Introduction : pourquoi des conflits ?
Il y a plusieurs façons d’aborder les conflits interpersonnels; les divers auteurs ne s’entendent pas sur la définition des genres de conflits, sur leurs causes et sur les solutions. Mais tous sont d’accord sur un point: dans tous les secteurs de notre vie, les conflits interpersonnels sont non seulement inévitables mais ils sont également nécessaires à notre vitalité.
Les amoureux qui se querellent expriment également une insatisfaction, même lorsqu’ils tentent de ne rien laisser voir de leur vulnérabilité ou de leur manque. Parce que la personne à laquelle ils accordent une importance primordiale n’agit pas de la façon qui leur apporterait les satisfactions qu’ils en attendent, ils deviennent agressifs et tentent de forcer leur partenaire à mieux répondre à leurs besoins. Le conflit est alors le prélude à un changement important (une adaptation mieux réussie) dans la relation ou à une rupture salutaire. Des collègues de travail impliqués dans un conflit interpersonnel sont également aux prises avec des besoins insatisfaits. Que le conflit soit entre collègues de même niveau ou qu’il implique des niveaux hiérarchiques différents, il repose toujours sur des besoins personnels qui restent frustrés. Même entre personnes qui n’ont pas choisi d’être en relation, c’est la satisfaction de besoins importants qui est en jeu. Mais pour que cet objectif d’épanouissement soit atteint, il ne suffit pas d’être en conflit, il faut aussi y trouver une solution harmonieuse. Le conflit est à la fois l’expression du besoin et le signe d’un obstacle à la satisfaction de celui-ci. C’est seulement en découvrant un nouvel équilibre entre ces deux composantes qu’on permet au conflit de jouer son rôle le plus important: nous amener à un changement épanouissant. Cette série se limite aux conflits qui surviennent dans des relations non intimes, plus particulièrement en milieu de travail. On peut trouver à la fin des références vers d’autres documents traitant des autres contextes où surviennent des conflits. |
Les types de conflits en milieu de travail Dans cette série d’articles, je distingue trois types fondamentaux de conflits interpersonnels. Je les désigne par les noms qu’on leur donne le plus souvent. Il s’agit des malentendus, des conflits d’intérêts et des conflits de personnalité. Ces trois catégories se distinguent essentiellement par les causes du conflit (incompréhension, intérêts divergents et personnalités incompatibles). Mais l’importance de cette classification vient surtout du fait que chaque type nécessite des solutions différentes. Pour toute personne qui veut régler ses conflits avec les autres, pour tout gestionnaire qui veut contribuer à la solution des conflits entre collègues et pour tout conseiller qui désire aider d’autres individus à résoudre leurs conflits, l’efficacité de la démarche repose en grande partie sur la compréhension de ces distinctions, de leurs implications et des mécanismes à mettre en branle pour favoriser leur résolution. |
I - Les malentendus
Il est visiblement furieux! Il sort en coup de vent et se rend à l’ascenseur sans même lui dire bonjour. Il revient dix minutes plus tard, l’air toujours aussi ennuyé, et lui demande en passant si elle croit avoir le temps de finir la facturation aujourd’hui. Devant son oui presque inaudible, il repart aussi vite et s’enferme dans son bureau en claquant la porte. Micheline sent les larmes lui monter aux yeux et se sauve aux toilettes pour retrouver son calme à l’abri des regards de ses collègues. C’est seulement lorsqu’elle se met en colère contre la réaction injuste de son supérieur qu’elle parvient à retrouver un certain contrôle et à retourner, encore ébranlée, à son poste de travail. Comme on peut s’y attendre, elle a beaucoup de difficulté à se concentrer et multiplie les erreurs. Elle doit rester longtemps après son heure de départ normale pour compléter sa tâche et, lorsqu’elle part enfin, elle est complètement révoltée contre les exigences tyranniques de son patron qui est parti une demi-heure plus tôt en s’étonnant à haute voix du fait qu’elle était encore au travail.
Le malentendu émerge au moment où les paroles ou les actions d’une personne sont mal comprises par son interlocuteur parce qu’elles atteignent un point sensible chez ce dernier. Comme cette interprétation erronée est blessante ou menaçante, elle suscite une réaction de défense (fermeture, évitement ou contre-attaque). Cette réaction perpétue ou envenime le désaccord en privant les interlocuteurs des éléments qui permettraient d’en identifier l’origine ou la source. Les ingrédients essentiels pour créer un malentendu sont donc:
Il arrive aussi très souvent que le conflit soit réciproque. C’est le cas lorsque les réactions de la première personne à l’attaque qu’elle croit avoir subi provoquent à leur tour des réponses défensives chez l’autre (qui croit alors subir une agression gratuite). Le malentendu devient donc souvent réciproque à cause des réactions d’auto-protection qu’il engendre. Et de réaction défensive en contre-attaque, un cercle vicieux peut s’installer à demeure et compliquer la situation à l’infini. Il devient alors très difficile de retrouver l’origine du conflit qui ressemble de moins en moins à un malentendu et de plus en plus à une guerre sans merci.
Pour mieux le comprendre, revoyons l’exemple de Micheline en incluant le point de vue de Claude, le patron “tyrannique”.
Dès qu’il voit Micheline arriver, il est soulagé parce qu’il croit pouvoir se fier sur elle pour s’occuper entièrement de la facturation mensuelle qui doit être faite aujourd’hui. Comme elle n’a pas l’habitude d’être en retard, il avait peur qu’elle ne puisse venir travailler. Il craignait de devoir improviser une solution qu’il aurait à surveiller de près. Sachant qu’elle est arrivée, il est soulagé de cette tâche supplémentaire et se dirige immédiatement vers son chef pour lui exprimer son mécontentement. La rencontre est passablement “musclée” et il en revient encore en colère. En fait, il est encore un peu plus furieux parce qu’il vient d’accepter de rédiger un document justifiant à nouveau la baisse de performance qu’on lui reproche. C’est un travail supplémentaire qu’il doit compléter dès aujourd’hui. C’est pour cela qu’il se contente de vérifier rapidement si Micheline s’estime capable de mener la facturation à terme sans aide spéciale. Sachant qu’il peut se fier à elle, la réponse le satisfait et il part s’occuper rageusement de son rapport. Lorsqu’il quitte enfin son bureau, Claude exprime son étonnement devant la présence de Micheline. Il croyait avoir compris qu’elle pourrait compléter son travail sans prolonger sa journée de travail et projette d’en parler le lendemain avec elle. Il sait que dans sa hâte il a été opportuniste en négligeant de souligner le ton piteux avec lequel elle avait répondu à sa question, mais il ne veut pas la retarder davantage dans son travail. Dans le malentendu, c’est le fait de ne pas connaître le point de vue de l’autre qui nous permet d’attribuer des significations erronées à son comportement. En l’absence d’information claire, nous inventons les détails qui nous manquent : nous imaginons le pire, précisément ce que nous craignons le plus ou ce que nous nous reprochons déjà.
Mais ce n’est pas tout à fait aussi simple car il s’agit de craintes bien réelles qui reposent sur des vulnérabilités importantes. Il n’est pas toujours facile de les abandonner en se fiant tout simplement à la parole de la personne dont on craint les réactions. Une bonne méthode de résolution des malentendus doit donc tenir compte de la vulnérabilité qui s’y manifeste pour y apporter une réponse adéquate. La solution efficace doit donc à la fois compléter l’information sur la situation et soulager l’inquiétude réelle qui alimente la projection. Dans la mesure du possible, il est préférable de toucher d’abord à la vulnérabilité pour garantir que l’information nouvelle soit reçue et utilisée adéquatement. Autrement, la méfiance et la crainte peuvent facilement conduire à de nouvelles interprétations erronées qui viendront renforcer le malentendu au lieu de le résoudre.
Micheline n’est pas dans des dispositions pour qu’une information nouvelle vienne résoudre facilement le malentendu; elle est en conflit! Si on lui dit que Claude avait des soucis bien plus graves qui n’avaient rien à voir avec elle, Micheline pourrait ne pas le croire ou, pire encore, s’en offenser en y voyant une preuve du peu d’importance qu’il lui accorde. Elle n’est pas ouverte à une autre vision parce qu’elle est trop blessée et parce qu’il s’agit d’une zone sensible où les blessures sont pour elle particulièrement cuisantes.
Malgré ses réactions défensives et belliqueuses, cette personne continue de souffrir de la situation parce qu’elle touche chez elle une zone déjà sensible. C’est cette douleur qui peut l’amener à déclencher une démarche de résolution en allant en discuter avec l’autre.
Les occasions d’amorcer une démarche de résolution sont nombreuses, mais plus vite nous sautons sur une de ces occasions plus facile est la résolution. En effet, tout retard amène des complications supplémentaires (1) parce qu’il nous permet d’élaborer davantage notre interprétation erronée et blessante et (2) parce qu’il nous laisse le temps de contribuer à une escalade en provoquant l’autre par nos réactions défensives. Le soutien que nous trouvons dans notre environnement est souvent l’ingrédient principal qui permet d’entreprendre rapidement cette démarche. La complicité même silencieuse d’un collègue plus proche au moment où nous venons de subir un affront peut souvent nous aider à réagir immédiatement et à prévenir le malentendu en demandant des explications. Plus la blessure est vive, plus ce soutien est nécessaire. Un collègue proche, un conjoint compréhensif, un ami empathique ou même un animal de compagnie ou un journal intime peuvent nous servir à trouver ce soutien. Nous pouvons tous organiser notre vie pour y trouver des ressources de ce genre lorsque nous en avons besoin. Mais il faut y avoir pensé à l’avance ; il est bien difficile de créer des complicités de ce genre au moment où nous sommes déjà en situation de conflit. Il vaut mieux également avoir plusieurs interlocuteurs de ce genre dans notre entourage car rien ne garantit la disponibilité d’un individu donné au moment où nous en aurons besoin pour sortir d’une impasse. Pour une personne qui se connaît bien, il est parfois possible de résoudre un malentendu sans s’appuyer sur un soutien de ce genre. Imaginons une personne qui sait qu’elle a tendance à réagir trop vivement à toute apparence de reproche. Forte de cette connaissance, elle peut fort bien choisir de vérifier l’intention réelle de son interlocuteur avant de réagir au reproche qu’elle perçoit. Au début, elle ne le fait qu’à partir d’une conviction théorique, mais avec le temps elle peut en prendre l’habitude parce qu’elle sait par expérience qu’elle évite ainsi plusieurs reproches imaginaires et qu’elle est en mesure de réagir aux vrais reproches de l’autre lorsque ceux-ci sont réels. Mais le support et la compréhension d’un tiers ne suffisent pas à régler le malentendu: il faut aussi obtenir l’information exacte pour remplacer celle que nous avons imaginée à partir de nos craintes. La rencontre avec l’interlocuteur dont les actions nous ont semblé blessantes est donc nécessaire même lorsque l’intensité de notre inconfort s’est atténuée grâce à la compréhension d’un proche. Dans la mesure du possible, il vaut mieux aborder une telle rencontre avec une attitude de recherche. En effet, l’efficacité de ce contact repose sur la qualité d’information pertinente qu’elle nous permet d’obtenir. Si nous l’abordons avec une attitude vengeresse, belliqueuse ou critique, nous amenons notre interlocuteur à se défendre et, par conséquent, à choisir ce qu’il nous communique en fonction d’un désir de ne pas se rendre vulnérable. Si, au contraire, nous y introduisons notre vulnérabilité et notre désir de savoir, nous fournissons à l’autre des raisons de mieux nous informer sur sa propre perception. Notons enfin qu’il arrive souvent que le protagoniste (la personne qui est blessée par son interprétation des actions de l’autre) soit aussi l’interlocuteur (celui dont le comportement a été interprété à son insu). C’est le cas lors que le malentendu persiste parce qu’aucun des acteurs ne réussit à le résoudre. Les réactions du premier deviennent alors les occasions pour l’autre d’interpréter la situation comme une agression (ce qui est en partie justifié mais sans qu’on en comprenne les causes réelles). Les deux personnes impliquées deviennent alors des protagonistes, mais à partir de moments différents. La situation se complique encore davantage lorsque le malentendu survient entre deux groupes ou deux collectivités. Chacun trouvant facilement le soutien dans son groupe plutôt qu’auprès d’un tiers qui n’est pas directement concerné, il est plus facilement encouragé dans ses attitudes hostiles à l’autre groupe que dans son ouverture à son expérience réelle et complète, particulièrement sa vulnérabilité. En plus, la rencontre entre deux groupes est plus difficile à organiser et à gérer; ceci introduit (1) des délais considérables qui favorisent l’aggravation du conflit et (2) des interactions blessantes qui favorisent l’escalade à chaque contact. Le malentendu peut donc facilement se transformer en conflit majeur qui, en l’absence de contact réel et d’ouverture, devient tout à fait insoluble. Peut-on y voir la source de nombreux conflits armés qui s’éternisent à travers les générations ? Dans ces situations, la solution semble impossible sans l’intervention d’un tiers auquel les deux parties concernées pourraient accorder leur confiance. Mais qui serait capable de mériter vraiment une telle confiance ?
Pourtant, la personne dont le comportement a été interprété à son insu est généralement d’une importance cruciale dans l’atteinte d’une solution et même dans l’amorce d’une démarche de résolution. Elle occupe en effet une position privilégiée car elle n’est pas vraiment impliquée dans le conflit qui, de son point de vue, est accidentel. Que ce soit consciemment ou non, si cette personne agit d’une façon qui contredit clairement l’interprétation erronée de son interlocuteur elle ouvre la porte à une résolution rapide en introduisant une dissonance cognitive chez son interlocuteur. Voyons comment cet aspect peut se manifester dans le malentendu entre Micheline et Claude.
Il en est vraiment reconnaissant, sachant qu’elle a fait plus que son devoir pour mener l’opération à terme. Il décide alors de lui en parler dès le lendemain matin afin de lui exprimer sa gratitude et aussi de rechercher avec elle d’autres solutions pour la prochaine fois où elle manquera de temps pour compléter cette tâche. Et il se surprend à chantonner en arrivant à la maison après cette journée éprouvante... Claude est bien surpris, le lendemain, d’apprendre que Micheline le croyait fâché contre elle. Il en est même peiné tellement l’inquiétude de celle-ci est éloignée de la reconnaissance qu’il éprouve et de son bonheur de pouvoir compter aussi complètement sur le sens des responsabilités de Micheline. Une fois la mise au point terminée, les deux se quittent enchantés en se promettant de s’en parler immédiatement la prochaine fois qu’une situation du genre se produira. (Évidemment, ils ne le feront pas: la prochaine occasion apparaîtra tout aussi urgente, chargée et explosive. Leurs premières réactions seront à peu près les mêmes, mais cette fois ils auront une expérience de plus dans leur bagage, une expérience qui les aidera à penser plus rapidement à la nécessité d’une mise au point immédiate.) Pour que cette méthode “accidentelle” fonctionne, il faut que les deux ingrédients essentiels de la solution soient déjà présents. Il faut que la vulnérabilité de l’autre personne soit respectée et il faut que l’information nouvelle soit pertinente par rapport à l’interprétation blessante. Si la relation entre les deux personnes est déjà empreinte de confiance et de respect, on peut s’attendre à ce que les vulnérabilités des deux parties soient généralement prises en considération dans leurs contacts. Pour ce qui est de la pertinence de l’information nouvelle apportée, c’est plutôt par hasard qu’elle survient. Par hasard, l’expression réelle de Claude contredit directement l’interprétation erronée de Micheline. Si elle portait sur une dimension différente qui n’a rien à voir avec la zone de vulnérabilité en cause, elle ne pourrait être suffisante pour provoquer la résolution du conflit. Mais nous ne sommes pas condamnés à nous fier au hasard. En fait, l’interlocuteur pourrait fort bien déceler l’existence d’un problème même s’il est incapable de l’identifier clairement ou d’en connaître la source. Voyons ce qui aurait pu se passer entre Micheline et Claude si ce dernier avait été un peu plus attentif à ce qu’il voyait et ressentait.
Quand il dit à Micheline qu’il est inquiet de la voir encore à la tâche et qu’il se demande si elle aurait eu besoin d’aide, il voit bien que les larmes lui montent aux yeux. Il s’en étonne et, même s’il préfère ne pas se mêler de la vie privée de ses collaborateurs, il décide de lui demander si quelque chose ne va pas. Il est bien étonné d’apprendre alors l’existence du conflit dont il était totalement inconscient. Se félicitant d’avoir eu l’idée brillante de s’arrêter deux minutes avant de quitter, il assure Micheline de son appréciation et lui explique qu’il a lui-même eu une journée bien difficile qui est responsable de sa mauvaise humeur. Après quelques minutes à peine, le problème est réglé. Mieux encore, leur complicité est plus forte que jamais. Cet ingrédient supplémentaire est nécessaire pour déceler la présence du problème invisible. Ce sont cependant les deux autres ingrédients de la solution qui sont importants à compter du moment où on a pris l’initiative de s’inquiéter ouvertement de la situation.
Dans notre exemple, Claude est l’interlocuteur et non le gestionnaire parce qu’il est directement impliqué (même si c’est sans le savoir) dans le malentendu. .Le gestionnaire pourrait être le patron immédiat de Claude ou son conseiller. Cette distinction est importante même dans les cas (comme notre exemple) où une relation d’autorité existe entre les deux protagonistes et où le statut de l’un contribue à favoriser la perception erronée. C’est en tant que personne impliquée dans la situation que Claude peut intervenir efficacement. S’il se sert de son pouvoir formel pour résoudre le malentendu qui l’implique directement, il risque d’empirer la situation au lieu de contribuer à la solution. Parce qu’il est impliqué, ses actions n’ont pas l’objectivité apparente nécessaire pour être crédibles en tant qu’interventions de gestion. Normalement, le gestionnaire n’a l’occasion d’intervenir que dans les malentendus qui ont duré assez longtemps pour se compliquer et se détériorer. Dans la plupart des malentendus, l’une ou l’autre des deux personnes impliquées trouve assez vite un moyen de provoquer une explication suffisante pour résoudre le conflit naissant. Quand le gestionnaire doit s’en mêler, c’est parce que ces mécanismes ont été inefficaces pour dissiper le malentendu. Mais il arrive que la blessure infligée par l’interprétation erronée soit assez grave pour entraîner une fermeture qui fera échec à toutes les tentatives de clarification. C’est souvent le cas lorsque le malentendu porte sur une zone de très grande vulnérabilité. Il arrive aussi que la réaction défensive à la blessure initiale atteigne plus ou moins par hasard une zone particulièrement sensible chez l’autre et entraîne chez celui-ci une forte réaction défensive qui empêche toute reprise du dialogue. C’est surtout dans des situations détériorées de ce genre que le gestionnaire non impliqué peut être amené à intervenir. C’est pour cette raison que son rôle dans la recherche d’une solution est plus complexe et plus délicat que celui des deux personnes concernées. Pour être efficace, son action doit tenir compte des quatre exigences suivantes.
Le principe suivant peut le guider pour l’aider à demeurer l’allié de chacun des deux : toujours aider les partenaires à se parler directement, à s’exprimer clairement et à s’expliquer soigneusement au lieu de prendre sur le lui de servir d’intermédiaire pour expliquer le point de vue de l’un des deux. Il doit se soucier de faciliter la communication en évitant d’y participer directement. Pour y parvenir, il doit se soucier avant tout d’évaluer et la qualité de la communication entre les deux et, lorsque nécessaire, de proposer aux deux personnes des façons l’améliorer.
Le gestionnaire doit tenir comte de ce contexte particulier. Il peut le faire notamment en prenant sur lui d’exiger une rencontre lorsque les personnes impliquées dans le conflit ne la souhaitent pas (ce qui est généralement le cas). Il peut aussi en tenir compte en invitant chacun à exprimer clairement son point de vue et à s’assurer de bien comprendre celui de l’autre. Il peut aussi souligner que les deux personnes sont atteintes par l’escalade du conflit même si elles ne le laissent pas trop paraître. Mais avant tout, il doit ajuster ses attentes en fonction de cette fermeture normale. S’il considère ces réactions défensives comme normales et comme des mesures de protection justifiées, il pourra plus facilement être patient devant les obstacles inévitables comme les reproches, les attaques vengeresses, les refus de répondre, la méfiance et la dissimulation des zones de vulnérabilité. Sa sérénité et sa patience seront précieuses pour apaiser les deux partenaires et les amener à rétablir le dialogue.
L’efficacité de l’intervention du gestionnaire dépend souvent de son succès sur ce point particulier plus que de tout autre facteur. Si les deux personnes se sentent comprises et vraiment respectées dans cette dimension de leur expérience, elles seront capables de mieux collaborer en exprimant clairement leur point de vue réel sur la situation, en incluant leurs réactions intérieures qui sont à l’origine du conflit.
Il peut inviter chacun des partenaires à exprimer son point de vue aussi clairement que possible, en incluant non seulement son souvenir des événements, mais surtout ce qu’il a pensé et ressenti à l’occasion de ces événements. Il doit aider à mettre en lumière le fait que chaque personne voyait la situation d’un point de vue différent et subjectif où s’exprimaient toutes les dimensions de sa personnalité, y compris ses valeurs, ses besoins, ses aspirations, ses vulnérabilités et même l’effet sur elle des autres secteurs de sa vie. Il peut aussi aider en vérifiant si la communication est réussie. Par exemple, il peut demander à chacun de reformuler en ses propres mots ce qu’il a compris du point de vue de l’autre et vérifier avec le premier s’il se sent bien compris ou si des précisions sont nécessaires. Quelles que soient les précautions qu’il prend pour fournir des conditions favorables à un dialogue constructif, le gestionnaire voit souvent l’un ou l’autre se mettre à blâmer son interlocuteur ou à protester contre les reproches qu’il s’attend à recevoir. Il est important de réagir rapidement pour rappeler la nécessité de bien savoir ce qui s’est réellement passé avant de déterminer les responsabilités de chacun. Grâce à son statut et au fait qu’il n’est pas impliqué, le gestionnaire peut souvent inhiber ainsi la tendance à chercher un coupable. S’il y parvient, la clarification peut se poursuivre jusqu’au moment où l’expression ouverte et subjective des partenaires rend ces accusations superflues. |
Conclusion C’est un bien long article pour un sujet aussi simple ! Comme les malentendus sont très fréquents, ils méritaient qu’on s’y attarde un peu. Mais il y a une autre raison qui les rend particulièrement importants et justifie qu’on y ait consacré autant d’énergie. Les autres types de conflits interpersonnels sont presque toujours entremêlés de malentendus multiples qui viennent les compliquer. Ce que nous avons vu ici restera utile pour contribuer à la résolution des autres genres de conflits que je vais examiner dans la suite de cette série. Le prochain article de ce groupe portera sur ce que j’appelle les conflits d’intérêts. Il s’agit des situations où les intérêts de deux individus sont divergents ou contradictoires. Ce type de conflit correspond à une complication fréquente dans ce que j’appelle la compétition-combat. Jean Garneau, psychologue Ressources en Développement |
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