Leen Zevenbergen, ancien dirigeant de la SSII Origin et actuel président
de Qurius, a choisi de bousculer les règles de management classiques.
S’adonnant
à un véritable réquisitoire contre les méthodes de management
traditionnelles, Leen Zevenbergen, patron néerlandais de cinquante-deux
ans qui a fait ses preuves à la tête de prestigieuses entreprises dont
la SSII Origin (rachetée par Atos en 2000), relègue l’ordre établi qui
règne au sein des sociétés au rang de carcan. Les ordres, la hiérarchie,
les horaires établis constituent autant de freins à la croissance,
selon ce dirigeant, président depuis quelques mois de la société de
nouvelles technologies Qurius.Pour lui, le plaisir au travail est une
valeur d’entreprise. Une règle d’or exposée dans son dernier livre, «
Brûle ta cravate et danse » (ESF éditeur). Sa réponse à la question sur
son nombre d’heures hebdomadaires travaillées est éloquente :« Vu mon
plaisir au travail, je ne travaille jamais. »De fait, la frontière entre
sa vie privée et professionnelle a sauté. Une réunion avec des
collaborateurs peut se tenir à 10 heures un samedi avant un match de
football avec ses enfants. Ou vice versa. Et ce mode de fonctionnement
concerne aussi ses salariés, qui peuvent aller à la plage, jouer au
golf, recevoir leurs courriels personnels, inviter leur famille au
bureau ou ne rien faire, pourvu que les résultats soient au
rendez-vous.« Le débat sur les 35 ou les 40 heures n’a pas de sens.
Google l’a compris en laissant ses bureaux ouverts à ses salariés 24
heures sur 24 »,remarque ce patron hors normes, qui a fait un tour du
monde sac au dos avec ses cinq enfants voici deux ans.
«
Les entreprises doivent lâcher prise et les patrons faire en sorte de
permettre à l’énergie des salariés de remonter à la surface »,explique
Leen Zevenbergen, pour qui la motivation des employés est un maître
mot.« Le patron idéal doit être une source d’inspiration. Je passe un
quart de mon temps à parler à mes collaborateurs pour les motiver
»,insiste-t-il. Son principal objectif : faire place à la créativité à
tous les échelons de l’entreprise.« Un leadership dictatorial ne fournit
pas une source d’inspiration pour les talents. Pour les attirer, il
faut un environnement qui leur permette de s’exprimer. Je ne veux pas
qu’on attende mes ordres, cela n’est pas créatif »,explique Leen
Zevenbergen, dont tous les salariés disposent de cartes de visite
personnalisées par quatre mots qui leur sont chers.Et pourquoi, via un
livre, un tel coup de pied dans la fourmilière ?« Pour faire la preuve
que le management classique a vécu : la moitié des salariés en France et
aux Pays-Bas ne se plaisent pas au travail. Résultat, ils produisent
moins et sont moins avenants avec les clients »,répond Leen Zevenbergen,
pour qui l’équation« moins de règles égale plus de liberté »doit faire
foi dans l’entreprise. Ces griefs s’adressent principalement aux
dirigeants à l’ancienne qui savent tout et se croient indispensables.«
Si le patron se casse la jambe, cela doit-il empêcher l’entreprise de
fonctionner ? »questionne-t-il en ironisant.« Le patron qui fait en
sorte d’être indispensable se met à l’abri de tout licenciement et a
tendance à mettre ses collaborateurs sous carcan. »Crise ou non, les
recettes novatrices de « Brûle ta cravate et danse » pour créer de la
croissance sont à consommer sans modération. Les économies, les
réductions de coûts et les plans sociaux sont de faux remèdes, si l’on
en croit l’ouvrage du Néerlandais. « Si la situation économique est
mauvaise, les dirigeants doivent motiver encore plus leurs
collaborateurs pour produire davantage. Dans ce cas, chaque salarié
compte. Tout le personnel devient nécessaire pour amortir la mauvaise
conjoncture dans l’entreprise, même les je-m’en-foutistes
»,explique-t-il.Pour lui, le salarié qui ferait partie de la « première
charrette » en cas de plans de licenciement dans une entreprise
traditionnelle peut jouer un rôle social à la manière de la goutte
d’huile dans un moteur.« A côté de la structure de production d’une
société, il existe une structure sociale. Cette cohésion est assurée
grâce au rôle de certains salariés dont la productivité est parfois
faible. Les licencier n’est pas forcément le bon choix
»,remarque-t-il.Cette conception déroutante de la vie de l’entreprise
laisse peu de place aux actionnaires. Au mois d’avril, lors de sa
première assemblée générale devant les investisseurs de Qurius, certains
d’entre eux avaient d’ailleurs fait part de leurs inquiétudes à la
suite de déclarations déroutantes de leur nouveau président.« Une
cotation en Bourse n’est pas commode. En cela, je suis jaloux des
entreprises familiales »,avait-il concédé à des journalistes.
Didier Burg (aux Pays-Bas)
Selon
Leen Zevenbergen, président de Qurius, les ordres, la hiérarchieet les
horaires établis constituent autant de freins à la croissancedr Les
Echos Date : 01/09/2010
Page: 011 Section: Les stratégies
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