Les
SSII changent de dénomination pour devenir des Entreprises de Services
Numériques (ESN). Cette ambition et cette projection positive vers les
nouveaux modèles de services en lien avec la numérisation de notre
économie, devront également intégrer les enjeux liés à la transformation
de modèles économiques hérités du passé.
Les prévisions de croissance pour l’année 2013 à peine au-dessus de
0% ainsi que les résultats des SSII en 2012 (-1,7%, une baisse de volume
de 450M€…soit l’équivalent de la taille d’une SSII top 20) ne devraient
pas inciter leurs dirigeants à l’optimisme …A moins d’avoir de bonnes
raisons de le faire. En effet lorsque les conditions de marché sont
durablement difficiles comme c’est le cas depuis quelques années les
écarts de performance se creusent entre les acteurs. Dans un marché en
tension comme celui des services informatiques en 2012, les entreprises
qui ont réalisé de la croissance organique, l’on fait en prenant des
parts de marché à leurs concurrents.
Blâmer les seules conditions économiques pour expliquer le niveau
moyen voire médiocre de résultats des SSII c’est ne pas reconnaître que
le marché des services informatiques est en train de se transformer.
Derrière la crise conjoncturelle se profile en effet un changement
structurel qui impacte durablement les modèles d’affaires des SSII. Face
à cette situation, les dirigeants de SSII doivent impérativement se
poser une question similaire à celle posée par Morpheus à Néo dans le
film Matrix : quelle pilule choisir, la bleue ou la rouge ?
Choisir la pilule bleue, c’est penser que faire le gros dos face à la
crise en comprimant les coûts et optimisant le niveau d’activités
permettra de traverser celle-ci et atteindre ainsi des jours meilleurs.
Prendre la pilule rouge, c’est tout d’abord pour beaucoup de SSII
reconnaître que leur modèle d’affaires doit évoluer à travers l’ensemble
de ses composants : positionnement des offres de services et des
secteurs d’activités, organisation et conduite des opérations allant du
commercial à la production. En effet le marché des services
informatiques se polarise entre les services de masse où la concurrence
par les prix est la règle du jeu, et les services à valeur ajoutée de
l’autre où la différentiation doit être comprise et valorisée par les
clients. Beaucoup de SSII aujourd’hui fonctionnent sur la base d’un
modèle qu’elles prétendent être celui de « multi-spécialiste », mais qui
est en réalité un habillage d’un portefeuille d’activités de
généraliste, le tout promu avec des messages marketing passe-partout.
Prétendre être compétitif et offensif dans la mise en place de centre
de services et la livraison de projets au forfait, alors que
l’essentiel de l’activité est porté par des prestations d’assistante
technique classique, c’est consciemment ou inconsciemment avoir choisi
de prendre la pilule bleue. La juxtaposition des modèles d’affaires au
sein des SSII conduit inévitablement à complexifier l’organisation et la
conduite des opérations. Et puis en informatique c’est comme dans les
sports de ballon, être bon en football, ne vous prédispose pas à le
devenir également en rugby, ni à fortiori à pratiquer les deux sports
simultanément à bon niveau.
Car après la première étape de la prise de conscience sur la
nécessité de transformer les modèles d’affaires existants, la prise de
la pilule rouge doit en effet conduire les dirigeants à se poser la
question de leurs équipes de managers : sont-ils capables de mener à
bien les transformations nécessaires ?
Tout d’abord, ont-ils le temps et la focalisation pour le faire ? La
pression permanente sur les coûts exercée ces dernières années n’a pas
été propice à l’augmentation de la capacité de management au sein des
SSII mais plutôt à conduire les acteurs en place à devoir cumuler
beaucoup de chapeaux différents sur une même tête.
Ensuite, autre question cruciale : les équipes de managers ont-ils la
capacité et les compétences requises pour le faire ? Changer,
transformer, innover est un art bien différent que celui d’optimiser un
modèle opérationnel en place. Recruter est sans doute une option, mais à
l’instar de l’équipe de football devant devenir une équipe de rugby, il
s’agit au départ, non pas de recruter des joueurs de rugby, mais un
entraineur de rugby et son équipe d’assistants, en étant prêt à lui
laisser le temps d’entrainer l’équipe en place et donc accepter de
pauvres résultats en match.
Beaucoup de dirigeants de SSII renâclent à faire appel à ces
entraineurs qu’ils soient recrutés ou loués à l’extérieur. La première
barrière est culturelle : ils n’ont pas eu à le faire historiquement et
se sont toujours débrouillés sans. La deuxième difficulté est d’ordre
économique : la facture à payer est d’autant plus lourde que les
résultats sont mauvais. Là est sans doute une des questions les plus
critiques pour les dirigeants de SSII : comment financer la
transformation de leurs entreprises ?
La cession d’une partie des activités existantes est sans doute la
voie qui offre le plus d’avantages sur le papier car elle permet en plus
de simplifier le modèle d’affaires existant. Encore faut-il trouver un
repreneur et que le découpage suivant les pointillés soit possible.
Inversement, l’achat d’une structure plus spécialisée et déjà
positionnée sur les nouveaux modèles d’affaires est également une voie
possible car si elle est adroitement gérée, elle permet de mettre le
pied à l’étrier plus rapidement.
Ici nous touchons à un aspect quasi schizophrénique du mental des
dirigeants de SSII : si vous les interrogez, ils se prétendent tous à la
fois vendeur (si le prix est le bon, bien sûr) et acheteur (cela permet
de compenser la difficulté de réaliser de la croissance organique sur
les marchés ayant un avenir). Cette dualité, qui semble d’un
opportunisme de bon aloi au premier regard, est néanmoins peu propice à
l’adoption d’une posture managériale stable dans la durée reposant sur
une stratégie réfléchie de vendeur ou d’acheteur, et en outre les
oscillations résultantes sont inévitablement perturbatrices pour les
équipes de managers en place.
Les marchés financiers et leurs acteurs, ont également pris au départ
une pilule bleue et ont valorisé durant le boom des années internet le
potentiel de création de valeur des SSII en dehors de toute réalité
industrielle. Ils ont depuis remis les pieds sur terre et une grande
majorité de cours de SSII qui déjà évoluaient à des niveaux
historiquement bas, ont connus des décotes de 25 à 35% durant ces douze
derniers mois. Cela voulant dire que les stratégies des SSII inspirées
par la pilule bleue ne convainquent plus les marchés financiers. Il est
donc grand temps pour les dirigeants de SSII de commencer à prendre la
pilule rouge…
Arnold Aumasson
Senior Vice Président
Vincent Gelineau
Principal Consultant
Pierre Audouin Consultants (PAC) :
De la stratégie à l’exécution, PAC apporte des réponses objectives et
ciblées aux défis posés par l’essor du secteur des Technologies de
l’Information et de la Communication (TIC).
Fondée en 1976, PAC est une société de conseil et d’études de marché
spécialisée dans le domaine du logiciel et des services informatiques.
PAC aide les fournisseurs de services informatiques à optimiser leur
stratégie à travers des analyses quantitatives et qualitatives ainsi que
des prestations de conseil opérationnel et stratégique. Nous
conseillons les DSI et les investisseurs dans l’évaluation des
fournisseurs TIC et dans leurs projets d’investissements. Les
organisations et les institutions publiques se réfèrent également à nos
études pour développer leurs politiques informatiques.
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