Les difficultés financières peuvent encore être plus traumatisantes qu’on ne l’imagine.
Les multiples conséquences des situations financières stressantes peuvent modifier nos perceptions et nous pousser à adopter des comportements irrationnels. C’est là une découverte scientifique pleinement d’actualité au vu des multiples informations convergentes en provenance des milieux économiques et financiers internationaux.Elle vient d’être publiée dans le Journal of Neuroscience par des chercheurs israéliens et pourrait bien nous permettre de mieux comprendre les mécanismes neurologiques sous-jacents au syndrome de stress post-traumatique. Ou encore, plus simplement, la nature de nos réflexes lorsque nous devons faire face, au quotidien, à des situations difficiles de la vie courante.
Deux neurobiologistes de l'Institut Weizmann nous révèlent en substance que le fait de perdre de l’argent peut avoir de graves conséquences sur notre perception et notre compréhension de la situation réelle. Comment sont-ils parvenus à une telle conclusion? Offir Laufer et Rony Paz rappellent que l’influence des pertes monétaires sur les prises de décision et les choix comportementaux ont été largement étudiés. En revanche les effets de ces pertes sur les perceptions sensorielles ont été beaucoup moins explorés. Pour effectuer cette exploration, les deux spécialistes ont mis au point une méthodologie fondée sur l’idée que si l’argent n’a pas d’odeur, il peut néanmoins être pleinement associé à des sons.
Je prendrai la note, SVP!
Ainsi, les participants à l’expérience ont-ils été invités à écouter des séries de trois notes différentes. La première note signifiait qu'ils avaient gagné une certaine somme, la deuxième qu'ils avaient au contraire perdu (un peu) d'argent, et la troisième qu’ils venaient à nouveau d’en perdre. Les chercheurs ont alors observé que lorsque les participants entendent la première note (liée à un gain ou à une absence de perte), ils améliorent étrangement leur capacité à distinguer cette note des autres. Et c’est le phénomène inverse qui se produit quand ils entendent les notes liées à la perte d’argent qu’ils distinguent de moins en moins des autres.Grâce au recours à la technique de l'IRM fonctionnelle, les chercheurs ont parallèlement étudié l’activité des aires cérébrales impliquées dans le processus d'apprentissage et émotionnel. Tout d’abord l'amygdale cérébrale, liée à des émotions et à la récompense, est fortement impliquée; de même ensuite que le cortex cérébral frontal, impliqué dans les processus de régulation des réactions émotionnelles. Les personnes qui montrent les plus fortes activités dans ces régions sont aussi celles qui présentent le moins de propension à diminuer leur capacité à distinguer les notes en cas de perte d’argent.
Réflexes archaïques
Que conclure? Les auteurs de ce travail original suggèrent que l’installation d’un certain flou dans les capacités à discerner peut (dans certains cas) avoir des vertus. On peut notamment imaginer qu’il s’agit là d’une forme de réflexe archaïque: face à un danger massif mieux vaut encore s’éloigner rapidement et ne pas chercher à faire de subtiles distinctions entre les nuances fines de cette menace. Malheureusement, ce processus de «non discernement» peut aussi être activé dans d’autres situations, moins dramatiques mais néanmoins génératrices de stress: par exemple perdre de l'argent. Cette absence de discernement peut aussi se retrouver dans le syndrome de stress post-traumatique; syndrome dans lequel on devient incapable de distinguer entre des stimuli qui sont véritablement menaçants et d’autres qui ne le sont pas véritablement. On s’expose alors aux conséquences de fortes réactions émotionnelles et inappropriées.On observera ici sans malice que le contenu de cette publication n’aura en rien modifié les règles imposées par les éditeurs du Journal of Neuroscience: faute d’abonnement il nous en coûtera (sur notre ordinateur) la somme de 30 dollars US pour avoir accès à la totalité du texte. Un stress, un de plus, pour tenter de mieux comprendre comment l’homme parvient, ou pas, à gérer ses stress.
Jean-Yves Nau
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