Audience de la Cour de Cassation, au Palais de Justice de Paris. Crédits photo : Sébastien SORIANO/Le Figaro
La Cour de cassation examine un plan annulé pour absence de motif économique. Craignant l'intrusion de la justice dans l'entreprise, les avocats en droit social écrivent aux politiques.
Va-t-on vers une forme d'autorisation judiciaire des licenciements comme il a jadis existé une autorisation administrative? Des tribunaux de grande instance ont récemment interdit à deux entreprises françaises de mettre en œuvre un plan social. La raison est simple. Ces deux sociétés, Vivéo et Sodimedical, en perte de compétitivité sur le marché domestique, appartiennent à des groupes étrangers en bonne santé financière et les juges ont statué sur l'absence de motif économique pour mettre en œuvre un plan social. Des décisions confirmées depuis par les cours d'appel de Paris et Reims.
«C'est une première», s'insurge Nicolas Sauvage, membre d'Avosial, le très influent syndicat des avocats en droit social, qui vient d'adresser une lettre aux candidats à la présidentielle pour leur demander de «prendre position» sur la question. Une première pour trois raisons. «Non seulement il n'existe pas de disposition dans le Code du travail qui permet à un juge de conclure, avant qu'un plan social ne soit déclenché, à l'absence de motif économique et de l'annuler dans la foulée, mais il s'immisce de plus en le faisant dans la gestion des entreprises, ce qui lui est interdit par le Code civil», plaide Nicolas Sauvage.
L'avocat relève aussi que seuls les conseils des prud'hommes peuvent ex post annuler un plan social - et non, ex ante, les tribunaux de grande instance - en raison de l'absence ou de l'insuffisance des mesures de reclassement mises en œuvre. Et donc condamner les entreprises fautives à verser des dommages et intérêts en guise de réparation.
À ses yeux, le danger est d'autant plus important que la chambre sociale de la Cour de cassation, dont les arrêts donnent régulièrement des sueurs froides à tous les DRH de France, tient une audience cruciale mardi prochain dans l'affaire Vivéo. Son arrêt sera rendu mi-mars. Après avoir été racheté en 2010 par un concurrent, cet éditeur français de logiciels bancaires pour salles de marchés a voulu se restructurer pour faire face à l'effondrement de son activité après la crise. Mais comme il appartient à un groupe suisse à la santé florissante, la cour d'appel de Paris le lui a interdit, alors qu'aucun départ n'était encore intervenu.
Question d'attractivité
Selon Avosial, la confirmation en cassation de ce jugement créerait «une immense insécurité pour les employeurs, PME ou grands groupes, français ou étrangers». Elle inciterait les entreprises à «attendre d'être au bord du gouffre plutôt que d'anticiper les décisions difficiles» qui nécessitent parfois de recourir à des réductions d'effectifs pour qu'une entreprise reste compétitive. «L'immense majorité des restructurations vise à pérenniser une activité et non à faire des bénéfices pour augmenter la capitalisation», plaide Nicolas Sauvage.
Une telle confirmation risquerait en outre d'ouvrir «la porte à l'interdiction de tout licenciement en France» et de nuire «à l'attractivité de la France et à sa capacité à retenir ou créer des emplois», selon Nicolas Sauvage.
Outre une réponse des candidats à la présidentielle, Avosial espère que la Cour de cassation rappellera un principe fondamental du droit français qui stipule qu'il n'y a «pas de nullité sans texte». Verdict dans moins d'un mois.
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