mercredi 28 décembre 2011

Leonard Percival Howell

Leonard Percival Howell, né le 16 juin 1898 à May Crawle River (Jamaïque), mort en 1981, est l'un des quatre premiers prêcheurs du mouvement rastafari en Jamaïque.

Marin ayant parcouru le monde, il perçoit, avant l'opinion commune, les grands courants de pensée qui agitent le monde d'alors (psychanalyse, marxisme, Gandhisme etc.), et établi sa propre synthèse.

Grand ami de Marcus Garvey, apôtre du Retour à l'Afrique (cf. mouvement Back to Africa / Exodus), qu'il a rencontré à New York, il s'en sépare dès le début de ses prêches religieux, leurs deux mouvements divergeant fondamentalement sur la place de la religion dans la vie politique. Revenu en Jamaïque en 1932, il commence à prêcher en 1933 après le sacre de l'empereur Hailé Sélassié Ier, en vendant des photos de cet empereur qu'il affirme être « des passeports pour l'Éthiopie ».

Il affirme que cet empereur serait le messie revenu sur terre pour sauver les noirs, et que ceux-ci doivent retourner en Afrique, la terre des ancêtres. Il se base sur une prédiction du Révérend James Morris Webb, souvent attribuée à Marcus Garvey datant de 1924 et publiée dans le Daily Gleaner : « Regardez vers l'Afrique, où un roi noir sera couronné, car le jour de la délivrance est proche ». De plus, Hailé Sélassié, premier monarque noir reconnu par l'O.N.U., porte sur son manteau les titres de « Roi des Rois, Seigneur des Seigneurs, Lumière du Monde, Lion conquérant de la tribu de Juda », titre que la Bible attribue au Christ revenu sur terre (1° Timothée 6:15, Apocalypse).

Il est arrêté pour la première fois en décembre 1933 à Seaforth, ses prêches prônant la soumission à l'empereur d'Éthiopie et non plus au Roi d'Angleterre. Il sera relâché en 1936. En 1940, il fonde la première communauté rasta, celle du Pinnacle. Cette communauté vit dans une relative autarcie agraire, (aidée du commerce de la marijuana, bien que devenu illégal en 1913), et revendique une indépendance spirituelle et matérielle (alors que la Jamaïque est encore sous la domination anglaise) préfigurant l'alter-mondialisme. Cette communauté prend fin en 1954 après plusieurs raids de la police jamaïcaine ; tandis que d'autres regroupements sont nés sur l'île et de par le monde.

Leonard Percival Howell, éprouvé après de nombreuses incarcérations, des séjours forcés en hôpital psychiatrique, puis une vie d'ermite (dans une grotte), finit ses jours le 12 février 1981 à l'hôtel Sheraton de Kingston. Surnommé « the Gong » ou encore « Gangunguru » par ses adeptes, il est considéré par les Rastas comme une sorte de prophète, à l'image de Marcus Garvey. Il fut un maître à penser exerçant une influence initiatrice prépondérante sur ce mouvement glorifié dans le monde par Bob Marley (disparu le 11 mai 1981, trois mois plus tard), sans en tirer profit, ni sans pour autant imposer une ligne politique directrice.

  • Le Premier Rasta, Flammarion, 1999 (ISBN 2-08-067540-0) Ce livre Le premier rasta , écrit par Hélène Lee, tente de retracer l'histoire de ce personnage méconnu et pourtant fondamental de l'histoire du mouvement rastafari.
  • (avec Stephen Davis) The First Rasta. Leonard Howell and the Rise of Rastafarianism, Chicago Review Press, USA, 2005 (ISBN 1-55652-558-3)

Un documentaire éponyme s'en suivra, sorti en salles (http://www.lepremierrasta.com/) en avril 2011, et diffusé à la télévision (BBC, France Ô)



L'historien et sociologie Mc Phersen est l'auteur de nombreux ouvrages concernant les débuts du rastafarisme. Mc Pherson est par ailleurs président de l’organisation ENF (Ethiopian National Front), et fondateur de la «Rastaology».

Le mouvement s’est écarté de cette image «peace and love», plus précisément depuis la destruction des communautés Rastafari dans les années 1960 et 70, pour être remplacées par des enclaves politiques : Ackee Walk est devenue Tivoli, Berlin est devenu Denham Town, Dungle en downton Matches Lane… Ces jungles urbaines (« concrete jungles ») ont créé des environnements artificiels à un mouvement qui était essentiellement rural. De fait, le mouvement Rastafari était, à l’origine, un phénomène rural. Nous étions proches de la terre, nous avions développé une conscience écologique : nous mangions ce qui poussait et nous faisions pousser ce que nous mangions. Howell est né dans la paroisse de Clarendon, à Crawle River, Archibald Dunkley est aussi né à Clarendon, à Crooked River, et Joseph Hibbert est né à Benoah dans la paroisse de Portland. Ce sont toutes de communes rurales.

Le mouvement de Leonard Howell, s’est diffusé de Clarendon à Kingston puis à Saint Thomas. Le mouvement est donc apparu de cette « naissance rurale » à l’est de la Jamaïque. Le mouvement qui s’est déployé de St. Thomas, en passant par Kingston pour s’installer des les collines de Sligoville dans la paroisse de St Catherine est aussi un phénomène rural. De plus, nous savons que lors du premier rassemblement de l’Ethiopian Salvation Society Inc (ESS) lancé par Howell qui s’est réuni au rassemblement de l’UNIA-ACL au Liberty Hall de Kingston, la plupart des délégués howellites étaient originaires de paroisses rurales. Il ne s’agissait donc pas d’un mouvement urbain à l’origine. Les Rastas se sont installés à Kingston après la destruction du Pinnacle en 1954 et après l’appel de Claudius Henry et sa « deadline trick” (Ras Mc Pherson fait ici référence à l’annonce fallacieuse d’un rapatriement imminent lancée par Claudius Henry en 1959), de nombreux Rasses et Dawtas de toute l’île ont tout vendu en pensant pouvoir prendre ce bateau qui devait les ramener en Afrique ce premier août 59 comme l’insinuait le faux passeport de Henry1


Il est né le 16 juin 1898 à May Crawle River, en Jamaïque, dans la région de Clarendon, région agricole de l'île. Son père est né "libre" en Jamaïque, il a donc dû partir de rien. Devenu anglican par ses anciens maîtres, Charles Howell a réussi, à force de courage et de travail, à devenir notable et à assurer une certaine éducation à ses enfants.

Leonard part très tôt vivre à New-York. Il voyage ensuite et atterrit à Panama. En 1917, il s'engage à l'armée mais déserte très peu de temps après, laissant cette guerre aux blancs. Il devient alors cuisinier dans un bateau sur lequel il naviguera pendant huit ans, visitant l'Afrique et l'Amérique, l'Europe et l'Asie. Marin, manœuvre, portier, il enchaîne les petits boulots puis ouvre un café à Harlem, un de ces ganja-pads où la marijuana circulait entre deux discours militants. En 1932, il retourne en Jamaïque où il adhère à la thèse de Marcus Garvey et contribue à la déification de Hailé Sélassié Ier. Tandis que Marcus "le moderne" rationnalise et essaye de susciter une prise de conscience populaire, Howell, lui, revêt l'habit prophétique et penche du côté des ressorts religieux, usant d'anecdotes historiques (ou non) pour fédérer les paysans jamaïcains. Il raconte l'histoire de cet empereur noir éthiopien qui a des employés blancs et aux pieds duquel s'est prosterné le Duc de York, envoyé de la couronne britannique. Pour servir son œuvre, Leonard Howell prétend parler plusieurs dialectes africains et fonde en 1934 la Société pour le Salut Éthiopien (Ethiopian Salvation Society).

Leonard Percival Howell est un de ses personnages dont on devrait se souvenir comme un des premiers grands défenseurs de la cause noire : en Jamaïque, colonie anglaise administrée par la couronne, il clame la grandeur de la race noire, prône la consommation de marijuana comme sacrement et crie haut et fort qu'il ne faut plus verser l'impôt à la Reine d'Angleterre, alors qu'à cette époque, les noirs s'adressaient aux blancs la tête baissée. En 1935, lors d'un de ses nombreux procès, il s'adresse au juge − blanc − d'une façon inimaginable et lui dit : « Je te conseille de me donner la peine maximale car quand je serai à ta place, je ne te raterai pas. »

En 1933, il est emprisonné pour avoir (tenté?) vendu 5000 photos de Sa Majesté, les présentant comme des passeports pour l'Éthiopie et insistant sur la nécessité du retour en Afrique. Il se base sur une prédiction du Révérend James Morris Webb, souvent attribuée à Marcus Garvey datant de 1924 et publiée dans le Daily Gleaner : « Regardez vers l'Afrique, où un roi noir sera couronné, car le jour de la délivrance est proche ». Il décide alors de bâtir une communauté autonome sous l'égide du nouveau messie. À sa sortie de prison, avec quelques personnes, il part dans les collines jamaïcaines, refuge des esclaves noirs révoltés appelés "Maroons". Ces collines devinrent un élément de la symbolique rasta, au point de figurer sur de nombreuses pochettes de disques de reggae tels que Rise & Shine de Peter Broggs sur laquelle Broggs court au milieu des pieds d'herbe, ou encore dessiné en arrière-plan du Tribute to the martyrs de Steel Pulse. Man In The Hills de Burning Spear fait aussi référence à ses collines, que l'ont peut parfois confondre avec les Monts d'Éthiopie, comme une promesse, comme sur l'album Visons de Dennis Brown.

Le Pinnacle est donc construit à l'est de l'île, vers Spanish Town. Il y rassemble des travailleurs indiens venus remplacer les esclaves noirs des plantations désormais affranchis et prend le nom de Ganguru Maragh (ou Gong pour les intimes). le lieu devient le lieu de vie et la ferme communale des hommes, femmes et enfants du groupe. Howell adopte un régime végétarien et crée une liturgie basée sur l'encens et les volutes de ganja. La communauté, dôtée d'un certain équilibre démographique, jouit d'une certaine sécurité matérielle grâce à la culture de champs de coton et de plus de 180 000 pieds de cannabis.

La communauté du Pinnacle n'étant pas extensible, certains membres sont invités à aller trouver bonne fortune ailleurs. Souvent, ces personnes vont se joindres aux familles pauvres du quartier surpeuplé de Back O'Wall, à l'Ouest de Kingston. C'est donc à partir de ce quartier que Rastafari se diffusera dans la capitale puis dans toute l'île.

Considéré comme fou, Howell s'est vu enfermé en asile et en prison à plusieurs reprises. Sa maison est incendiée, il subit les attaques des politiciens, des policiers et de l'Église. En 1954, le Pinnacle est relié à la route, ce qui met en péril la tranquilité de la communauté. Le succès du commerce de la marijuana attire bientôt les gunmens qui cherchent alors à en prendre le contrôle. Après des assauts répétés en 1958, Howell doit dissoudre la communauté et s'enfuir. Il se réfugie à Tredegar Park, où il vivra terré et paranoïaque, sombrant dans l’anonymat comme Marcus Garvey, oublié des siens comme de ses ennemis. Il y meurt en 1981, la même année que Bob Marley. Ironie de l’histoire, Bob Marley avait fait d’Howell un de ses maîtres spirituels même s’il se promettait d’échapper à son destin, chantant « moi, je serai plus dur ("tuff") que le Gong (Howell) ». C’est même cette référence qui servit de nom au label créé par Marley.

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