L'entreprise américaine Monsanto a été jugée "responsable", lundi 13 février, de l'intoxication à l'herbicide d'un agriculteur français. Cette décision du tribunal de grande instance de Lyon, qui constitue une première en France, pourrait ouvrir la voie à d'autres condamnations similaires, selon Stéphane Cottineau, avocat spécialisé dans les questions environnementales, qui travaille étroitement avec l'association Phyto-victimes.
Qu'est-ce que ce jugement va changer, concrètement ?
Pour l'instant, ce n'est qu'un jugement en première instance. Je pense que Monsanto va faire appel, et l'affaire risque donc se prolonger. Mais cette décision constitue une première et va de toute façon donner des idées à beaucoup de monde. Aujourd'hui, cela signifie qu'à chaque fois qu'un accident ou une maladie professionnel(le) implique des produits chimiques bien identifiés, il sera possible d'attaquer le producteur. C'est donc une nouvelle très positive, qui pourrait permettre d'obtenir des dommages-intérêts dans de nombreux autres dossiers.
Comment sont indemnisées les victimes de produits phytosanitaires ?
Dans la plupart des dossiers, il s'agit de faire reconnaître leur maladie professionnelle auprès des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS). Il faut pour cela établir la causalité entre la maladie et l'utilisation de produits phytosanitaires. Ensuite, quand cette causalité est reconnue, il y a indemnisation. Celle-ci est assurée dans la plupart des cas par la MSA, c'est-à-dire la sécurité sociale des agriculteurs. En d'autres termes, c'est la société qui paie pour leur maladie.
Après, il est également possible, pour les personnes concernées, d'engager une action devant le tribunal de grande instance, comme l'a fait Paul François, pour établir la responsabilité des entreprises qui ont commercialisé les produits à l'origine de la maladie. Avec le jugement du tribunal de Lyon, cela va surement changer la donne. Mais il sera toujours compliqué de prouver la responsabilité, surtout dans le cas des maladies professionnelles. Celles-ci ne résultent en effet pas d'un accident à un moment T, mais sont étalées dans le temps, et rendent complexe l'identification d'un seul produit – et donc d'un producteur – responsable de l'intoxication.
Les victimes peuvent-elles également se retourner contre l'Etat, pour avoir autorisé ces produits dangereux ?
Il y a eu une condamnation qui allait dans ce sens en Angleterre. Une femme a attaqué le gouvernement pour défaut de protection des populations voisines de champs où étaient répandus des produits phytosanitaires. En France, ce serait très difficilement applicable. La législation française est beaucoup plus complexe, et un tribunal de grande instance ne pourrait pas statuer sur ce sujet.
Propos recueillis par Charlotte Chabas
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