500 macaques sont isolés sur une petite île des Caraïbes depuis 70 ans : comment se sont-ils organisés pour vivre ensemble ?
Guerres de clans, discrimination, abus de pouvoir mais aussi gestes maternels, comportements solidaires, respects de règles sociales : une société des singes s’est constituée, pour le pire et pour le meilleur.
Trois scientifiques renommés – une psychologue, un généticien et un biologiste de l’évolution – étudient minutieusement ces primates des Caraïbes pour comprendre les racines de notre être social... et nous aider, peut-être, à penser une société humaine plus altruiste.
En 1938, l'Américain Clarence R. Carpenter introduisit des primates sur la petite île de Cayo Santiago, dans les Caraïbes. Ils ont proliféré et constituent aujourd'hui une société de mille individus, qui vivent entre guerre des clans, discriminations, abus de pouvoir, gestes maternels, solidarité et respect des lois sociales. Trois scientifiques - une psychologue, un généticien et un biologiste de l'évolution - étudient tous les rouages de cette organisation animale et les comportements des primates, tenant de comprendre les racines sociales des groupes. Cette enquête permet, également, d'aller encore plus loin en explorant la frontière entre l'état sauvage et l'état civilisé.
Guerres de clans, discrimination, abus de pouvoir mais aussi gestes maternels, comportements solidaires, respects de règles sociales : une société des singes s’est constituée, pour le pire et pour le meilleur.
Trois scientifiques renommés – une psychologue, un généticien et un biologiste de l’évolution – étudient minutieusement ces primates des Caraïbes pour comprendre les racines de notre être social... et nous aider, peut-être, à penser une société humaine plus altruiste.
En 1938, l'Américain Clarence R. Carpenter introduisit des primates sur la petite île de Cayo Santiago, dans les Caraïbes. Ils ont proliféré et constituent aujourd'hui une société de mille individus, qui vivent entre guerre des clans, discriminations, abus de pouvoir, gestes maternels, solidarité et respect des lois sociales. Trois scientifiques - une psychologue, un généticien et un biologiste de l'évolution - étudient tous les rouages de cette organisation animale et les comportements des primates, tenant de comprendre les racines sociales des groupes. Cette enquête permet, également, d'aller encore plus loin en explorant la frontière entre l'état sauvage et l'état civilisé.
En 1938, un biologiste américain a
expatrié des primates d'Asie sur une minuscule île inhabitée des
Caraïbes. Cayo Santiago, au large de Porto Rico, abrite aujourd'hui un
millier de macaques, sujets d'études pour universitaires américains.
C'est le travail de ces neurobiologistes et psychologues que décrit ici,
avec un grand souci de pédagogie, le réalisateur Jean-Christophe Ribot.
Confinés
sur un territoire d'un kilomètre de long, contraints à la cohabitation,
les singes de Cayo Santiago se sont organisés en plusieurs communautés,
hiérarchisées à l'extrême. Leurs comportements sont-ils régis par leurs
gènes ? Par des règles sociales ? Par les lois de l'évolution ?
Grâce
à une observation rigoureuse de ces primates et à des données relevées
quotidiennement, les chercheurs parviennent à dresser des schémas
comportementaux, et même à définir les traits de caractères de certains
individus. On remarque par exemple Chester, le chef des chefs, d'un
tempérament flegmatique, qui s'oppose à Tony, l'aspirant au pouvoir,
agressif avec tout le monde.
Car entre
altruisme (scènes de toilettage) et hostilité (attaque des congénères),
cette société miniature semble obéir à des lois bien spécifiques, où les
relations de pouvoir, les rapports de classes, et même une forme de
népotisme, provoquent des agissements d'une grande cruauté. On oscille
alors entre le rire et l'effroi : même primitifs, les comportements
sociaux de ces macaques renvoient forcément à l'homme — ce qui rend le
documentaire assez vertigineux. — Perrine Dutreil
À quelques encablures de Porto Rico, des singes vivent sur une petite île, Cayo Santiago,
à l’abri des prédateurs, car ils sont les seuls grands animaux sur leur
territoire, et sans devoir chercher leur nourriture, puisque des
humains la leur apportent obligeamment depuis 75 ans. Une vie de rêve,
en quelque sorte. Quoique…
« Alors que cette île pourrait être leur paradis, ils en ont fait leur propre enfer », explique l’un des scientifiques dans le film Primates des Caraïbes, en lice au festival Pariscience, à
la fois sobre, solide et d’une force étonnante. Car il s’agit bien
d’une expérience scientifique, racontée par Jean-Christophe Ribot,
réalisateur et documentariste passionné de science et, explique-t-il
lui-même, « intéressé par les questions de sociétés et de relations entre les individus ».
Une société sous l'œil des scientifiques
L’histoire commence en 1938, avec le débarquement de 400 macaques rhésus (Macaca mulatta)
achetés en Inde par le primatologue Clarence Ray Carpenter. Le but
était d’étudier comment se construira cette nouvelle société, en suivant
chacun de ses individus. L’expérience, imitée depuis en d’autres
endroits du monde, se poursuit toujours. Des chercheurs, généticiens,
primatologues et sociologues, s’installent régulièrement sur l’île pour
observer leur vie, leurs relations, leurs amours, leurs amitiés et leurs
guerres. Rappelons que les macaques sont des primates sociaux, qui interagissent fortement entre eux et forment des alliances dans des sociétés très hiérarchisées.
Pour Claude-Anne Gauthier, primatologue au Muséum
national d’histoire naturelle et qui sera présente pour accueillir ce
film au festival Pariscience, « ces expériences en semi-liberté sont
précieuses. On peut suivre les individus sur de longues périodes, et
même, avec une certaine probabilité, connaître ses géniteurs. On peut y
observer des comportements imperceptibles en milieu naturel, parfois un regard ou un clignement d’œil. Et puis, l’argent et le temps manquent souvent, aujourd’hui, pour de longues expéditions en forêt. »
Filmées il y a quelques années sur l'île Cayo Santiago par Dario Maestripieri (qui fait partie des scientifiques intervant dans le film de Jean-Christophe Ribot), des femelles rhésus sont ici observées en compagnie de petits. Elles adorent les regarder et attirent leur attention par des cris spéciaux. © Dario Maestripieri, University of Chicago
Chester le chef et Tony la terreur
En deux ans, à raison de séjours de deux semaines
sur cette île, Jean-Christophe Ribot a suivi les chercheurs pour filmer
les singes et leur petit monde. Les drames et les moments de bonheur que
l’on y voit ressemblent tant à nos expériences humaines que la
tentation de faire le parallèle avec notre société vient immédiatement. « Le risque d’anthropomorphisme est d’autant plus grand que le cinéma cherche à ce que le spectateur s’identifie au personnage, analyse Jean-Christophe Ribot. C’est pourquoi j’ai installé une certaine distance et d’abord montré ce que font les scientifiques. »
On voit ainsi des éthologues comptabiliser les interactions et les visualiser sur de grands graphes générés par ordinateur. Deux macaques en émergent : 85-B, alias Chester, le dominant du plus grand groupe, champion des relations sociales, et 07-D, dit Tony, réputé pour sa violence et ses bagarres incessantes, isolé socialement mais qui tente de séduire la femelle
du chef. Et l’on découvre une société clanique, avec sept groupes, aux
habitudes différentes. Dans le plus grand, on est souvent agressif. Dans
celui numéroté « S » et qualifié de « hippie » par les chercheurs, on est plus cool.
La bande annonce du film Primates des caraïbes, réservée aux anglophones. © Jean-Christophe Ribot, Mosaïque Films, Deep Bay Film, Arte France
Un film loin de la dérive de l’anthropomorphisme
Ce sont les scientifiques eux-mêmes qui emploient ces termes. « Pour qualifier les comportements, nous utilisons les mots de tous les jours, commente Claude-Anne Gauthier. Le
terme "réconciliation", par exemple, est employé dans son sens commun
et il recouvre une réalité, très importante chez les primates. »
Si le film de Jean-Christophe Ribot n’est pas une
séquence de téléréalité simiesque mais bien un documentaire sur des
expériences scientifiques, il n’en suscite pas moins des réflexions sur
nous-mêmes. « Je cherche à ce que le spectateur se pose cette
question : "Je projette des choses sur ces situations, pourquoi ?" C’est
là, selon moi, que se distinguent les Hommes, quand ils analysent leurs propres comportements et leurs propres pensées. »
On ne sort pas indemne de ce film, qui sera présenté au festival
Pariscience, et ce soir sur Arte (à 22 h 50), en version 52 mn. Ses
images reviendront sans doute souvent devant les yeux de ses
spectateurs…
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