lundi 30 juillet 2012

Victoire pour des manifestants antipollution en Chine


Emeute contre un projet polluant à Qidong, en Chine, le 28 juillet 2012 (Peter Parks/AFP)
On surnomme ces protestations des « Nimby » (« Not in my back-yard », pas à côté de chez moi), des prises de conscience environnementales provoquées par l’irruption d’un danger de pollution près de chez soi. Et en Chine, les manifs Nimby peuvent être violentes, et elles peuvent gagner.

Manif contre un projet polluant à Qidong, en Chine, le 28 juillet 2012 (Via Weibo)
Les habitants de la ville de Qidong, dans l’estuaire du fleuve Yangtsé (est de la Chine, non loin de Shanghai), se sont violemment opposés à la police et aux autorités politiques, samedi, lors d’une gigantesque manifestation de dizaines de milliers de personnes contre la construction d’un système d’égouts destiné à évacuer près de leur ville les eaux usées d’une usine de pâte à papier pourtant distante de 100 km.
Les habitants s’inquiétaient des conséquences de ces rejets de l’usine de pâte à papier, appartenant à un groupe japonais, sur la qualité de l’eau courante, et sur la pêche dans l’estuaire du plus grand fleuve chinois, une activité importante.
Les autorités ont annoncé, à l’issue de cette journée violente, l’annulation du projet, un nouveau succès pour de telles manifs environnementales « de voisinage » en Chine.

Manif contre un projet polluant à Qidong, en Chine, le 28 juillet 2012 (Peter Parks/AFP)

Manif contre un projet polluant à Qidong, en Chine, le 28 juillet 2012 (Via Weibo)
La présence policière était massive pour faire face à cette manifestation, annoncée depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux chinois, et qui promettait d’être très suivie.

Manif contre un projet polluant à Qidong, en Chine, le 28 juillet 2012 (Peter Parks/AFP)

Le maire dévêtu et exhibé à la foule

Cette présence policière n’a pas empêché les manifestants d’envahir le siège du gouvernement local, et d’humilier publiquement le maire en partie dévêtu et exhibé à la foule. Dans les locaux officiels, les manifestants ont trouvé des bouteilles de « vin cher », et... des préservatifs. De quoi alimenter la haine d’une bureaucratie accusée de vivre sur le dos des citoyens.

Dégâts au siège du gouvernement pris d’assaut par les manifestants (Via Weibo)
Cette protestation a été largement commentée sur les réseaux sociaux, malgré la censure et les contrôles. On y trouve de très nombreuses photos des protestations, de la violence des affrontements avec les policiers, mais aussi des dégâts provoqués au siège du gouvernement, des images toujours surprenantes dans un pays autoritaire.

« Wake up ! »

Les protestataires avaient également eu recours à l’humour pour mobiliser, à l’image de ce poster, lui aussi disponible sur les réseaux sociaux chinois.

Poster de mobilisation contre l’écoulement es eaux usées de l’usine japonaise (Via Weibo)
Les questions environnementales sont devenues une préoccupation majeure des Chinois, non pas tant par rapport aux grands enjeux du réchauffement climatique, mais par rapport à leur vie quotidienne, à la dégradation de l’air ou de la qualité de l’alimentation.

La responsabilité des peuples du monde émergent

Mais la prise de conscience est de plus en plus forte, doublée d’une réelle subtilité politique, comme en témoigne l’argumentaire d’appel à la manif de samedi :
  • « Les peuples du monde développé ont le droit et la responsabilité de protéger l’environnement et l’océan, mais nous aussi, peuples des pays émergents ;
  • Nous soutenons totalement la direction du Parti communiste chinois. Le président Mao nous a appris à viser un développement équitable, efficace et durable. Deng Xiaoping nous a appris à nous accrocher au développement durable. Hu Jintao nous a appris à étudier le développement de manière scientifique. Mais vous, les officiels du gouvernement local, n’avez vous rien appris de tout ça ?
  • Protestez de manière civilisée, protestez de manière rationnelle. Protégeons l’océan, protégeons nos foyers. »
Les manifestations comme celle de Qidong sont le plus souvent le fait de la classe moyenne émergente, ces Chinois dont le niveau de vie s’est considérablement amélioré au cours de la décennie écoulée, et qui ne veulent pas voir ces progrès ruinés par les menaces sur la santé de leurs enfants.

Une année politiquement délicate en Chine

Ces dernières années, de telles manifestations se sont déroulées, et l’ont emporté, dans des villes prospères comme Dalian au nord, ou Xiamen au sud.
Les autorités ont cédé samedi, sans doute pour calmer un foyer de tension inutile et dangereux en cette année politiquement délicate en Chine, avec le replacement de l’équipe dirigeante au pouvoir à l’automne.
Le Président, le Premier ministre, et les principaux membres du Bureau politique sont concernés par le changement, qui se produit dans un contexte déjà compliqué par la chute du « prince rouge » Bo Xilai, le plus grand scandale politico-financier chinois depuis plus de quinze ans.

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