Sidération et incompréhension. C’est les sentiments qui dominent parmi les salariés de HP au lendemain de l’annonce par leur PDG Leo Apotheker d’une probable scission de la division PC. Quant aux marchés, ils ont durement sanctionné le titre qui a chuté de 20% en séance aujourd’hui après avoir déjà perdu 6% hier.
Sidération car personne n’était au courant. Ni le top management, ni même la presse financière, d’habitude si diserte en matière de rumeurs. Certes, les marchés financiers militaient de longue date pour une telle option mais, compte tenu de la complexité de la tâche, cela restait jusqu’à présent une hypothèse inenvisageable à court terme.
Des performances pas si médiocres
Incompréhension car le taux de profitabilité de la dite division, bien qu’inférieur à celui des autres entités du groupe, est non seulement l’une des meilleures (sinon la meilleure) de son secteur mais surtout, elle est en hausse. Ainsi, sur les neuf premiers mois de l’année, elle a progressé d’un point par rapport à la même période de l’exercice précédent, à 6%.
Cette stigmatisation de la rentabilité de la division PSG est d’autant plus mal reçue par les intéressés que les autres divisions ne sont pas au mieux de leur forme. Sur le trimestre qui vient de s’achever la croissance des services reste bien timide (+4%), les revenus des serveurs critiques sont en chute de 9% et ceux de la division impression s’effritent de 1%. Pire, la rentabilité de cette dernière est en net recul passant de 16,8% du chiffre d’affaires à 14,6%. Même constat pour la division serveurs, stockage et réseau, qui voit son taux de profitabilité reculer de 1 point à 12,9%. Quant aux logiciels, présentés comme l’une des priorités stratégiques du groupe, bien qu’en croissance sensible (+20%), ils ne pèsent qu’à peine plus de 2% des revenus.
Que vaudront demain les PC sans tablettes ?
L’incompréhension des salariés se cristallise également sur l’annonce de Leo Apotheker d’arrêter purement et simplement des activités téléphonie mobile et tablettes dès le quatrième trimestre. Or, quel que soit le scénario retenu pour la division PC, à l’heure où la demande pour ces tablettes s’imposent avec force à l’ensemble du marché, quel peut-être son avenir sans une activité tablette forte, s’interroge un membre des instances représentatives des salariés ?
De même, la pertinence de l’acquisition de l’éditeur Autonomy et surtout sur le prix affiché. Certes Leo Apotheker exécute les priorités stratégiques annoncées en mars à savoir : se concentrer sur les logiciels, les services et le cloud. Mais beaucoup se demande ce qui justifie de payer 10,3 milliards de dollars un éditeur quasi inconnu ayant réalisé moins de 900 millions de dollars de chiffre d’affaires en 2010 et dont les profits atteignent à peine le dixième de ceux de la division PSG.
Des salariés profondément déstabilisés
Incompréhension enfin sur la méthode. Leo Apotheker clame que rien n’est fait et que tout reste ouvert, y compris la possibilité que la division PC reste dans le groupe. Officiellement, le comité de direction a seulement autorisé « l’exploration de toutes les alternatives stratégiques possibles » pour sa division PC. Et HP se donne entre 12 et 18 mois pour mener à bien cette transformation. Mais alors pourquoi, si rien n’est décidé, communiquer de manière si abrupte et précipitée au risque de déstabiliser profondément le business et les hommes ?
Les commentaires des salariés sur les blogs sociaux, notamment celui de la CFTC, sont à cet égard éloquents d’aigreur et d’amertume. Au-delà de tous ceux qui se disent « écœurés » et « abasourdis »,
certains s’interrogent déjà : « qui va se risquer à acheter un PC HP devant tant d’incertitudes ? » « Qui va acheter le Pre3 livrable sous trois semaines à 349 € ? » « HP perd toute crédibilité vis-à-vis des clients », assène l’un d’eux. « J’ai honte pour HP », avoue un autre. « HP va payer très cher ces annonces en impact commercial et en suites juridiques », prédit un troisième.
De la casse sociale en perspective
Ce dernier aurait aussi pu ajouter en impact social. Car il y aura inévitablement de la casse. Un point qui inquiète particulièrement les syndicats. La division PC représente environ un tiers de l’effectif total du groupe. En France, les instances représentatives estiment à plus de 600 le nombre de salariés concernés, dont près de 500 rattachés à HP CCF (soit environ un quart de l’effectif du site de Grenoble) et 170 à HP France (la filiale commerciale). Sans parler des fonctions transversales hors PSG.
« Ma conviction, c’est que la décision de communiquer sur la recherche d’alternatives stratégiques pour la division PC a été prise dans la précipitation », assure un responsable syndical. Mais qu’est ce qui a pu provoquer un tel affolement ? Le lancement catastrophique de la TouchPad ? Certes, après six semaines de ventes, la TouchPad « n’a pas rencontré les jalons internes et les objectifs financiers », note HP dans son communiqué. Mais le potentiel de WebOS, le système sur lequel elle s’appuie, reste entier aux yeux du marché. « Le groupe n’est est pas a son premier lancement raté et aurait assurément les moyen de revenir dans la course », estime le délégué central d’une organisation syndicale.
La thèse de la précipitation
Est-ce plus vraisemblablement les perspectives du quatrième trimestre qui en auraient à l’origine ? De fait, le groupe ne prévoit plus de réaliser qu’entre 127,2 et 127,6 milliards de dollars sur l’exercice, alors qu’il prévoyait encore entre 129 et 130 milliards il y a trois mois. De même les bénéfices devraient être sensiblement impactés par les charges de restructuration liées à l’arrêt des activités WebOS. Leo Apotheker aura voulu rassurer préventivement les marchés en communiquant sur l’option d’une scission ?
Une thèse de la précipitation qui n’a en tout cas pas l’heur de convaincre l’un des nombreux salariés ayant postés sur le blog de l’actualité sociale de la CFTC HP au cours de la journée : « il n’est pas imaginable de penser que HP n’ait pas prévu l’impact dévastateur [de l’ annonce de Leo Apotheker] à la fois sur ses ventes et sur sa crédibilité. […] Cela sert donc une stratégie ». Reste que l’effet produit n’a pas du tout été celui escompté. Du moins sur le titre qui a, on l’a vu, lourdement chuté. Au point de susciter ce commentaire ironique d’un salarié : « encore un petit effort et Google achète HP avant la fin de la semaine ».
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