Sur le fond, François Fillon a, peut-être, raison. Il serait, sans doute, grand temps, à l’heure des produits surgelés, des MacDo et des OGM, que les Juifs et les Musulmans se demandent si les lois d’hygiène alimentaire que leur imposent leurs synagogues et leurs mosquées depuis des siècles ne sont pas largement dépassées. Cela fait longtemps que les Chrétiens se sont mis à manger de la viande le vendredi, sans être excommuniés pour autant par le Vatican.
On pourrait d’ailleurs se demander aussi si les progrès de la science, les voyages sur la lune, la biologie, la génétique, ne devraient pas inciter les croyants, toutes catégories confondues, à mettre en doute certaines affirmations qu’on leur impose depuis quelques siècles. Mais c’est un autre problème.
Ce qui est stupéfiant et qui ridiculise totalement le Premier ministre pour ses derniers jours à Matignon c’est qu’il se soit mis, à son tour, à évoquer la nourriture halal et la nourriture cascher.
La France est dans une situation épouvantable. Le chômage fait de plus en plus de ravages, les usines ferment les unes après les autres, les classes moyennes dégringolent dans la précarité, le pays est totalement en faillite (Fillon, lui-même, a été le premier à le dire officiellement, il y a cinq ans) et voilà que cette campagne présidentielle, capitale puisque nous allons décider de l’avenir immédiat du pays, ne parle plus que de la façon d’abattre les animaux de boucherie.
On attend avec impatience que nos candidats à la magistrature suprême qui ont déjà pris position pour ou contre l’ouverture des magasins le dimanche, prennent, encore plus courageusement, position pour ou contre la tauromachie (je suis contre), pour ou contre le camembert au lait cru (je suis pour), pour ou contre l’autorisation de fumer dans les bureaux de tabac (je suis pour).
Que Marine Le Pen ait cru bon de sortir cette histoire de viande halal était, naturellement, son droit. Elle savait qu’elle provoquerait son petit effet, qu’elle choquerait les Musulmans ce qui peu lui chaut (comme dirait son père, grand amateur du verbe chaloir) et qu’elle plairait à son électorat de base en le caressant dans le sens du poil hérissé.
Mais que le ministre de l’Intérieur (et des cultes) ait repris la balle au bond pour s’opposer au droit de vote des étrangers (ce qui n’a strictement aucun rapport) et que le Premier ministre en ait rajouté en mélangeant soudain halal et cascher pour faire croire en sa propre laïcité est évidemment sidérant.
Cela prouve, en tous les cas, deux choses. D’abord, que c’est désormais Marine Le Pen qui choisit, comme bon lui semble, les thèmes de réflexion et de campagne des amis de Sarkozy qui vont la suivre comme des caniches. Ensuite, que chez ces amis du président-candidat c’est bel et bien l’affolement.
Même s’il est plus facile de parler des traditions culinaires de certaines de nos minorités que de défendre le bilan du quinquennat qui s’achève, comment Claude Guéant et François Fillon n’ont-ils pas compris qu’ils sautaient à pieds joints dans un piège.
S’imaginant sans doute qu’il y avait un « vote juif » Nicolas Sarkozy est allé faire le beau au dîner du CRIF. Et voilà que, quinze jours plus tard, son Premier ministre, voulant sans doute rattraper une gaffe du ministre de l’Intérieur qui s’en était pris aux traditions musulmanes, s’en prend aux traditions juives ce qui risque fort de provoquer, en effet, cette fois, un vote juif anti-Sarkozy.
Avec cette histoire d’abattage (dont se fout totalement la quasi-totalité des 40 millions d’électeurs) Marine Le Pen a, peut-être, gagné une petite poignée de voix supplémentaires, mais Sarkozy, lui, a sans doute perdu encore un peu de terrain dans une opinion qui pense, à juste titre, que cette question n’aurait jamais dû être à l’ordre du jour de la campagne présidentielle et qui, en plus, estime que, dans un pays qui tolère sur son sol 20.000 couples polygames (ce qui est autrement plus grave), on devrait laisser aux gens la liberté de manger leur viande crue, bleue, saignante, à point, halal ou cascher.
Bref, en voulant surenchérir sur Marine Le Pen, les amis de Sarkozy ont encore perdu une occasion de se taire. Mais il est vrai qu’ils ne savent plus quoi dire. D’ailleurs on se demande ce que Fillon va bien pouvoir dire, demain matin, au président du CRIF et à celui du Conseil français du culte musulmans qu’il doit recevoir à Matignon pour tenter de les calmer.
Mots-clefs : casher, Fillon, halal, présidentielle
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