mardi 7 août 2012
Quand prier contre Poutine est un «péché»
À la cathédrale du Christ-Sauveur de Moscou, elles chantèrent une «prière punk» contre Vladimir Poutine. Dans une cage vitrée, elles comparurent souriantes à leur procès. Nadejda Tolokonnikova, Maria Alekhina et Ekaterina Samoutsevitch risquent à présent sept ans de prison.
Un tel châtiment est un peu trop sévère, reconnaît le président russe. Il semble soudain se montrer magnanime à l’égard des trois jeunes femmes de Pussy Riot, même s’«il n’y a rien de bon dans ce qu’elles ont fait». En février, encagoulées, elles ont chanté et dansé au son de guitares électriques pour demander à la Vierge Marie de chasser Poutine du Kremlin, où il est retourné en mai.
Les cinq membres du groupe féministe et écologiste – deux ont pu prendre la poudre d’escampette – avaient également dénoncé les liens trop étroits entre l’église orthodoxe et le pouvoir. C’est là un crime de lèse majesté.
En mettant fin à l’Union soviétique il y a 21 ans, les Russes ont rejeté Marx pour retrouver Jésus. Bondées, les 30 000 églises orthodoxes de la «Sainte Russie» ne répondent plus à la demande. La ferveur religieuse est certes réelle, mais l’orthodoxie a toujours été dans l’âme et la vie des Russes, même sous l’ère communiste. Elle ne faisait qu’hiverner.
Alexandre Soljenitsyne, prix Nobel de littérature, l’avait bien compris : «Si nous, les Russes, en venions à tout perdre, territoires, populations, gouvernement, il nous resterait encore et toujours l’orthodoxie.»
Les Pussy Riot ont donc commis un «péché mortel» en s’exhibant dans un lieu sacré, d’autant que la cathédrale du Christ-Sauveur, dynamitée sur ordre de Staline en 1931, est devenue un symbole national depuis sa reconstruction.
Même si le groupe s’était manifesté en dehors de l’imposante église blanche située près du Kremlin, le résultat aurait été le même. Dénoncer les liens trop étroits entre l’église orthodoxe et le régime Poutine est en soi blasphématoire.
Dans le procès des Pussy Riot (une manifestation de soutien a eu lieu à Montréal la semaine dernière), il y a fort à parier que la décision du tribunal de Moscou dépendra davantage du Kremlin et du patriarche Cyrille que de la loi.
Dans la Russie «très orthodoxe» de Poutine, s’attaquer à la hiérarchie, peu importe laquelle, c’est s’en prendre à Dieu. Peu importe lequel.
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