jeudi 1 décembre 2011

Autodafé

Un autodafé (du portugais « acto da fé », traduction du latin « actus fidei » — « acte de foi »), est la cérémonie de pénitence publique célébrée par l'Inquisition espagnole ou portugaise, pendant laquelle celle-ci proclamait ses jugements.

Dans le langage populaire, ce terme est devenu pratiquement synonyme d'une exécution par le feu d'hérétiques. Ce glissement de sens est dû au fait que les condamnés relaps ou refusant de se rétracter étaient remis par l'Inquisition dans les bras des autorités civiles, qui, parfois, les envoyaient aux bûchers. « Autodafé » est aussi couramment utilisé pour caractériser la destruction publique de livres ou de manuscrits par le feu.

Le dominicain Jérôme Savonarole a organisé un autodafé appelé bûcher des Vanités, le 7 février 1497 à Florence, où les habitants durent apporter bijoux, cosmétiques, miroirs, livres immoraux, robes trop décolletées ou richement décorées, images licencieuses, etc. De nombreuses œuvres d'art produites à Florence au cours de cette décennie, dont notamment celles de Sandro Botticelli, ont disparu à cette occasion.

Peu de temps après l'année cruciale et la chute du royaume nasride de Grenade, l'évêque de la nouvelle cité devenue très catholique précipite au feu les livres écrits en langue arabe[réf. nécessaire]. Ces traces de l'histoire du pays de 711 à 1492 disparaissent irrémédiablement.

En aucun cas l'Inquisition et les autodafés ne concernèrent les Juifs en tant que tels. L'objet des tribunaux inquisitoriaux était très précis : il s'agissait de rechercher parmi les Juifs convertis au catholicisme (appelés « conversos », ou encore « nouveaux-chrétiens »), ceux qui ne s'étaient convertis que par intérêt (car le statut de chrétien donnait de grands avantages) tout en continuant en fait à pratiquer le judaïsme en secret. Ces conversions de façade avaient tendance à se répandre, déclenchant l'animosité populaire (troubles de Tolède et Cordoue en 1449, de Ségovie en 1474), mais également les protestations des Juifs sincèrement convertis au christianisme, qui voient l'attitude de ceux qui sont faussement convertis jeter le discrédit sur l'ensemble des « nouveaux-chrétiens ». C'est pour cette raison que l'on trouvera à l'époque de nombreux Juifs convertis parmi les promoteurs de l'Inquisition.

Les tribunaux inquisitoriaux instituèrent ce que nous nommons actuellement les « jurys ». Ces jurys étaient constitués de notables locaux - qui connaissaient donc bien l'accusé - voire de juristes qui pouvaient poser des questions au « présumé coupable », questions à charge ou à décharge. Les faux témoins, s'ils étaient découverts, s'exposaient à de très lourdes sanctions, en principe les mêmes que celles qui auraient été infligées à l'accusé1,2.

Ainsi en 1499, l'inquisiteur Diego Rodrigues Lucero condamna à être brûlés vifs 107 juifs « convertis », convaincus d'être en réalité restés fidèles à leur ancienne religion. Ce fut un des plus meurtriers autodafés du pays. Au Portugal, il n'y eut pas d'autodafé avant 1540 (quatre ans après la création de l'Inquisition portugaise) mais durant les 40 ans qui suivirent, il y en eut environ quarante, avec, précisons-le, « seulement » 170 condamnations au bûcher parmi les 2 500 condamnations prononcées. Par la suite (1580), Philippe II d'Espagne envahit le Portugal : conformément à la précision apportée plus haut, le Roi garantit aux Juifs qu'ils pourraient continuer à pratiquer leur religion. Mais ceux qui se convertissent doivent le faire sincèrement, sous peine de risquer d'encourir les foudres de l'Église. Et de fait, en vingt ans, 3 200 condamnations (dont, ici encore, « seulement » 160 au bûcher) seront prononcées. Les autodafés continueront dans la Péninsule Ibérique pendant tout le Moyen Âge et jusqu'au XVIIe siècle.

L'exécution des accusés ne faisait pas partie de l'auto da fé et avait lieu à une cérémonie ultérieure, normalement à l'extérieur de la ville, où la pompe de la procession principale était absente. Les principaux éléments de la cérémonie étaient la procession, la messe, le sermon à la messe et la réconciliation des pécheurs. Il serait faux de supposer, comme il l'est souvent fait, que les exécutions étaient au centre de l'événement3, bien que certains auteurs, tels que Voltaire dans son conte philosophique Candide, répandront l'idée contraire.

Le 12 juillet 1562, Diego de Landa ordonne un autodafé de l'ensemble des documents en écriture maya4. Seul trois ou quatre codex mayas parviennent à réchapper du bûcher sacrificiel.

« Là où on brûle des livres, on finit aussi par brûler des hommes. »

Heinrich Heine, Almansor5

Par analogie des méthodes, ce terme fut employé pour désigner la destruction par le feu que les nazis appliquèrent aux ouvrages dissidents ou dont les auteurs étaient Juifs ou communistes 6.

Le premier autodafé nazi eut lieu le 10 mai 1933 à Berlin (Opernplatz), et fut suivi par d'autres à Brême, à Dresde, à Francfort-sur-le-Main, à Hanovre, à Munich et à Nuremberg. Furent ainsi condamnés au feu les ouvrages, entre autres, de Bertolt Brecht, d'Alfred Döblin, de Lion Feuchtwanger, de Sigmund Freud, d'Erich Kästner, d'Heinrich Mann, de Karl Marx, de Friedrich Wilhelm Foerster, de Carl von Ossietzky, d'Erich Maria Remarque, de Kurt Tucholsky, de Franz Werfel, d'Arnold Zweig et de Stefan Zweig7.

La phalange franquiste organisa le 30 avril 1939 un autodafé de style nazi à l'université centrale de Madrid où furent notamment brulé des livres de Maxime Gorki, Sabino Arana, Sigmund Freud, Lamartine, Karl Marx, Jean-Jacques Rousseau ou bien encore Voltaire8.

Le premier empereur de Chine, Qin Shi Huang brûla les écrits confucéens pour asseoir son pouvoir et l'idéologie du légisme.

Pendant la Révolution culturelle, dans les régions musulmanes de l'ouest de la Chine, des Corans furent détruits dans de grands autodafés9. Des manuscrits bouddhistes furent également brûlés.



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