mercredi 7 décembre 2011

Charlotte Salomon



Charlotte Salomon, née à Berlin le 16 avril 1917 et morte en 1943 à Auschwitz est une artiste plasticienne et peintre.

Charlotte Salomon grandit dans une famille juive-allemand aisée. Son père était médecin et professeur à l'université de Berlin et sa mère se suicida en 1926, alors que Charlotte avait 9 ans. Quand elle en eut 12, son père épousa Paula Lindberg, surnommée Paulinka, une chanteuse lyrique, en secondes noces. Charlotte était une enfant timide et morose. Sa relation avec Paulinka était complexe. La famille étant de confession juive, Charlotte connut des difficultés en Allemagne après l'accession des nazis au pouvoir en 1933. Son père n'eut plus le droit d'exercer sa profession de médecin et fut interné dans le camp de concentration de Sachsenhausen dès 1936.

À cause de l'antisémitisme ambiant, Charlotte Salomon quitta le lycée en septembre 1933 un an avant le bac et commença des études d'art à l'Académie des Beaux-Arts de Berlin. Mais elle eut à souffrir une fois de plus de l'antisémitisme et interrompit ses études après qu'on lui eut refusé le premier prix d'un concours d'art à cause de ses origines juives.

En janvier 1939, peu après la nuit de Cristal ("Reichskristallnacht", 9 novembre 1938), Charlotte quitta Berlin pour se rendre dans le Sud de la France chez ses grands-parents qui avaient quitté l’Allemagne dès 1934. En 1940, Charlotte Salomon, dont la grand-mère s'était suicidée quelques mois auparavant, fut internée avec son grand-père dans le camp de Gurs, puis relâchée quelques mois plus tard.

Charlotte Salomon, que tous ces événements avaient plongée dans une crise profonde, se remit alors à peindre pour lutter contre le désespoir. Elle se consacra entre 1940 et 1942 à son œuvre autobiographique "Leben? Oder Theater?", et peignit ainsi en 18 mois plusieurs centaines de gouaches réalisées à partir des trois seules couleurs primaires : rouge, bleu et jaune. Ces tableaux montrent sa famille et ses amis, mettent en scène son enfance et sa jeunesse mais aussi les événements qu'elle a traversés. C'est une œuvre complexe qui s'accompagne aussi de textes et de musique. Les textes sont simples, truffés de citations de la littérature allemande, Charlotte Salomon les intègre dans ses tableaux, un peu comme dans une bande dessinée.

En 1943, Charlotte épouse un émigré autrichien, Alexander Nagler. Lorsque les troupes nazies occupent le Sud de la France , Charlotte et son mari sont dénoncés et déportés à Auschwitz où Charlotte, enceinte, sera très vite éliminée. Peu avant sa déportation , elle confiait les gouaches de « Leben ? oder Theater ? » à un ami proche avec ces mots : « Gardez-les bien, c’est toute ma vie. »

Depuis 1975, c'est le musée juif d'Amsterdam qui détient cette œuvre d’art autobiographique et unique en son genre.

For further information about Chalotte Salomon her life and her art go to http://www.roy-hart.com/semcharlotte.htm where you can read "Charlotte's art and inspiration in the creation of “Life? or Theatre?"" by Clara Silber Harris who has given her life to the study of Alfred Wolfsohn's and Charlotte Salomon's work.

Pour résumer ce qui n'est pas résumable : cette jeune allemande, pour ne pas se suicider, et sur les conseils d'un médecin de Villefranche sur mer (après un internement avec son grand-père au camp de Gurs, par la police française), de 23 à 26 ans décide de faire quelque chose de fou et de grand , raconter sa vie à l'aide de gouaches de petit format. Il y en a 1325. Il y a aussi des faites avec des calques. Dans le livre qui me suit depuis plus de 20 ans, il y en a 769 de reproduites.
C'est un ensemble " énorme " fait avec des moyens minimaux : un pinceau, et 3 couleurs (en plus du blanc du papier, le rouge, le bleu et le jaune). 1325 "tableaux " comme autant de scènes et de mises en scène. Projet insensé, ambitieux. Elle intitule le tout Vie ou théâtre ?

Fausse autobiographie, mais autobiographie quand même, c'est difficile d'en parler.
Il faut voir.
Et pourtant il y a tout et de tout, on dirait aujourd'hui multimédia. La musique, la peinture, les mots, une multitude de personnages, des musiciens, des cantatrices, la nature, de la lumière, du sombre, beaucoup de fenêtres, beaucoup de suicides cachés ou vécus(de la tante, de la mère, puis de la grand mère ne supportant plus les deux suicides précédents (ses deux filles). Charlotte peint tout, la nature, les appartements, les voyages, les discussions, les théories, les naissances, les mariages, les suicides révélés ou non, l'opéra, se met en scène elle-même sous un autre nom.
Pas une simple histoire de je...Ce n'est pas une narration linéaire non plus. Toute une époque. C'est tragique, mélancolique, cauchemardesque, plein de rêve, la difficulté d'être une femme dans ces années-là à Berlin, dans ce milieu-là. Beaucoup de fenêtres (celle entre autres par laquelle s'est jetée sa mère, alors qu'on lui avait dit petite qu'elle était morte de la grippe).
Mises en scènes (Vie ou théâtre ?) donc discontinuité, et je l'ai déjà dit non-linéarité. C'est toute la force. Beaucoup plus que tout ce qu'on peut en dire.
les corps ondulent, se tordent, se disloquent, s'allongent comme dauphins en fête et chaînes de destins...
Les mots aussi prennent corps, peints comme signes, coups de pinceaux comme autant de coups de poignard.
Il y a du Nietzsche, le bleu de Dufy, les fenêtres de Matisse, les chambres de Van Gogh, du Paul Klee, du Modigliani,kandinsky et Munch, comme tous les échos de l'impressionnisme allemand et de son romantisme.
Je ne peux m'empêcher aussi de penser à Soutter et Artaud.
Même s'il y a l'Histoire (une gouache représente la prise du pouvoir par les nazis en 1933), ce travail dépasse largement cette histoire-là.
Ça fait mal, c'est terrifiant. Le père (chirurgien) ne peut plus opérer, les chanteurs ne peuvent plus chanter, il faut des autorisations, apparaissent dans les peintures l'étoile juive, les croix gammées, les affiches antijuives...
Moi aussi je suis tombé amoureux de Charlotte.
j'ai appelé ma dernière fille Charlotte.



Ce travail affronte la relation entre la vie et l'oeuvre, la fiction.
Il faut aller droit, aller vite.
La dernière gouache montre Charlotte devant la mer et qui peint un tableau vide (la mer), ayant peint sur son dos Vie ou théâtre ?
On revient au début.
1- Au début, 1325 gouaches plus tôt, Vie ou théâtre ? est sous-titré : pièce chantée. Tout au long de l'oeuvre on y trouve aussi des indications d'airs, de mélodies, de récitatifs, de choeurs. Exemple d'une oeuvre complète, qui tient aussi bien de la Bd (même si les mots ne sont jamais enfermés dans des bulles, on peut parler aussi de " planches " )que du grand théâtre classique.
Elle a tout mis dans quatre boites en carton. Aujourd'hui elle aurait ajouté un CD avec la musique, un DVD avec des séquences filmées...
2- Elle présente le plan d'ensemble (prologue, corps principal, épilogue),
3- elle fait même l'affiche du " casting " et donne le nom de tous les personnages (véritable clef de détermination, elle s'appelle dans les gouaches Charlotte Khan).
4- Fait une gouache spécialement pour préciser :
" l'action prend place durant les années 1913 à 1940 en Allemagne, plus tard à Nice, en France. "
Puis elle précise que la musique commence et place le décor :
" Une personne est assise face à la mer. Elle peint. Une musique est dans sa tête. Elle s'aperçoit que la musique correspond exactement à ce qu'elle essaye de mettre sur papier. Un texte se forme dans sa tête, et elle commence à chanter la chanson avec ses propres mots..."
Vivant en France depuis janvier 39, (Villefranche sur mer puis Nice puis Villefranche sur Mer...), l'histoire va la rattraper. Elle et son mari Alexander Nagler seront dénoncés puis arrêtés par la Gestapo à la fin de septembre 1943, passeront par Drancy et seront déportés à Auschwitz.
J'ai honte.
Charlotte est enceinte de cinq mois et meurt gazée le jour de son arrivée, le 10 octobre 1943.
J'ai mal et je pleure.
Son mari mourra d'épuisement 5 mois plus tard.
elle avait confié ses gouaches, avant de partir, au médecin de Villefranche en lui disant : " Prenez-en soin, c’est toute ma vie ". Vie ou théâtre ?, restera longtemps caché. L'oeuvre de Charlotte Salomon appartient aujourd'hui au Musée historique juif d'Amsterdam où on peut la voir. Ce n'était pourtant qu'un début. Elle serait devenue, tout le monde en est sûr, une grande artiste.
Il existe quelques livres sur elle, essentiellement américains comme celui que j'ai. À noter quand même deux livres en français :
- le catalogue Charlotte SALOMON, Vie ? ou théâtre ?, Paris, Paris-Musées / Musée d'art et d'histoire du judaïsme, Prestel, 2006 que j'ai et qui est encore (difficilement) trouvable,
- et le livre récent de Bruno Pedretti, Charlotte, la jeune fille et la mort, trad. Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, R. Laffont, 2006, que je vais commander, vu que ce qu'il disait dans l'émission était intéressant.
Quelques films ont été faits sur elle :
- Charlotte, " Vie ou théâtre ? ", Documentaire de Richard Dindo, France, 1992, 64 min, avec la voix d'Anne Alvaro.
- Charlotte S., Fiction de Frans Weisz, RFA/Pays Bas, 1980, 95 min, VOST, avec Birgit Doll, Derek Jakobi et Elisabeth Trissenaar [la première fiction cinématographique inspirée de la vie de Charlotte Salomon]
Sur Internet je conseille deux sites :
- celui du Joods Historisch Museum d'Amsterdam, où l'on trouve des reproductions en ligne, site via lequel on peut aussi se procurer le CD-ROM Charlotte Salomon. (The complete collection) et consulter une bibliographie internationale (éditions de l'œuvre de Charlotte Salomon ainsi que catalogues d'exposition).
- le site de Conférences de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA). On peut écouter en ligne, ou télécharger " Théâtre de mémoire: visualité, musicalité et allothanatographie dans l’œuvre singulier de Charlotte Salomon. Leben ? oder Theater ? 1940-1942.", une conférence formidable de Griselda Pollock (univ. de Leeds), connue par ailleurs pour ses travaux sur Van Gogh, et son approche féministe de l'histoire de l'art. On peut choisir juste le son ou le film. les deux malheureusement sont très lourds en mégaoctets.

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