Le 30 novembre 2011 débutait le procès de l’ancien frère Pierre-Etienne Albert pour agressions sexuelles aggravées sur mineurs. Procès très médiatisé à cause de l’ampleur des méfaits — en vingt ans, le religieux a abusé de cinquante-sept enfants âgés de 4 à 10 ans — et en raison de la personnalité déroutante de l’accusé, qui n’a cessé de clamer sa volonté de repentir sans avoir jamais un seul mot pour les victimes.
Criminel honteux avide de rédemption ou prédateur
cynique et calculateur ? La question est finalement anecdotique pour les
auteurs de cette enquête sobre et terrifiante. Ceux-ci placent leur
focale sur la responsabilité des dirigeants de la communauté des
Béatitudes, à laquelle Pierre-Etienne Albert appartenait, qui regroupe
familles laïques et religieux. A plusieurs reprises, le moine pédophile a
alarmé ses supérieurs de son penchant sexuel, lesquels ont continué de
le laisser évoluer librement au contact d’enfants, sans avertir les
familles ou la justice. Certains hiérarques du clergé français, plus
soucieux de l’image de l’Eglise que de la protection de potentielles
victimes, ont eux aussi couvert les agissements criminels de cet
ex-toxico converti, considéré comme un miraculé.
Fort de nombreux témoignages, le film dénonce la
position que l’Eglise a longtemps tenue, et tient encore souvent, sur la
pédophilie de certains de ses membres.
D’ici quelques mois, le Vatican va reconnaître
officiellement une petite communauté religieuse très discrète fondée en
1973, les Béatitudes. Pourtant à bien des égards, cette communauté de
quelques milliers de membres sent le souffre.
Ephraïm, fondateur des Béatitudes
Ces fidèles vivent ensemble, comme les premiers disciples du Christ, des
laïcs, des familles avec enfants, des prêtres et des sœurs consacrées.
Les Béatitudes ont été fondées par Gérard Croissant, qui se fait depuis
appeler frère Éphraïm.
Ce diacre est un personnage charismatique, il a des visions et Jésus a
même réalisé devant lui plusieurs miracles « des multiplications de
pains et de yaourts au chocolat », etc.
Il a aujourd’hui disparu de la circulation, suspendu par le Vatican pour
des dérives de mœurs (des liaisons avec plusieurs religieuses).
D’ailleurs sur bien des aspects cette communauté ne semble pas « très
catholique ».
Georges Fenech Président de la Mission interministérielle de vigilance
et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), est même formel :
les dérives sectaires sont claires et avérées : emprise psychologique,
dérives financières, soumission au berger, abus sexuels.
En quelques années, les béatitudes sont pourtant parvenues à bâtir un
« Empire » : une constellation de 77 communautés dans 26 pays sur les 5
continents. Éphraïm a placé tous ses proches aux postes clés, notamment
la gestion des finances. La communauté est souvent citée parmi les dix
« sectes » les plus riches du monde. Elle possède un patrimoine
immobilier important (châteaux, gites, maisons, parcs) qu’elle gère
grâce à de nombreuses associations ou sociétés écran. François Bayrou
compte parmi les sympathisants de cette étrange communauté.
PARIS, 26 nov 2011 (AFP) - Du laïc portant l’habit
monastique au "consacré" vivant comme un laïc, la Communauté des
Béatitudes, fondée en 1973, a longtemps pratiqué une confusion des
genres à laquelle le Vatican a décidé de mettre un terme.
Le procès pour pédophilie qui s’ouvre le 30 novembre à
Rodez est l’un des plus douloureux avatars de ce mouvement issu du
Renouveau charismatique, forme d’expression joyeuse de la Foi née dans
la mouvance de Vatican II.
Ce n’est pas le seul.
Récemment, Mgr Michel Santier, évêque de Créteil, a
soulevé la chappe de plomb qui pesait sur certaines communautés
religieuses en stigmatisant leurs "thérapies psycho-spirituelles",
citant explicitement les Béatitudes.
Les pratiques "psy-spi", issues du New Age et du
pentecôtisme, consistent à rechercher dans le passé d’une personne,
voire dans sa généalogie, les causes traumatiques à l’origine de son
mal-être.
Elles reposent sur les "souvenirs induits" par un
thérapeute autoproclamé. Il faut prier Dieu de visiter cette mémoire
afin de couper les mauvaises branches du passé familial, de libérer ses
aïeux qui sont au purgatoire.
"Le risque, soulignait l’évêque de Créteil, est qu’une
personne en proie à des difficultés psychologiques peut imaginer,
affabuler et se retourner en accusatrice contre sa famille. Les plaintes
qui sont remontées de ces pratiques, nous proviennent de parents
complètement catastrophés."
Devant l’ampleur des plaintes
reçues, le Centre Contre les Manipulations Mentales (CCMM), a créé en
2010 un "collectif des victimes du psycho-spirituel".
Dans une démarche de "repentance et de purification de
(la) mémoire" des Béatitudes, le Frère Henri Donneaud, dominicain et
nouveau responsable, a promis "un processus d’assainissement et de
restructuration".
Frère Ephraïm
Il reconnaît "les fragilités, les défauts, les dérives qui ont gravement
affecté sa croissance : des pratiques psycho-spirituelles mal
équilibrées, une confusion dans la vie commune des différents états de
vie, des problèmes de gouvernance, de graves délits commis par certains
de ses membres".
Une enquête de Canal+, "Les Béatitudes : une secte aux
portes du Vatican", dénonçait ce mois-ci des conditions de vie plus que
précaires de communautaires -froid, nourriture avariée-, qui, ayant fait
voeu de pauvreté, léguait tous leurs biens à la Communauté.
Laquelle disposerait d’un très confortable patrimoine
immobilier en France et à l’étranger : une vingtaine de châteaux ou
monastères, de nombreux lieux de culte.
"La Communauté ne possède pas un tiers des maisons dans
lesquelles elle vit", s’est défendu auprès de l’AFP un porte-parole des
Béatitudes.
Comment les Béatitudes, nées dans l’élan du Renouveau
charismatique avec un idéal de rayonnement spirituel et apostolique,
capable de toucher jusqu’aux incroyants, a pu en arriver à se faire
accuser de "dérive sectaire" par la Miviludes (Mission
interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives
sectaires) ?
"La Miviludes a lancé un appel sérieux de mise en cause
(...). Sous la conduite énergique du Saint-Siège, la Communauté a mis
fin à ce qui pouvait donner prise aux critiques de dérives sectaires.
C’est du passé", a confirmé à l’AFP le porte-parole des Béatitudes.
Le fondateur des Béatitudes, Gérard Croissant, dit
"Frère Ephraïm", a été évincé en 2008. Un de ses bras droits, Bernard
Dubois, pédiatre et psychothérapeute autoproclamé, a également quitté
les Béatitudes, mais dispense de coûteuses sessions d’"agapéthérapie" au
Puy-en-Velay (Haute-Loire) et dans les carmels.
Avec 150 prêtres, 400 religieux et laïcs, plusieurs
milliers de fidèles et de donateurs, la Communauté est présente dans 70
établissements, sur 5 continents.
Source : AFP
Plusieurs responsables de la communauté ont reconnu
avoir été au courant des agissements du chantre, qui "n’est ni prêtre ni
diacre" selon la communauté, entré aux Béatitudes à l’âge de 25 ans, et
n’ont rien dit : tel le fondateur de la communauté, Gérard Croissant,
alias frère Ephraïm. Ils devraient être entendus comme témoins.
TOULOUSE, 26 nov 2011 (AFP) - Le frère Pierre-Etienne
Albert, ancien membre de la communauté des Béatitudes qui a reconnu des
attouchements sur une cinquantaine d’enfants, se retrouvera mercredi
face à neuf de ses victimes, des femmes et des hommes, devant le
tribunal correctionnel de Rodez.
Poursuivi pour agressions sexuelles sur mineurs,
Pierre-Etienne Albert, 60 ans, comparaît libre. Il était le chantre de
la communauté, en charge des chants et de la liturgie. Il avait un
ministère itinérant qui l’amenait dans les dizaines de "maisons" de la
communauté, qui revendique en avoir fondé 70 sur cinq continents.
Il a multiplié attouchements, caresses, baisers sur une
cinquantaine d’enfants de 5 à 14 ans, dans toute la France, entre 1985
et 2000. Mais nombre d’entre eux ne peuvent pas le poursuivre en
justice, en raison des délais de prescription pour ce type de délit.
Seuls 38 dossiers peuvent être instruits.
Ce procès "arrive très tard" alors que les faits ont été
dénoncés dès 2000, déplore Stéphane Mazars, l’avocat d’une des
plaignantes, Solweig Ely : saisi cette année-là, le tribunal d’Avranches
(Manche) s’était déclaré incompétent et le dossier est resté dormant
jusqu’en 2008.
"Les faits ne sont pas gravissimes", estime l’avocate du
frère Pierre-Etienne, Me Elisabeth Rudelle-Vimini, qui parle de "gestes
déplacés" pour lesquels son client risque dix ans de prison. "Il est
conscient du mal qu’il a fait et il a des regrets", ajoute-t-elle.
Pour Me Mazars, dont la cliente vient de publier un
livre intitulé "Le silence et la honte" sur sa "vie brisée", Solweig Ely
veut savoir "pourquoi il y a eu dysfonctionnement de la justice,
pourquoi certains ont su et n’ont rien fait..."
"Mon client veut arriver à déterminer pourquoi ces faits
ont été commis sur tant de victimes et si quelqu’un savait", note
également pour sa part l’avocat d’une autre victime, Me François-Xavier
Berger, qui a cité comme témoin l’ancien archevêque d’Albi de 2000 à
2010, Pierre-Marie Carré.
Son client, aujourd’hui âgé de 24 ans, a été victime
d’attouchements à une seule reprise, et ne s’en est pas rendu compte
parce qu’il dormait. Il l’a appris quand son nom est apparu sur la liste
rédigée par le prévenu lui-même, et "s’est senti sali", selon Me
Berger.
Les parents hébergés dans les centres des Béatitudes
"déléguaient leur autorité parentale pour se consacrer à la dévotion",
note Me Elisabeth Rudelle-Vimini. Beaucoup ont eu "une enfance fracassée
par leur famille, ils ne peuvent pas faire retomber sur le frère
Pierre-Etienne l’origine de tous leurs malheurs", estime-t-elle.
A la veille du procès, la communauté "reconnaît" dans un
communiqué que "des actes très graves ont été commis" par "cet ancien
frère consacré, qui n’est ni prêtre ni diacre (...) très proche du
fondateur Ephraïm". Elle "tient à exprimer aux victimes et à leur
famille sa douleur, son regret, sa honte devant de tels abus".
Mis en examen et placé sous contrôle judiciaire, en
février 2008 à Rodez, l’accusé vit "isolé, entouré de proches, sans
contact avec des enfants", et "il est dans une démarche de soins et de
repentir", selon son avocate.
Le procès devrait durer deux jours.
Source : AFP Par Guy CLAVEL
JUSTICE - A 62 ans, il comparaissait pour des agressions sexuelles sur de nombreux enfants entre 1985 et 2001...
Cinq ans de prison pour le religieux pédophile. C'est la peine qui a été prononcée ce jeudi à l'encontre du père Pierre-Etienne Albert, accusé d'agressions sexuelles contre des enfants de sa communauté religieuse. La peine maximale de dix ans de prison avait été requise plus tôt dans la journée.>>Lire ici le témoignage d'une ancienne victime
Ce prêtre, aujourd'hui âgé de 62 ans et revenu à la vie civile, comparaissait depuis mercredi devant le tribunal correctionnel de Rodez (Aveyron) pour une série d'agressions sexuelles commises entre 1985 et 2001 sur 38 anciens pensionnaires mineurs de sa communauté, les Béatitudes.
«Cet homme est un véritable pédophile, un prédateur dangereux»
Dans son réquisitoire, le procureur Yves Delpérié a demandé à la cour la peine maximum prévue par la loi «parce que cet homme est un véritable pédophile, un prédateur dangereux». «Vos actes terribles, monsieur, vous les avez commis grâce à votre robe de bure qui incitait les enfants à la confiance, au silence. C'est une circonstance aggravante. Vous les avez salis à vie», a déclaré le magistrat.«Alors partez en prison pour dix ans, monsieur. C'est le maximum. Et emmenez avec vous votre longue liste de victimes. Quant à vos pleurnicheries, vos excuses, vos remords à la barre, sachez qu'elles m'ont écoeuré», a conclu Yves Delpérié. L'avocate de l'ancien prêtre, Elisabeth Rudelle-Vimini, avait entamé sa plaidoirie en évoquant «la solitude, les remords, les demandes de pardon» de son client.
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