Les viols et agressions de femmes se multiplient place Tahrir, au Caire
Le scénario est toujours le même : une femme, place Tahrir, au Caire, vers la fin de l'après-midi, un jour de manifestation. Elle est égyptienne, ou non, voilée, ou pas. Journaliste parfois, souvent militante. Elle se fraie un chemin dans la foule compacte et chamarrée en compagnie de camarades ou de collègues comme elle transportés par la liesse.
Soudain, tout bascule. En quelques secondes, le bain de foule tourne au viol collectif. Les mains d'abord, par dizaines, s'abattent brusquement sur son corps. La femme réalise alors qu'elle est encerclée par des dizaines d'hommes qui la séparent de force de ses compagnons.Projetée à terre, elle voit ses habits arrachés, sent des doigts s'immiscer en elle malgré ses hurlements de terreur. Autour, la meute grossit. Une foule d'hommes se bousculent en hurlant, tendant leurs bras pour mieux la toucher. D'autres s'interposent, tentent de la protéger. En vain. Cela peut durer une heure. Parfois, elle perd connaissance. Parfois, elle a le temps d'apercevoir le visage de ceux qui parviendront à l'arracher à ses agresseurs. Car bien qu'elle soit détruite, elle est sauvée, toujours. In extremis.
DES ATTAQUES QUI SERAIENT DE PLUS EN PLUS FRÉQUENTES
Combien de fois ce scénario s'est-il répété depuis la révolution ? Pour l'instant, seules les agressions concernant des journalistes étrangères ont fait l'objet de comptes rendus détaillés. Le 11 février 2011, Lara Logan, une journaliste de la chaîne américaine CBS, a raconté son calvaire en détail après avoir subi ce traitement pendant près d'une demi-heure.
Le 24 novembre 2011, une journaliste de France 3, Caroline Sinz, était agressée à son tour :
Le 26 juin, le récit bouleversant d'une jeune Britannique, Natasha Smith, étudiante en journalisme venue au Caire réaliser un reportage, a suscité une profonde émotion. Sur son blog, elle décrit "ces hommes qui, par centaines, changés en animaux", se seraient jetés sur elle à la sortie du pont Qasr Al-Nil. Déshabillée, traînée par les cheveux, elle affirme avoir été battue et violée par des dizaines de doigts, jusque sous des tentes dans lesquelles on essayait de la soustraire à ses agresseurs. "Un homme a tenté de me frapper avec un piquet de tente", affirme Natasha Smith, qui décrit, pour compléter le tableau, "deux femmes en burqa qui la regardent benoîtement avant de se détourner".
Affublée d'un voile censé la dissimuler aux regards, elle affirme avoir été évacuée en cachette par des Egyptiens qui auraient cependant refusé de l'accompagner à l'hôpital, "de peur d'être arrêtés si on les voyait avec elle". Elle aurait alors gagné un hôpital public, où elle aurait été éconduite par le personnel. Dans un autre établissement, on aurait refusé de l'examiner.
Son récit, relayé par CNN (vidéo ci-dessous), aurait, selon la chaîne américaine, été confirmé par l'ambassade de Grande-Bretagne en Egypte. Même s'il laisse sceptiques un certain nombre d'Egyptiens, gênés par le manque de détails temporels et géographiques, certaines incohérences de la narration et le ton volontiers ironique adopté par l'auteur, il correspond aux descriptions données par les autres victimes.
"DES HOMMES AUX REGARDS D'ANIMAUX"
Violée le 2 juin place Tahrir, C., bien qu'étrangère, souhaite garder l'anonymat. Ce qu'elle décrit correspond exactement au récit de Natasha Smith : "Les hommes étaient comme des lions autour d'une pièce de viande, leurs mains partout sur mon corps et sous mes vêtements déchirés. Leurs regards étaient ceux d'animaux. Pas humains du tout, ils me jetaient à droite et à gauche comme si j'étais un sac-poubelle, pas un humain."
Ni elle ni ses deux amies, qui ont subi le même sort au même moment, n'ont porté plainte, faute de pouvoir reconnaître leurs agresseurs. Elles se sont contentées de témoigner auprès d'ONG locales. De toute façon, la loi ne considère pas ces agressions comme des viols, mais comme du simple "harcèlement sexuel", dont les victimes sont systématiquement découragées et dénigrées par les policiers.
"Ces attaques sont calculées et organisées pour effrayer les femmes et les chasser de la sphère publique", affirme un rapport publié par Nazra. "Il est très difficile d'accuser l'armée ou l'Etat d'envoyer des voyous sur la place commettre ces agressions pour ternir l'image des révolutionnaires, explique Yara Sallam, mais le fait que, la plupart du temps, ces agressions se produisent au même endroit [devant le restaurant Hardees] les rend très louches. Comment croire que tous les frustrés du Caire se trouvent en même temps au même endroit ? Cela ressemble plutôt à un traquenard. Cela dit, ces viols ne seraient pas possibles sans un climat général de tolérance vis-à-vis du harcèlement sexuel."
PLACE TAHRIR, LIEU DE "BAGARRES DE RUE"
De fait, aucune enquête n'aurait été déclenchée. Et le sujet alimente un débat brûlant en Egypte, même s'il est absent des colonnes des journaux. On sait parfaitement qu'il déchaîne les passions en Occident, où l'islam est volontiers incriminé. Or le contexte général d'insécurité qui règne sur la place Tahrir n'est sans doute pas étranger à ces agressions. A la nuit tombée, la place se transforme en un lieu interlope où vendeurs ambulants, souvent accusés d'espionnage, hommes ayant élu domicile sous les tentes et baltagas ("voyous") cherchent la bagarre. Les hommes, eux aussi, y sont victimes de vols et d'agressions.
"L'augmentation des agressions sexuelles n'est pas étonnante dans le contexte actuel, estime Yara Sallam. La présence de l'armée dans la rue contribue à normaliser la violence dans la société, cela rend les gens plus agressifs en général. Il y a beaucoup de bagarres de rue."
Et de souligner les agressions sexuelles répétées commises par les militaires égyptiens contre les manifestantes qui ne peuvent qu'encourager une telle violence, par ailleurs déjà signalée sous le régime Moubarak.
L'objectif affiché par Sanda Ould Boumama, porte-parole d'Ansar Dine à Tombouctou, est de détruire tous les mausolées de la ville, "sans exception". Samedi, au moins trois mausolées avaient d'ores et déjà été détruits à coups de pioches, de houes et de burins, aux cris de "Allah akbar !" ("Dieu est grand!"), ont rapporté des témoins.
Des islamistes d'Ansar Dine, un des groupes armés contrôlant le nord du Mali, ont démoli samedi 30 juin plusieurs mausolées de saints musulmans à Tombouctou, en représailles à la récente décision de l'Unesco de classer cette ville mythique patrimoine mondial en péril.
Le premier sanctuaire visé a été celui de Sidi Mahmoud, dans le nord de la ville, qui avait déjà été profané début mai par des membres d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), un allié d'Ansar Dine, ont raconté des habitants joints depuis la capitale, certains sous le choc.
"Aujourd'hui, au moment où je vous parle, les islamistes d'Ansar Dine ont fini de détruire le mausolée du saint Sidi Mahmoud. Ils ont cassé (et) fait tomber le mur" de clôture du site, "c'est très grave", a déclaré en pleurant un des témoins.
Les islamistes se ont ensuite attaqué tour-à-tour aux mausolées de Sidi Moctar, dans l'est de la ville, puis celui d'Alpha Moya, qui ont tous deux été détruits.
"NOUS, NOUS SOMMES MUSULMANS. L'UNESCO, C'EST QUOI ?"
Ce projet de destruction totale des mausolées est une réponse à la décision de l'Unesco, annoncée jeudi, de placer Tombouctou, depuis 1988 au patrimoine mondial de l'humanité, sur la liste du patrimoine en péril, d'après le porte-parole d'Ansar Dine. "Dieu, il est unique. Tout ça, c'est 'haram' (interdit en islam). Nous, nous sommes musulmans. L'Unesco, c'est quoi ?", a-t-il dit, ajoutant que Ansar Dine réagissait "au nom de Dieu".
Tombouctou, ville du nord du Mali
contrôlée depuis fin mars par les islamistes, a été inscrite jeudi 28
juin sur la liste du patrimoine mondial en péril par l'Unesco, à la
demande du gouvernement malien.
Crédits : REUTERS/LUC GNAGO / LUC GNAGO
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Fondée entre le XIe et le XIIe siècles par des tribus touareg, et surnommée notamment "la cité des 333 saints", elle a été un grand centre intellectuel de l'islam et une ancienne cité marchande prospère des caravanes. Tombouctou est également célèbre pour ses dizaines de milliers de manuscrits, dont certains remontent au XIIe siècle, et d'autres de l'ère pré-islamique. Ils sont pour la plupart détenus comme des trésors par les grandes familles de la ville.
Environ de 30 000 de ces manuscrits qui étaient conservés dans un institut gouvernemental ont été déplacés et "sécurisés" ailleurs, après le saccage de lieux par des islamistes en avril, d'après des bibliothécaires.
En annonçant jeudi sa décision de placer la cité sur la liste du patrimoine mondial en péril, de même qu'un site historique de Gao (nord-est), l'Unesco avait alerté la communauté internationale sur les dangers qui pèsent sur la cité.
"Nous venons juste d'apprendre la nouvelle tragique des dégâts sans raison causés au mausolée de Sidi Mahmoud, dans le nord du Mali", a déclaré Alissandra Cummins, présidente de l'Unesco, dans un communiqué, appelant toutes les parties impliquées dans le conflit à Tombouctou à "exercer leurs responsabilités".
En plus de Tombouctou (nord-ouest), Gao et Kidal (nord-est), les trois régions formant le Nord, sont sous le contrôle des islamistes divers groupes armés qui ont profité de la confusion créée à Bamako par un d'Etat militaire le 22 mars.
La démolition des mausolées de Tombouctou par les islamistes rappelle le sort d'autres ouvrages du patrimoine mondial, dont les Bouddhas de Bamyan, dans le centre de l'Afghanistan, détruits en mars 2001 par les talibans et leurs alliés d'Al-Qaïda. En Afrique de l'Est, les islamistes somaliens shebab ont détruit de nombreux mausolées de mystiques soufis dont la mémoire était vénérée par les populations locales.
TERGIVERSATIONS SUR L'ENVOI D'UNE FORCE RÉGIONALE
L'Afrique de l'Ouest a appelé vendredi le Conseil de sécurité de l'ONU à "accélérer" en vue de l'adoption d'une résolution autorisant l'envoi d'une force régionale au Mali contre les groupes armés, surtout islamistes, qui contrôlent le Nord.
La Cédéao prépare depuis plusieurs semaines l'envoi éventuel d'une force dans le pays, dont l'effectif est actuellement fixé à quelque 3 300 hommes. Mais elle a besoin, avec l'Union africaine (UA), d'un soutien international à une telle opération, et d'un appui notamment logistique des Etats-Unis et de la France. Un premier projet a été jugé beaucoup trop imprécis au Conseil de sécurité de l'ONU, et la Cédéao revoit sa copie. Les Etats-Unis ont d'ailleurs adressé vendredi une mise en garde contre une "entreprise très lourde pour la Cédéao", qui devrait être "préparée très soigneusement et disposer de ressources en conséquence".
Les chefs d'Etat de la Cédéao ont réaffirmé leur préférence pour la négociation – confiée au président burkinabè et médiateur Blaise Compaoré – mais réitéré leur choix d'une intervention armée si nécessaire.
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