L'imitateur Gérald Dahan, spécialisé dans les canulars politiques, remet ça ! Sa nouvelle victime n'est autre que Nadine Morano, ancienne ministre UMP, en ballottage dans la 5e circonscription de Meurthe et Moselle.
Morano piégée au téléphone par l'imitateur
«Moi, je trouve que Marine Le Pen a beaucoup de talent», avoue-t-elle à celui qu'elle croit être Louis Aliot à l'autre bout du fil. Lorsque le faux responsable frontiste - alias Dahan - lui demande s'il est possible qu'ils trouvent tous les deux un arrangement pour un candidat FN en mauvaise position, Morano répond : «Ecoutez, M. Aliot, vous êtes très sympathique. Il faudrait qu'on parle de ça à un autre moment, parce que là, je suis en train de faire campagne (...) Ils vont nous foutre dans une merde comme jamais (NDLR: elle parle des socialistes). Parce que la droite et la gauche, c'est pas pareil. Ils vont nous mettre le droit de vote des étrangers (...) J'ai pas envie que ça devienne le Liban chez moi », s'exclame-t-elle.
Elle dénonce une «manipulation» du PS
Ce vendredi matin, Nadine Morano a annoncé qu'elle allait porter plainte : «Le Parti socialiste n'hésite devant aucune manipulation, aucun coup bas politique», a-t-elle dénoncé sur RTL. A deux jours du scrutin, l'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy y voit un contre-feu lancé après la tempête médiatico-politique déclenchée par le tweet de Valérie Trierweiler, la compagne de François Hollande. Elle accuse Dahan d'être avant tout «un militant socialiste» et d'avoir «truqué, coupé, monté» la séquence.
Morano traite Dahan «d'affreux menteur», il la taxe de «clown»
Elle assume, en revanche, ses propos sur Marine Le Pen, en précisant qu'il s'agit de talent «oratoire». Interrogé par Europe 1, Nadine Morano l'assure, Dahan a coupé cette précision. Parmi les passages selon elle tronqués, l'enregistrement original de la conversation comporterait le fait qu'elle dit : «On ne peut pas faire d'alliance avec vous parce que votre programme économique mènerait le pays à la ruine.»
Elle justifie l'expression : «Je n'ai pas envie que ça devienne le Liban chez moi» au nom de la lutte «contre le communautarisme». A ses yeux, rien de violent dans cette formule. «Moi, j'ai travaillé avec un parlementaire à l'époque, (...) j'ai vu les difficultés du Liban à ce moment-là, j'ai vu le communautarisme s'installer, j'ai vu les dérives, (...) je ne veux pas du communautarisme», avance-t-elle.
Dialogue de sourds entre les deux protagonistes mis en communication par Europe 1. Gérald Dahan attaque bille en tête en lançant : «Je rassure les fans de Nadine Morano qui seraient en manque, Nadine Morano ne fait pas que dire des conneries, elle arrive aussi à en tweeter.» Interrompu par Jean-Marc Morandini pour qu'il s'exprime sur le fond, l'humoriste n'a pas le temps de répondre que l'ex-ministre reprend la parole pour dénoncer «le comportement d'un militant politique», «profondément malhonnête». Dahan lui renvoie le compliment en la traitant de «clown». «Vous êtes un affreux menteur et un manipulateur du Parti socialiste», répète à plusieurs reprises la candidate aux législatives, alors que le trublion affirme
avoir «enlevé les moments où elle disait Bonjour à des gens ou des moments où elle me parlait de la vie privée».
Nadine Morano piégée par Dahan, symbole d'un flirt dangereux entre l'UMP et le FN
La position de l'UMP, entre "ni-ni" et rapprochements locaux, a marqué une campagne qui aura vu s'établir des alliances jusque-là délicates. Les accusations de collusion FN-PS qu'elle lance, relèvent quant à elles d'une escroquerie intellectuelle, selon Diego San, sympathisant PS.
À l’approche du second tour des élections législatives, le flirt entre l’UMP et le Front national se fait de plus en plus pressant. Faute de l’assumer, l’ex-parti majoritaire, ses dirigeants, une partie de ses candidats et nombre de ses militants se réfugient derrière des arguments qui relèvent tous un peu plus de l’escroquerie intellectuelle.
Équations hasardeuses
Il y a d’abord, bien sûr, l’équation niveau "la politique pour les nuls" : Front national = Front de gauche, sensée justifier le ni-ni prôné par Jean-François Copé, déjà démontée dans de nombreux articles et sur laquelle je ne reviendrai pas (j'en avais moi-même parlé ici, il y a longtemps).
Ensuite, "s’adresser aux électeurs du Front national n’est pas déshonorant, ce sont des électeurs comme les autres", nous serinent-ils à longueur de tribunes, de tweets, d’interviews. Pierre Moscovici a dit "je tends la main aux électeurs du Front national", François Hollande lui-même entre les deux tours de la présidentielle s’est adressé à eux sans que ça choque, s’insurgent-ils, criant au complot des médias dont chacun sait qu’ils ne sont qu’un nid de dangereux communistes.
Nous sommes entièrement d’accord, chers amis, il faut parler aux électeurs du Front national. Mais comme je me tue à le répéter, il y a deux façons de leur parler, qui distinguent, de façon extrêmement claire, les socialistes de l’UMP.
D’un côté, vous avez des Nadine Morano qui claironnent une "communauté de valeurs" avec ces électeurs et n’hésite pas à dire en substance : "nous pensons la même chose, votez pour moi". Soit la réplique alourdie de ce que Nicolas Sarkozy a tenté avec le succès que l'on sait pendant la présidentielle.
De l’autre, François Hollande jeudi, ou Pierre Moscovici aujourd’hui, qui disent à ces électeurs : "vous souffrez, mais vous vous trompez sur l’origine de vos difficultés et sur les solutions pour en sortir. Votez pour nous parce que nos solutions sont les bonnes".
Honte et respect
Ce jeudi encore, je fûs assailli à ce sujet sur Twitter par une horde d’UMPistes déchainés faisant semblant (du moins je l’espère, car en l’occurrence il s’agissait de gens non suspects de stupidité) de ne pas voir cette différence, et affirmant qu’Hollande devrait avoir honte car il a été élu avec des voix du FN.
Chers militants UMP, je ne nie pas que des électeurs du Front national aient voté pour François Hollande. Que parmi eux, même, des racistes aient pu voter pour François Hollande. Que des racistes, dimanche prochain, vont peut-être voter pour des candidats PS. Mais un élu ne devient pas ceux qui l’ont élu, dès lors qu’il n’a pas épousé leurs idées pour les séduire et les tromper. Un élu respectueux des électeurs défend ses propositions, ses positions, n’en bouge pas au gré du vent, gagne ou perd sur ses convictions, et les met en œuvre dans l’hypothèse où la majorité tranche en sa faveur.
Les idées nauséabondes ne sont pas une maladie transmissible dans l’urne, par le bulletin de vote, mais se contractent en amont de l’urne, par les mots prononcés. Ils hurlent encore au scandale dans l’Essonne, où le FN appelle à voter PS pour abattre NKM, coupable d’anti-lepénisme aux yeux de Marine Le Pen, criant à une alliance contre nature.
Je ne me réjouis nullement de cet appel de la présidente du Front national, et préférerais amplement que le candidat socialiste gagne sur ses seules valeurs, mais il n’a rien demandé, rien négocié, rien intégré des idées du Front national à son discours. Il ne peut être tenu responsable de cette situation, quand dans certaines circonscriptions, des membres de l’UMP se désistent explicitement au profit du FN ou appellent à voter pour ses candidats au nom, là encore, d’une convergence d’idées.
Dernier épisode de cet odieux feuilleton, le canular téléphonique de Gérald Dahan se faisant passer auprès de Nadine Morano pour Louis Aliot, numéro 2 du Front national, en quête d’un petit arrangement. Le procédé n’est certes pas glorieux, mais il a le mérite de braquer un projecteur sur la réalité crue des positions de l’ancienne ministre. Celle-ci a beau crier au complot socialiste, il n’en reste pas moins que personne ne l’a forcée à prononcer les mots qu’elle a prononcés.
L’imitateur ne faisant pas les questions et les réponses, c’est bien Nadine Morano, et personne d’autre, qui a dit "je suis d’accord avec vous sur plein de sujets de société". C’est bien elle et personne d’autre qui a craint que "ça devienne le Liban" chez elle. C’est bien elle qui a laissé entendre que si ça ne tenait qu’à elle, on gambaderait main dans la main. C’est bien elle qui a conclu l’échange par la promesse d’un prochain rappel.
Oui, il y a bien deux attitudes diamétralement opposées face au Front national et à ses électeurs. Les observant, je suis fier d’appartenir au camp de la dignité.
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