samedi 6 juillet 2013

Le « cloud » à la française espère profiter du scandale Prism

Par Romain Gueugneau | 05/07 | 06:00

Les révélations sur les pratiques de la NSA en matière de surveillance informatique peuvent légitimer le positionnement des acteurs français, qui misent sur le caractère souverain de leurs offres.

Le « cloud » à la française espère profiter du scandale Prism
L'affaire Prism n'en finit pas de provoquer des remous sur la scène internationale, même si les tensions semblent s'apaiser entre Européens et Américains. Néanmoins, les répercussions pourraient également être importantes dans le monde de l'informatique, et plus particulièrement sur le marché du « cloud computing ». Les révélations de l'ex-agent de la CIA, Edward Snowden, à l'origine du scandale, ont mis au jour les pratiques de la NSA, l'agence nationale de sécurité américaine, et les requêtes formulées auprès de groupes comme Google, Facebook ou Microsoft sur des données appartenant à leurs clients. La nouvelle a évidemment jeté un froid dans le secteur et chez les utilisateurs de ces technologies. «  L'affaire Prism risque de renforcer les craintes des entreprises européennes, voire asiatiques, à l'égard des hébergeurs de données américains, accentuant ainsi le sentiment de défiance qui relevait jusqu'à présent plus d'une perception générale que de risques avérés », souligne Ahmed Baladi, avocat associé chez Allen & Overy, spécialiste des questions d'informatique.
Les géants américains ont tenté de rassurer leurs clients, comme Amazon la semaine dernière, lors d'un événement organisé à Paris à destination de sa clientèle. «  On ne constate pas de vent de panique parmi les clients », relativise le représentant d'un autre groupe américain. Mais, après l'épisode du Patriot Act (cette loi qui contraint, sous certaines conditions, les entreprises américaines à divulguer les données de leurs clients au gouvernement américain), le malaise devient perceptible sur le marché. Nombre d'entreprises s'inquiètent de savoir comment sont gérées leurs données informatiques, qu'elles travaillent avec des entreprises américaines ou pas. «  J'ai reçu pas mal d'appels de clients inquiets. Ils veulent connaître précisément l'empreinte que laissent leurs données », commente Jules-Henri Gavetti, le PDG d'Ikoula, un hébergeur informatique français dont les infrastructures sont basées dans l'Hexagone.

« Loyauté et transparence »

«  Cette affaire va renforcer la méfiance des industriels sur l'usage du "cloud computing" », témoigne Luc Renouil, directeur technique de Bertin Technologies, une PME innovante, et membre du Comité Richelieu. En France, la sécurité et la maîtrise des données figurent justement dans les principaux freins à l'adoption du « cloud » dans les entreprises. «  Le scandale Prism peut favoriser la résistance au changement. Cela risque, à court terme, de pénaliser l'ensemble de la profession », regrette Philippe Tavernier, le président de Numergy, la société créée l'an dernier par SFR et Bull, avec le soutien financier de l'Etat.
Les opérateurs de « cloud » à la française, comme Numergy et son concurrent Cloudwatt, fondé par Orange et Thales, espèrent néanmoins tirer profit de la situation. Ils voient, là, un moyen de justifier leur positionnement, basé sur le principe de souveraineté des données et applications informatiques. «  La sensibilité des entreprises sur la localisation de leurs données et la crédibilité de leurs fournisseurs va croissant. Mais notre discours ne va pas changer. Nous restons positionnés sur la loyauté et la transparence contractuelle », explique Patrick Starck, le PDG de Cloudwatt. Pour Fabrice Barros, consultant au sein du cabinet Kurt Salmon, l'affaire Prism «  peut effectivement être bénéfique à Numergy et Cloudwatt, dont le business plan est ainsi renforcé ».
Peu de chances pour autant d'assister à un afflux massif de clients chez les deux opérateurs souverains. «  L'activité accélère en ce moment, mais je ne suis pas sûr que ce soit directement lié à cette actualité », reconnaît Philippe Tavernier. Numergy aurait franchi le cap de son premier million d'euros de chiffre d'affaires au premier semestre. Quant à Cloudwatt, ses premières offres seront réellement commercialisées à partir de la rentrée.
Les acteurs privés du secteur comme OVH et Ikoula ont aussi une carte à jouer. «  Avec Prism, il va y avoir une prise de conscience dans les entreprises. Elles vont découvrir qu'il existe d'autres solutions que celle d'Amazon pour migrer dans le "cloud". C'est une bonne chose, considère Jules-Henri Gavetti d'Ikoula. Après, c'est aussi à nous de travailler et de faire découvrir nos offres pour pouvoir offrir le choix aux consommateurs. »
Romain Gueugneau

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.