jeudi 8 décembre 2011

Tous candidats

VOS QUESTIONS - Le philosophe français et le directeur de l'ONG Colibris ont répondu vos questions...

Bonjour. Que vous inspire la situation actuelle en France et en Europe au niveau de la société et de l'économie? (Christophe G.)
Cyril Dion: Il y a un vrai déficit du politique et des leaders politiques a vraiment avoir prise sur la situation. Ils ont énormément de mal à juguler le système financier et bancaire, le pouvoir se trouve plus du côté financier et cela appelle à une réappropriation du pouvoir par les citoyens pour orienter la société.
Pierre Rabhi: Cela nécessite un véritable changement de paradigme. La logique sur laquelle s’est construite notre existence sur la planète n’est pas durable.

Pourquoi avez-vous lancé cette campagne? Pouvez-vous nous expliquer brièvement ce que c'est ? (Lonli)
Cyril Dion: On pense que pour qu’il y ait un vrai changement de société il faut qu’un vaste mouvement populaire se constitue pour agir localement et orienter les décisions politiques à l‘échelle nationale et européenne. On connait des solutions aux crises qu’il y a dans l’agriculture, l’énergie, l’éducation, l’économie, et pour que ces solutions puissent être mises en œuvre il manque une masse critique de personnes qui les portent car les leaders politiques sont pris dans un faisceau d’intérêts qui les mène à l’inertie. Il faut que chacun se réapproprie la politique. Concrètement, les gens peuvent faire deux choses: se déclarer candidat sur touscandidats2012.fr, l’idée étant de compter combien nous sommes à vouloir une autre société, et participer à des forums dans toute la France pour construire un programme citoyen pour 2012 à long-terme, sur 20 ou 30 ans.
Pierre Rabhi: En 2002, il y a eu une expérience de candidature de ma part avec le slogan “appel à l’insurrection des consciences”. Nous avons été surpris de collecter en deux mois et demi presque 200 signatures d’élus avec la création de 96 comités régionaux, y compris DOM TOM, et un débat public démocratique avec des salles combles. Le bilan que nous avons fait a bien mis en évidence que les valeurs que nous mettions en avant étaient des valeurs partagées par un nombre important de citoyens français. En 2007 on m’avait demandé de présenter, mais j’ai refusé car avec 500 signatures on ne veut pas créer un parti ou adhérer à un parti compte tenu que la politique internationale n’est pas en phase avec les grandes mutations et la réalité du monde d’aujourd’hui. On est donc repartis sur une idée de réitérer l’expérience mais sous une nouvelle forme.

Qu'est-ce que c'est qu'être un Colibri? Si j’adhère à votre mouvement, qu’est-ce que je pourrai faire ?
Cyril Dion: Etre un colibri, c’est être quelqu’un qui aspire à construire une société vraiment écologique et humaine. Si vous adhérez, vous pourrez découvrir des solutions qui participent à construire cette société, être en relation avec énormément de gens qui partagent les mêmes valeurs, trouver à côté de chez vous des acteurs ou des projets dans cette démarche et initier des actions avec des élus, des entrepreneurs, des citoyens de votre territoire qui souhaitent engager une véritable mutation dans leur ville, leur quartier, leur village.
Pierre Rabhi: Il y a une légende amérindienne qui dit qu’un jour un grand incendie de forêt a pris, tous les animaux étaient atterrés, impuissants, sauf le colibri qui allait prendre quelques gouttes d’eau dans son bec et la jetait sur le feu. Le tatou agacé dit au colibri: “Tu n’imagines quand même pas que c’est avec une goutte d’eau que tu vas éteindre le feu ?” et le colibri répond “Je sais, mais je fais ma part”. Faire sa part peu paraitre anodin mais toutes ces initiatives réunies peuvent produire un séisme positif.

D'abord grand MERCI pour tout ce que vous faites ! Avez-vous prévu des actions de grande envergure pour toucher le plus grand nombre? (Green Bazar)
Cyril Dion: Oui nous prévoyons une action de grande envergure en mars qui est pour l’instant un peu secrète. En revanche, nous travaillons déjà à faire connaître l’initiative à travers les médias, que les réseaux et les personnes prennent la responsabilité de diffuser la campagne (chacun trouve 10 personnes qui aspirent au changement). On croit à quelque chose de viral par rapport à une action de mass media.

Que pensez-vous de l'initiative du Bhoutan qui mesure la "progression", la richesse de son peuple, via le Bonheur national Brut, et non le Produit national Brut.
Pierre Rabhi: En 1968, un slogan disait “on ne tombe pas amoureux d’un produit national brut”. Le PNB implique la croissance économique, qui se révèle être le problème et non la solution. C’est pour faire de la croissance économique que nous dévorons la planète, qu’on détruit les forêts, qu’on écume les mers, qu’on exclut... Donc on est dans un malentendu et mettre l’indice du bonheur comme référent du progrès me parait tout à fait légitime et pertinent. Nous ne sommes pas sur cette terre pour produire et consommer jusqu’à la fin de nos jours, pour produire du capital mal partagé et destructeur.

Êtes-vous pessimistes ou optimistes sur l'avenir? Si vous êtes optimistes, quelles sont les raisons qui vous donnent envie d’y croire ?
Pierre Rabhi: Un écrivain qui s’appelait Bernanos disait que le pessimiste est un imbécile triste, et l’optimiste un imbécile heureux. Il n’y a que le réalisme et on s’aperçoit que d’un côté on a l’impression que le pire sur cette planète domine le meilleur et pourtant il y a lieu d’être optimiste car on voit partout des gens prendre des initiatives constructives, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons voulu ce mouvement de 2012 pour mettre en évidence tout ce génie créateur de la société civile qui participe à remettre l’histoire sur le chemin.
Cyril Dion: Qu’on soit optimiste ou pessimiste, l’essentiel est de trouver notre propre cohérence là où l’on est et de faire ce qui nous semble le plus juste, faire ce qui rend les gens heureux autour de nous et se nourrir de chaque petit pas qu’on fait quelque soit l’issue. On peut avoir un impact très fort sur la petite partir du monde sur laquelle on vit et on peut se concentrer sur celle-ci, en cherchant à être heureux et à rendre heureux les gens autours de nous en faisant des choses qui ont du sens pour nous.

Pensez-vous que l'économie de marché a sorti le monde de la précarité?
Pierre Rabhi: A l’évidence, elle a créé beaucoup plus de précarité qu’elle n’en a résolu, elle est même la cause de la précarité grandissante dans le monde car elle implique la concurrence, la dualité et par conséquent l’idée de la compétitivité, de la performance, exacerbe le fort par rapport au faible et elle devrait être abolie le plus vite possible pour une économie maîtrisée par les individus sur leur propre territoire pour construire leur autonomie. Tout le superflu que je n’achète pas, c’est la richesse que je gagne.
Cyril Dion: La théorie des économistes classiques est que l’économie de marché provoque un ruissellement de la richesse jusqu’aux couches les plus basses de la société, or aujourd’hui on voit plutôt l’inverse: 80% des richesses se concentrent dans 20% des mains. Plus l’économie de marché a de liberté, plus cet effet augmente. C’est intéressant de lire des livres “Quand la misère chasse la pauvreté” de Majid Ranhema, qui explique comment le modèle de développement occidental a déstructuré des sociétés vernaculaires qui avaient organisé les moyens de leur propre subsistance avec peu de choses et qui sont passées d’une situation pauvre mais digne à une situation de misère, conformément aux standards de l’Occident. Des modèles axés sur l’économie locale recréent une forme de prospérité, notamment par la réappropriation de l’économie et de la création monétaire par les citoyens: par exemple le Sol violette à Toulouse, cet argent circule 6 fois plus vite que l’euro. Sur 100 euros investis dans l’économie locale, 80% continuent à irriguer le territoire, tandis que dans l’économie mondialisée comme les multinationales, 20% restent sur le territoire et 80 sont aspirés vers les actionnaires et servent à la recapitalisation de l’entreprise.
Pierre Rabhi:
un grand précurseur de tout ça est Ivan Illich, qui mérite d’être réhabilité et relu.

Pouvez-vous nous dire quel intérêt autre que symbolique peut-il y avoir dans le fait que nous nous présentions tous? Le symbole a beau être fort (entre 10 et 20.000 "candidats" à ce jour), en quoi peut-il faire changer les choses? (Lelapin64)
Cyril Dion: Les leaders politiques sont bloqués, paralysés. On a vu le sommet de Copenhague où Obama n’a pas réussi à faire passer une réforme de Wall Street, donc la transformation de la société ne passe pas par là. Donc elle passera par la création de prototypes à petite échelle et leur appropriation par une masse critique de personnes. Ca s’est passé comme ça pour l’agriculture, l’écriture, les religions monothéistes... Il faut créer cette communauté pour porter ces prototypes et nous sommes au moment de l’émergence, où ces personnes se réunissent pour constituer une force. On espère que demain on sera 100.000 ou plus et que cette force se construira au fil des mois.
Pierre Rabhi: Il faut sortir de l’illusion selon laquelle si on change les structures on change la société, il faut que l’humain change aussi. Le problème du changement social passe par le changement de l’humain, une autre éducation plus dans la complémentarité, la solidarité... Il faut reprendre les symboles et les représentations mentales. On peut se chauffer avec des panneaux solaires et manger bio, tout en exploitant son prochain. L’humain s’intègre-t-il comme paramètre du changement ou reste-t-il ce qu’il est avec ses pulsions négatives et change les formes et les apparences alors qu’il faut changer l’esprit. En 2002 on parlait d’insurrection des consciences et pour 2012 on parle de république des consciences. On a toujours voulu substituer des situations les unes aux autres mais on est toujours dans le même dilemme entre le meilleur et le pire, mais fondamentalement la mutation doit être humaine. Si on a des êtres humains modérés, sobres, cela amènera un changement profond.

Quelles sont vos propositions essentielles ? (Green Bazar)
Pierre Rabhi: On vient de parler du changement humain, et cela ramène à notre responsabilité propre à l’égard du changement social par le changement individuel. Ensuite, l’éducation des enfants, pourquoi la compétitivité alors que la complémentarité serait mieux, pourquoi la subordination du féminin alors que féminin et masculin sont les deux éléments constitutifs de l’équilibre, produire et consommer localement plutôt que transporter la nourriture des antipodes.
Cyril Dion: On voudrait aller vers une agriculture fondée sur l’agro écologie biologique en circuit court et vivrière, engager un plan de transition énergétique pour nos territoires et spécifiquement pour la France basé sur la sobriété, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables et sortir progressivement des énergies fossiles (pétrole et nucléaire). Sortir aussi de la monoculture monétaire pour rendre la création monétaire aux Etats, mais de façon plus large aux peuples, aux collectivités, aux entreprises pour construire des économies locales, sociales, qui participent au bien être des communautés et pas dont l’objectif est de faire du profit à tout prix, repenser l’urbanisme pour remettre l’être humain en lien avec la nature, etc.

Pourquoi ne pas créer des "avant postes" Colibris dans chaque ville sous forme de café associatif, lieu d'échange et de partage de savoir... Des Jardins collectifs, partagés, pédagogiques, dans toutes les villes... pour alimenter les collectivités et les habitants... (Green Bazar)
Cyril Dion: Il existe près d’une centaine de relais locaux Colibris en France, Belgique, Suisse et au Québec, que vous pouvez trouver sur le site. Ces relais sont des groupes qui initient des actions sur leur territoire pour transformer la société à leur échelle (AMAP, jardins partagés, cantines bio, monnaies locales, écoles alternatives...).

Pourquoi les AMAP ne sont-ils pas plus encouragés par les politiques? C’est quand même un excellent système pour la planète, l’économie des agriculteurs, notre santé... (Lilou)
Cyril Dion: Parce qu’il y a un lobby agroalimentaire en France considérable. Le lobby de la pétrochimie (engrais, produits phytosanitaires, semences) est extrêmement puissant. Les AMAP sont un système vraiment autonome qui ne permet pas à des entreprises privées de faire du profit, donc ça ne participe pas à la logique de croissance économique, donc le politique ne l’encourage pas.
Pierre Rabhi: Des dispositifs criminels existent, on essaye de faire avancer les OGM, on vient d’interdire aux agriculteurs d’utiliser gratuitement leurs semences de ferme. On peut dire qu’il y a un scénario actuellement entre les sols pollués et maltraités, l’eau polluée, les semences traditionnelles mises à mal, les paysans authentiques qui disparaissent, la concentration de l’alimentation qui procède plutôt par transport incessant au détriment de la production locale... Tout cela prépare certainement une pénurie alimentaire sans précédent.

Bonjour Mr Pierre Rabhi et Mr Cyril Dion. Moi aussi je tiens à vous remercier car vous donnez un peu d'espoir à travers chacune de vos interventions. De l'espoir pour tous qui est indispensable... Voilà donc mes questions que je vous pose à tous deux : Où puisez-vous la force qui vous permet de continuer à vous battre pour vos convictions? Que faire pour s'impliquer plus encore dans la défense de la vie? J'espère que vous voudrez et pourrez répondre à mes questions. (Wolfy71)
Pierre Rabhi: Nous vivons de la force de nos convictions, elles nous alimentent, ce qui est chevillé dans notre âme comme valeurs. On est presque complètement au service des valeurs qui nous donnent l’énergie pour continuer. C’est une idée de cohérence: je ne peux pas être présent dans ce monde, constater des choses qui heurtent ma conscience et dire c’est comme ça. On essaye d’agir sans avoir l’illusion qu’on va changer le monde seul. Mais je crois à la valeur du ferment, quelque chose de minime mais qui détermine l’évolution. Comment continuer en construisant des exemples, en incarnant les utopies, ça ne tient pas forcément à la force que nous avons mais à quelque chose qui la transcende pour aller vers une énergie indescriptible. Parfois on me demande pourquoi je ne reste pas tranquille, les voisins vont au bistrot, jouent à la pétanque, boivent un verre de rouge, parfois je les envie mais nous on ‘n’arrête pas de s’agiter car quelque chose en nous nous aiguillonne profondément. Je n’aimerais pas que mes petits enfants me disent tu savais et tu n’as rien fait car l’héritage que nous leur laissons pourrait être très difficile. Ma conscience ne me permet pas de leur laisser un monde dégradé.
Cyril Dion: Si on voulait sauver le monde ce serait désespérant, moi ce qui me donne de l’énergie est de faire les choses qui me passionnent et me sentir parfois utile à quelques personnes qui nous le témoignent. Si chacun faisait ce pourquoi il a le plus de talent et qui le rend plus heureux, la société fonctionnerait mieux et ce ne serait pas un effort. Plutôt que de se battre contre un système injuste, il faut chercher ce qu’il y a de plus vivant et épanouissant en nous et ce n’est pas d’envoyer des missiles ou faire exploser des bombes... Quand on est heureux, c’est contagieux.

Quelles sont vos solutions concrètes, crédibles et réalisables pour réduire le déficit de l'Etat? (scheu)
Pierre Rabhi: Il faut sortir du malentendu: ce que nous appelons économie est du gaspillage et de la destruction. La croissance économique est aussi un malentendu: on ait de la croissance économique avec tout, y compris en liquidant la faune, en détruisant les forêts, en mettant les gens dehors... il faut déjà une grande définition de l’économie qui n’est pas celle d’aujourd’hui. A partir de là, il faudrait mettre l’humain au cœur de la logique au lieu de la finance. L’économie deviendrait le souci d’augmenter le bonheur et la satisfaction et non pas la frustration et l’exclusion.
Cyril Dion: Si on veut réduire le déficit de l’Etat il faut rendre la création monétaire à l’Etat et pas aux banques privées. Jusqu’en 1973, la Banque de France prêtait à l’Etat à des taux quasiment nuls. Depuis que nous avons donné le monopole de la création monétaire à des banques privées dont l’objectif est la rentabilité et le profit financier, la dette de la France a totalement explosé. il existe des simulations sur ce que serait la dette de l’Etat si nous étions restés dans le système d’avant 1973 et la différence est édifiante.

Comme je suis Drômoise, j'ai eu le plaisir d'entendre quelques-fois Pierre Rabhi lors de manifestations aux Amanins, et je lis et écoute souvent ses interventions sur les medias. J’admire sa vision positive et constructive.. Sur quoi se baser et comment maintenir le cap lorsqu'on évolue dans un environnement anxiogène avec une population qui a de plus en plus peur de son voisin, de perdre ce qu'elle possède, de ne pas pouvoir manger, se loger, se soigner, se former? Que dire à nos enfants et notre entourage durant cette période compliquée ? (Patfree)
Pierre Rabhi: J’avais préconisé un concept “L’oasis en tous lieux”. La société est très anxiogène car elle est désocialisée, il n’y a plus de solidarité entre les gens. Dans nos systèmes éclatés depuis les trente glorieuses, avoir son salaire, sa maison, a certes permis l’accès à chacun à des biens de base mais en 1968 l’un des slogans était le ras le bol de la société de consommation. C’était le dégout de la grosse prospérité, or aujourd’hui on se trouve dans une situation dans laquelle il y a un retournement de la situation qui fait que de plus en plus de gens vivent dans l’anxiété et la solitude. La création d’oasis est de recréer des lieux de solidarité, d’échange, de mutualisation des moyens qui permet que les individus ne soient plus livrés seuls à leur destin. Voir “Oasis en tous lieux” sur internet.

Ma découverte de Pierre Rabhi est récente mais cela a été un véritable électrochoc dans ma vie. J'ai lu tous ses livres dont l'écriture poétique à la fois douce et puissante m'a transportée. Il y a vraiment pour moi un « avant » et un « après » Pierre Rabhi! Pour moi qui suis d'une famille de droite où mes parents exerçaient des professions libérales, qui travaillaient dur, étaient attentifs aux autres, j’ai moi-même créé mon entreprise dans un souci d'éthique et de relations humaines, il me semble urgent de dépasser ce vieux clivage gauche/droite basé sur l'opposition systématique entre patrons et salariés. Il y a des patrons tyranniques tout comme il y a des employés peu scrupuleux. Qu'en pensez-vous? (ninnie75)
Pierre Rabhi: Je suis très heureux d’avoir été utile et je vous remercie de m’honorer de votre confiance. On revient toujours à la question fondamentale: il ne faut pas confondre les structures superficielles et la personne elle même. Ce monde a besoin de convivialité, de compassion, de valeurs fondamentales qui permettent l’amour dont le monde a besoin.

Bonjour à tous les deux. Monsieur Rabhi, en 2002, vous vous étiez engagé dans la campagne présidentielle, tout comme Nicolas Hulot en 2007. Pensez-vous que l'écologie politique est nécessaire, voire, souhaitable ? Vous sentez vous proche de ses représentants ? N'est ce pas à nous d'imaginer et de créer, afin d'imposer nos évidences, nos expériences aux élus ? Merci (Gregcatel)
Pierre Rabhi: Il ne devrait même pas y avoir de parti écologique car nous sommes tous concernés. L’écologie, tout le monde est absolument concerné car ce sont les fondements de la vie et ça devait être quelque chose d’inclus dans la vie depuis l’éducation des enfants. Mais cette notion a été exclue du système car on est parti sur une logique de production-destruction, mais le patrimoine manquera aux générations futures. Je suis très reconnaissant à toutes les personnes préoccupées par l’écologie et les amis dans le monde de la politique, mais il faut qu’elles incluent des critères tels que la beauté et l’esprit. Intégrer cela dans notre vision écologique me parait indispensable, sinon on reste dans le factuel alors que l’humain est fait pour admirer, aimer, s’enchanter, c’est ce que l’écologie doit nous apporter et ne pas être seulement une bataille contre la pollution. L’écologie doit reposer aussi sur cette nécessité d’admirer la vie et nous nourrir de ces biens abstraits. Je suis plus proche des consciences qui ont un souci de la vie que des partis.

C'est mon changement qui détermine le changement du monde" lit-on sur Colibris. Je suis d'accord avec cette maxime. La question que je vous pose c'est comment changer les mentalités? (koutoumi)
Cyril Dion: Gandhi disait “Donner l’exemple n’est pas la meilleure façon de convaincre, c’est la seule”. On ne peut pas forcer les gens à changer de mentalité, on peut simplement être un témoignage de quelqu’un qui se met en cohérence avec ses valeurs, qui agit, qui incarne des utopies, et la valeur de l’exemple est très forte pour donner envie à d’autres de s’engager dans des chemins similaires.
Pierre Rabhi: Nietzsche disait à certains chrétiens “Il faut que nous ayez l’air un peu plus sauvés pour qu’on croit à votre sauveur”. La valeur de l’exemple nous amène à être dans notre vérité, dans notre sincérité et dans le témoignage qui a une grande puissance. D’autant plus dans notre société où il y a pléthore de théories sur le monde qui va mal mais le problème n’est plus de faire le constat, mais d’agir. C’est pour ça que nous tenons à la dimension concrète de Colibris, l’encensement et la connexion des consciences, et le pendant concret dans différentes structures témoins, tangibles, destinées à dire “autre chose est possible”.

Que pensez-vous de l'action de Nicolas Sarkozy, sur le plan économique et nucléaire? Pensez-vous que l'on puisse en sortir, si oui, comment? (abigaelle)
Cyril Dion: Nicolas Sarkozy réfléchit comme un homme du 20e siècle. Je pense qu’on peut sortir progressivement du nucléaire, il y a un scénario élaboré par les ingénieurs de négaWatt qui propose un chemin de transition énergétique et qui a modélisé une sortie du nucléaire entre 2030 et 2035, à un moment où une bonne partie du parc nucléaire devra être renouvelé et où un grand nombre de salariés de cette industrie partiront à la retraite. C’est la fenêtre idéale pour utiliser les investissements qu’on aurait fait dans les centrales pour développer les énergies renouvelables. Le scénario est aussi basé sur les énormes économies d’énergie que nous pourrions faire, c’est à ce jour le gisement le plus important d’énergie propre dans leur scénario.
Pierre Rabhi: Toutes ces questions ne peuvent être solutionnées sans parallèlement mettre en route un paradigme reposant sur la performance de la modération. Ce qu’on réalise avec les moyens les plus simples sont ceux qui traduisent l’intelligence et l’astuce, ce n’est pas la complexité qui me parait performant. On est dans l’inversion du mental.

Comment envisagez-vous de progresser sur la dynamique la relation Nord-Sud? (Peter et Nathalie)
Pierre Rabhi: Nous avons une expérience de plusieurs décennies sur la transmission de l’agro écologie aux pays du Sud. Nous avons fait la démonstration que cette approche agronomique et écologique est parfaitement appropriée aux populations les plus démunies et nous voulons élargir cette action, ce qui nous a amené à la création d’une Fondation Pierre Rabhi pour la sécurité, la salubrité et l’autonomie alimentaire des populations. Cette fondation est destinée à soutenir des programmes élargis au Maghreb, en Afrique noire, en Europe de l’Est et probablement ailleurs.

Cyril Dion: Ce qui est important aujourd’hui est de se relier les uns aux autres, de se rassembler. Une étude sociologique montre que 25% de la population aux USA, en Europe et au Japon étaient d'accord pour construire une société fondée sur des valeurs telles que l’écologie, l’équilibrage féminin-masculin, l’implication sociétale, la connaissance de soi, or ces personnes pensaient n'être que 5% de la population. L’enjeu est de prendre conscience de la force que nous représentons, et c’est pour cela que nous avons créé cette campagne Tous candidats et je vous incite à aller vous inscrire sur le site touscandidats2012. Merci beaucoup pour vos questions et pour nous avoir lu.

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Présentation du chat:

Peut-on réellement changer la société? Comment, et quel chemin prendre? Le mouvement Colibris lance une grande campagne citoyenne en parallèle à l’élection présidentielle intitulée Tous candidats en 2012. L'objectif est simple. Il s'agit de créer une communauté de citoyens, d'élus, d'entrepreneurs pour proposer des solutions à l'échelle nationale et européenne et d'agir localement, pour construire une société nouvelle, véritablement écologique et humaine.

- Pierre Rabhi est un auteur et philosophe français. C'est aussi et surtout l’un des pionniers de l’agriculture écologique en France. Il est à l'origine de nombreuses structures, comme l’association Terre & Humanisme, le Mouvement des Oasis en Tous Lieux, le centre agroécologique Les Amanins, la Ferme des enfants-Hameau des Buis et plus récemment Colibris - le Mouvement pour la terre et l’humanisme.

- Cyril Dion est le directeur de l'ONG Colibris. De 2003 à 2007, il a été coordinateur de projets et directeur éditorial pour la fondation "Hommes de Paroles" avec laquelle il a co-organisé un congrès israélo-palestinien en Suisse ainsi que les deux premiers congrès mondiaux des Imams et Rabbins pour la Piuax en 2005 et 2006.

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