s’ajoute aux plans sociaux chez Doux (poulet) et Marine Harvest (saumon). Et entraîne, dans son sillage, un sentiment de résignation, «de défaitisme», lâche un élu local, inhabituel pour la région. «Et ce n’est que le début du feuilleton "Le porc de l’angoisse"», prophétise le patron d’une coopérative… «Notre avenir est mal barré», résume Olivier Le Bras, élu FO (majoritaire) à Lampaul. Il a dix-huit ans de boîte au compteur. Ouvrier de découpe : le plus raide des postes. Qui martyrise épaules, coudes, poignets et dos. Il raconte les années 90, quand les 1 200 ouvriers récupéraient «un salaire et demi» en participation. Pas la lune, quand on gagne 1 200 euros net par mois. Idem pour son collègue Jean-Marc Destivelle, 50 ans, dont sept ans de découpe, «un job usant physiquement et moralement, pas valorisant». Mais de quoi vivre, «acheter à côté à crédit», élever sa famille. «A l’époque, on se sentait intouchables : Gad était numéro 1 en Europe», ajoute Le Bras.
«En pleine gueule». Voilà la chute. «Que vont devenir ceux sans diplôme, ceux qui vont rester sur le carreau ? Direction RSA, lâche le syndicaliste. On n’a pas vu venir l’Allemagne, son dumping social et ses salaires trois fois moins chers. On n’a pas modernisé nos outils de production. On a pris en pleine gueule la concurrence des abattoirs de la grande distribution.»
Des abattoirs, comme ceux de Kermené (Leclerc), dans les Côtes-d’Armor, ou Gâtine (Intermarché), en Ille-et-Vilaine, qui ont augmenté leur production l’an dernier alors que l’activité recule de 2% par an depuis 2007. Ceux-là font rêver les forçats de Lampaul. «Mais eux ont investi jusqu’à 8 millions par an pour automatiser leur outil», rappelle un élu local. Et Guillaume Roué, éleveur dans le Finistère et patron de l’interprofessionnelle porcine française, d’ajouter : «Surtout, ils n’ont pas besoin de service commercial. L’argent économisé leur permet de moderniser et de robotiser, avec moins d’emplois. D’être compétitif quand les Allemands taillent des parts de marché en exploitant la main-d’œuvre.»
L’Allemagne, avec ses ouvriers roumains ou bulgares, est devenue la bête noire des Bretons. Chaque semaine, des camions quittent la région pour emmener des porcs bretons se faire découper outre-Rhin, mais aussi en Espagne, où c’est moins cher. Même résiduel (on évoque 6 000 à 8 000 porcs par semaine sur 400 000), le phénomène est symbolique. Et nourrit un climat anti-élus, doublé d’un sentiment anti-allemand. «Pour la première fois, des fachos sont venus tracter devant l’usine», enrage Patrick Le Goas, «pousseur de viande» à Lampaul. Du jamais-vu dans un département où le PS a fait carton plein aux législatives. Les ministres de l’Agriculture ? «Des intermittents du spectacle», tacle un salarié. «Leur impuissance fait peur : les conseillers nous disent, "oui, c’est dégueulasse, mais on y peut rien !"» ajoute un syndicaliste.
Bien être animal. La crise est générale. L’agroalimentaire tricolore souffre d’«un problème de compétitivité», aggravé par «l’absence d’harmonisation fiscale et sociale» en Europe, explique Guillaume Roué, à la tête de l’interprofessionnelle porcine. S’il n’y avait cette concurrence déloyale, il ne cacherait pas une certaine admiration pour le modèle allemand. «Là-bas, le pouvoir a cédé aux écolos sur le nucléaire mais a mis le paquet sur la métanisation et le photovoltaïque qui ont permis aux paysans de se diversifier.» Tandis que la France aurait cédé aux environnementalistes et entravé la filière. Cédant aussi, au nom du pouvoir d’achat, à la grande distribution qui matraque les éleveurs avec une politique de prix bas. Résultat ? «On s’achemine vers une concentration des ateliers agroalimentaires», note Guillaume Roué. La France compte environ 180 abattoirs, dont dix seulement «font plus d’un million de porcs par an», rappelle-t-il. Cela ne va pas durer. L’Allemagne, le Danemark et l’Espagne (les plus grands producteurs) ont déjà taillé des croupières à la France grâce à leurs abattoirs géants.
Le monde du porc pointe aussi l’entrée en vigueur, en 2013, d’une directive européenne sur le bien-être animal qui impose (notamment) davantage d’espace pour les truies. «Entre les 26% des 12 000 éleveurs qui n’ont pas les moyens de s’y conformer et l’arrêt des exploitations, la chute de la production s’élève à 4% depuis le début de l’année», s’alarme Guillaume Roué. La flambée du prix des matières premières, alimentée par le boom de l’agroalimentaire en Asie, a aussi dopé les coûts de production. Le prix des aliments pour porcs a doublé entre 2005 et 2010. Et, malgré une légère décrue, la tonne coûte 302 euros, 22% de plus que l’an passé.
«Juste prix». David Riou le sait bien. A 32 ans, cet éleveur de Kerdrein raconte la difficile équation du métier. Après un BTS de «gestion de système d’exploitation», l’homme a repris la ferme de son oncle. Il vient d’investir 350 000 euros pour agrandir son exploitation, et tente de s’accorder chaque année un revenu de 40 000 euros et deux semaines de vacances. David Riou se dit optimiste. Mais rêve de voir ses cochons payés «au juste prix». «On me l’achète à 1,55 euro le kilo avec les primes. Il faudrait que le prix grimpe à 1,75 pour être serein.» Il dit aussi : «Depuis des années, les éleveurs tirent la sonnette d’alarme. Ils disparaissent sans bruit, et ça ne dérangeait pas grand monde. Maintenant que les abattoirs sont dans la tourmente, les politiques se réveillent. Doucement.»
Dans un marché ultralibéralisé, symbole de la mondialisation, la concurrence est terrible. Et, dans la filière, c’est chacun pour soi. «Entre producteurs, industriels et grands distributeurs, chacun se fait la guerre et se rejette la responsabilité de la crise», note Olivier Le Bras. «Entre les éleveurs et les transformateurs, il y a une cassure», admet Jean-Pierre Astruc, conseiller municipal de Josselin (Morbihan). Mais aussi entre les communes. A Josselin, Gad a un deuxième abattoir, de 650 salariés, qui pourrait également finir en rillettes. Le maire de Lampaul a appelé celui de Josselin pour qu’ils se mobilisent. «J’attends toujours la réponse», dit le premier. Franck Guillot, élu CFDT de Gad à Josselin, le déplore : «La guerre économique fait rage en Europe, et voilà qu’on doit aussi la vivre entre nous, dans une même région. C’est terrible…» A ses côtés, Annick Le Guevel, secrétaire du comité d’entreprise de Josselin, cherche en vain l’issue : «On est pris en tenaille entre la grande distribution et les éleveurs.»
Et si la France, Bretagne en tête, avait tardé à faire muter son modèle productiviste ? «Peut-être, avoue Olivier Le Bras. Mais, sauf à être suicidaire, on ne peut le changer du jour au lendemain.» Le porc bio ou label rouge pèse moins de 0,5%. «La faute aux normes qui imposent de ne pas dépasser 40 truies, dit un expert. Cela tient du militantisme, pas du modèle alternatif.» Et si rien ne change ? «La filière porcine passera à l’abattoir», souffle un industriel. «C’est déjà écrit, enrage Patrick Le Goas, de FO, la révolte des ouvriers de la viande, en train de tout vouloir péter faute d’avoir été entendus. Après la sidérurgie, le textile, l’agroalimentaire plonge ; on perd notre autonomie, et tout le monde s’en fout.»
Un choc pour la Bretagne, berceau de l’agroalimentaire, qui produit 57% des 24 millions de porcs français par an. Un trauma qui s’ajoute aux plans sociaux chez Doux (poulet) et Marine Harvest (saumon). Et entraîne, dans son sillage, un sentiment de résignation, «de défaitisme», lâche un élu local, inhabituel pour la région. «Et ce n’est que le début du feuilleton "Le porc de l’angoisse"», prophétise le patron d’une coopérative… «Notre avenir est mal barré», résume Olivier Le Bras, élu FO (majoritaire) à Lampaul. Il a dix-huit ans de boîte au compteur. Ouvrier de découpe : le plus raide des postes. Qui martyrise épaules, coudes, poignets et dos. Il raconte les années 90, quand les 1 200 ouvriers récupéraient «un salaire et demi» en participation. Pas la lune, quand on gagne 1 200 euros net par mois. Idem pour son collègue Jean-Marc Destivelle, 50 ans, dont sept ans de découpe, «un job usant physiquement et moralement, pas valorisant». Mais de quoi vivre, «acheter à côté à crédit», élever sa famille. «A l’époque, on se sentait intouchables : Gad était numéro 1 en Europe», ajoute Le Bras.
«En pleine gueule». Voilà la chute. «Que vont devenir ceux sans diplôme, ceux qui vont rester sur le carreau ? Direction RSA, lâche le syndicaliste. On n’a pas vu venir l’Allemagne, son dumping social et ses salaires trois fois moins chers. On n’a pas modernisé nos outils de production. On a pris en pleine gueule la concurrence des abattoirs de la grande distribution.»
Des abattoirs, comme ceux de Kermené (Leclerc), dans les Côtes-d’Armor, ou Gâtine (Intermarché), en Ille-et-Vilaine, qui ont augmenté leur production l’an dernier alors que l’activité recule de 2% par an depuis 2007. Ceux-là font rêver les forçats de Lampaul. «Mais eux ont investi jusqu’à 8 millions par an pour automatiser leur outil», rappelle un élu local. Et Guillaume Roué, éleveur dans le Finistère et patron de l’interprofessionnelle porcine française, d’ajouter : «Surtout, ils n’ont pas besoin de service commercial. L’argent économisé leur permet de moderniser et de robotiser, avec moins d’emplois. D’être compétitif quand les Allemands taillent des parts de marché en exploitant la main-d’œuvre.»
L’Allemagne, avec ses ouvriers roumains ou bulgares, est devenue la bête noire des Bretons. Chaque semaine, des camions quittent la région pour emmener des porcs bretons se faire découper outre-Rhin, mais aussi en Espagne, où c’est moins cher. Même résiduel (on évoque 6 000 à 8 000 porcs par semaine sur 400 000), le phénomène est symbolique. Et nourrit un climat anti-élus, doublé d’un sentiment anti-allemand. «Pour la première fois, des fachos sont venus tracter devant l’usine», enrage Patrick Le Goas, «pousseur de viande» à Lampaul. Du jamais-vu dans un département où le PS a fait carton plein aux législatives. Les ministres de l’Agriculture ? «Des intermittents du spectacle», tacle un salarié. «Leur impuissance fait peur : les conseillers nous disent, "oui, c’est dégueulasse, mais on y peut rien !"» ajoute un syndicaliste.
Bien être animal. La crise est générale. L’agroalimentaire tricolore souffre d’«un problème de compétitivité», aggravé par «l’absence d’harmonisation fiscale et sociale» en Europe, explique Guillaume Roué, à la tête de l’interprofessionnelle porcine. S’il n’y avait cette concurrence déloyale, il ne cacherait pas une certaine admiration pour le modèle allemand. «Là-bas, le pouvoir a cédé aux écolos sur le nucléaire mais a mis le paquet sur la métanisation et le photovoltaïque qui ont permis aux paysans de se diversifier.» Tandis que la France aurait cédé aux environnementalistes et entravé la filière. Cédant aussi, au nom du pouvoir d’achat, à la grande distribution qui matraque les éleveurs avec une politique de prix bas. Résultat ? «On s’achemine vers une concentration des ateliers agroalimentaires», note Guillaume Roué. La France compte environ 180 abattoirs, dont dix seulement «font plus d’un million de porcs par an», rappelle-t-il. Cela ne va pas durer. L’Allemagne, le Danemark et l’Espagne (les plus grands producteurs) ont déjà taillé des croupières à la France grâce à leurs abattoirs géants.
Le monde du porc pointe aussi l’entrée en vigueur, en 2013, d’une directive européenne sur le bien-être animal qui impose (notamment) davantage d’espace pour les truies. «Entre les 26% des 12 000 éleveurs qui n’ont pas les moyens de s’y conformer et l’arrêt des exploitations, la chute de la production s’élève à 4% depuis le début de l’année», s’alarme Guillaume Roué. La flambée du prix des matières premières, alimentée par le boom de l’agroalimentaire en Asie, a aussi dopé les coûts de production. Le prix des aliments pour porcs a doublé entre 2005 et 2010. Et, malgré une légère décrue, la tonne coûte 302 euros, 22% de plus que l’an passé.
«Juste prix». David Riou le sait bien. A 32 ans, cet éleveur de Kerdrein raconte la difficile équation du métier. Après un BTS de «gestion de système d’exploitation», l’homme a repris la ferme de son oncle. Il vient d’investir 350 000 euros pour agrandir son exploitation, et tente de s’accorder chaque année un revenu de 40 000 euros et deux semaines de vacances. David Riou se dit optimiste. Mais rêve de voir ses cochons payés «au juste prix». «On me l’achète à 1,55 euro le kilo avec les primes. Il faudrait que le prix grimpe à 1,75 pour être serein.» Il dit aussi : «Depuis des années, les éleveurs tirent la sonnette d’alarme. Ils disparaissent sans bruit, et ça ne dérangeait pas grand monde. Maintenant que les abattoirs sont dans la tourmente, les politiques se réveillent. Doucement.»
Dans un marché ultralibéralisé, symbole de la mondialisation, la concurrence est terrible. Et, dans la filière, c’est chacun pour soi. «Entre producteurs, industriels et grands distributeurs, chacun se fait la guerre et se rejette la responsabilité de la crise», note Olivier Le Bras. «Entre les éleveurs et les transformateurs, il y a une cassure», admet Jean-Pierre Astruc, conseiller municipal de Josselin (Morbihan). Mais aussi entre les communes. A Josselin, Gad a un deuxième abattoir, de 650 salariés, qui pourrait également finir en rillettes. Le maire de Lampaul a appelé celui de Josselin pour qu’ils se mobilisent. «J’attends toujours la réponse», dit le premier. Franck Guillot, élu CFDT de Gad à Josselin, le déplore : «La guerre économique fait rage en Europe, et voilà qu’on doit aussi la vivre entre nous, dans une même région. C’est terrible…» A ses côtés, Annick Le Guevel, secrétaire du comité d’entreprise de Josselin, cherche en vain l’issue : «On est pris en tenaille entre la grande distribution et les éleveurs.»
Et si la France, Bretagne en tête, avait tardé à faire muter son modèle productiviste ? «Peut-être, avoue Olivier Le Bras. Mais, sauf à être suicidaire, on ne peut le changer du jour au lendemain.» Le porc bio ou label rouge pèse moins de 0,5%. «La faute aux normes qui imposent de ne pas dépasser 40 truies, dit un expert. Cela tient du militantisme, pas du modèle alternatif.» Et si rien ne change ? «La filière porcine passera à l’abattoir», souffle un industriel. «C’est déjà écrit, enrage Patrick Le Goas, de FO, la révolte des ouvriers de la viande, en train de tout vouloir péter faute d’avoir été entendus. Après la sidérurgie, le textile, l’agroalimentaire plonge ; on perd notre autonomie, et tout le monde s’en fout.»
Haven
Les Mystères de Haven (Haven) est une série télévisée américano-canadienne créée par Sam Ernst et Jim Dunn d'après le roman Colorado Kid de Stephen King, diffusée depuis le 9 juillet 2010 sur Syfy aux États-Unis et depuis le 12 juillet 2010 sur Showcase au Canada.
En France, la série est diffusée depuis le 26 octobre 20101 sur Syfy France ainsi que depuis le 5 novembre 2011 sur NT12 et au Québec depuis le 9 juin 2011 sur AddikTV3. Néanmoins, elle reste inédite en Suisse et en Belgique.
L'astucieuse agent du FBI Audrey Parker est ouverte aux possibilités d'une réalité paranormale, dû à son passé perdu. Quand elle arrive dans la petite ville d'Haven, dans le Maine, pour une affaire de routine, elle se retrouve rapidement mêlée au retour des « phénomènes » surnaturels qui affectent la ville comme autrefois. De plus, elle trouve une coupure de presse qui peut peut-être la relier à cette ville et à la mère qu'elle n'a jamais connue.
En France, la série est diffusée depuis le 26 octobre 20101 sur Syfy France ainsi que depuis le 5 novembre 2011 sur NT12 et au Québec depuis le 9 juin 2011 sur AddikTV3. Néanmoins, elle reste inédite en Suisse et en Belgique.
L'astucieuse agent du FBI Audrey Parker est ouverte aux possibilités d'une réalité paranormale, dû à son passé perdu. Quand elle arrive dans la petite ville d'Haven, dans le Maine, pour une affaire de routine, elle se retrouve rapidement mêlée au retour des « phénomènes » surnaturels qui affectent la ville comme autrefois. De plus, elle trouve une coupure de presse qui peut peut-être la relier à cette ville et à la mère qu'elle n'a jamais connue.
Melinda Gates à la France : "S'il vous plaît, continuez à investir dans l'humanitaire, on peut changer les choses"
De passage à Paris, la coprésidente de la Fondation Gates invoque la France et les autres pays européens à continuer à investir dans son organisation humanitaire Global Fund malgré la crise qui jugule ces budgets.
vendredi 28 juin 2013
Inventons une cyberdémocratie pour accompagner la civilisation du numérique
LE MONDE | 03.06.2013 à 21h12 • Mis à jour
le 04.06.2013 à 13h45
Par Joël de Rosnay et Anne-Sophie Novel
(journaliste )
Comment changer d'ère
et préparer l'avenir quand
tout semble morose et compliqué ? Quand les structures sociétales, complexes,
semblent organisées pour résister au changement, dignes du phénomène, bien
connu en biologie,
qu'est l'homéostasie (du grec homeos, "même", et stasis,
"état de rester") ? N'est-il pas temps de changer de
paradigme pour épouser enfin le monde d'après ? La société informationnelle qui
s'installe depuis l'avènement d'Internet en 1995 bouscule nos sociétés industrialisées.
Les indicateurs économiques, sociaux et environnementaux si redoutés lors
du Sommet de la Terre de Rio (1992)
sont maintenant dépassés. Comme le dit Michel Serres :
" Ce n'est pas une crise, c'est un changement de monde."
Force est de constater que
nous sommes déjà dans le mur, et que nous devons nous en extirper.
Pour survivre,
nos organisations doivent évoluer : Etats, villes, entreprises, universités,
syndicats, associations sont condamnés à sortir de
l'homéostasie pour s'adapter,
se fluidifier,
s'horizontaliser. Le pouvoir pyramidal
doit laisser place
à des organisations plus transversales. Ces mutations sont déjà en marche : il
suffit désormais de les saisir et
de les accompagner pour
en amplifier la résonance.
Sur le plan sociétal et politique, l'émergence de l'intelligence
collaborative offre l'opportunité d'équilibrer la société plus efficacement :
en trouvant un compromis entre la régulation par le haut et la cocréation par
le bas. Dans ce nouveau contexte participatif et contributif, il est nécessaire
de réfléchir aux relations entre les citoyens et l'Etat, pour inventer une
cyberdémocratie et engager un
dialogue sincère entre le politique et
le citoyen. Nous sommes à l'aube d'un véritable contre-pouvoir.
Mais comment mettre à
jour un système rigide ? L'écosystème numérique dans lequel nous évoluons nous
change autant que nous le modifions. Nous sommes devenus des femmes et des
hommes "augmentés". Mais sommes-nous plus heureux ou plus
sages pour autant, dans le "life streaming", ce temps
réel du nouvel Internet ? En surfant la vie avec les réseaux sociaux, les SMS,
le mur de Facebook, ou les fils Twitter,
sommes-nous conscients de construire une
communauté, ou sommes-nous "seuls ensemble", comme le
décrit dans son livre "Alone
Together" la sociologue du MIT Sherry Turkle ?
Les plus jeunes n'ont connu que la connexion à des réseaux virtuels.
Aujourd'hui, ils lancent des services corévolutionnaires
et appliquent au réel les logiques du Web : connectés et souvent sensibilisés
aux enjeux de la planète,
ils conçoivent, pour certains, leur quotidien dans une optique de partage.
Mobilité, éducation, travail, équipement, alimentation, autant de
secteurs où ils prouvent qu'on peut optimiser ce
qui est trop souvent inutilisé. Ils défendent l'usage avant la propriété,
s'identifient à de multiples communautés et utilisent l'intelligence connective
et collaborative pour donner du
sens à leur vie individuelle et communautaire. Une approche qui privilégie la
pratique solidaire de l'intelligence collective à l'exercice solitaire du pouvoir électif.
L'entreprise doit comprendre et accompagner ce
changement, prendre autant
soin des hommes qu'elle emploie que de sa prospérité, tout en maintenant son
image, sa marque, et l'ensemble des relations avec ses parties prenantes. Plus
transparente, plus responsable, elle doit également être plus à l'écoute et se
libérer pour devenir cocréative
et véritablement assurer sa
continuité dans le changement.
Les politiques doivent aussi accompagner ces
mutations. Plutôt que de promettre,
en vain, "le changement sans risque" ou "la
rupture", pourquoi ne pas reconnaître que leur temps décisionnel
échoue parfois à s'enrichir des
apports issus d'une complexité qu'ils ne maîtrisent pas toujours, faute
d'outils ? L'analyse, l'approche séquentielle et linéaire propre à nos
raisonnements cartésiens, reste ouverte aux futurs souhaitables qui se
dessinent aujourd'hui.
Est-il possible de changer d'ère
dans un tel contexte ? Les Français sont familiers d'une méthode, radicale : la
révolution. Au-delà d'un certain seuil de frustration, d'exaspération, d'indignation,
le système éclate et entraîne des changements brutaux. Sans aller jusqu'à
de tels extrêmes, les périodes de crise facilitent l'acceptation sociétale des
grandes réformes. On dit les Français réfractaires au changement ; et s'ils
étaient, au contraire, prêts à changer ?
Pour désirer l'avenir,
il est nécessaire de le comprendre et
d'accepter que
le changement sans risque n'existe pas. Comme un cristal qui fond ou se brise,
et donc bouleverse sa structure, nos organisations ou systèmes politiques
doivent être capables de se réformer de l'intérieur et en profondeur, au-delà
des habitudes et des avantages acquis. En ce sens, il faut s'inspirer de
la NetGen (Génération Internet), qui pratique le "life
streaming", le "flow". Cette génération accepte
l'instabilité dynamique (comme le surfeur sur la vague), le passage d'une
situation à l'autre, le zapping des idées,
des thèmes, des relations interpersonnelles.
Dans le nouvel Internet, passé, présent et futur sont simultanés. C'est
l'ère de l'immédiateté. Ce qui motive cette génération, c'est le temps réel
associé à l'IRL(in real life). Pour que les Français changent, il faut
les aider à passer d'une relation fondée sur des
rapports de force – qui conduit à la concurrence, à la compétition et à
l'individualisme – à une situation de rapports de flux, privilégiant l'échange,
le partage, la solidarité et l'empathie. Un changement profond qui contribuera
à donner plus de sens à la vie.
Joël de Rosnay (scientifique, prospectiviste, conseiller de la présidence
d'Universcience) et Anne-Sophie Novel (journaliste )
Joël de
Rosnay et Anne-Sophie Novel
Les auteurs participeront au forum "Changer d'ère",
qui se tient mercredi 5 juin à la Cité des sciences et de
l'industrie.
Cet événement réunit des intellectuels, des scientifiques,
des
entrepreneurs et des chercheurs de la jeune génération pour débattre des
défis
économiques, technologiques et sociétaux d'aujourd'hui[
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