mercredi 30 octobre 2013

Michel Meunier, sulfureux patron des jeunes patrons

Le Centre des jeunes dirigeants vient d’élire le patron de Vigimark Sûreté VS... dont la liquidation judiciaire fait débat.


Michel Meunier, nouveau patron du Centre des jeunes dirigeants (DR)
Malaise au Centre des jeunes dirigeants (CJD) : l’association d’entrepreneurs qui défend un « libéralisme responsable » et des « valeurs humanistes » vient d’élire à sa tête Michel Meunier... deux jours après que l’entreprise de ce dernier, Vigimark Sûreté VS, a été placé en liquidation judiciaire dans des circonstances socialement discutables. Ça fait désordre.
C’est en janvier 2009 que l’homme s’est fait un nom dans le milieu de la sûreté aéroportuaire : directeur général et actionnaire à 50% de Vigimark Sûreté, il rachète pour l’euro symbolique la branche sûreté aéroportuaire de l’un de ses concurrents, Derichebourg, qui vient de perdre un marché avec Aéroports de Paris (ADP) à Roissy.
Michel Meunier reprend alors la majorité des salariés, employés par une nouvelle entité créée pour l’occasion, Vigimark Sûreté VS. Ce qui deviendra à la fois un désastre social, et l’un de ses plus beaux coups.
« Derichebourg ne voulait pas salir son nom, alors il a externalisé la liquidation de la boîte à Meunier », décrypte Thierry Fressart, syndicaliste CFDT chez Vigimark Sûreté VS. Trois mois plus tard, il ne reste que 700 salariés sur les 1 100 initiaux. « On a compris que Meunier n’était pas là pour gagner des marchés mais pour accompagner notre mort », assure aujourd’hui Thierry Fressart.

Après la reprise, pertes de contrats en cascade

Car les pertes de marché se succèdent : sécurisation des avions et des colis FedEx en juillet 2009, aéroports de Bordeaux-Merignac, de Mulhouse-Bâle, enfin Air France pour le terminal 3 de Roissy, en septembre 2009. « Michel Meunier ne s’en est pas occupé, il était là pour nous liquider depuis le début », accuse le syndicaliste, qui dénonce « des négligences délibérées » :
« Les mutuelles n’ont par exemple pas perçu les cotisations patronales de Vigimark sûreté VS durant toute cette période. »
« Les salariés continuaient à payer la mutuelle, mais ils n’étaient pas protégés », confirme Daniel Goldberg, député PS de Seine-Saint-Denis, qui est intervenu à plusieurs reprises à l’Assemblée sur le sujet de la sûreté aéroportuaire.
Michel Meunier préfère rejeter la faute sur « les entreprises d’Etat ou dans lesquelles l’Etat est actionnaire, qui mettent un coup aux entreprises qui ne se portent pas bien : c’est dégueulasse ».
Et d’évoquer l’embarrassante affaire de la SNCF : l’entreprise publique a en effet rompu en juillet dernier son contrat de surveillance des gares avec Vigimark, lequel employait des sans-papiers... Le scandale était d’ailleurs tombé à point nommé pour Eric Besson, qui avait alors qualifié la société de sécurité d’ « esclavagiste ». « On est blanc comme neige ! », lui répond aujourd’hui Michel Meunier. « Les politiques feraient mieux de se renseigner avant de parler ! »

Appétit intact

Reste que la liquidation judiciaire de Vigimark Sûreté VS, prononcée le 18 novembre dernier, laisse 358 salariés au chômage, sans indemnités supra-légales. L’affaire illustre la nébuleuse de la sûreté aéroportuaire, que le député PS Daniel Goldberg résume ainsi :
« Suite au désengagement de l’Etat dans les années 90, qui a transféré le marché de la police aux frontières à des entreprises privées, il se passe n’importe quoi : le dumping social y règne, et certains s’y précipitent, sachant que le marché est juteux. »
L’épisode n’a d’ailleurs en rien entamé l’appétit de Michel Meunier : la semaine dernière, devant le tribunal de commerce de Paris, il s’est proposé pour reprendre l’un de ses concurrents en difficulté, Stim. « Il a été placé en liquidation il y a trois semaines, et il recommence pour refaire la même chose ! », s’étrangle Thierry Messart, qui dénonce « un moyen de se faire du fric facilement avec des boîtes qui sont déjà condamnées ».
Agé d’à peine 36 ans, « intelligent, toujours avec un discours conquérant, c’est un animal à sang froid qui veut toujours vous appeler par votre prénom », commente un ancien salarié.
L’homme ne manque toutefois jamais une occasion pour attaquer les syndicats. « Je l’ai rencontré une fois, à sa demande, il critiquait le rôle des syndicalistes », confirme le député Goldberg, alors que Michel Meunier dénonçait dans Libération, le 10 avril dernier, « la pauvreté du dialogue social : les syndicats ne représentent plus la masse des salariés, ils ne remplissent plus leur rôle d’intermédiation ». Tout en se disant « prêt » à être séquestré par ses salariés.

« Il nous a eus... Maintenant on déchante »

Au très feutré Centre des jeunes dirigeants, certains s’émeuvent ainsi de l’étrange ascension de l’entrepreneur. Ecoutée par tous les ministres de l’Emploi, de l’Industrie ou de l’Economie, de gauche comme de droite, l’association apolitique -qui revendique 3300 chefs d’entreprise adhérents- cultive une réputation d’ouverture, de progressisme et surtout de diplomatie.
C’est elle qui, par exemple, a « testé » les 35 heures en premier, après discussion avec Martine Aubry à la fin des années 90. C’est encore elle qui se targue d’être en lien permanent avec Jean-Louis Borloo, pour appliquer des solutions issues du Grenelle de l’entreprise.
Reste ainsi à savoir comment Michel Meunier a été coopté par les anciens présidents du CJD, puis élu, avec à peine 4 voix d’avance sur son adversaire, par un collège de 130 grands électeurs, supposé garant des valeurs de l’honorable association. « On n’était pas au courant, il nous a eus... Maintenant, on déchante », commente un membre. De quoi faire jouer les Cassandre à certains jeunes dirigeants :
« Ça va exploser d’ici peu, forcément, et l’on va devoir tout reconstruire. Tout le monde commence à s’organiser, à découvrir la vérité. Certes c’est trop tard, mais on n’a plus le choix. »
Ambiance garantie dans les prochaines semaines : Michel Meunier, élu dauphin le 20 novembre, prendra officiellement ses fonctions en juin. Sauf putsch d’ici là.

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