Alors que l'économie n'a jamais été autant financiarisée malgré les chocs à répétition au dépend du monde réel, ce changement majeur tant attendu est il une incantation ou un mécanisme réellement en marche ?
A moins que les nouveaux paradigmes ne soient que des innovations de rupture marginales ?
Auto prophétie, story telling ou signal fort ?
"Ne doutez jamais qu’un petit groupe d’individus puisse changer le monde. En fait, c'est toujours ainsi que le monde a changé." Margaret Mead
Extrait du journal intégral : Les enfants du futur
Dans le désert mécanique de la modernité, un cercle des poètes inspirés - réunis autour de la revue Le Grand Jeu – annonce, dès les années trente, une synthèse de l’esprit humain correspondant à un nouveau stade de l’évolution culturelle et de l’organisation sociale.
Sur la voie tracée par ces poètes dont le mot d’ordre fut «Révélation-Révolution », les enfants du futur se reconnaissent et se retrouvent à travers un nouveau mot d’ordre : « Indignation- Initiation».
La puissance de l’oubli
Les enfants du futur aux yeux perlés d’azur et d’infini n’ont rien à vendre et rien à acheter mais tout à connaître et à imaginer. Ils ne croient plus en un monde qui ne croit plus en l’homme. Encore moins à un homme qui ne croit qu’en lui-même parce qu’il a perdu le sens même de la vie : celui de la relation et de l’évolution.
Que pourraient-ils attendre de ce monde qui a coupé les racines de l’essentiel avec la puissance de l’oubli ? Ils s’exercent simplement à le transformer en devenant eux-mêmes tout ce qu’ils sont.
La dignité est ce fil subtil qui nous relie à l’essentiel. L’indignation surgit quand nous ressentons que ce fil est rompu. Trop souvent l’indignation est l’alliée objective d’une domination qu’elle renforce en utilisant la même logique et les mêmes références pour la contester.
Ce faisant, l’indignation ne libère pas le potentiel créateur dont elle est porteuse. Cette impuissance nourrit et développe un ressentiment qui neutralise toute énergie de transformation.
Indignation/Initiation
Pour éviter le piège pervers du ressentiment, il faut donc rendre à l’indignation toute sa dignité en canalisant cette force de vie vers l’idéal dont elle procède et en l’exprimant à travers des formes créatrices. L’indignation n’exprime toute sa puissance de transformation qu’en se muant en initiation.
Ce n’est pas pour rien que les poètes du Grand Jeu avaient pour mot d’ordre « Révélation-Révolution ». « L'édification d'un nouvel ordre social ou économique, écrit Roger-Gilbert Lecomte, ne doit pas faire perdre de vue l'importance de l'édification parallèle d'une nouvelle culture, d'un nouveau stade de l'esprit humain — ce qui est le but du Grand Jeu. »
Impossible de changer le monde sans se changer soi-même, impossible de se changer soi-même sans s’éveiller à son potentiel le plus élevé. Le lâcher prise permet la prise de conscience de ce qui, au-delà de l’ego, transcende l’individu et le fait advenir à tout ce qu’il est.
Gandhi disait : « Soit le changement que tu veux voir dans le monde ». Les enfants du futur ne se contentent pas d’être des indignés : ils doivent donc devenir aussi des initiés. Evolution spirituelle et transformation sociale sont les deux faces d’une même pièce qu’ils doivent interpréter en se connectant à l’Esprit du temps.
Le juste milieu
Au cœur de l’évolution spirituelle comme de la transformation sociale, réside cet état de conscience inspiré qu’est l’état lyrique. L’état lyrique permet à la sensibilité de participer intuitivement à la dynamique créatrice de la vie. Ce droit d’auteur impose à ceux qui le perçoivent un devoir de résister au désordre ambiant en créant les formes novatrices qui expriment cette dynamique. Pour perdurer, toute nouvelle organisation sociale doit se fonder sur un changement de perception.
« Indignation-Initiation » tel est le mot d’ordre des enfants du futur qui rassemble tous ceux qui se ressemblent parce qu’ils ressentent en eux le même élan irrépressible inspiré par l’Esprit du temps. Attirée par cet élan comme la limaille l’est par l’aimant, la conscience inspirée transfigure le cynisme de l’ère économique en un lyrisme qui réenchante chaque geste, chaque souffle et chaque jour en l’intégrant à la grande chaînes des êtres, des formes et des instants qui unit le ciel à la terre et l’éternité au présent.
Les enfants du futur aux yeux de silence et d’intensité ne sont ni de droite, ni de gauche, ni du centre, mais du juste milieu. Leur sensibilité participe à ce milieu multidimensionnel – à la fois social, naturel et spirituel – dans lequel ils évoluent et dont ils sont partie prenante et apprenante. Ils ne cherchent pas à faire carrière mais à cheminer sur la voie initiatique de l’individuation qui est celle d’une intégration synthétique des éléments de ce milieu.
En actualisant leur puissance créatrice, ce processus d’individuation leur permet de se développer à travers des stades d’évolution successifs qui sont ceux d’une synthèse, d’une complexité et d’une intégration croissantes. L’initiation est intégration de l’altérité dans un processus évolutif et créateur.
Les Irréductibles
Les enfants du futur aux yeux de rêve et de révolte sont, avant tout, des irréductibles. Ils refusent l’empire et l’emprise d’une raison instrumentale qui, au prétexte de dominer la nature, en est venue à dominer l’humanité. L’homme total est ainsi réduit à une simple fonction économique qui le dissout dans ce que Marx nomme « les eaux glacées du calcul égoïste ».
Irréductibles, les enfants du futur sont les apostats de cette religion économique qui célèbre ses rituels archaïques en transformant en mental prédateur le flux créateur de la conscience. Cette religion profanatrice a remplacé l’être par l’avoir et l’avoir par une avidité qui exprime un profond vide intérieur. Ce vide existentiel nourrit les mirages de l’accumulation capitaliste, de la compulsion consumériste et la prédation productiviste.
La folle avidité de nos contemporains ne fait qu’exprimer une angoisse existentielle et une peur de la mort qui transforment la possession en obsession. Pour les enfants du Futur, la mort est métamorphose qui participe au cycle évolutif de la manifestation. Un retour aux sources irradiantes du mystère. La fin d’un phénomène qui se résorbe dans le noumène dont il procède comme le fleuve se jette dans l’océan et comme la fleur se projette dans son parfum.
L’ère éthonomique
Les enfants du futur aux yeux d'été et d’étoiles combattent les hiérarchies de domination pour affirmer une hiérarchie de développement et d’élévation à travers des stades successifs de complexité et d’intégration. Dans cette holarchie, ils reconnaissent un ordre multidimensionnel en évolution auquel chaque partie est connectée organiquement par une intuition sensible.
A la fin de l’ère économique correspond l’avènement de l’ère "éthonomique" où les valeurs éthiques de la convivialité sont la cause et la conséquence d’une dynamique collective fondée sur l’échange et la réciprocité, le partage et le don, la collaboration et la relation. La véritable abondance est un sentiment qui naît de la juste adéquation entre l’homme et son milieu. Une adéquation qui se manifeste sur le plan social par la triple obligation de donner, recevoir et rendre qui fut au cœur des sociétés traditionnelles.
Développer ce sentiment d’abondance nécessite de se libérer des fantasmes infantiles de l’ego qui exprime sa toute puissance à travers une culture de domination abstraite. En nous rendant tous ego, notre civilisation s’est prise au je. Elle doit aujourd’hui s’en dépendre et le dépasser pour donner toute sa place à l’autre qui le fonde. Si, selon Rimbaud : "Je est un autre", cet autre est un nous.
Le temps est venu de retrouver notre sixième sens : celui - fraternel - de la solidarité. Parce que nul n'est une île, toute conscience est collective. L'individualisme abstrait de la modernité doit se muer en une individuation concrète et sensible qui fonde la cosmodernité. Nous - l’esprit en grec - est source d’une intersubjectivité permettant à chacun de participer au Grand Jeu de l’Esprit qui se manifeste à travers le Kosmos en évolution.
Une intelligence connective
Fils d’une intelligence connective, les enfants du Futur sont à la fois singuliers et pluriels. Ils sont capables de recueillir et d’accueillir une multiplicité de sensations, de perceptions et de conceptions pour en faire un bouquet d’inspirations qui nourrit leur âme et développe leur connexion intérieure. Leur singularité créatrice naît de l’intégration de cette infinie diversité.
Chacun d’entre eux est le fil singulier d’un réseau interdimensionnel tissé par une conscience collective dont ils sont les interprètes actifs et créatifs. Leur éthique est une connéthique : pas une morale abstraite mais un sentiment intense de participer à un ensemble vivant, vibrant et évolutif.
Adossés à une verticalité essentielle, les enfants du futur n’identifient pas la fin aux moyens, la durée au temps, l’autorité à l’institution, ni l’évolution de l’être humain au progrès de la technique. Le projet créateur de l’intention n’est pas, selon eux, réductible au monde objectif de l’attention : il en est la source et l’amont.
La science du futur
Inspirés par un nouveau paradigme, les enfants du futur inventent des logiques et de langage novateurs. Leur intelligence intuitive intègre sensibilité concrète et raison abstraite. La science de demain, initiée par les pionniers d’aujourd’hui, intégrera explicitement la conscience humaine dans sa démarche et ressemblera aussi peu à la science d’aujourd’hui que la physique moderne ressemble à celle du dix-huitième siècle.
La science du futur ne se limite pas à des données quantifiables et mesurables. Elle enrichit l’attitude empirique, fondée sur l’observation des phénomènes, et l’attitude analytique, basée sur la compréhension des lois, par une connaissance intuitive, celle des principes qui régissent le monde des lois et des faits. Sensation, raison et intuition sont les trois yeux d’une connaissance intégrale. À la démarche rationnelle de la science actuelle, ils ajoutent une intuition opérationnelle qui fut au cœur des connaissances traditionnelles.
Les enfants du futur sont les pionniers d’une cosmodernité qui redonne à l’intuition créatrice la place souveraine usurpée par la raison instrumentale pour maintenir son emprise sur les consciences désenchantées. Il ne s’agit plus de se perdre dans une science sans conscience mais de retrouver, dans une conscience inspirée, cette gnose immémoriale qui révèle les corrélations secrètes entre l’esprit, l’énergie et la forme. Les attitudes scientifiques et spirituelles peuvent se réconcilier dans cette pensée intégrale qui emprunte à l’une la précision et la rigueur du savant et à l’autre l’intériorité et la connaissance de l’initié.
On nous parle de changement de paradigme comme
s’il s’agissait d’un avènement fatal. Il y a en fait deux émergences
simultanées en même temps que les paradigmes dominants sont toujours
présents. C’est là un des avatars de la crise de Sens. Elle nous place
devant la multiplicité des Sens mais aussi notre responsabilité d’avoir à
choisir.
Avec l’évocation d’un nouveau paradigme, on touche à une question essentielle pour comprendre la mutation de notre époque.
D’abord en cherchant à définir ce qu’est un paradigme, on verra que la crise des représentations pose le problème des paradigmes. En poussant l’analyse on verra que la crise de Sens est aussi une crise de paradigmes et que c’est là que se joue la question cruciale de l’émergence d’un, ou plutôt deux, nouveaux paradigmes mais aussi peut-être la régression de la dominance des anciens.
INTRODUCTION
1) QU’EST CE QU’UN PARADIGME
Il y a de nombreuses définitions. L’idée maîtresse peut être formulée ainsi :
- Un modèle ou exemple de référence commun à une communauté et à un ensemble de pensées et d’actions et qui lui donne une cohérence.
- Les principes fondamentaux, métaphysiques, philosophiques auxquels le modèle exemplaire renvoie.
2) LE NOUVEAU PARADIGME
Ce serait donc une nouvelle vision des choses et du monde, de nouvelles analyses et systèmes explicatifs (entraînant de nouvelles stratégies pour l’action).
L’idée de nouveau paradigme a été développée par Thomas KUHN (théorie des révolutions scientifiques), et par ailleurs on entend tout un discours où le "nouveau paradigme" émergerait d’évidence.
On le traque dans tous les domaines économie, gestion, science, modes de vie, exigences planétaires, mais dès qu’on en recherche le "modèle exemplaire" on découvre qu’il n’y a pas en général de cohérence sur le fond.
La "référence commune", c’est le mot de passe : le "nouveau paradigme". Ce n’est rien d’autre qu’un "paradigme à la mode". Alors que les enjeux pour l’homme sont fondamentaux à l’échelle d’un combat quasi eschatologique où il en va du devenir de l’humanité de l’homme.
Il nous faudra quelques détours et quelques refondations pour discerner les termes de l’alternative, dévoiler les clés et les armes de l’antihumanisme radical qui se justifie sous ces vocables et surtout dessiner les bases paradigmatique d’un nouvel humanisme radical.
Définissons rapidement quelques termes :
Paradigme :
- Un modèle exemplaire de référence,
- Les principes sur lesquels ils reposent.
Epistémologique :
- Qui traite de la théorie de la connaissance, c’est-à-dire en quoi consistent les connaissances et la façon de connaître.
Praxéologique :
- Théorie de la pratique, comment les choses se font, l’action agit et se maîtrise l’action.
Cette réflexion sur les nouveaux paradigmes nous entraînera sur quatre terrains éclairés par la théorie des Cohérences Humaines.
- Le terrain épistémologique où nous montrerons qu’une position épistémologique est une position de Sens, une disposition humaine orientée, "paradigmatique", en cohérence avec une position "praxéologique" et une position "éthique".
- Le terrain des alternatives épistémologiques dressant une carte des Sens pour lire la crise des Sens ou positions épistémologiques, crise des paradigmes.
- Le terrain du "nouveau paradigme" et du basculement dialectique dans lequel se situe la question.
- Enfin celui des enjeux fondamentaux avec les deux visages de l’antihumanisme radical et de l’humanisme radical. Celui-ci reste à fonder et on en évoquera en final quelques perspectives.
1) SENS ET POSITIONS EPISTEMOLOGIQUES
Selon la théorie des Cohérences Humaines qui en renouvelle le concept, le "Sens" est une "disposition d’être". Les hommes sont (au fond) des "êtres de Sens" (potentiellement libres, autonomes, auto-orientés).
Un sens est une disposition d’être, orientée :
- par laquelle le monde, la réalité prennent Sens (signification) et aussi leur contenu ("réalisation" de la réalité par con-Sensus) (épistémologie).
- par laquelle motivation, aspiration, valeurs, finalités, directions sont, posés, déterminés, choisis... (éthique),
- par laquelle s’ordonne la rationalité explicative des choses et la rationalité opérative (praxéologie).
En termes de connaissances on distinguera :
- Les modes de conscience de la réalité.
On remarquera que la connaissance "scientifique" correspond quelquefois seulement à l’un des six modes d’appréhension de la réalité.
- La conscience de Sens, Sens des réalités, qui n’est aucun des modes de connaissance précédent smais les transcende et les sous-tend.
Un paradigme correspond à une disposition de Sens partagée dans une communauté (conscient ou non le plus souvent) et aux formes et caractères spécifiques de référence par lesquels on appréhende alors les réalités (modèles et critères paradigmatiques).
2) ALTERNATIVES EPISTEMOLOGIQUES
La théorie des Cohérences Humaines met en évidence une typologie des grands Sens de l’humain pour ce qui est des visions et conceptions du monde, des interprétations du réel, des choses et de la connaissance elle-même.
Représentée sur une carte des Sens ou carte des cohérences épistémologiques, c’est aussi une carte des paradigmes dont on notera simplement quelques figures et quelques repères.
Aux questions qu’est-ce que l’homme, qu’est-ce que le monde, qu’est-ce qu’une chose, qu’est-ce qu’un paradigme, etc. on pourra rechercher une réponse différente selon que l’on se dispose dans tel ou tel Sens de la carte, que l’on adopte tel ou tel paradigme.
3) LE NOUVEAU PARADIGME
On notera l’opposition dialectique de la logique de possession et de puissance et de la logique de Raison Idéale dont l’opposition collusion a été prédominante jusqu’à l’époque moderne. Le fameux animal rationnel définissant l’homme. On ne savait plus s’il fallait doter l’animal d’un peu de vertu, domestiquer l’animal rationnellement (débats récent en Allemagne) ou bien refouler l’animal pour n’y voir plus qu’irrationnel, défaillance de la Raison, elle idéal de perfection(s). Ce débat, combat est encore aujourd’hui fort présent et tente quelquefois de se clore sur lui-même ignorant toute autre alternative.
Les tenants de la logique de puissance n’envisagent pas d’autres explications. Les tenants de la logique de rationalité idéale perdent de leur superbe, deviennent un peu paranoïaque et se confondent avec leur adversaire dans un combat contre tout ce qui bouge.
Cependant un basculement dialectique apparaît.
D’un côté la raison idéale s’abime en raison circulaire, sans vertu et la puissance se cherche dans la maîtrise des systèmes : économie, marchés, société, technologie, nature. C’est la logique de système, la "pensée unique" . Pour le naturalisme systémique, amoral et schyzophrène, l’environnement (le système) est au centre et le milieu est partout - pensée totalitaire. L’humanité en vient à être considéré comme "contre nature" (parasite), (cf. article de la Recherche, Juin 2000 "A l’aube d’une nouvelle écologie").
Se présentant comme approche globale, elle divise l’homme de lui-même (et les hommes entre eux, on peut montrer comment des pratiques qui en découlent construisent la zizanie en mettant en question l’altérité... des autres).
D’un autre côté, la Raison elle-même se met en quête de Sens, Sens de l’homme pour l’homme et la logique de puissance cherche du côté des vertus une nouvelle performance (montée en puissance du thème de l’éthique, de la qualité, des valeurs comme principes régulateurs, même dans les relations internationales).
A nouveau les interrogations sur l’homme, le devenir, réémergent et la mutation nous amène un visage de l’homme, comme personne et comme communautés, plus libre, plus autonome, plus responsable, plus fraternel, plus original (personnalité, culturalité) ce que les modèles "modernes", de la Raison idéale et, bien sur, les modèles matérialistes n’aiment pas en théorie et aussi en pratique.
Les logiques naturalistes de système souvent le disent et en nient la possibilité en même temps.
Il est difficile de prendre de la distance pour discerner des façons de pensée dans lesquelles on baigne depuis des siècles et d’autres dans lesquelles on baigne par l’actualité et les mouvements du temps.
La crise de Sens nous met en face de cela, discerner le Sens des paradigmes en présence, c’est-à-dire aussi discerner où ils mènent et quels sont leurs enjeux.
Or le discours sur le nouveau paradigme est trop souvent le contraire d’un discernement, on peut facilement trouver d’ailleurs des thèses qui se disent humanistes, d’un nouvel humanisme et qui défont radicalement toute humanité propre, capable de liberté, de discernement, de responsabilité (mais pas de culpabilité).
4) L’OPPOSITION PARADIGMATIQUE
Deux "visages" de l’homme se dessinent au travers de ces deux "nouveaux paradigmes" :
En conclusion le thème du nouveau paradigme met en évidence un changement profond par rapport aux "paradigmes" traditionnels dont on verra de plus en plus radicalement les remises en question.
Cependant la nouvelle dialectique qui tend à prédominer offre une alternative décisive où l’inconscience radicale de l’humain est proposée (avec une récupération systématique du langage vidé de son Sens) en opposition à une conscience radicale de l’humain au coeur de toute connaissance, toute éthique et toute réalisation humaine.
L’homme est au coeur des affaires humaines tel est le critère du paradigme d’humanisme radical qui est à édifier sur un terrain où au contraire, l’éradication de l’humain est de plus en plus souvent la méthode proposée.
C’est l’ambition de la théorie des Cohérences Humaines d’offrir concepts et méthodes pour un humanisme radical.
D’abord en cherchant à définir ce qu’est un paradigme, on verra que la crise des représentations pose le problème des paradigmes. En poussant l’analyse on verra que la crise de Sens est aussi une crise de paradigmes et que c’est là que se joue la question cruciale de l’émergence d’un, ou plutôt deux, nouveaux paradigmes mais aussi peut-être la régression de la dominance des anciens.
INTRODUCTION
1) QU’EST CE QU’UN PARADIGME
Il y a de nombreuses définitions. L’idée maîtresse peut être formulée ainsi :
- Un modèle ou exemple de référence commun à une communauté et à un ensemble de pensées et d’actions et qui lui donne une cohérence.
- Les principes fondamentaux, métaphysiques, philosophiques auxquels le modèle exemplaire renvoie.
2) LE NOUVEAU PARADIGME
Ce serait donc une nouvelle vision des choses et du monde, de nouvelles analyses et systèmes explicatifs (entraînant de nouvelles stratégies pour l’action).
L’idée de nouveau paradigme a été développée par Thomas KUHN (théorie des révolutions scientifiques), et par ailleurs on entend tout un discours où le "nouveau paradigme" émergerait d’évidence.
On le traque dans tous les domaines économie, gestion, science, modes de vie, exigences planétaires, mais dès qu’on en recherche le "modèle exemplaire" on découvre qu’il n’y a pas en général de cohérence sur le fond.
La "référence commune", c’est le mot de passe : le "nouveau paradigme". Ce n’est rien d’autre qu’un "paradigme à la mode". Alors que les enjeux pour l’homme sont fondamentaux à l’échelle d’un combat quasi eschatologique où il en va du devenir de l’humanité de l’homme.
Il nous faudra quelques détours et quelques refondations pour discerner les termes de l’alternative, dévoiler les clés et les armes de l’antihumanisme radical qui se justifie sous ces vocables et surtout dessiner les bases paradigmatique d’un nouvel humanisme radical.
Définissons rapidement quelques termes :
Paradigme :
- Un modèle exemplaire de référence,
- Les principes sur lesquels ils reposent.
Epistémologique :
- Qui traite de la théorie de la connaissance, c’est-à-dire en quoi consistent les connaissances et la façon de connaître.
Praxéologique :
- Théorie de la pratique, comment les choses se font, l’action agit et se maîtrise l’action.
Cette réflexion sur les nouveaux paradigmes nous entraînera sur quatre terrains éclairés par la théorie des Cohérences Humaines.
- Le terrain épistémologique où nous montrerons qu’une position épistémologique est une position de Sens, une disposition humaine orientée, "paradigmatique", en cohérence avec une position "praxéologique" et une position "éthique".
- Le terrain des alternatives épistémologiques dressant une carte des Sens pour lire la crise des Sens ou positions épistémologiques, crise des paradigmes.
- Le terrain du "nouveau paradigme" et du basculement dialectique dans lequel se situe la question.
- Enfin celui des enjeux fondamentaux avec les deux visages de l’antihumanisme radical et de l’humanisme radical. Celui-ci reste à fonder et on en évoquera en final quelques perspectives.
1) SENS ET POSITIONS EPISTEMOLOGIQUES
Selon la théorie des Cohérences Humaines qui en renouvelle le concept, le "Sens" est une "disposition d’être". Les hommes sont (au fond) des "êtres de Sens" (potentiellement libres, autonomes, auto-orientés).
Un sens est une disposition d’être, orientée :
- par laquelle le monde, la réalité prennent Sens (signification) et aussi leur contenu ("réalisation" de la réalité par con-Sensus) (épistémologie).
- par laquelle motivation, aspiration, valeurs, finalités, directions sont, posés, déterminés, choisis... (éthique),
- par laquelle s’ordonne la rationalité explicative des choses et la rationalité opérative (praxéologie).
En termes de connaissances on distinguera :
- Les modes de conscience de la réalité.
On remarquera que la connaissance "scientifique" correspond quelquefois seulement à l’un des six modes d’appréhension de la réalité.
- La conscience de Sens, Sens des réalités, qui n’est aucun des modes de connaissance précédent smais les transcende et les sous-tend.
Un paradigme correspond à une disposition de Sens partagée dans une communauté (conscient ou non le plus souvent) et aux formes et caractères spécifiques de référence par lesquels on appréhende alors les réalités (modèles et critères paradigmatiques).
2) ALTERNATIVES EPISTEMOLOGIQUES
La théorie des Cohérences Humaines met en évidence une typologie des grands Sens de l’humain pour ce qui est des visions et conceptions du monde, des interprétations du réel, des choses et de la connaissance elle-même.
Représentée sur une carte des Sens ou carte des cohérences épistémologiques, c’est aussi une carte des paradigmes dont on notera simplement quelques figures et quelques repères.
Aux questions qu’est-ce que l’homme, qu’est-ce que le monde, qu’est-ce qu’une chose, qu’est-ce qu’un paradigme, etc. on pourra rechercher une réponse différente selon que l’on se dispose dans tel ou tel Sens de la carte, que l’on adopte tel ou tel paradigme.
3) LE NOUVEAU PARADIGME
On notera l’opposition dialectique de la logique de possession et de puissance et de la logique de Raison Idéale dont l’opposition collusion a été prédominante jusqu’à l’époque moderne. Le fameux animal rationnel définissant l’homme. On ne savait plus s’il fallait doter l’animal d’un peu de vertu, domestiquer l’animal rationnellement (débats récent en Allemagne) ou bien refouler l’animal pour n’y voir plus qu’irrationnel, défaillance de la Raison, elle idéal de perfection(s). Ce débat, combat est encore aujourd’hui fort présent et tente quelquefois de se clore sur lui-même ignorant toute autre alternative.
Les tenants de la logique de puissance n’envisagent pas d’autres explications. Les tenants de la logique de rationalité idéale perdent de leur superbe, deviennent un peu paranoïaque et se confondent avec leur adversaire dans un combat contre tout ce qui bouge.
Cependant un basculement dialectique apparaît.
D’un côté la raison idéale s’abime en raison circulaire, sans vertu et la puissance se cherche dans la maîtrise des systèmes : économie, marchés, société, technologie, nature. C’est la logique de système, la "pensée unique" . Pour le naturalisme systémique, amoral et schyzophrène, l’environnement (le système) est au centre et le milieu est partout - pensée totalitaire. L’humanité en vient à être considéré comme "contre nature" (parasite), (cf. article de la Recherche, Juin 2000 "A l’aube d’une nouvelle écologie").
Se présentant comme approche globale, elle divise l’homme de lui-même (et les hommes entre eux, on peut montrer comment des pratiques qui en découlent construisent la zizanie en mettant en question l’altérité... des autres).
D’un autre côté, la Raison elle-même se met en quête de Sens, Sens de l’homme pour l’homme et la logique de puissance cherche du côté des vertus une nouvelle performance (montée en puissance du thème de l’éthique, de la qualité, des valeurs comme principes régulateurs, même dans les relations internationales).
A nouveau les interrogations sur l’homme, le devenir, réémergent et la mutation nous amène un visage de l’homme, comme personne et comme communautés, plus libre, plus autonome, plus responsable, plus fraternel, plus original (personnalité, culturalité) ce que les modèles "modernes", de la Raison idéale et, bien sur, les modèles matérialistes n’aiment pas en théorie et aussi en pratique.
Les logiques naturalistes de système souvent le disent et en nient la possibilité en même temps.
Il est difficile de prendre de la distance pour discerner des façons de pensée dans lesquelles on baigne depuis des siècles et d’autres dans lesquelles on baigne par l’actualité et les mouvements du temps.
La crise de Sens nous met en face de cela, discerner le Sens des paradigmes en présence, c’est-à-dire aussi discerner où ils mènent et quels sont leurs enjeux.
Or le discours sur le nouveau paradigme est trop souvent le contraire d’un discernement, on peut facilement trouver d’ailleurs des thèses qui se disent humanistes, d’un nouvel humanisme et qui défont radicalement toute humanité propre, capable de liberté, de discernement, de responsabilité (mais pas de culpabilité).
4) L’OPPOSITION PARADIGMATIQUE
Deux "visages" de l’homme se dessinent au travers de ces deux "nouveaux paradigmes" :
L’homme contre nature | L’humanité, nature des choses réalisées |
L’homme accusé | L’homme appelé à s’accomplir |
L’homme désarmé | L’homme appelé à cultiver sa maîtrise |
La tentation diabolisante | Le travail symbolique de réalisation révélatrice. |
L’hédonisme victimaire | La responsabilité engagée |
L’antihumanisme théorique "dissolution de l’humanité" dans le procès de connaissance | Conscience du Sens humain des réalités pour une appropriation responsable |
L’antihumanisme pratique, chasse au principe d’humanité par injonction de réduction au système (naturel, économique, "social"...). | Exercice de la maîtrise humaine de réalisation révélatrice dans l’accomplissement de vocations personnelles et collectives |
En conclusion le thème du nouveau paradigme met en évidence un changement profond par rapport aux "paradigmes" traditionnels dont on verra de plus en plus radicalement les remises en question.
Cependant la nouvelle dialectique qui tend à prédominer offre une alternative décisive où l’inconscience radicale de l’humain est proposée (avec une récupération systématique du langage vidé de son Sens) en opposition à une conscience radicale de l’humain au coeur de toute connaissance, toute éthique et toute réalisation humaine.
L’homme est au coeur des affaires humaines tel est le critère du paradigme d’humanisme radical qui est à édifier sur un terrain où au contraire, l’éradication de l’humain est de plus en plus souvent la méthode proposée.
C’est l’ambition de la théorie des Cohérences Humaines d’offrir concepts et méthodes pour un humanisme radical.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.