Lenovo ambitionne de devenir l’Apple chinois, et pour cela pourrait, selon le magazine Forbes, acquérir tout ou partie de HP.
Le magazine Forbes relance la rumeur autour d’une possible acquisition de HP, en affirmant que le chinois Lenovo pourrait être sur les rangs, à la satisfaction des actionnaires de HP. Délire d’analyste ? À moins que l’auteur ne prépare le terrain, ce qui ne serait pas nouveau…
Should Lenovo Buy Hewlett-Packard ?
L’étonnante tribune de Forbes « Should Lenovo Buy Hewlett-Packard ? » prend tout d’abord sa source dans un article du Chinadaily qui révèle les ambitions de Yang Yuanqing, le CEO de Lenovo : le fabricant veut conquérir la Chine sur les marchés des tablettes et des smartphones, et prendre la place qu’occupent actuellement Apple et Samsung… avant de partir à l’assaut du monde sur ces mêmes marchés !
Lenovo occupe largement la première place sur le marché chinois des PC. Il dispose en Chine des outils industriels et de distribution, ainsi que de la bienveillance du Parti Communiste, qui lui permettent d’occuper cette place. Le fabricant a déjà présenté ses tablettes et smartphones. Nul doute qu’il peut se faire une place de premier choix sur ces deux lignes de produits.
Lenovo hors du territoire chinois
Hors du territoire chinois, Lenovo s’est fait une place bien particulière avec l’acquisition, au siècle dernier, de la division PC d’IBM, dont l’intérêt était moins industriel – Lenovo fabriquait les PC ThinkPad d’IBM – que dans le but de s’offrir la force de distribution du géant de l’informatique dans les entreprises. Mission délicate accomplie : les PC Lenovo sont largement présents chez les professionnels.
Deux domaines échappent pourtant à l’appétit du chinois : les serveurs, l’accord passé avec IBM ne lui ayant pas permis de développer cette activité, jusqu’à une époque récente (aujourd’hui, Lenovo est parti à la conquête de ce marché) ; le grand public, sur lequel le chinois est très présent en Asie, mais le positionnement ‘pro’ du ThinkPad le tenait éloigné de ce marché en Occident.
L’annonce la semaine dernière de la construction d’une unité de production aux États-Unis, à contre-courant du marché qui fait fabriquer ses produits concurrents en Chine, a confirmé la volonté du chinois de partir à la conquête du grand public. Et peut-être d’amadouer les autorités américaines avec un geste de bonne volonté. L’avenir nous le dira…
Une chose est sûre, Lenovo est parti à la conquête de la première place du marché du PC, et il a les moyens de réussir. Pourquoi n’en serait-il pas de même sur les tablettes et les smartphones ?
Question de mentalité et de conformité
L’affaire se corse sur ces deux secteurs ! La mentalité industrielle chinoise et sa culture de conformité ne sont pas favorables à l’innovation, mais plutôt à la copie pour une production de masse. Il manque donc à Lenovo et à sa R&D à la fois l’esprit d’innovation et le sens du design pour créer des produits originaux susceptibles de séduire les consommateurs hors de son marché historique.
En revanche, l’attitude conquérante de certains membres du gouvernement chinois verrait bien son leader de l’industrie informatique occuper la première place mondiale…
Lenovo a démontré sa capacité à ingérer une part de l’économie occidentale avec l’acquisition de la division PC d’IBM. Pourquoi ne tenterait-il pas le même coup avec HP ? L’idée a du sens. Elle ferait du chinois le géant mondial des PC et infrastructures informatiques, éliminant à coup de dollars son principal concurrent, tant sur le pro que sur le grand public, et le mettant à l’abris des rares compétiteurs américains (Dell) ou asiatiques (Acer, Asus, etc.) qui pourraient se montrer également ambitieux.
Elle lui donnerait également accès à des technologies avancées, comme les environnements webOS pour les smartphones et tablettes, marchés sur lesquels HP a lamentablement raté son entrée. Ainsi qu’à un ensemble de laboratoires de R&D et de design qui lui manquent. Même si sur le design, et malgré ses progrès, HP est loin de jouer dans la cours des Apple, ou même Lenovo !
Une opération à plus de 50 milliards de dollars, à moins que…
Moins évident, en revanche, nous semble le montage financier qui devrait accompagner l’opération. Même si l’article de Forbes affirme qu’elle se ferait avec l’approbation des actionnaires de HP. La capitalisation boursière du groupe américain est de 25 milliards de dollars, auxquels il faut ajouter une dette colossale de 29 milliards de dollars. Le morceau sera plutôt difficile à avaler, même si Lenovo peut compter sur le système bancaire chinois, aujourd’hui le plus grand argentier de la planète.
Mais surtout, au delà des moyens nécessaires à l’opération, si Lenovo a l’ambition d’acquérir HP, l’article de Forbes passe très rapidement sur l’aval indispensable des autorités américaines, et certainement l’opposition des autorités européennes, qui auront bien du mal à accepter qu’un des fleurons technologiques occidentaux passe sous contrôle chinois.
… Lenovo ne recherche à acquérir que certains morceaux
À moins que Lenovo ne cherche qu’à acquérir certaines parties de HP, les PC et les ‘gadgets communicants’ par exemple. Une opération plus abordable et qui redonnerait de la valeur au discours dévastateur de Mark Hurd.
Alors et brièvement CEO de HP, son projet de se séparer de ces divisions avait entraîné sa perte (il est aujourd’hui président d’Oracle) et l’arrivée de Meg Whitman, tandis que les observateurs inspirés ne pouvaient que reconnaître la pertinence de sa vision.
En tout cas, Forbes devrait relancer la rumeur… et préparer le terrain ?
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