Après l'éveil
On dit parfois, dans les milieux spirituels, que les plus grands
éveillés sont restés silencieux et totalement inconnus, mais je crois
que nous pouvons nous entendre pour dire que généralement celui ou celle
qui s'éveille prend le rôle de ce que l'on surnomme un maître, un
gourou, un éveillé, un témoin de la vérité ou un libéré.
L'occupation principale des ''libérés'' est de transmettre le savoir qui
permet aux individus qui les écoutent de se ''libérer'' eux aussi.
C'est un symptôme commun chez les éveillés, et les traditions
spirituelles appellent cela la transmission. Cela se fait parfois par un
échange de questions/réponses, parfois par des discours, parfois par
des textes et parfois même par le silence ou la seule présence du
gourou, comme avec Ramana Maharshi par exemple. Cela inspire les gens à
suivre le chemin spirituel. Puisque le maître y est parvenu, ils peuvent
eux aussi y parvenir, se disent-ils.
Pour ces raisons, le chercheur spirituel accorde une grande valeur à
l'éveillé, car le savoir qu'il a à transmettre est le savoir ultime, le
but de la vie, le secret le mieux gardé comme dirait Jean-Bouchard D'Orval.
Pourquoi je ne cherche plus l'éveil.
Moi aussi j'ai considéré les éveillés comme des êtres précieux, et comme
bien des gens, j'ai consacré une partie de ma vie à cette quête.
Pourtant, je ne cherche plus à me ''libérer'' et je ne souhaite pas
devenir un maître spirituel.
Je pourrais bien utiliser des arguments à la Guru Papers, c'est a
dire dénoncer le totalitarisme qui domine la philosophie des éveillés,
et je le ferai dans le futur, mais comme j'ai mentionné dans la première
moitié de ce billet, mon cheminement est personnel, il n'est pas un
argument contre l'éveil.
Alors pourquoi est-ce que je ne cherche plus l'éveil ? Je ne cherche
plus à m'éveiller parce que je n'ai plus la même perception des
éveillés. Simplement.
Chez Ramana Maharshi, Jiddu Krishnamurti, Nisargadatta et même chez Baba
et Amma je voyais le contentement, la certitude, la paix de l'esprit,
le feu intérieur, la charité, la connaissance intemporelle et aussi
l'inspiration apportée par ceux-ci. Avec le temps, et avec une
perspective différente, les perceptions changent et la valeur accordée à
certaines choses, ou à certaines personnes, s'estompe.
Ce n'est pas que je ne reconnais plus certaines de ces qualités chez certains
de ces individus, mais je pense que j'exagérais leur influence et leurs
apports au monde. Quand je regarde la vie des éveillés, gourous et
libérés, il n'y a plus rien chez eux qui me laisse croire que l'éveil
est un état qui doit être recherché.
Laissez-moi être naïf pour une seconde...imaginons qu'une personne
s'éveille, et décide de poursuivre un doctorat pour ensuite mettre au
point un vaccin pour une maladie infantile très grave. Un autre
s'éveille, étudie notre problème de dépendance au pétrole pendant
quelques années et développe un carburant propre. Un troisième produit
des documentaires si percutant que leur influence met en branle un
changement de cap mondial dans des domaines comme l'alimentation,
l'éthique ou la politique.
Je réagirais, et je ne serais pas le seul, en disant, woah! Vous
avez vu ce que l'éveil apporte? Je sais, je sais, l'éveil ne permet pas
ce genre d'accomplissement et de toute façon, vaut mieux s'attaquer au
problème à sa source diront les chercheurs spirituels...ce problème
fondamental étant l'ego. Après, plus tard, un jour, les choses iront
mieux, une fois qu'un certain seuil d'individus éveillés sera atteint,
le monde changera pour le mieux, disent-ils.
L'éveil se vend comme l'apothéose de l'expérience humaine, mais ce que
les éveillés apporte au monde, ce sont d'autres éveillés, et ceux-ci
produisent d'autres éveillés. Un peu comme une machine qui produit
d'autres machines. On demande, mais qu'est-ce qu'ils produisent ces
machines? Eh bien...d'autres machines. O.k., mais à quoi sert ces
machines la? Eh ben, à faire d'autres machines semblables!
Cette métaphore n'est pas de moi, mais elle décrit bien mon
désintéressement pour la quête spirituelle. Les éveillés vendent des
livres et font des conférences, mais n'ont pas vraiment d'influence sur
les autres domaines de la connaissance humaine. Je ne dis pas qu'aucun
sage ou gourou n'a jamais été moteur de changement dans la société
(Gandhi me vient tout de suite à l'esprit) mais certainement pas assez
pour faire un lien entre l'éveil et l'engagement social, même que la
majorité des éveillés stagnèrent dans les mauvaises habitudes
culturelles de leurs époques, sans tenter de les rectifier.
Il serait plus juste de dire que l'apport des éveillés se situe à un
niveau personnel. Les gens qui entrent en contact avec un éveillés et
son enseignement disent en bénéficier et témoignent parfois d'un
changement positif dans leurs vies, et ce, à tort et à raison. Car les
individus sont peu fiables quand vient le temps de s'auto-évaluer. De
plus, j'ai vu des amis(e)s changer au fils des ans sans l'enseignement
des maîtres spirituels et j'ai vu des amis(e)s spirituels se
dégrader...les changements en nous se font souvent grâce aux
difficultés rencontrées et rarement par la volonté.
Je ne suis pas en train de dire que l'enseignement des maîtres
spirituels n'est d'aucunes valeur. Il y a, bien sûr, de bons conseils et
d'intéressantes observations dans leurs enseignements, personne ne peut
nier l'importance d'une certaine forme d'introspection ou de travail
sur les émotions par exemple. Mais sur ces aspects, les philosophies
spirituelles n'ont pas l'exclusivité.
Je ne cherche plus l'éveil parce que je ne suis pas impressionné par les
accomplissements de ceux qui disent l'avoir vécu. La finalité de
celle-ci semble se résumer à faire des conférences et à écrire des
livres. Une machine qui crée des machines identique possède peut-être un
certain attrait, mais aucune utilité concrète.
M.A
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.