A contre-courant de son temps (et se démarquant en cela de Freud), Carl Gustav Jung a démontré à travers sa pratique médicale que "la question religieuse", n’avait rien de secondaire, de subsidiaire, dans la vie des individus ou des collectivités. "Notre demeure spirituelle est tombée en ruine" écrivait-il en 1934, peu de temps avant la seconde guerre mondiale, déplorant l’indigence d’une époque qui s’est détournée de Dieu en même temps que de la vie symbolique.
Quel regard porterait donc le célèbre psychiatre suisse sur le monde actuel où paradoxalement "psychologie" et "spiritualité" sont plus que jamais étalées à travers nos mass-médias?... Dans cette surabondante information, quel est le moteur de nos choix : notre raison ? Nos émotions ? Nos sentiments?
Françoise Bonardel aborde ici la subtile distinction entre la vie religieuse et l’expérience spirituelle "sous l’angle de la philosophie, donc des textes" nous précise-t-elle avec pudeur. Derrière "la professeure" perce naturellement en filigrane la femme, avec son parcours de vie et son lot "d’intuitions"… habituel mais oh combien difficile numéro d’équilibriste - entre dicible et indicible, cerveau gauche et cerveau droit – lorsqu’ il s’agit d’aborder la question d’une spiritualité vraie, c'est-à-dire incarnée.
Françoise Bonardel souligne en particulier la méfiance que Jung a toujours entretenue avec ce qu’il appelait "l’esprit du temps", autrement dit l’inconscient d’une époque. Celle de Jung fut marquée par la naissance des phénomènes de masses. Pour Jung, cet "esprit du temps" tend à penser en nous et pour nous. C’est un penchant, une inclination sentimentale qui pour des motifs inconscients agit avec une souveraine force de suggestion sur tous les esprits faibles et les entraine.
Cette puissance est d’autant plus inquiétante qu’il n’est pas facile d’en déterminer la teneur exacte. L’esprit du temps ne doit pas être confondu avec "les exigences du temps", (Die Förderungen des Tages) telles que Thomas Mann les avait définies. Les exigences du temps ne relèvent en effet pas de l’inconscient : elles appellent des réponses concrètes à une souffrance psychique, sans réel précédent.
Françoise Bonardel pose la question : y-a-t il convergence entre la vision jungienne de l’expérience religieuse et la spiritualité contemporaine ? Selon elle, l’esprit du temps d’aujourd’hui nous incite à survaloriser le spirituel au détriment du religieux comme si le spirituel allait accomplir par miracle ce que le religieux n’avait su réaliser.
Partagez-vous le sentiment selon lequel les religions constituées sont responsables d’avoir étouffé toute vie de l’âme comme de l’esprit ? Et d’ailleurs, l’âme relève-t-elle du religieux ou du spirituel?
En effet, sur une proche période, un médecin (Jung), un philosophe (Nietzche) et un métaphysicien (René Guénon) ont tous trois diagnostiqué des symptômes analogues de leur civilisation. On retrouve pour chacun d’entre eux : exténuation de l’héritage chrétien, crise du nihilisme et crise du monde moderne…. Notre civilisation a-t-elle progressé depuis ? Comment envisager une sortie de crise ?
Pour Françoise Bonardel, une solution serait de limiter les velléités de prééminence de notre intellect : "l’intellect est devenu luciférien car il prétend régner sur la totalité du corps de l’homme… avec l’orgueil et l’infatuation qui caractérise le porteur de lumière"…. Les esprits faibles qui se laissent entrainer par "l’esprit du temps" sont-ils les premières victimes de leur intellect?
Est-ce cet intellect qui s’enorgueillit d’aller vers toujours plus de spiritualité et moins de religieux ?
A vous de vous faire une idée dans cette communication publique de 77 minutes et organisée par le Groupe d’étude CG Jung auquel nous adressons nos remerciements.
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