mardi 17 juillet 2012

Dès 2015, c’est mon auto qui appelle le Samu

Le parlement européen veut imposer l’installation d’eCall, un dispositif automatique d’appel des secours, sur toutes les autos neuves. Cool. Mais transmettra-t-il d’autres données dans la foulée? D’aucuns le redoutent.

Une voiture encastrée dans un mur - Reuters - Une voiture encastrée dans un mur - Reuters -
On se demandait tout juste ce qui pourrait bien fâcher les automobilistes rebelles une fois l’obligation de se doter d’un éthylotest entérinée. En fait, ça y est, on le sait…
A partir de 2015, si tout va bien parce que d’ici là, il n’y aura peut-être plus d’Europe, toutes les voitures neuves vendues chez les Vingt-sept devraient être équipées d’un système automatique permettant à une voiture accidentée d’appeler elle-même les secours:
― Allô le Samu? Mon conducteur s’est encastré dans un mur!
― Aïe... Et qui est l’appareil?
― Renault Clio verte XT-789-HG
― OK. Vous êtes où?
― Mes coordonnées GPS sont: latitude 48.8925349 et longitude 2.2367939
― Et il est dans quel état, votre conducteur?
― Disons qu’il ne va pas fort et qu’il me pourrit mes sièges avec tout ce sang…
―Bon, là, c’est la pause-déjeuner mais dès qu’un humain repasse par ici j’affiche le message sur son écran…
― Merci, c’est sympa.
eCall ―c’est le nom du bidule communicant― devrait être en mesure de sauver jusqu’à 2.500 vies par an, ce qui correspond au nombre d’accidents mortels dus à l’arrivée trop tardive des urgentistes (le temps de réaction serait réduit de moitié). Il ne contactera d’ailleurs pas directement le Samu, mais un central commun à l’UE via le 112 par satellite ou par les réseaux GSM, lequel alertera l’équipe médicale la plus proche du lieu du crash et évitera la barrière de la langue lorsqu’un blessé allemand tente d’expliquer en anglais à un standardiste espagnol qu’il est dans le pétrin.
Il sera même capable de préciser dans quelle direction le véhicule circulait, histoire de ne pas expédier l’ambulance du mauvais côté de l’autoroute et gaspiller de précieuses minutes.

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Et parce que la vie n’a pas de prix, les opérateurs transmettront les communications gratuitement. Mais ce que l’automobiliste devra tout de même payer, on n’a rien sans rien, ce sont les 100 euros en moyenne de l’eCall proprement-dit. De quoi regretter les un à trois euros de l’éthylotest, effectivement…

Un usage étendu au paiement des péages et au contrôle de la vitesse?

Techniquement au point dès 2005, et initialement prévu pour déploiement en 2009, eCall avait été retardé par les difficultés à mettre Etats-membres, opérateurs et constructeurs automobiles d’accord sur qui finançait quoi. Une question qui se posera sans doute à nouveau si, comme le demandent certains parlementaires, la mesure est étendue par la suite aux poids-lourds, aux autocars et aux deux-roues (motorisés seulement, les vélos n’ont qu’à faire plus attention lorsqu’ils grillent les feux).
Mais un second écueil, et c’est ce qui fait déjà tiquer les défenseurs de libertés individuelles, concerne les utilisations ultérieures de ces «trackers» embarqués. Keith Taylor, un eurodéputé britannique écolo, membre de la commission Transport et Tourisme à l’origine de ce projet, évoque ainsi (et pas pour la déplorer) la capacité d’eCall à monitorer les trajets d’un véhicule (à l’exemple des dispositifs d’assurance au kilomètre) afin de faire payer l’usage effectif de la route par un automobiliste, de contrôler le respect des limitations de vitesse ou d'encaisser automatiquement le passage des péages…
«eCall (…) doit rester un système dormant. (…) [son] objectif premier est d’améliorer la gestion des incidents et les renseignements fournis par ce service ne peuvent en aucun cas être utilisés pour étudier les déplacements d’une personne ou la localiser à moins que cette personne ne soit impliquée dans un accident», préempte toutefois le site du Parlement au chapitre «protection des données» de la résolution eCall.
Las, qui peut le plus peut le moins. En Allemagne, le système satellitaire TollCollect, à peu près identique à eCall, permet déjà de facturer les transporteurs de marchandises en fonction de leurs déplacements (kilométrage parcouru, nature et horaire du trajet). 2.500 vies épargnées, c'est formidable, mais l'autoroute vers l'enfer est souvent pavée des meilleures intentions. C''est le second effet eCall...
Hugues Serraf

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