mardi 17 septembre 2013

Un état dépressif peut-il excuser l'agression d'un collègue ?

Par Marie Hautefort, juriste | 13/09/2013

Lorsque le traitement de santé d'un salarié lui fait adopter un comportement condamnable, l'employeur ne peut quasiment pas sanctionner son subordonné. Seul possibilité : une mise à pied à titre "conservatoire" avant l'examen d'un médecin.

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Crédits photo : shutterstock.com
Lorsqu'un salarié "pète les plombs" du fait de son traitement de santé, l'employeur ne peut pas le sanctionner. Marie Hautefort est juriste aux éditions Lamy.

Difficile de faire face à une rixe sur les lieux de travail. Il y a peu, les employeurs auraient pu, sans trop prendre de risques, licencier le salarié responsable. La Cour de cassation estimait, généralement, qu'il s'agissait d'une faute grave (Cass. soc., 21 oct. 1987, 2 oct. 1997, 5 fév. 2002). Aujourd'hui, il convient de prendre des gants et de diligenter une enquête avant toute sanction, au cas où l'attitude du salarié s'expliquerait par son état de santé.
 
C'est ce que vient de rappeler le Conseil d'État dans une affaire où l'agresseur était un délégué syndical. Saisi d'une demande d'autorisation de licenciement disciplinaire, l'inspecteur du travail avait demandé une expertise d'où il ressortait que le comportement agressif de l'intéressé était la conséquence des troubles psychiques dont il était atteint et des médicaments qui lui avaient été prescrits, lesquels eurent pour effets secondaires une altération de son état de conscience et une désinhibition du comportement.

Zéro sanction contre un salarié pour des faits liés à son état de santé

L'inspecteur du travail avait, néanmoins, autorisé le licenciement. Cette autorisation fut annulée car elle revenait à licencier le salarié en raison de son état de santé (Conseil d'État, 3 juillet 2013). Les employeurs doivent tenir compte de cette décision lorsqu'ils ont à faire face à des violences perpétrées par des salariés non protégés. Dans ce cas, l'écran que constitue l'inspecteur du travail disparaît et c'est à eux de réagir sans autre contrôle que celui des prud'hommes. Ils doivent savoir que la position du Conseil d'État est identique à celle de la Cour de cassation dans une affaire similaire (Cass. soc., 28 janvier 1998).
 
L'ennui, c'est qu'il n'est pas possible de s'en tirer en optant pour une sanction plus légère (avertissement, mise à pied). En effet, l'article L. 1132-1 du Code du travail interdit non seulement de licencier mais aussi de sanctionner un salarié pour des faits liés à son état de santé. Il n'y a donc qu'une seule façon de réagir : mettre à pied le salarié à titre « conservatoire » et susciter au plus vite un examen par le médecin du travail, seul apte à dire si le comportement du salarié est d'ordre pathologique et s'il faut se placer sur le terrain de l'inaptitude.

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