mardi 7 février 2012

Pourquoi le travail fait souffrir

Il n'y a pas si longtemps, on ne parlait pas des problèmes de santé au travail. Non pas qu'ils n'existaient pas, mais la règle du silence prévalait pour les sujets qui fâchent. Autres temps, autres moeurs: aujourd'hui, tout le monde s'exprime sur ces questions devenues une réelle préoccupation de l'opinion publique. Si l'on peut saluer cette évolution à bien des égards, la médaille a aussi son revers.

Comme d'autres sujets sensibles, la santé au travail est devenue un enjeu de communication. Pour les pouvoirs publics, les chefs d'entreprise, les institutions de prévention, le plus important, c'est de montrer qu'on s'en préoccupe, d'envoyer un signal fort à l'opinion. Cette tactique est finalement plus subtile que celle consistant à nier l'existence d'un quelconque problème.

La recette est simple. A grand renfort de communiqués, de journaux internes sous-traités à des boîtes de "com", de réunions de managers, on fait la promotion de l'action censée régler ces problèmes de santé… Bien malin alors celui qui repérera qu'on a soigneusement évité de remettre en cause les vrais facteurs de risque et les choix stratégiques des entreprises. Qu'il s'agisse des troubles musculo-squelettiques (TMS), du stress, ou des accidents du travail dans la sous-traitance, les remèdes apportés à ces maux sont souvent aussi efficaces qu'un cautère sur une jambe de bois. Parfois même, les "communicants" prennent le pas sur les professionnels de la prévention. L'impact médiatique est alors le seul but recherché.

Au gouvernement, on n'est pas loin de cette posture. Le ministre du Travail, Xavier Bertrand, n'a-t-il pas organisé deux conférences nationales sur les conditions de travail en moins d'un an? Du jamais vu. Et surtout de quoi donner le tournis aux partenaires sociaux. N'a-t-il pas innové avec, pour la première fois, un spot publicitaire sur les TMS - au demeurant très percutant? Voilà un responsable politique qui n'hésite pas à s'afficher sur les conditions de travail.

Evidemment, à Santé & Travail, nous sommes moins emballés. Nous ne pouvons pas nous empêcher de relever que, sur la grande cause nationale des TMS, les pouvoirs publics se sont bien gardés de lancer une campagne d'action de l'Inspection du travail. Demander des comptes aux "entreprises à TMS" aurait complété utilement la campagne de spots télé… mais c'était politiquement sensible et médiatiquement peu rentable.

Au milieu de ces pièges à "com", les acteurs de la santé au travail sont souvent désemparés. Comment séparer le bon grain de l'ivraie? Comment argumenter sur l'inefficacité des mesures de prévention dictées par les communicants? La réponse des éditeurs de Santé & Travail est simple: faciliter l'accès à une information indépendante et de qualité et organiser le débat public. A partir de ce numéro, Santé & Travail sera donc disponible en kiosque et, le 15 octobre, nous organisons les premières rencontres de notre magazine, sur le thème "Déjouer les pièges des risques psychosociaux". Vous n'aurez plus aucune excuse si vous vous laissez encore avoir!


François Desriaux, rédacteur en chef
Santé & Travail n° 064 - octobre 2008

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