PARIS
(Reuters) - François Hollande a rompu dimanche avec l'héritage de son
mentor socialiste François Mitterrand en admettant la responsabilité
historique de la France dans la rafle de juifs "du Vélodrome d'hiver"
commise en juillet 1942 à Paris par la police française pour le compte
des Nazis.
Sur ce sujet resté longtemps un tabou de la France
d'après-guerre, Jacques Chirac avait fait, comme chef d'Etat, cette
démarche avant lui dès 1995, mais il restait pour le deuxième président
socialiste de la Ve République à dissiper l'ambiguïté entretenue par
celui qui le lança dans la vie politique en 1981."La vérité, c'est que la police française, sur la base de listes qui avaient été établies, s'est chargée d'arrêter des milliers d'enfants et de familles. (...) La gendarmerie les a escortées jusqu'aux camps d'internement", a-t-il dit lors d'un discours de commémoration à Paris.
"La vérité, elle est dure, elle est cruelle, c'est que pas un soldat allemand, pas un seul, ne fut mobilisé pour l'ensemble de cette opération. La vérité, c'est que le crime fut commis en France par la France", a-t-il ajouté.
Lors d'une rafle à Paris et en banlieue, 13.152 juifs étrangers réfugiés en France dont plus de 4.000 enfants avaient été arrêtés, internés dans le Vélodrome d'hiver, dans le XVe arrondissement et pour partie au camp de Drancy, en banlieue.
Sur les lieux où s'éleva jusqu'à 1959 le Vélodrome d'hiver, François Hollande a estimé que la participation de la France à la "Shoah" avait été une "trahison" des valeurs du pays.
Il a donc souligné l'aspect exceptionnel de l'événement. "La vérité c'est que le crime du Vel' d'hiv' fut aussi commis contre la France, contre ses valeurs, contre ses principes, contre son idéal", a-t-il dit.
LE MALAISE SUSCITÉ PAR MITTERRAND
Il a rappelé que des milliers de personnes ciblées ce jour de la grande rafle avaient pu survivre grâce à des Français qui les avaient protégées.
Conduits dans les camps français de Drancy, Beaune-la-Rolande et Pithiviers, où les enfants furent séparés des parents, les victimes de la rafle furent acheminées vers les camps d'extermination nazis, dont Auschwitz. Les survivants furent à peine quelques centaines.
Ce fut l'acte le plus grave de la politique de collaboration avec l'occupant nazi décidée par le gouvernement de Vichy et son chef, le maréchal Pétain. Il y eut au total 76.000 juifs déportés de France sous l'occupation, un quart de la communauté. Il y eut 2.500 survivants.
François Mitterrand, premier président de gauche de la Ve (1981-1995) suscita de vives critiques en refusant de présenter des excuses au nom de la France. Il estimait que la République n'était pas comptable des actes d'un autre régime, né d'une défaite militaire et qu'il voyait comme illégitime.
Il fut mis en lumière à la fin de sa présidence qu'il avait occupé un poste subalterne dans l'administration de Vichy avant d'être résistant, et avait été surtout toute sa vie l'ami personnel de René Bousquet, chef de la police de Vichy et organisateur de la rafle du Vel' d'Hiv'.
René Bousquet, homme d'affaires et patron de presse, avait soutenu François Mitterrand dans sa carrière politique et les deux hommes se voyaient même quand il fut menacé d'un procès pour crimes contre l'humanité, avant d'être tué par un déséquilibré en 1993.
Dans son discours, François Hollande a rendu hommage à Jacques Chirac et rappelé seulement que François Mitterrand avait instauré une journée de commémoration de la rafle en 1993.
"La vérité ne divise jamais, elle rassemble. Il me revient désormais, dans la longue chaîne de notre histoire (...) de poursuivre le travail commun de mémoire, de vérité et aussi d'espoir. Ce travail commence par la transmission", a-t-il dit.
Il souhaite que toutes les écoles enseignent l'histoire de la "Shoah". "La Shoah n'est pas l'histoire du peuple juif, c'est l'histoire", a-t-il dit. Le président semblait faire allusion à des problèmes ponctuels pouvant apparaître, selon des enseignants, avec des élèves musulmans rejetant l'enseignement de cet événement.
Selon un sondage publié la semaine dernière, une majorité des moins de 35 ans ignore ce que fut la rafle du Vélodrome d'hiver, la proportion atteignant 60% des 18-24 ans.
Edité par Benjamin Massot
François Hollande dans les pas de Jacques Chirac. Le président français a réaffirmé ce dimanche 22 juillet que l'arrestation de milliers de juifs lors de la rafle du Vél d'Hiv, les 16 et 17 juillet 1942, était un «crime commis en France par la France». C'est ce qu'il a écrit en introduction d'un livret publié par l'Elysée à l'occasion de la commémoration dimanche matin de cette rafle.
Ce crime «fut aussi un crime contre la France, une trahison de ses valeurs. Ces mêmes valeurs que la Résistance, la France libre, les Justes surent incarner dans l'honneur».
«Nous devons la vérité aux martyrs juifs du Vélodrome d'Hiver. La vérité c'est que la police française s'est chargée d'arrêter des milliers de juifs [...], la gendarmerie française les a escortés. La vérité elle est dure, elle est cruelle, pas un soldat allemand, pas un seul, ne fut mobilisé.»François Hollande a voulu rendre hommage à l'action de Jacques Chirac, qu'il a rencontré samedi au château de Bity, en Corrèze:
«La reconnaissance de cette faute a été énoncée pour la première fois, avec lucidité et courage, par le président Jacques Chirac, le 16 juillet 1995.»Les 16 et 17 juillet 1942, 13.152 juifs de Paris et sa banlieue, avaient été arrêtés, la plupart d'entre eux parqués dans le Vélodrome d'hiver, avant d'être envoyés vers les camps de la mort nazis.
Jacques Chirac avait été le premier à rompre avec la doctrine française qui soutenait que l'on ne pouvait considérer que la France était responsable, arguant qu'il s'agissait de l'Etat de Vichy, qui n'était pas l'autorité légitime de la France (autorité incarnée par le général De Gaulle, à Londres).
Entre François Mitterrand et Jacques Chirac, François Hollande a donc choisi. Mitterrand, ami de René Bousquet, premier Français inculpé pour crime contre l'humanité en raison de la rafle du Vel d'Hiv, avait toujours entretenu l'ambiguïté.
Nicolas Sarkozy, lui, s'était contenté, le 19 juillet 2007, de déclarer que son prédécesseur avait dit «ce qu'il fallait dire». «Il n'y a rien à ajouter, rien à retrancher à son très beau discours.»
Le 10 juillet, Serge Klarsfeld, président de l'Association des fils et filles de déportés juifs de France, avait écrit une tribune dans Le Monde pour appeler François Hollande à être clair et à réaffirmer la responsabilité de la France, l'exhortant de ne pas faire un «retour vers le passé du temps de François Mitterrand et du seul "Etat français"».
«Nous, vieux enfants juifs qui avons vécu la Shoah et qui avons connu les Justes, nous avons confiance dans les gens normaux. Les Justes étaient des gens normaux qui accomplissaient des actes exceptionnels.»
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