dimanche 11 décembre 2011

Un H5N1 de laboratoire qui pourrait décimer une partie de l’humanité ?

L’information avait commencé à filtrer dans les journaux depuis quelques jours et ce 7 décembre, sur les ondes d’Inter, un journaliste a annoncé la création d’un nouveau virus H5N1 muté suite à des recherches réalisées dans un laboratoire néerlandais. Ce virus est défini comme transmissible d’homme à homme et donc, s’il se baladait dans la nature, nous pourrions craindre le pire. Une pandémie mortelle menace l’humanité et donc comme le précise le journaliste d’Inter, la destination obligatoire de ce nouveau virus doit être un des sept laboratoires dotés des normes de sécurité P4, l’un étant basé à Lyon. Ce qui sous entend qu’en ce moment, le virus serait dans un laboratoire ne présentant pas les normes de sécurité les plus drastiques et que nous sommes théoriquement en danger de mort.

Pas de panique inutile et d’ailleurs, l’organisme de surveillance génétique néerlandais (COGEM) avait donné son aval pour ces travaux jugés comme respectant les normes de sécurité. Il faudrait essayer d’en savoir un peu plus sur cette affaire qui normalement n’aurait pas fait tant de bruit si la publication de ces travaux, présentés lors d’une conférence à Malte, avaient été publiés par la prestigieuse revue Science en suivant la procédure habituelle. Or, il n’y a plus de procédure habituelle en cette époque où la menace est autant sanitaire que terroriste. Et donc, les membres du comité éditorial de Science ont saisi le NSABB, organisme voué à s’occuper de biosécurité, a qui l’on a demandé s’il était opportun de publier l’étude conduite par le Néerlandais Ron Fouchier en sachant que la diffusion des données pourraient être utilisées par un improbable laboratoire financé par des agents terroristes. Allez savoir, si en Iran, l’ennemi occidental numéro un, des biologistes ne pourraient pas reproduire ce virus et nous le refiler. Si l’Iran forme des ingénieurs pour enrichir l’uranium, elle forme également des biologistes aussi compétents que leurs homologues occidentaux. Il va de soi que si un tel virus était répandu intentionnellement dans la nature, les auteurs devraient aussi prévoir un vaccin pour se préserver. Et que pour l’instant, les supputations relèvent plus de la science fiction que d’éléments tangibles issus de la recherche scientifique. La publication de Fouchier reste suspendue et l’intéressé se trouve un peu embarrassé car maintenant, il doit faire face à une horde de journalistes venus le solliciter et affronter une tempête médiatique. Ce qui n’est pas le cas de son homologue américain Yoshihiro Kawaoka qui lui aussi, a abouti à des résultats similaires et dont les travaux sont aussi bloqués sous la surveillance du NSABB et de la revue Science.

Pourquoi ces scientifiques ont-ils fait ces recherches ? C’est pour réfléchir à une possibilité de pandémie grippale occasionnées par le virus H5N1 qui appartient au type A, comme les virus grippaux se transmettant d’homme à homme, bien connus comme le H1N1 qui eut son heure de célébrité, et dont les souches transmissibles contiennent le déterminant antigénique H1, H2 ou H3. Ce qui n’en fait pas obligatoirement des virus pathogènes pour l’homme. On connaît en effet le H3N8 affectant chiens et chevaux, animaux habitués à être en contact avec l’homme mais qui n’ont pas à notre connaissance transmis la grippe. Le H5N1 est par contre sous la surveillance étroite des virologues et des épidémiologistes depuis les quelques 600 cas recensés de transmission de l’oiseau à l’humain, le plus souvent dans les pays asiatiques où les paysans sont en contact étroit avec les volailles. Le H5N1 se transmet rapidement chez les oiseaux mais le passage du volatile à l’homme est resté pour l’instant exceptionnel. En plus, on peut douter de l’authenticité des cas répertoriés dans la mesure où l’authentification du virus nécessite des analyses compliquées et qu’un décès peut tout aussi bien être imputable à une infection à streptocoques, accentuée éventuellement par le virus H5N1. Ce qui inquiète les épidémiologistes, c’est le fait que le virus H5N1, pour autant qu’il ait été le responsable des décès qu’on lui a imputés, est hautement mortel. Mais heureusement, il ne se transmet pas d’homme à homme et n’est pas contagieux. Mais rien ne s’oppose à une mutation qui pourrait le rendre contagieux en conservant sa létalité élevée et c’est cette possibilité qui vient d’être testée par deux équipes dont les travaux restent sous la surveillance des proposés à la biosécurité.

Le virus H5N1 qui vient d’être produit en laboratoire se transmet-il d’homme à homme ? La réponse est catégoriquement non, comme on va le constater en examinant de plus près ces recherches. En fait, le H5N1 se transmet entre animaux par des fluides, principalement des fientes chez les volatiles ou par exemple des rejets pharyngés lors des quelques cas de transmission impliquant d’autres espèces comme le lion. Pour que le virus soit très contagieux chez l’homme, il faut qu’il se propage par voie aérienne et que de plus, il infecte l’homme. Les scientifiques n’ont pas utilisé comme on s’en doute des humains mais le furet, animal de référence dans les études grippales car il réagit comme l’homme face au virus. Fouchier explique qu’il a inoculé le H5N1 a des furets puis a laissé ces animaux se reproduire. Au bout de 10 générations, il a constaté que le virus se transmet entre furets séparés par des cages et donc que le virus a muté pour devenir « airborne », autrement dit transmissible par voie aérienne. 5 gènes ont subi des mutations déjà observées séparément dans les virus naturels. En conclusion, le virus muté est aussi létal pour le furet que le virus d’origine mais il se transmet par voie aérienne et donc, il peut s’infiltrer dès lors qu’un individu respire de l’air contenant les particules virales.

Ce virus bricolé sur le furet pourrait-il se transmettre entre humain ? La réponse donnée par Fouchier ne livre aucune certitude. Juste des suppositions basées sur le constat que les virus grippaux infectant l’homme se transmettent également entre furets et réciproquement. Tout en précisant que dans ce nouveau cas, il n’est pas du tout certain que cela se produirait mais il n’est pas prêt à miser le moindre sou sur cette hypothèse. Ce qui signifie qu’une fois de plus, les journalistes sacrifient au sensationnel en présentant des supputations comme des faits avérés. Parmi les virologues, certains doutent de la possibilité de créer des virus pandémiques en laboratoire, en travaillant sur des modèles animaux, mais ils redoutent plutôt une mutation qui se produirait spontanément dans la nature. En fait, les virologues peuvent analyser les mutations mais ils ne savent pas pourquoi un virus peut devenir contagieux et/ou létal. C’est un peu la loterie naturelle. Pour qu’il soit contagieux, il faut qu’il puisse entrer dans la cellule puis parasiter le système de transcription ou de réplication (si c’est un virus à ARN comme la grippe ou à ADN). Une étroite coopération est requise entre l’envahisseur et son hôte.

Pour l’instant, la revue Science n’a pas publié les travaux et les débats n’ont fait que commencer. Certains évoquant la possibilité de publier les travaux en occultant la divulgation des protocoles, éventualité qui n’a pas forcément l’aval de la communauté scientifique pour qui les informations doivent être partagées afin de reproduire les expériences et de tester d’autres hypothèses. Et on se demandera une fois de plus si certains médias ne jouent pas l'affolement. Car comme les scientifiques concernés le disent, ces recherches ont déclenché une tempête médiatique (voir lien inséré plus haut dans l'article)

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