vendredi 16 août 2013

Les Frères musulmans

Les Frères musulmans (FM) (arabe : جمعية الأخوان المسلمين, jamiat al-Ikhwan al-muslimin, littéralement Association des Frères musulmans) est une organisation panislamiste fondée en 1928 par Hassan el-Banna, à Ismaïlia au nord-est de l'Égypte, avec comme objectif une renaissance islamique, la lutte officiellement non-violente1,2 contre l’influence occidentale. Elle a rapidement essaimé ses idées dans les pays à majorité musulmane du Moyen-Orient, au Soudan et en Afrique du Nord, et a établi des « têtes de pont » jusqu’en Europe. Certains groupes de partisans se sont constitués en mouvements autonomes, comme le Jama’a al-islamiya ou encore le Hamas.

Son opposition fondamentale et parfois violente aux États laïcs arabes a amené son interdiction ou la limitation de ses activités dans certains pays comme la Syrie ou encore l’Égypte.

La lutte contre l’État d’Israël est au cœur du mouvement depuis sa fondation, et le théoricien du jihad armé, Sayyid Qutb, fut l’un de ses membres égyptiens les plus en vue. Néanmoins, ses différentes branches ont depuis condamné le recours à la violence en dehors de la Palestine.

Le mouvement entretient avec les institutions promouvant le wahhabisme saoudien des relations alternant entre la coopération et la rivalité.

La nébuleuse des Frères musulmans serait coordonnée par la Muslim Association of Britain[réf. souhaitée] de Londres, s’appuyant sur la banque Al-Taqwa. Néanmoins, selon Xavier Ternisien, elle ne constitue pas une structure pyramidale centralisée mais une mouvance hétérogène, labile et multiforme.

Frères musulmans
Image illustrative de l'article Frères musulmans
Logo officiel
Présentation
Chef Mohammed Badie
Fondation 1928 à Ismaïlia
Fondateur Hassan el-Banna
Idéologie Islamisme
Panislamisme
Site web www.ikhwanweb.com

L’association est fondée en 1928 par Hassan el-Banna en Égypte après l’effondrement de l’Empire ottoman, l'instituteur égyptien racontant dans ses mémoires que six ouvriers de la compagnie de Suez l’auraient poussé à créer son mouvement en réaction au pouvoir des étrangers3. Déterminée à lutter contre « l’emprise laïque occidentale et l’imitation aveugle du modèle européen »4, son mouvement débute comme une simple association locale de bienfaisance mais rapidement se donne un but politique, celui d’instaurer un grand État islamique fondé sur l’application de la charia5.
Lors du premier congrès du parti en 1933, l’organisation comptait 2 000 militants, un an plus tard ils sont 40 000, et en 1943 la confrérie compte plus de 200 000 militants.
L'association des Mères musulmanes, également fondée en 1928, devient en 1933 l'association des Sœurs musulmanes, puis en 1937 l'association des Femmes musulmanes. La plus connue de leurs militantes est Zainab al Ghazali (en)6.
En 1935, l’organisation rentre en contact avec Amin al-Husseini, le grand mufti de Jérusalem, et participe à l’insurrection arabe de Palestine de 1936. En 1945, Saïd Ramadan crée une branche armée arabe de Palestine du mouvement, qui a pour objectif de combattre le mouvement sioniste. Les Frères musulmans connaissent ainsi un succès fulgurant et de nombreux militants participent à la guerre de 1948 destinée à anéantir le tout jeune État d’Israël.
En 1948, le 28 décembre, l'« appareil secret » (appelée aussi l'« organisation spéciale », branche paramilitaire des Frères musulmans) de l'organisation assassine le Premier ministre égyptien de l’époque, Mahmud Fahmi Nokrashi. En représailles, l'organisation est interdite et son fondateur Hassan el-Banna est assassiné par les agents du gouvernement le 12 février 19495. Au début des années 1950, les États-Unis s’intéressent aux Frères musulmans comme alliés potentiels contre Nasser et l’établissement de régimes communistes ou socialistes au Moyen-Orient. Talcott Seelye (en), diplomate en poste en Jordanie, rencontre Saïd Ramadan en 19537. Selon un document des renseignements allemands, les Américains lui obtiennent un passeport diplomatique jordanien pour faciliter ses déplacements8. Dès 1954, la confrérie est dissoute par les autorités égyptiennes. En 1954, Nasser, qui craint pour sa personne, décide à nouveau d’interdire l’organisation. Près de 20 000 militants sont incarcérés, dont le leader actuel d’Al-Qaida, Ayman al-Zawahiri (Ayman aurait donc 6 ans puisqu'il serait né en 1951). En 1984, le pouvoir reconnut à la confrérie le statut d'organisation religieuse, mais refusa sa participation à la vie politique. Un interdit que les Frères musulmans contournèrent en présentant des candidats « sans étiquette » aux élections, et en intégrant le parlement via des alliances avec d'autres partis. Certains, dont Saïd Ramadan, après avoir tâté le terrain dans les pays arabes avoisinants, optent finalement pour l’Europe comme lieu d’implantation de leurs nouvelles bases, avec l’aide financière des Saoudiens.
À partir du milieu des années 1960, les Frères musulmans redeviennent actifs en Israël. Dans les territoires contestés, la branche palestinienne engendre l’Al-Mujamma' al-islami, qui deviendra en 1987 le Hamas. Sa charte comporte la destruction de l’État d’Israël comme objectif central. L’organisation se consacre ouvertement aux œuvres sociales et à la construction de mosquées, dont le nombre augmente sans cesse en Cisjordanie et dans la bande de Gaza entre 1967 et 1987. Elle recourt aux actions armées et aux attentats, y compris aux attentats suicides. Ses sources de financement proviennent en grande partie de l’Arabie saoudite et plus tard de l'Iran. En 1973, le Shah, encouragé par Nixon et Kissinger, "prit l'initiative, au nom de l'OPEP, de procéder à une augmentation très importante du prix du pétrole9". L'Arabie Saoudite et l'Iran utilisèrent cette nouvelle opulence pour renforcer mondialement le fondamentalisme islamique, utilisant à cette fin des mouvements soutenus par la CIA tels que les Frères Musulmans et la Ligue islamique mondiale9.
L'intérêt porté par les États-Unis aux mouvements réactionnaires islamistes censés contrer les progressistes, remonte aux années 1950. En 1953, Eisenhower reçut dans le Bureau ovale une délégation incluant Saïd Ramadan des Frères Musulmans, qui était le chef coordinateur d'organisations associées au Pakistan agissant pour la Ligue Islamique Mondiale, ainsi qu'au sein du Jamaat-e-Islami10.
En Égypte, dans les années 1970, Sadate utilise les Frères musulmans pour faire contrepoids à l’extrême gauche et il leur promet l’intégration future de la charia dans les lois égyptiennes. En 1971, la CIA collabora avec les services de renseignements saoudiens pour soutenir les Frères Musulmans et leurs alliés dans une campagne mondiale contre le communisme, particulièrement en Égypte9,11. En 1978, l’année de Camp David, ils renoncent officiellement au soutien des actions violentes, à l’exception du combat en Palestine. Cependant, leurs partisans qui ne partagent pas cette position se regroupent dans d’autres structures, comme la al-Gama'a al-islamiyya (Groupe islamique) dont un des membres assassine Sadate en 198112. Les Frères entretiendront des contacts, plus ou moins étroits selon l’époque, avec cette organisation, qui commettra des attentats contre des touristes occidentaux en 1992 et en 1993. Par ailleurs, un bras armé clandestin se constitue dès le début des années 1980. Certains de ses membres tentent d’infiltrer les institutions gouvernementales, mais le régime laïque d’Hosni Moubarak fait obstacle à la plupart des manœuvres politiques, à l’exception notable de certains syndicats stratégiques actuellement infiltrés de toutes parts par les Frères musulmans, par exemple celui des avocats. En 1982, les organes de presse des Frères sont détruits et la quasi-totalité de leurs publications saisies. L'organisation reste interdite mais paradoxalement est tolérée5.
Cette même année, le président syrien Hafez el-Assad élimine (voir Massacre de Hama) le bras armé des Frères musulmans, l’al-Talia al-Muqatila (Avant-garde combattante) dont les militants se dispersent en Arabie saoudite, en Jordanie, au Koweït ainsi qu’en Afghanistan. Les Frères musulmans restent en 2007 hors la loi dans ce pays où l’appartenance à l’organisation est punie de la peine de mort.
En 1984, le pouvoir égyptien d'Hosni Moubarak reconnaît les Frères en tant qu’organisation religieuse mais leur refuse l’inscription en tant que parti politique. Les candidats fréristes participent aux élections comme indépendants ou comme représentants d’autres partis. Leurs militants manifestent souvent contre le pouvoir aux côtés d’autres mouvements d’opposition égyptiens, en faveur de réformes constitutionnelles et pour la fin de l’état d’urgence. L’organisation s’efforce d’être présente sur le terrain en aidant les classes défavorisées autant sur le plan social que financier, fournissant, entre autres, aux personnes dans le besoin des médicaments ou des prêts d’argent.
Dans les années 1990, en Égypte, la confrérie s’affiche publiquement comme un mouvement respectueux de la démocratie. Elle publie trois manifestes importants :
  • l’un plaidant en faveur de « l’indispensable démocratie » ;
  • l’autre portant sur les droits des minorités, notamment de « nos frères et compatriotes coptes » ;
  • et le troisième concernant « le statut de la femme ».
Ces manifestes, dus pour la plus grande part à de jeunes membres du mouvement, sont adoptés par la confrérie, mais sans grande conviction pour ce qui est de la vieille direction dont la plupart des membres sont âgés de plus de 70 ans. Pour les jeunes, la vieille garde semble trop conservatrice. En 1996, dix-sept d’entre eux demandent officiellement la création d’un nouveau parti politique, Al Wasat. Ses fondateurs ont à peu près le même âge (entre 35 et 45 ans) et appartiennent pour la plupart aux professions libérales : avocats, médecins, pharmaciens ou encore ingénieurs. Ils ont participé aux luttes estudiantines puis syndicales de l’époque. Réceptifs aux évolutions du monde du fait de leurs déplacements à l’étranger au cours desquels ils participent à maints colloques et conférences, ils ont acquis une expérience qui a creusé le fossé entre eux et les aînés de la confrérie, mais leur profond conservatisme religieux en comparaison d’autres jeunes musulmans reste un de leurs traits saillants.
Les fondateurs de ce nouveau parti politique reprochent aux dirigeants des Frères musulmans leur manque de modernité et leurs concepts archaïques. Ils proposent l’adoption d’« une vision moderniste fondée, certes, sur les acquis du passé, mais axée sur les défis du XXIe siècle». En opposition avec leurs aînés, ils établissent un programme plutôt libéral, fondé sur le Coran mais reconnaissant les évolutions de la société. Ils sont en faveur d’un système gouvernemental à l’« occidentale » qui respecte toutes les libertés collectives et individuelles, des élections pluralistes, l’alternance politique et la primauté de la loi. Un copte, Rafiq Habib, fils du président de la communauté anglicane d’Égypte, est membre du comité fondateur du parti. Mais Al Wasat ne verra finalement jamais le jour : le 13 mai 1996, les autorités égyptiennes déclarent irrecevable sa demande de légalisation. Deux jours après ce rejet, les fondateurs sont arrêtés et déférés devant la Haute Cour militaire.
Les années 1980 et 1990 voient également un déploiement d’activité au sein de la mouvance européenne des Frères musulmans, qui crée plusieurs organisations (UOIE, UOIF, CEFR...) visant à placer les communautés musulmanes en pleine croissance sous leur influence, et s’efforce d’être reconnue par les gouvernements comme représentante officielle de ces communautés. Les Frères musulmans se dotent d’institutions financières propres (banque Al-Taqwa, Fonds européen), le soutien direct des institutions saoudiennes comme la Ligue islamique mondiale (LIM) étant devenu aléatoire.
En 2007, reconnaissant leur poids au Proche-Orient, le gouvernement des États-Unis s’intéresse de nouveau à une alliance avec les Frères. Le Département d’État approuve une politique de contacts futurs entre des diplomates américains et des leaders du mouvement dans les pays arabes13.

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