La statue et le tyran
Les idéaux sont exigeants. Leurs lois haut juchées ne
laissent pas de place aux amendements. Non négociables, les valeurs qui leur
sont opposées sont écartées. Ecrits en majuscules, gravés dans le marbre, ils
tolèrent peu les écarts.
En France La Liberté est une statue qui brandit si haut
sa flamme que la plus petite inflexion est perçue comme une grave atteinte.
Alors, pensez donc, quand on parle aux Universitaires
d’évaluation, il ne saurait en être question sous peine de tyrannie. Entre
statue et tyran, le coeur balance, on ne sait lequel prendre....
Jung quant à lui invite à rechercher « [...] un
état de conscience qui n’est pas dominé par ses contenus. Ces contenus
attaquent notre conscient avec le feu du désir et nous en devenons possédés.
Pour cette raison, il faut, pour ainsi dire, vider le conscient de ces contenus
qui nous dominent par leur puissance. Ou, s’il doit y avoir quelque chose, que
ce soit comme des poissons dans un étang. Les poissons ne sont pas les maîtres
de l’étang. ILs n’en sont que des contenus et ainsi ne peuvent lui imposer leur
loi. L’étang est la raison d’être de ces poissons, il est le contenant qui les
contient. Eux ne contiennent pas la mare - encore qu’il y ait toujours des
poissons qui souffrent de mégalomanie, qui pensent que ce sont eux qui
contiennent la mare, qu’ils sont capables d’en boire toute l’eau et ainsi de la
contenir dans leur ventre enflé. »
C.G JUNG, L’analyse des rêves, p. 226,Tome 2, Albin
Michel,
L’individu confraternel
Au cours de l’interview Régis Debray, qualifie de petit le
« moi-je » et demande à ce qu’il soit dépassé pour se serrer les
coudes et pour que fraternité il y ait. Seulement il ne faut pas oublier que le
sentiment du moi-je donne ses fondations et son sentiment d’unité à l’individu,
le dépasser pouvant entraîner perte de substance et de délimitation.
D’ailleurs Régis Debray a bien conscience de cette perte possible
quand il ajoute que, pour qu’il y ait fraternité, on doit se retrouver dans une
marginalité ou une opposition, afin de se se refermer, être entre soi et
établir des frontières. Dans ces conditions, il est forcé de constater que pour
s’unir dans la fraternité, il faut un adversaire ! Curieuse fraternité.
La faute à l’idée de dépasser le « moi-je » pour créer un
lien de parenté. Communion d’esprit et sentiment d’individualité peuvent faire
bon ménage en tenant à l’intérieur de soi une chose et son contraire. Cette coïncidence
des opposés en accordant autant de valeur au lien à soi-même et à celui
qu’on entretient avec ses frères, donnerait naissance à un individu
confraternel qui n’aurait pas besoin, pour s’unir à d’autres, d’un bouc
émissaire.
Enfin Jung nous avertit du danger d’oublier son petit
« moi-je » dans la masse :
C’est un fait
évident que la moralité d’une société, prise dans sa totalité, est inversement
proportionnelle à sa masse, car plus grand est le nombre des individus qui se
rassemblent, plus les facteurs individuels sont effacés et du même coup aussi
la moralité qui repose entièrement sur le sentiment éthique de chacun et, par
le fait même, sur la liberté de l’individu, indispensable à son exercice. C’est
pourquoi tout individu , en tant que membre d’une société, est inconsciemment
plus mauvais, dans un certain sens, qu’il ne l’est lorsqu’il agit en tant
qu’unité pleinement responsable. Car fondu dans la société, il est en une
certaine mesure libéré de sa responsabilité individuelle."
C. G JUNG, in
« l’Ame et la vie », Ed.Buchet Chastel, Paris ,1963, p.220,221
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