dimanche 8 septembre 2013

L'Islam est divisé en ... Sunnites et Chiites







Quelle est la différence entre un chiite et un sunnite ?

mosquée prière
Des musulmans prient dans une mosquée d'Istanbul en août 2011. La Turquie est un pays majoritairement sunnite. © REUTERS.
Lorsque l’on évoque le Proche et le Moyen-Orient, ces mots reviennent sans cesse. La Ligue arabe est composée essentiellement de pays sunnites, l’Iran est la grande puissance chiite, le clan de Bachar el-Assad représente la minorité alaouite de Syrie… Quelles sont les différences entre ces branches de l’islam ? Petit tour d’horizon.

1. Entre chiites et sunnites un… schisme en 632

Tant que le prophète Mahomet est en vie, l’islam ne forme qu’un seul et même courant. En 632, à sa mort, des divergences de vue apparaissent.
Les chiites et les sunnites ne lui reconnaissent pas le même successeur

Ceux qui choisissent Ali, gendre du prophète, deviendront les chiites, tandis que ceux, majoritaires, qui préfèrent suivre Abou Bakr, compagnon de Mahomet, deviendront les sunnites.

2. Une organisation du clergé très différente

Les chiites reconnaissent 12 imams, réputés infaillibles dans l’interprétation du Coran. Parmi ces 12 imams se trouvent les deux fils d’Ali. Les chiites croient que le douzième imam reviendra à la fin des temps pour juger les hommes.

Pour les chiites, le Coran est une œuvre humaine, alors que pour les sunnites il a un caractère divin

Au-delà du Coran, les sunnites sont également fidèles à la "sunna", les faits et gestes de Mahomet. À travers la sunna, les sunnites tentent d'imiter le Prophète. Ils considèrent que l'Histoire est prédéterminée, alors que les chiites accordent plus d'importance à la liberté individuelle.

Le chiisme se distingue également du sunnisme par l’existence d’un clergé très hiérarchisé. Alors que les sunnites acceptent que l’autorité politique et religieuse soit fondue dans une même personne (comme au Maroc où le roi est commandeur des croyants), chez les chiites le pouvoir politique doit compter avec le pouvoir, distinct, des autorités religieuses (les ayatollahs en Iran, par exemple).

3. Les sunnites ultra-majoritaires

Les sunnites constituent le courant majoritaire, et même très largement majoritaire, de l’islam. Dans le monde, les musulmans se divisent entre environ 85% de sunnites contre 15% de chiites.
Les chiites sont toutefois majoritaires en Iran, en Irak (de peu) et au Bahreïn.

Au Liban, les chiites sont aussi devenus récemment la communauté majoritaire (ils sont maintenant plus nombreux que les chrétiens et les musulmans sunnites).
Avec environ 20% de chiites, le Pakistan compte aussi un grand nombre de disciples d'Ali.

4. Les kharidjites, les alaouites, les druzes : de petites branches dissidentes

Le kharidjisme est une secte qui s'est constituée en 660. Comme le chiisme, elle est apparue au moment des querelles de succession après la mort de Mahomet. Les kharidjites ont reproché à Ali de s'en remettre à une décision humaine et non divine pour décider qui allait diriger la communauté. C'est d'ailleurs un kharidjite qui a assassiné Ali. Cette tradition est présente chez les Berbères du Maghreb.

Les alaouites sont une branche dissidente du chiisme, alaouite signifiant "partisan d'Ali". Ils considèrent ce dernier comme l'incarnation de Dieu sur terre. Beaucoup moins rigoristes que les kharidjites, ils prient chez eux et boivent de alcool. Très peu nombreux, ils sont au pouvoir en Syrie, à travers le clan el-Assad.

Les alaouites partagent avec une autre communauté, celle des druzes, l'habitude de garder leurs rites secrets. Répartis entre le Liban, le Nord d’Israël et la Syrie, les 500 000 druzes pratiquent une religion non prosélyte : si l'on ne nait pas dans une famille druze, on ne peut devenir druze. Formant une branche "hérétique" du chiisme, à forte dimension ésotérique, les druzes croient que Dieu se manifeste périodiquement sous une forme humaine.

Est-ce la nouvelle guerre de trente ans ? Une guerre civile confessionnelle, qui trouve sa source dans des divergences doctrinales et religieuses, mais a mué en conflit géopolitique pour l'hégémonie sur un continent et pour la prééminence d'un modèle étatique. Tout comme le conflit entre protestants et catholiques a déchiré l'Europe du XVIIe siècle, la guerre entre chiites et sunnites est en train de redessiner la carte du Proche-Orient en ce début de XXIe siècle et de définir l'avenir de l'islam politique à l'échelle mondiale.

Y voir un retour en arrière aux querelles de succession entre partisans d'Ali (les chiites) et tenants de la tradition (les sunnites) peu après la mort du prophète Mahomet serait une grave erreur. Le chiisme et le sunnisme dont il est question aujourd'hui sont des modèles politiques et des ensembles géographiques, bien plus que des croyances religieuses. Mais comme dans toutes les guerres de religion, il faut prendre garde aux trompe-l'oeil identitaires. La longue rivalité entre chiisme et sunnisme n'est pas fatalement vouée à se régler par le fer et dans le sang, malgré les anathèmes (antichiites) d'Ibn Taymiyya, un célèbre théologien sunnite de la fin du XIIIe siècle qui inspire encore aujourd'hui le wahhabisme saoudien, le salafisme et le djihadisme.

En envahissant l'Irak en 2003 et en renversant le dirigeant arabe le plus farouchement hostile à la République islamique d'Iran, les Etats-Unis ont - à leur insu - rallumé le conflit chiites-sunnites sous sa forme moderne. Car en fait, tout a (re) commencé avec la Révolution islamique de 1979, qui a renversé le régime pro-américain du chah. En prenant le leadership de la contestation, puis en éliminant ses concurrents de gauche, l'ayatollah Khomeiny a imposé au clergé chiite et à l'Iran une vision politisée et révolutionnaire de l'islam.

Fort du principe du velayat al-faqih (le gouvernement des religieux) et porte-parole autoproclamé des "opprimés" par le "Grand Satan" (américain) et le "Petit Satan" (israélien), Khomeiny s'est autodésigné chef d'une révolution mondiale dont la première étape était le renversement de dirigeants musulmans sunnites corrompus et vendus aux Etats-Unis. Les dirigeants saoudiens, dont la suprématie repose sur les pétrodollars, l'effacement de l'Egypte (consécutif à la défaite de Nasser en 1967 puis à la paix séparée avec Israël signée par Sadate) et le contrôle des deux lieux les plus saints de l'islam - La Mecque et Médine -, y voient une menace existentielle. Lorsque l'Irak de Saddam Hussein attaque l'Iran en 1980, la dynastie des Saoud rallie l'ensemble du monde arabo-sunnite derrière Bagdad.

Un seul pays brise cette sainte alliance sunnite : la Syrie de Hafez Al-Assad, alors dans une rivalité mortelle avec Saddam Hussein pour la suprématie baassiste. Par ailleurs, le dictateur syrien, père de Bachar, arrivé au pouvoir par coup d'Etat en 1970, est issu de la communauté alaouite, une minorité issue d'une branche déviante du chiisme.

Cheval de Troie de la présence iranienne dans le monde arabe, la Syrie a aidé l'Iran à fonder le Hezbollah, qui recrute dans la communauté chiite libanaise et s'est peu à peu imposé comme l'un des plus redoutables ennemis d'Israël. Avec le Hezbollah et la Syrie, l'Iran dispose de deux fronts face à Israël. En 2006, l'armée de l'Etat juif s'est cassé les reins sur le Hezbollah, qui y a gagné un statut de héros du monde arabe. L'"axe de la résistance" est alors à son apogée. Il s'étend de Téhéran au sud du Liban, en passant par Bagdad, désormais dirigé par un premier ministre chiite pro-iranien, et allant jusqu'à la bande de Gaza, où le Hamas palestinien, bien qu'islamiste sunnite, s'est rallié à Téhéran et à Damas. Le roi Abdallah de Jordanie dénonce à l'époque un "croissant chiite" qui traverse tout le monde arabe et menace son identité.

Sept ans plus tard, le Hamas a tourné le dos à l'Iran, le Hezbollah, conspué pour son rôle d'auxiliaire de la répression en Syrie, est en perte de vitesse, et le régime syrien, longtemps champion de la résistance à Israël, est presque aussi mal vu qu'Israël dans le reste du monde arabe. Quant à l'Iran, il concentre toutes les haines, du Golfe au Maghreb. Que s'est-il passé ? Les révolutions arabes sont passées par là. Porteuses au départ d'une revendication de liberté et de dignité, elles ont dérivé vers un réveil identitaire sunnite et islamiste. Les monarchies du Golfe ont joué un rôle essentiel dans cette "déviation" des révolutions, à commencer par l'Arabie saoudite, qui a imposé une intervention militaire pour mettre fin à la contestation (chiite) à Bahreïn, confessionnalisant à outrance un conflit au départ politique. Le Qatar, qui a soutenu médiatiquement, financièrement et militairement les forces apparentées aux Frères musulmans partout où c'était possible (Tunisie, Egypte, Libye, Syrie, mais aussi à Gaza, où le Hamas a été littéralement "racheté" par l'émir de Doha), a également contribué à islamiser des révolutions qui ne l'étaient guère au départ.

Mais le camp sunnite, en pleine affirmation, est éclaté, divisé entre de multiples leaders potentiels : l'Arabie saoudite, bien sûr, qui encourage partout les salafistes, mais aussi le Qatar, d'obédience wahhabite mais parrain des Frères musulmans dans le monde arabe, l'Egypte (désormais dirigée par un Frère musulman) et la Turquie de l'islamiste new look Recep Tayyip Erdogan, prétendent à son leadership. Sans compter la nébuleuse terroriste Al-Qaida, qui a été la première à combattre les chiites en Irak avec les excès que l'on connaît. En face, le "camp chiite" reste uni sous le leadership incontesté de l'Iran. Croissant chiite contre arc sunnite, la Syrie se trouve à l'exacte intersection de ces deux trajectoires mortelles.

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