Des
miliciens libyens après une partie de chasse. Photo partagée par
l'association Libyan Wildlife Trust, qui a flouté les visages.
Phénomène relativement maîtrisé à
l’époque de Mouammar Kadhafi, le braconnage des gazelles atteindrait
aujourd’hui des proportions inquiétantes en Libye. Les associations de
protection de l’environnement tirent la sonnette d’alarme et exigent une
réglementation d’urgence de ces pratiques.
Après la chute du dirigeant libyen en
octobre 2011, des groupes de combattants armés ont été chargés de
maintenir la sécurité dans le pays, des milices dont beaucoup échappent
aujourd’hui au contrôle de l’État libyen. Selon les organisations
locales de protection de l’environnement, ce climat d’impunité a
favorisé le braconnage des gazelles dans plusieurs zones du pays,
notamment dans le sud.
Cette pratique existait déjà sous l’ère
Kadhafi et d’après nos Observateurs libyens, les autorités avaient une
politique ambiguë vis-à-vis du phénomène. Il est arrivé à plusieurs
reprises que des campagnes soient organisées pour confisquer les armes
aux amateurs de chasse dans les régions du sud du pays, toutefois
Mouammar Kadhafi n’hésitait pas à dispenser des passe-droits aux
dignitaires des pays du Golfe qui venaient régulièrement chasser dans la
région de Sabha, au sud-ouest de la Libye.
Sur cette vidéo, des hommes
présentés comme desmiliciens libyens sont filmés en pleine partie de
chasse. La vidéo aurait été filmée dans la région de Rajdan, à la
frontière avec l’Algérie. Sur la voiture, on aperçoit le drapeau de la
Libye post-Kadhafi.
"Ils n’avaient pas l’air de se rendre compte qu’ils venaient de commettre un massacre"
Al-Zedany (pseudonyme) vit dans la région de Sebha, dans le Sahara libyen.
Il s’agit exclusivement d’un loisir. Je fréquente régulièrement les
marchés du sud du pays et je peux affirmer que la gazelle ne fait pas
l’objet de trafic. Je crois savoir que les chasseurs mangent certaines
parties de l’animal mais ce n’est pas non plus le but. L’objectif, c’est
la partie de chasse en elle-même.
J’ai croisé des braconniers il y a deux
mois alors que je passais dans le désert. J’ai dit à mon compagnon de
s’arrêter après avoir aperçu un 4X4 garé au pied d’une montagne. C’était
une scène atroce : des jeunes portant des armes avaient étalé des
dépouilles de gazelles sur un rocher, et se vantaient de leur tableau de
chasse. Ils n’avaient pas l’air de se rendre compte qu’ils venaient en
fait de commettre un massacre. Nous n’avons pas osé nous approcher pour
leur faire cette remarque, nous ne voulions pas les contrarier car ils
étaient armés.
Malheureusement, ces scènes sont
devenues presque banales dans le sud de la Libye. Quelques mois après la
révolution, les gens ont commencé à venir de plus en plus nombreux de
différentes régions du pays pour chasser ici. Il y a des miliciens mais
aussi des particuliers disposant d’une arme [depuis la guerre, les armes
prolifèrent en Libye, NDLR] et d’un 4X4. La situation s’est légèrement
améliorée depuis que l’armée a été déployée dans la région [mi-décembre,
les autorités ont déclaré une "zone militaire fermée"
au sud du pays pour des raisons de sécurité . Mais cela n’empêche pas
les tueries de se poursuivre. L’Etat libyen n’est pas assez fort
aujourd’hui pour imposer son autorité, NDLR].
"Il faudrait suspendre cette pratique pendant au moins dix ans"
Ahmed al-Kich est membre de l’association libyenne pour la protection de l’environnement Libyan Wildlife Trust.
Il existe des lois qui réglementent
cette pratique mais elle ont été édictées du temps de royaume de Libye
(1951-1969). Elles n’ont jamais été changées depuis, pas même le montant
des amendes, et sont complètement inadaptées. [d’après cette loi, il
faut un permis spécial pour chasser les gazelles et leur chasse est
limitée à deux par an par individu, NDLR]. Par ailleurs, l’État n’est
pas assez fort pour faire respecter les réglementations.
Dans certains cas, la chasse des
gazelles participe à l’équilibre de la faune, donc nous ne n’y opposons
pas catégoriquement. Mais dans la situation actuelle, il est
indispensable de l’interdire pendant dix ans afin de laisser l’espèce se
reproduire.
Par manque de moyens, nous ne pouvons enquêter sur le terrain. Nous
ne disposons donc pas de statistiques concernant leur disparition. Pour
autant, nous considérons aujourd’hui qu’il y a trois espèces
particulièrement menacées en Libye : l’espèce de Oueddan, qui vit
principalement dans les montagnes d’al Haruj [centre du pays] , et les gazelles Rim et Dorkas qui vivent dans le sud.
Depuis quelques mois, nous sillonnons le
pays pour essayer de convaincre la population qu’il est urgent de
lutter contre le braconnage. Nous avons essayé de rentrer en contact
avec les brigades pour les sensibiliser mais il est très difficile de
discuter avec ces gens. Nous avons récemment rencontré des brigades à Zinten
[à 200 km au sud de Tripoli, NDLR]. Elles se sont montrées tout à fait
accueillantes mais nous ne sommes pas certains que le message soit
passé. Nous nous sommes aussi adressés aux tribus du sud parce qu’elles
possèdent une forte tradition de chasse [pour des raisons de sécurité,
notre Observateur a préféré ne pas nommer les brigades, NDLR].
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